Séance du
vendredi 26 avril 2002 à
17h10
55e
législature -
1re
année -
7e
session -
33e
séance
PL 8558-A
Premier débat
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Il s'agit d'un dossier assez particulier. En effet, ce crédit extraordinaire résulte d'une série de décisions prises par la Compagnie générale de navigation, notamment la «revaporisation» de la flotte historique.
Au départ, elle estimait pouvoir «revaporiser» tous les bateaux. Une première expérience a été décidée par la CGN, et il est utile de rappeler que cette décision a été prise après une série d'actions menées par la CGN, notamment l'appel à de nouveaux actionnaires qui se sont engagés financièrement en faveur de la «revaporisation» de la flotte historique du lac Léman. Mais cette «revaporisation» a posé toute une série de problèmes. En effet, la «revaporisation» du bateau «Montreux» - la première expérience de ce type - avait été estimée au départ à 4,5 millions de francs. Mais, quand cette unité a été mise en chantier, des problèmes très sérieux ont surgi au cours des travaux: l'état dans lequel se trouvait le bateau était plus mauvais que prévu. Il en était de même pour tous les bateaux de cette flotte historique. Au départ, on avait pensé pouvoir les «revaporiser» en mettant à l'intérieur une machine Sulzer. Entre parenthèses, ces machines ne peuvent plus être fabriquées aujourd'hui. Il n'est donc plus possible de procéder à la «revaporisation» de ces bateaux faute d'entreprises capables de faire ce type de travail. On a alors pensé pouvoir changer le mode de propulsion, mais, ce faisant, on a fini par refaire l'ensemble du bateau... Il ne restait quasiment plus que la carcasse d'origine. Toute la serrurerie, les boiseries, etc., ont dû être refaites. Le résultat est magnifique, mais ce travail a coûté bien plus du double des crédits engagés au départ - près d'une dizaine de millions de francs.
Par ailleurs, l'exploitation d'une telle unité fonctionnant à la vapeur sur le lac Léman engendre d'autres problèmes, car il faut préparer le bateau, chauffer les chaudières pendant des heures avant le départ, etc. La «revaporisation» de ces bateaux est certainement une très bonne idée au niveau de l'impact touristique et de l'attrait que cela représente, car le lac Léman est un des rares lacs - c'est presque unique au monde - à avoir une flotte historique. Celle-ci est composée d'une dizaine de bateaux, qui sont malheureusement tous dans un état très critique. A tel point que l'autorisation de naviguer a été retirée il y a quelques mois à l'un des bateaux, «L'Helvétie» pour ne pas le nommer. L'entretien de tels bateaux est un réel problème.
Les personnes intéressées par le maintien de cette flotte historique - je pense que c'est aussi le rôle des collectivités du Léman de la faire perdurer - rencontrent bien évidemment des problèmes financiers. D'autres cantons suisses se sont lancés dans le même type d'opérations, je pense notamment au bateau «Blumisalp» sur le lac de Thoune. Ceux qui ont l'occasion d'aller à Berne ont certainement vu que le bateau «Blumisalp» était représenté sur certains trams et qu'un appel avait été lancé afin de financer la «revaporisation» de ce bateau et de reconstituer la flotte historique du lac de Thoune. Cet appel a été très largement entendu par les collectivités et le bateau a pu être refait. A tel point, du reste, que les sommes récoltées ont dépassé les montants nécessaires à la remise en état de ce bateau et qu'une partie de cet argent a été reversée pour le percement du tunnel du Lötschberg. Cette opération avait été bien préparée, ce qui explique sa réussite.
Malheureusement, il n'en a pas été de même pour la CGN et l'expérience qui a été faite avec le «Montreux» pèse très lourdement sur le budget de la compagnie. Nous devons rester attentifs à ce problème, parce que nous serons certainement appelés à discuter à nouveau de cette «revaporisation», d'autant plus, comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, que des actionnaires et des associations actives se sont engagés pour maintenir cette flotte.
Ce dépassement de plus de 6 millions de francs doit être épongé aujourd'hui ,alors que les crédits n'ont pas été prévus... Cela signifie que les collectivités qui financent la compagnie - le canton de Vaud, le canton de Genève, le Valais, selon un pourcentage bien défini qui est de 26,45% pour notre canton - doivent couvrir ce déficit pour éponger des dépenses qui ont été engagées sans même qu'on leur demande leur avis. Personne ne remet en cause ce qui s'est fait. Le «Montreux» est une magnifique unité, qui navigue aujourd'hui et qui fait l'admiration de tous, mais le problème financier, lui, reste posé.
Autre problème important lié à cette flotte: le rôle de la CGN et son image à Genève, dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises. Je veux parler de la suppression de certains arrêts à Genève et du fait qu'il ne reste plus qu'une seule halte. La CGN a également supprimé certains bateaux à Genève et seuls des petits bateaux continuent à naviguer. Malheureusement, la flotte historique que nous finançons aujourd'hui ne navigue pas à Genève et donc les Genevois n'ont pas l'occasion d'en profiter. Les derniers catalogues de la CGN qui sont sortis il y a deux ans ne portaient du reste même plus la mention de Genève... Les bureaux de la CGN à Genève ont aussi été supprimés. (Brouhaha.)
Des interventions énergiques ont permis de corriger un peu le tir et il a été décidé de maintenir... (M. Serex imite la sirène d'un bateau.)
Le président. Monsieur Serex, s'il vous plaît !
M. Jean Spielmann. Oui, j'attendais justement que vous fassiez une remarque à M. Serex !
Le président. Monsieur Spielmann, vous devez conclure !
M. Jean Spielmann. Le problème qui se pose maintenant, c'est que nous allons financer une compagnie qui se retire de Genève, ce qui n'est pas seulement dommageable pour Genève mais bien pour la CGN elle-même. En effet, Genève représente un très fort potentiel financier: entre autres, plus de 90 000 conférenciers s'y déplacent et les effets induits sont considérables; les restaurants et les sorties sur le lac sont également très attractifs. C'est donc une erreur de vouloir supprimer les bureaux de la CGN à Genève. On parle également d'enlever le bateau-restaurant «Valais» qui se trouve au Jardin anglais et de ne pratiquement plus desservir Genève... La CGN a corrigé le tir après les interventions qui ont été faites et les bateaux naviguent de nouveau à Genève, mais malheureusement cette flotte historique ne viendra pas ici.
Personne n'a contesté ce crédit, ni en commission ni ici. A mon avis, il faut saisir cette occasion pour donner un signe fort à la CGN et lui dire que, si nous sommes d'accord de participer financièrement, nous lui demandons en retour d'utiliser le potentiel de Genève, en maintenant les bateaux-restaurants, les arrêts et les bureaux, ce qui permettra aux Genevois de profiter de ces bateaux. Il faut donc... (M. Serex continue à imiter la sirène d'un bateau.)
Le président. Monsieur Serex, s'il vous plaît ! Monsieur Spielmann, vous avez déjà dépassé votre temps de parole d'une minute !
M. Jean Spielmann. Il faut donc reconditionner l'orientation de la compagnie - j'en aurai terminé ainsi - et lui demander de nous rassurer et de nous garantir que le financement que nous accordons aujourd'hui correspondra à une volonté de sa part de maintenir les bureaux à Genève, les bateaux, et de prévoir d'y faire venir la flotte historique, ce qui n'est pas prévu dans le catalogue des horaires. Nous devons donner un avertissement très fort à la CGN pour qu'elle comprenne que, si elle ne fait pas ce que nous attendons d'elle, nous ne pourrons plus assurer la participation du canton de Genève au financement de ses activités.
M. Jean-Marc Odier (R). Je remercie M. Spielmann pour son excellent rapport, où figurent des informations qui vont au-delà des discussions en commission.
Le groupe radical votera ce projet de loi. Par contre, il aimerait bien faire quelques remarques de manière à ce que le Conseil d'Etat entende les quelques bémols que nous voulons apporter...
Tout d'abord, nous sommes très étonnés de devoir voter une telle somme aujourd'hui, somme qui a été dépensée sans que nous en ayons été informés.
Ensuite, il est dit dans ce rapport qu'un business plandevait être établi à la fin 2001. Je ne sais pas si c'est le cas, mais je ne trouve pas cela tout à fait normal non plus, sachant que ce n'est pas le dernier bateau qui devra être restauré.
A ce sujet, je pense que le canton de Genève - les autres cantons romands devraient en faire autant - devrait passer un contrat de prestations comportant certaines exigences: des lignes en nombre suffisant à Genève, le maintien des bureaux, une promotion commerciale pour tout le monde et non pas réservée aux personnes aisées. On m'a expliqué, par exemple, que les repas servis sur ces bateaux n'étaient pas vraiment accessibles pour tous les budgets. Il faudrait donc obtenir une offre diversifiée et un contrat de prestations, avec les autres cantons, de manière à maintenir l'activité de ces bateaux à Genève. Voilà ce que je tenais à dire.
Le groupe radical votera bien évidemment ce projet de loi, tant il trouve important de maintenir les bateaux à vapeur à Genève.
M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais remercier M. Spielmann, non seulement pour son rapport, mais aussi pour les commentaires qu'il vient de faire, qui, même s'ils vous ont paru un peu longs, Monsieur le président, étaient vraiment nécessaires à la compréhension du problème qui nous est posé.
Je voudrais aussi remercier M. Spielmann de s'être beaucoup démené pour secouer la CGN.
Je me rallie à tout ce qui a été dit, notamment par M. Isoz... (L'orateur est interpellé par M. Odier.)Oh, excusez-moi, mais M. Isoz était toujours assis à cette place, alors j'ai fait la confusion ! (Rires.)
Une voix. Ce n'est pas tout à fait la même génération !
M. Claude Blanc. Excusez-moi, Monsieur Odier, de vous avoir confondu avec M. Isoz ! J'espère que vous ne m'en voudrez pas ! Que disais-je ? Je voulais me rallier aux propos tenus par M. Odier au sujet du contrat de prestations avec les autres cantons, mais je ne voudrais pas qu'on oublie que le lac Léman est un lac international, comme les Français savent bien le dire... Et nous constatons une fois de plus - c'est le cas dans divers domaines, mais celui-ci est important - que la France bénéficie des retombées économiques que représente la CGN. Il n'est qu'à voir le nombre de personnes qui prennent le bateau soit dans le canton de Vaud soit à Genève pour aller manger des filets de perches du côté de la Savoie, du côté d'Yvoire et autres, où il y a, d'ailleurs, d'excellents restaurants. On peut dire que les Français profitent autant que nous des retombées de la CGN et nous ne voyons pas pourquoi ils continueraient à être absents de son financement. Il y a des choses à revoir de manière à ce que cette compagnie soit vraiment une compagnie internationale, puisqu'elle travaille sur un lac international et qu'elle dessert des cités des deux pays. Il n'y a pas de raison que cela continue ainsi et j'invite le Conseil d'Etat à insister auprès des Français pour qu'ils aient une attitude plus positive et qu'ils ne se dérobent pas à chaque fois qu'il s'agit d'ouvrir leur porte-monnaie !
M. Gilbert Catelain (UDC). Je voudrais dire que nous sommes entièrement d'accord avec la position de M. Odier, du parti radical. Nous sommes aussi assez d'accord avec M. Spielmann qui a fait de bonnes remarques. J'ai pu constater, du reste, qu'il était favorable à un contrat de prestations...
Une voix. Comme à l'aéroport !
M. Gilbert Catelain. Oui, comme à l'aéroport ! Je trouverais bien qu'il le soit aussi dans le domaine social. Dommage qu'il n'ait pas voté tout à l'heure le contrat de prestations pour la Fondation Phénix, mais je pense que cela changera dans les prochaines semaines... Finalement, seul le PDC est opposé à ce contrat de prestations.
La loi 8558 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.