Séance du
jeudi 25 avril 2002 à
20h30
55e
législature -
1re
année -
7e
session -
31e
séance
R 456
Débat
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). L'objectif de cette résolution est d'offrir un espace neutre et symbolique, où une délégation de paix entre Israël et la Palestine puisse se réunir et examiner des solutions de paix. Si l'on veut être crédible, on doit rester modeste devant une situation aussi complexe, qui fait appel à autant de paramètres différents. Il ne s'agit pas pour nous de débattre sur les solutions à adopter ou sur des coupables à désigner, mais il est simplement apparu très important à une large majorité de ce Grand Conseil que Genève, ville internationale qui bénéficie d'une longue tradition de dialogue au niveau mondial et qui abrite le siège de l'ONU, le CERN et de nombreuses organisations internationales, donne un signe de recherche de paix à un conflit dont l'horreur humaine nous interpelle tous. Tout à l'heure, 1200 jeunes ont signé une pétition, qu'ils ont déposée au Grand Conseil et qui va exactement dans le même sens que cette résolution. Cette pétition précise aussi que la violence extrémiste ne résout pas un conflit. Ces jeunes veulent avant tout que deux peuples puissent vivre dignement et en paix et que Genève s'engage pour cela en tant que République.
Aussi, je vous invite à accepter cette résolution et à la renvoyer au Conseil fédéral.
Le président. Monsieur Weiss, au-delà de vos interpellations un peu longues, arrêtez d'appuyer sur le bouton du Conseil d'Etat ! Je ne pense pas que M. Lamprecht souhaite prendre la parole pour le moment...
M. Antoine Droin (S). Je rejoins les propos de Mme Leuenberger. J'aimerais simplement rappeler que Genève a un passé riche dans les conflits internationaux et dans la médiation internationale. Nous ne pouvons qu'encourager cette résolution.
Je rappellerai que Genève a souvent été un pont entre le bloc de l'Est et celui de l'Ouest, entre le bloc du Sud et celui du Nord, si l'on peut appeler cela des blocs. Genève est aussi le canton qui abrite le siège du CICR. La Suisse est dépositaire des Conventions de Genève. Genève a aussi accueilli pendant la guerre du Golf une rencontre entre M. James Baker, secrétaire d'Etat des Etats-Unis, et M. Tarek Aziz, vice-président du Conseil irakien, en 1991. Est et Ouest, les armes nucléaires ont aussi été les sujets du débat entre M. Gorbatchev et M. Reagan.
Nous ne pouvons donc qu'encourager Genève à continuer à accueillir les personnes responsables des différents lieux de ce monde où les conflits perdurent.
M. Pierre Vanek (AdG). Notre groupe n'a pas signé cette résolution. Nous pensons effectivement, comme l'a dit Mme Leuenberger avant moi, être très modestes. Cette résolution indique dans son exposé des motifs que Genève proposera directement ses bons offices pour organiser une conférence de paix entre les autorités israéliennes et palestiniennes et que ceci va contribuer à régler le conflit. Excusez-moi, Mesdames et Messieurs les auteurs de cette résolution, mais elle n'est pas très modeste ! Je pense plus modestement qu'il faut adopter une position simple, qui va par exemple dans le sens d'appuyer celle du Conseil fédéral, qui remet par exemple en cause la collaboration militaire avec l'Etat d'Israël, une position qui vise - M. Droin a évoqué cette question, qui n'est pas reprise dans la résolution - à demander l'application intégrale des Conventions de Genève.
Les Conventions de Genève, Mesdames et Messieurs, particulièrement la quatrième qui concerne le traitement des civils, sont violées de manière systématique et structurelle par les forces d'occupation israéliennes dans les territoires occupés. Je pense qu'il faut prendre position sur cette question, c'est le sens des amendements que j'ai transmis au nom de mon groupe, qui demande très modestement deux choses : de demander l'application du droit humanitaire international et en particulier des Conventions de Genève, et d'appuyer le Conseil fédéral dans sa position consistant à réexaminer les relations militaires que notre Etat entretient avec l'Etat d'Israël. Ces relations, au vu des exactions, des violences, des crimes perpétrés ces derniers temps par l'armée d'Israël, sont une honte pour notre pays et elles doivent être interrompues.
Le gouvernement suisse a indiqué qu'il allait réexaminer cette question. Nous pensons qu'il faut aller plus loin et mettre en oeuvre un moratoire immédiat dans la coopération avec les industries d'armement, l'armée israélienne, les services secrets israéliens, jusqu'à, et là aussi nous restons très modestes, l'application d'un certain nombre de résolutions de l'ONU.
J'ai souvenir que tous, dans cette enceinte, ont chanté les louanges de l'Organisation des Nations Unies. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Nous avons voté, si je ne m'abuse, une résolution... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur Vanek, mais le sujet est suffisamment important pour que je réclame le silence ! S'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président ! ...une résolution appelant nos concitoyens à adhérer à l'ONU. Nous proposons simplement de le rappeler dans cette résolution et de conditionner ce moratoire sur les relations militaires avec l'Etat d'Israël à l'application d'un certain nombre de résolutions votées par l'assemblée générale ou le conseil de sécurité de l'ONU. C'est effectivement un rôle bien plus modeste que de penser que l'Esprit de Genève, quelles que soient ses qualités, puisse, à travers l'invitation et la prise en charge par Genève d'une conférence internationale, résoudre ce conflit.
On appelle donc le Conseil fédéral à s'adresser "aux autorités israéliennes et palestiniennes afin - je cite l'exposé des motifs - de les inviter à venir ici pour tenter des négociations". Mais quelles autorités, Mesdames et Messieurs, quelles négociations ? L'Etat d'Israël séquestre aujourd'hui, enferme le président élu de l'Autorité palestinienne dans son quartier général à Ramallah. Il y est notamment protégé par quelques personnes qui se sont rendues spontanément en Palestine, un Suisse est avec lui. Il est complètement séquestré, traité de terroriste et d'interlocuteur illégitime. Toutes les infrastructures de l'Autorité nationale palestinienne, y compris celles qui ont été payées par l'argent provenant de nos impôts, par le biais de la coopération suisse, ont été systématiquement pilonnées, détruites et bombardées. Dans cette situation, on voudrait ne pas se prononcer, renvoyer en quelque sorte tout le monde dos à dos en disant qu'il faut mettre fin à la violence et négocier.
Je vous cite, Mesdames et Messieurs, un ancien adage du prophète Isaïe, remontant à quelque 3000 ans : "Il n'y a pas de paix sans justice." Nous devons nous prononcer pour la justice en Palestine, comme condition de la paix. Cette justice, je ne vous propose pas d'en énumérer un catalogue exhaustif. On m'a reproché à l'occasion des revendications exagérées lorsque j'évoquais des sujets relevant de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le minimum que nous devons revendiquer dans ce bâtiment, ici, à Genève, Mesdames et Messieurs, c'est l'application des Conventions de Genève.
Je suis revenu de Palestine il y a quelques jours. Vous avez tous vu les opérations militaires à chaud, les assauts contre un certain nombre de camps de réfugiés. Je peux vous parler ici de choses que vous n'avez pas vues. Je me suis rendu dans la Bande de Gaza, qui n'était pas un lieu chaud en matière d'opérations militaires et j'ai vu le quotidien d'un régime d'apartheid mis en place illégalement par l'Etat d'Israël dans la Bande de Gaza même, une Bande de Gaza où 40% du territoire est consacré à l'existence de 6000 colons et leur prétendu besoin de sécurité. Des colonies qui ont été infligées à ce territoire en violation des Conventions de Genève et de leur article 49, que nous sommes tenus de défendre et que toutes les parties contractantes sont tenues de défendre en vertu de leur article 1er. Je fais ici référence à la quatrième Convention de Genève. J'ai réellement vu, Mesdames et Messieurs, un régime d'apartheid, le tiers-monde, une situation dramatique, où les services sanitaires, l'alimentation manquent, où 60% de la population palestinienne de Gaza est au chômage, où le seuil de pauvreté concerne 80% de la population, où les gens ne peuvent pas aller travailler. Entrer à Gaza, c'est comme entrer à Berlin-Est à l'époque. Il y a un mur, un contrôle absolu sur ce territoire, qui est une prison. J'ai rencontré des organisations de défense des droits de l'homme qui décrivent cette situation. J'ai vu des femmes et des mères de prisonniers palestiniens qui décrivent les traitements que l'on inflige à leurs enfants et leurs relations avec ceux-ci. J'ai vu des pêcheurs empêchés de pêcher. J'ai vu des exploitations...
Le président. Vous avez dépassé les 7 minutes. J'aimerais que vous concluiez, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Je finis, Monsieur le président ! ...des exploitations agricoles ravagées par l'armée israélienne et par des incursions de blindés israéliens. J'ai vu l'injustice profonde d'un régime colonial qui est la cause de la violence dans cette région. Alors, je ne vous propose pas grand chose ce soir. Il y avait une volonté de ne pas faire de grands débats politiques. J'y souscris, mais je propose une chose, l'exigence de respect des Conventions de Genève et d'un certain nombre de résolutions de l'ONU et d'appuyer ceci par un moratoire sur les relations honteuses que notre pays entretient encore avec l'armée de l'Etat d'Israël. (Applaudissements.)
Le président. Pour la clarté de nos débats, vous avez fait, Monsieur le député, un certain nombre de propositions d'amendements. Je considère que nous devons appliquer l'article 80 de la loi portant règlement du Grand Conseil... (Brouhaha.)Cela permettra à M. Vanek de réfléchir avant de revenir sur les amendements. La définition de l'article 80 me paraît très claire : "L'amendement est une proposition de modification d'un texte en délibération." A mon sens, le texte de n'importe quelle délibération, que ce soit une motion ou une résolution, touche les invites. Par conséquent, vous allez pouvoir, c'est ce qui me paraît fondamental par rapport au développement de vos arguments, amender les invites, puisque ce seraient celles-ci et uniquement celles-ci qui seraient le cas échéant adressées au Conseil fédéral. Je vous laisse réfléchir, puisqu'il y a quelques demandes. Les considérants n'ont par contre pas une importance considérable. Cela équivaut à dire, puisque l'on est dans les règles de délibération, que ce sont les invites, et non l'exposé des motifs, qui peuvent être amendées s'agissant d'une motion. Je crois, Monsieur Vanek, que l'on peut trouver un accord. C'est ce qui est finalement important par rapport à votre exposé. Je vous laisse le temps de réfléchir et je passe la parole à M. Christian Brunier.
M. Christian Brunier (S). La résolution 456 était faite pour recueillir une unanimité dans ce parlement et avait comme unique objectif, mais ô combien louable, d'offrir des bons offices pour pouvoir mener des négociations et pour que Genève soit le centre de discussion du peuple israélien et du peuple palestinien.
Je partage totalement l'analyse que Pierre Vanek vient de faire. Je crois que le parti socialiste partage largement cette analyse. Mais si l'on part sur ce terrain-là, on risque premièrement de perdre l'unanimité de ce parlement, deuxièmement de s'affronter, ou en tout cas de perdre un certain nombre de députés qui ne voudront pas voter le texte de l'Alliance de gauche. Je propose de voter ce soir la résolution 456, qui constitue un bon pas dans le bon sens et je propose à l'Alliance de gauche de déposer un nouveau projet, auquel nous nous rallierons. Mais vouloir opposer deux textes, un texte offensif, politique, présenté par l'Alliance de gauche, et un texte «mou», sans grand relief, présenté par tout le monde, ce n'est pas possible, les deux textes pouvant être complémentaires. J'invite ce parlement à voter la résolution 456 avec un minimum de débat. L'Alliance de gauche pourra ensuite présenter un projet susceptible d'être déposé en urgence demain et qui pourrait visiblement recueillir une majorité dans ce parlement. Mais il ne faut pas opposer ces deux projets et dire qu'il y a un bon et un mauvais projet. Les deux projets sont complémentaires. Nous sommes prêts à voter les deux projets, mais votons ce soir la résolution 456 !
M. Pierre Vanek (AdG). Vous avez parfaitement raison d'invoquer l'article 80, Monsieur le président, qui dispose qu'un amendement est une proposition de modification d'un texte en délibération. Nous avons un texte en délibération, qui est la résolution 456. Cette résolution, en vertu de l'article 150 de notre règlement, est une déclaration qui n'entraîne aucun effet législatif. Il n'y a aucune obligation quant à la forme d'une résolution, puisqu'il s'agit d'une déclaration. La structure traditionnelle entre considérants et invites est quelque chose dont les auteurs sont libres d'user ou de ne pas user. Ainsi, Monsieur le président, je propose trois amendements au texte en délibération. Le texte en délibération est la résolution 456 que j'ai devant moi. Ce texte comporte un titre, que je ne touche pas, des considérants et des invites. Quant à l'exposé des motifs, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas le texte mis en délibération, mais des considérations à l'appui de celui-ci. Est-ce opportun ou non, on peut avoir des avis différents là-dessus, mais les propositions d'amendements sont en tout cas conformes au règlement, auquel je suis extrêmement attaché, comme vous le savez.
Maintenant, sur le fond, j'aimerais dire deux choses à M. Brunier ou plutôt à cette assemblée, puisque c'est à l'assemblée ou à son président que l'on s'adresse. A travers la proposition que je vous soumets ce soir, je n'ai en aucune manière voulu faire, ni mon groupe, une résolution "offensive" politiquement, selon le terme que vous avez utilisé, Monsieur Brunier, soit une résolution qui contienne des positions pointues et avancées sur cette question. J'ai des opinions assez radicales à ce sujet, et je pourrais en parler longtemps, mais ces opinions ne sont pas contenues dans cette résolution. J'ai tenu à prendre en compte un certain nombre d'idées qui sont très largement reprises par toutes sortes d'organisations de défense des droits de l'homme et sur lesquelles je pensais qu'il était possible d'arriver à un large consensus. Un consensus, ce n'est pas forcément l'unanimité, Monsieur le député. Si l'on se fixe comme règle d'obtenir des textes unanimes, on stérilise un tant soit peu la possibilité de débat dans ce Grand Conseil.
Il est patent que les forces d'occupation israéliennes violent la quatrième Convention des Genève. C'est le premier considérant. Ce constat est confirmé par le CICR lui-même. A Gaza, j'ai discuté, ainsi que mes collègues, avec le représentant de la Croix-Rouge, et Dieu sait si les intervenants sont prudents sur le terrain et à cet endroit-là. Et il l'a confirmé. Ne serait-ce qu'en raison des colonies, qui sont illégales en vertu de l'article 49, qui ne permet pas à une puissance occupante de transférer de la population dans ce territoire. Ce n'est pas une question d'opinion politique, mais une question de faits juridiques. Jusque-là, il n'y a rien d'offensif politiquement.
Ensuite, concernant le deuxième considérant, sur le fait que l'armée israélienne a commis des atteintes graves envers les dispositions de cette même convention à laquelle je me réfère toujours, relative à la protection des populations civiles, en matière d'accès aux soins médicaux, de protection des ambulances et de personnel médical. C'est quelque chose qui est reconnu par toutes les organisations de défense des droits de l'homme et par toutes les autorités qui se sont penchées sur cette question.
On aurait pu ajouter d'autres considérants. Jenine est évoquée. Je ne parle pas de massacres ou de quoi que ce soit. Sur ce point là, l'Etat d'Israël refuse l'envoi sur place d'un certain nombre de nos concitoyens ou de résidents genevois, comme Mme Mary Robinson ou M. Sommaruga, pour constater les faits. Je n'entre pas dans cette polémique. Je dis simplement qu'il y a un problème, ne serait-ce qu'en matière d'accès aux soins médicaux, de protection des ambulances, etc.
Ce que je cite dans le troisième considérant, et cela devrait vous donner la mesure, ce sont les prises de position du Conseil fédéral. Ce n'est pas une habitude chez moi. Le Conseil fédéral adopte une position bien plus avancée que celle de la résolution que vous nous proposez, que celle du CICR, du Conseil de sécurité de l'ONU, de la commission des droits de l'homme de l'ONU et de nombreuses organisations de défense des droits humains, tant palestiniennes qu'israéliennes ou internationales. Je ne suis pas en train de faire de la politique politicienne ou d'engager un débat polémique. Ce sont des considérants qui sont dans le domaine public et je me fonde sur ceux-ci pour émettre deux exigences, très modestes, du moins l'une d'entre elles, mais essentielle celle-là. On pourrait demander beaucoup plus. J'aurais pu parler de rupture des relations économiques, de boycott ou d'autres choses. Je n'en suis pas là. J'explique simplement que notre Etat, notre armée, a des relations militaires avec l'Etat d'Israël. Nous importerons cette année pour 177 millions de commandes militaires. Pensez-vous vraiment que la défense de la Suisse exige que nous importions pour 177 millions d'armement israélien en 2002 ? Il n'y a pas de débat politique à ce sujet. N'importe qui répondra non ! Bien sûr que non ! Pensez-vous que notre pays peut se compromettre à utiliser des programmes militaires, des programmes de recherche, tester des bombes à fragmentation dans le Néguev avec les militaires israéliens ? Pensez-vous qu'il n'est pas honteux, au nom même, non pas au nom de la neutralité historique de la Suisse, dont on peut penser un certain nombre de choses, mais au nom même d'un minimum de décence, y compris au nom de la respectabilité de cette armée que je ne défends pas ici ? Pensez-vous qu'il soit admissible que ces relations-là se poursuivent ? La réponse est non !
Le président. Il vous reste quelques secondes ! J'aimerais que vous puissiez conclure, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Je m'arrête là et je reprendrai la parole plus tard, le cas échéant. Mais c'était simplement pour démentir l'idée que j'étais venu ici pour polémiquer. Je suis venu avec une proposition de résolution, très modeste, qui répond à l'urgence de l'heure et qui va beaucoup moins loin que le projet d'organiser une grande conférence internationale à Genève. Je vous invite résolument à voter ce soir ces amendements qui constituent une alternative à ce qui nous a été proposé par la résolution 456.
M. Renaud Gautier (L). Nous voilà devant une intéressante question et j'imagine qu'il y a deux manières d'aborder le problème. Cette assemblée pourrait, pour une fois, faire preuve de modestie et accepter somme toute que nous ne pouvons ni ne voulons régler l'état du monde, mais que nous pouvons probablement, parce que c'est une tradition genevoise, proposer quelque part nos bons offices. Les bons offices tels que définis dans l'invite au Conseil fédéral ne supposent a priori pas de jugement de quelque ordre que ce soit. Je laisse chacun dans ce parlement se faire sa propre opinion quant au fait de savoir si celui-ci est plus coupable que l'autre. Cela relève somme toute d'un jugement personnel, qui est, par définition, respectable. Mais il m'apparaît que nous allons probablement sombrer dans la tentation de transformer une invite, qui n'est jamais autre chose qu'une proposition d'essayer de faire s'asseoir à une même table deux groupes de personnes qui n'arrivent actuellement pas à se parler, tout en ne présupposant ni de ce qu'il va en découler, ni si c'est bien ou si c'est mal, de transformer une proposition de bons offices en une proposition qui, telle qu'elle apparaît dans les amendements, vous m'excuserez, Monsieur Vanek, est quand même pleine de jugements de valeur. Or, je ne vois pas comment nous pouvons proposer aujourd'hui d'ouvrir ce dialogue, ou du moins de favoriser celui-ci, si nous déterminons a priori que celui-ci a tort plutôt que celui-là.
Je vous invite donc très fermement, Mesdames et Messieurs, parce que c'est effectivement notre rôle et qu'il est historiquement marqué dans l'histoire de Genève, à accepter la proposition de résolution 456 telle qu'elle vous est proposée dans sa version originale, sans entrer pour autant dans les amendements présentés. Je rejoins en cela la proposition qui a été faite tout à l'heure par notre collègue Brunier. Ces amendements pourraient être, si M. Vanek ou l'Alliance de gauche le désire, l'objet d'une nouvelle résolution. Mais je vous en conjure, sachons séparer ces deux problèmes et sachons garder l'humilité de proposer aux uns et aux autres de s'asseoir à une même table !
M. Antonio Hodgers (Ve). Très brièvement pour dire que notre parlement a deux options face à cette problématique. La première est celle de la résolution signée presque unanimement par ce parlement et qui consiste, comme vient de le rappeler M. Gautier, à proposer des bons offices. La première conséquence de cette démarche est que l'on ne peut plus dire ce que l'on pense de la situation. Dans ce sens-là, nous sommes cohérents. La deuxième option est celle proposée par l'Alliance de gauche. Elle consiste à renoncer à ces bons offices, à cette démarche politique visant à inviter les parties à s'asseoir autour d'une même table, et à dénoncer la situation. Nous avons choisi la première option. Je tiens à le dire, parce que M. Vanek est passé maître dans ce genre de calomnie post parlementaire. Nous avons donc choisi la première option. Ce n'est pas parce que nous ressentons moins que vous, Monsieur Vanek, le drame du peuple palestinien, ce n'est pas parce que nous manifestons moins que vous dans la rue - vous avez l'occasion de croiser aujourd'hui le citoyen Brunier ou le citoyen Hodgers à l'occasion des nombreuses manifestations qui ont lieu dans la République - que nous avons choisi cette option. Nous le faisons parce que nous estimons qu'il est peut-être plus opportun d'offrir aujourd'hui, vu la situation dramatique, une place de dialogue, que nous espérons constructif, même si l'on n'est pas utopiste, que de faire part de ce que l'on a dans nos tripes, même si tout ce que vous avez dit est parfaitement vrai. C'est pour cela que je demande à ce parlement d'en rester à la première option, étant entendu que les deux options sont contradictoires et non complémentaires comme l'a dit M. Brunier. Soit on propose des bons offices et on s'abstient malheureusement de dire ce que l'on ressent, soit on dénonce et on renonce aux bons offices.
M. Albert Rodrik (S). Je vais aussi essayer de m'exprimer, tout en pesant mes mots, parce que j'ai pu constater dans cette affaire-là, quelle que soit l'énormité des ravages et des pertes de vies humaines, que les mots commencent à faire beaucoup plus de ravages, depuis quelques semaines, parmi ceux qui ne sont pas en train de subir cette violence.
Je plaide et je me suis levé exprès pour parler à mon ami Vanek. Ailleurs, nous militons ensemble pour les droits du peuple palestinien - je n'ai pas commencé hier - et je me sens, pour plusieurs raisons et comme d'autres dans cette salle, mis en cause dans ma propre dignité d'origine face à ce qui peut se passer à certains moments. J'hésite continuellement entre le besoin de hurler et le besoin de mesurer mes mots, parce que les mots, comme je l'ai dit, sont en train de causer, ici, encore plus de ravages que les armes, ailleurs.
Alors, qu'est-ce que nous pouvons faire dans ce parlement qui ne soit pas dérisoire, même si je peux souscrire à l'essentiel de ce que M. Vanek a dit ? Il nous faut être tous les cent ensemble, pour dire et hurler que l'on a privé un peuple d'assumer son destin national depuis 50 ans. Si la moitié du parlement genevois n'entend pas s'exprimer d'une seule voix pour dire que cela doit cesser et que l'on doit trouver entre êtres humains civilisés, un avenir commun, je vais alors taire mon cri et faire en sorte que les cent députés du parlement genevois disent tout de même quelque chose, que j'ai trouvé à l'origine un peu «ni chair, ni poisson», un peu comme certaines résolutions de l'ONU, mais j'ai pu finalement surmonter ce sentiment. La seule chose qui ne soit pas dérisoire et que l'on puisse faire, ici, à Genève, où l'on est tranquille, pépère et au chaud, c'est d'être tous les cent ensemble pour dire que cela suffit et que l'on ne peut pas régler le sort d'un certain nombre de gens sur une terre qui est la leur, autrement qu'en leur demandant d'arrêter maintenant. De ce fait, je souhaite en premier lieu que tous les cent, ensemble, nous votions cette résolution «wishy-washy», comme on dit en anglais. J'en suis bien conscient, mais c'est la seule chose sur laquelle nous serons tous d'accord. Si l'on doit faire entendre ce cri du coeur, peut-être avec quelques nuances, quelques bémols et quelques bécarres, mon cri à moi, avec celui de nombreux citoyens israéliens qui sont aujourd'hui dans les check-points, dans les prisons, en train de militer bien plus que nous pour la paix là-bas, je demande que l'on puisse faire la seule chose qui ne serait pas dérisoire, c'est-à-dire que l'on s'exprime tous les cent ensemble pour que cela ait une portée.
Après, si l'on veut exhaler plus, et j'ai bien envie d'en exhaler plus moi aussi, qui me sens touché au plus profond de mon être, nous le ferons, mais nous le ferons ailleurs et, si cela se trouve, avec une majorité plus réduite pour essayer de faire passer ce cri. Mais pitié ! Je le dis encore une fois ce soir, pour la quatrième fois, faisons la seule chose qui peut ne pas être un ricanement supplémentaire, c'est que l'on soit tous les cent ensemble ! (Applaudissements.)
M. Pierre Schifferli (UDC). Deux de nos députés ont signé cette proposition de résolution, une démarche pour la paix, vers la paix, parce que le texte se réfère aussi à notre tradition de bons offices et une invite prévoit de tenir des négociations sur un territoire neutre. Nous sommes aussi frappés par cette lutte entre deux nations qui semble ne pas devoir trouver de fin satisfaisante. Nous aurions souhaité pouvoir nous contenter de voter cette résolution-là. Nous la voterons bien entendu, mais je vous invite quand même à en observer la date : 22 février 2002. Nous pouvons souscrire sans autre à tout ce que M. Hodgers et M. Rodrik nous ont dit. Cependant, depuis le 22 février, une armée pour laquelle nous pouvions éprouver une certaine admiration, l'armée d'Israël, s'est lancée dans une guerre contre une population civile, une guerre dans laquelle elle perd son honneur et sa dignité. Je le dis en tant qu'officier de l'armée suisse. J'ai eu des contacts et je connais des officiers israéliens.
Je propose donc que nous votions d'abord cette résolution pour une démarche vers la paix, avec une invite concernant la tenue de négociations à Genève. Mais rien ne nous empêche effectivement d'examiner par la suite le problème soulevé par M. Vanek, qui est celui de la violation par un Etat de certaines conventions internationales. Nous souhaiterions donc que soit d'abord votée de façon unanime cette proposition de résolution afin que nous puissions par la suite nous entendre sur un texte qui fera référence à un certain nombre de violations de conventions internationales, dont la Suisse a la garde puisqu'il s'agit des Conventions de Genève. Mais il faut distinguer cette première démarche, la plus urgente, celle pour la paix, de la deuxième démarche, qui doit si possible aussi faire l'objet d'une discussion et d'un consensus, précisément pour gagner en force.
M. Pierre Vanek (AdG). J'ai entendu des choses qui ne sont pas exactes. Tout d'abord, M. Hodgers a parlé de manifestations, de s'exprimer avec ses tripes... Pour ma part, je parlerai plutôt du coeur que des tripes... Je vous assure, Monsieur Hodgers, que si j'avais voulu écrire une résolution où je laissais pleinement parler mon coeur et ma raison sur cette question, j'en aurais alors mis beaucoup plus et j'aurais rédigé une résolution bien plus politique et bien plus dure envers l'Etat d'Israël.
Ensuite, vous avez parlé, Monsieur Rodrik, en évoquant le texte que je vous propose sous forme d'amendements à la résolution 456, d'exhaler un certain nombre de sentiments. Je vous assure qu'il ne s'est pas agi d'exhaler quoi que ce soit, bien au contraire, mais de garder la tête froide et de me dire qu'il y a une chose que l'on peut demander dans ce parlement, lieu symbolique des Conventions de Genève - je reprends les éléments que vous mettez dans cette résolution. Une chose que l'on devrait pouvoir demander sur tous les bancs, à savoir le respect des Conventions de Genève, qui sont effectivement, ce fait-là n'a pas été contesté jusqu'ici ce soir et personne ne peut le contester, violées par l'armée et l'Etat d'Israël. Je me suis retenu et j'ai abordé ce point-là seulement. Il ne s'agit donc pas d'exhaler, de tripes, d'offensive politique comme disait Christian Brunier tout à l'heure ou de quoi que ce soit, mais bien d'un texte raisonné et réfléchi.
Je ne crois pas qu'il y ait de miracle, Monsieur Rodrik. Vous parlez de l'importance magique du nombre 100 et de la nécessité que nous votions tous. Mais nous ne sommes même pas 100 dans cette salle ce soir pour participer à ce débat. Je ne crois pas aux vertus magiques de ce chiffre. Il faut cependant que nous votions à une large majorité un texte qui se borne à ces exigences élémentaires.
J'étais en Palestine voici quelques jours, comme je vous l'ai dis. J'ai systématiquement répété à mes interlocuteurs - et ils ne semblaient pas prendre cela comme un engagement particulièrement révolutionnaire ou magnifique - que j'interviendrai et me battrai une fois de retour dans notre pays pour faire respecter les Conventions de Genève, pour faire entendre la nécessité de leur respect par les Etats et par le mien en premier. Cette question, Mesdames et Messieurs, n'est pas une question théorique. Ce sont des ambulances bloquées à des check-points - je ne parle pas de politique, ni de solution à long terme ou définitive à ce problème - ce sont des conditions de vie et d'existence concrètes pour des hommes et des femmes vivant en Palestine. C'est de cela que je parle dans ma résolution. C'est sur ce point-là que sont intervenues plusieurs organisations de défense des droits de l'homme et organisations internationales. C'est ce point-là qui est en jeu dans l'urgence actuelle.
Maintenant, soyons sérieux, Mesdames et Messieurs ! Vous voulez remplacer ceci, qui constitue une exigence très modeste. Je suis d'accord avec vous, Monsieur Rodrik - cela ne pèsera certainement pas très lourd dans la situation actuelle, mais cela pèsera ce que cela pèsera, à savoir le poids d'une résolution du parlement genevois. Mais pensez-vous sérieusement que soit suffisante une invite demandant simplement au Conseil fédéral de proposer ses services dans l'esprit de Genève pour l'accueil dans ce canton d'une négociation de paix entre Israël et la Palestine ? Un texte limité à cela ? Vous avez dit "wishi, washi" ? Je ne peux pas me borner à voter un texte comme celui-là. Je n'ai rien contre le fait que des conférences internationales se réunissent ici. Mais s'il n'y a pas de négociations de paix aujourd'hui sur la question de la Palestine, ce n'est pas lié à l'absence d'un lieu magique comme Genève pour accueillir ces négociations. C'est lié à des choses bien plus élémentaires. Il ne faut pas, aujourd'hui, renvoyer simplement les uns et les autres dos-à-dos. C'est ce que l'on fait un peu dans cette résolution et vous l'avez reconnu en précisant que l'on ne condamnait personne et que les uns et les autres devaient discuter. Ce n'est tout simplement pas satisfaisant. Il y a dans un des considérants de la résolution 456 l'idée que les peuples de la région ne semblent pas pouvoir s'en sortir seuls, sans l'aide, non pas du parlement genevois ou de l'esprit de Genève, mais de la communauté des nations. Or, la communauté des nations, Mesdames et Messieurs, s'est exprimée et a incarné sa volonté dans un certain nombre de textes, textes que j'évoque dans mes propositions, de résolutions de l'ONU, que nous sommes si fiers d'accueillir dans notre ville et à laquelle nous nous référons régulièrement par rapport à la Genève internationale - je vous renvoie à nos débats sur cette question - des Conventions de Genève, qui ont une portée encore plus large que les résolutions de l'ONU. Nous étions une partie contractante des Conventions de Genève bien avant de devenir membre de l'ONU.
Ces choses-là, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas un cri du coeur, ce n'est pas une réflexion politicienne, ce n'est pas avec mes tripes que je parle ou que j'exhale quoi que ce soit. Ce sont des choses élémentaires du point de vue de l'opinion publique internationale, de l'opinion publique genevoise, que nous devons être capables d'exprimer et, effectivement, de l'exprimer ensemble.
Je n'ai rien contre cette résolution, Mesdames et Messieurs, mais je ne peux pas la voter, parce que c'est une honte d'en rester à des considérations aussi générales et d'ailleurs aussi prétentieuses, qui consistent à inviter le Conseil fédéral à faire cela. Et ensuite... Quel conseiller d'Etat va s'en occuper ?
Le président. Monsieur Vanek, le sujet est certes important, mais vous avez déjà dépassé de deux minutes votre temps de parole. Je reconnais que c'est important, mais j'aimerais que vous concluiez, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Excusez-moi ! Je finis en trente secondes ! L'exposé des motifs précise donc que c'est le canton de Genève qui assumera la paternité de cette initiative glorieuse et qui proposera directement ses bons offices. Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, lequel d'entre-vous partira en Palestine rencontrer Yasser Arafat et le gouvernement israélien et proposer ses bons offices pour cette négociation... (Protestations.)Mais c'est cela qu'on nous propose ! (Brouhaha.)Je conclus, Mesdames et Messieurs ! Cette résolution n'est pas à la hauteur de la situation, elle ne dit rien ou presque rien. Elle n'a même pas une exigence de cessez-le-feu ou de paix immédiate, un cri concernant la paix qu'évoquait Albert Rodrik et auquel j'aurais pu m'associer...
Le président. Monsieur Vanek, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. Cette résolution parle de négociations que nous ne sommes pas en mesure d'organiser et sert de prétexte pour refuser des exigences élémentaires au regard du respect du droit humanitaire international. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à voter mes amendements.
M. Jean Spielmann (AdG). La proposition qui nous est faite part effectivement d'un bon sentiment. C'est un postulat légitime, que je trouve juste, en faveur de peuples ou d'Etats, de pays, de civilisations ou d'associations en conflit et susceptibles de se déplacer afin de participer à une telle conférence. Le problème que me pose cependant cette résolution qui invite les parties à venir discuter, on le sait, et vous le savez tous, c'est qu'une partie a le droit et la possibilité de se déplacer, alors que l'autre, l'Autorité palestinienne, ses responsables et ses élus, sont confinés, arrêtés, torturés, déportés et ne peuvent pas s'exprimer. Comment voulez-vous hypocritement inviter aujourd'hui les gens à venir discuter ici, alors que le droit élémentaire de se déplacer et de parler n'est même pas réservé à tous ?
Je veux simplement illustrer cela par deux arguments supplémentaires. Le premier, l'Autorité palestinienne a condamné fermement et à plusieurs reprises les attentats, parce qu'il est clair que l'on ne peut pas supporter d'un côté les débordements et la création, par exemple, de 14 colonies depuis le début de l'année et ne rien dire de l'autre. Mais alors, Mesdames et Messieurs les députés, comment expliquez-vous que le personnage qui revendique chacun des attentats et chacune des bombes humaines posées en Israël et qui provoquent la mort de civils puisse, lui, se déplacer librement dans la Bande de Gaza sans être inquiété, en disposant de tous les outils possibles et imaginables, en pouvant parler à la presse, alors que les responsables de l'Autorité palestinienne, qui sont les interlocuteurs choisis par le peuple palestinien, n'ont pas le droit de se déplacer, ne peuvent pas s'exprimer, sont déportés et assassinés à tour de rôle. Partant de là, peut-on réellement demander aux deux parties de se déplacer et de venir discuter ici, sans que nous exigions préalablement le respect des Conventions de Genève, qui constituent l'une des responsabilité de Genève ? Je rappelle simplement que les Conventions de Genève ont plusieurs titres et que Genève et la Suisse sont responsables de leur application. Cela veut dire la liberté de circulation des personnes, la liberté d'aller voir les gens dans les prisons et de leur donner l'occasion de s'exprimer. S'ils ne peuvent pas le faire, comment voulez-vous hypocritement les inviter à une conférence sur la paix ? Cela ne suffit pas. Ce droit doit être respecté et les gens doivent pouvoir se déplacer. Sans quoi, votre résolution, c'est de l'hypocrisie !
M. Renaud Gautier (L). Je vais tâcher d'être bref. Comme je l'ai dit tout à l'heure, chacun d'entre nous dans ce parlement, y compris M. Vanek, a le droit de penser ce qu'il veut de cette situation-là et aucun jugement n'est moins bon ou moins valide que celui d'un autre.
Je voudrais simplement vous ramener au texte de cette résolution. Il n'y a pas lieu à mon sens, et je le répète, de transformer ce débat en un procès, mais plutôt de proposer avec humilité - J'ai envie de répondre en citant Pascal : Nous n'avons somme toute rien à perdre à essayer de proposer cela. - de simplement ouvrir un lieu de dialogue. Voilà le sens de cette motion et il m'apparaîtrait que tout changement ou toute modification de cette résolution d'une part ne correspondrait pas à la volonté de la majorité de ce Conseil et d'autre part perdrait évidemment la plus grande partie de ce que nous souhaitons.
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais proposer le renvoi de cette résolution en commission. M. Schifferli a dit une chose tout à fait juste tout à l'heure, à savoir que cette résolution avait été déposée le 22 février 2002, c'est-à-dire il y a maintenant plus de deux mois, et que beaucoup de choses se sont passées depuis lors. Aujourd'hui, la situation n'est pas celle qui prédominait au moment où cette résolution a été déposée. Deuxièmement, j'ai beaucoup apprécié les propos de M. Gautier, à savoir que nous devrions faire preuve d'humilité dans le cadre de ce débat consacré à cette proposition de résolution. Vous me permettrez, cher collègue, de considérer que l'invite, qui constitue finalement le seul élément essentiel de la résolution, ne fait pas preuve de beaucoup d'humilité, mais plutôt d'une grande prétention. Personnellement, je n'aime pas beaucoup invoquer l'Esprit de Genève. Je ne sais à vrai dire pas ce que signifie «l'Esprit de Genève». Certes, un certain nombre de personnalités de notre République ont été ou sont éprises de paix. On peut peut-être invoquer «l'Esprit de Genève» dans les considérants d'une résolution, mais cela me parait extraordinairement prétentieux de le faire dans une invite.
Troisièmement, je trouve aussi extrêmement prétentieux de vouloir inviter le Conseil fédéral à organiser ici une négociation de paix entre Israël et la Palestine. Je ne veux pas faire l'injure de dire que l'on se donne bonne conscience ou que les auteurs de cette résolution se donnent bonne conscience. Mais est-ce que l'un ou l'une des députés de cette salle pense que le Conseil fédéral n'a pas déjà envisagé cette hypothèse ? Est-ce à nous d'aller signaler au Conseil fédéral qu'il n'a pas pensé à convoquer une conférence de la paix à Genève ? Bien entendu qu'il y a pensé, ce n'est même pas la peine de poser la question. Mais il ne l'a pas proposé. Pourquoi le Conseil fédéral ne l'a-t-il pas proposé ? Je pense que l'on connaît tous la réponse ! Dès lors, voter des résolutions comme celles-ci, qui enfoncent des portes ouvertes, qui sont en fait fermées, pour se donner bonne conscience... M. Vanek a raison de dire que ce n'est pas la meilleure démarche à envisager. Maintenant, il est aussi vrai que l'on ne peut pas adapter des résolutions en pleine séance.
Je remercie celles et ceux qui ont déposé cette résolution, parce que je pense qu'il y a effectivement quelque chose à faire. Il avait été initialement envisagé que ce débat se déroule sans interventions. Nous avions déjà eu l'occasion de rappeler que nous n'étions pas intervenus, peut-être à tort du reste, pour dire le bien que l'on pouvait penser de M. Koffi Annan. Nous ne sommes pas favorables à adopter des textes dans de fausses unanimités, sans que l'on en discute. Mais il ne faut pas non plus en discuter toute la soirée. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je propose de renvoyer cette résolution devant la commission érigée pour traiter ce genre de texte. Je suis du reste étonné de ne pas avoir entendu l'un ou l'autre des députés qui considéraient lors de la dernière législature, ils n'avaient d'ailleurs pas forcément tort, qu'il était souhaitable, avant de voter des résolutions de ce type, qu'elles passent obligatoirement devant la commission des droits de l'homme. Je propose que cette résolution soit renvoyée devant cette commission.
Le président. Monsieur Koechlin, je crois qu'on a longuement débattu, j'aimerais que vous vous prononciez sur le renvoi en commission, en tout cas à la fin de votre intervention.
M. René Koechlin (L). Je vais à l'encontre de votre souhait, Monsieur le président, même au-delà ! Je propose une motion d'ordre, afin que nous procédions d'abord au vote sur le renvoi en commission. S'il est accepté, nous n'en parlons plus. S'il est refusé, que l'on procède immédiatement au vote de cette résolution. J'invite l'Alliance de gauche, qui a émis des propositions tout à l'heure, à déposer pour demain une résolution allant dans ce sens. Nous la soumettrons au Grand Conseil demain.
Je vous propose donc que nous procédions maintenant au vote sur le renvoi en commission et, s'il est refusé, sur la résolution. Je vous demande de mettre aux voix cette proposition. Selon l'article 79, lettre a de notre règlement, nous devons nous prononcer sur ce type de proposition.
Le président. A condition, Monsieur le député, que les deux tiers du parlement l'acceptent ! Il y a en tout cas une réalité par rapport aux deux textes qui vous sont soumis, Mesdames et Messieurs - j'ai eu, pendant une heure, le temps de les lire de fond en comble - c'est qu'une résolution s'oppose à l'autre. (Le président est interpellé.)Non, Monsieur Vanek, je suis navré. Vous avez déjà pris trois fois la parole ! Non, non, je suis navré. J'applique le règlement, Monsieur Vanek ! Vous avez pris trois fois la parole...
Il y a donc deux propositions. Soit l'on accepte le renvoi en commission, soit on continue le débat. En fonction... (Le président est interpellé.)Mais je ferai voter votre motion d'ordre, Monsieur Koechlin, pour autant que les deux tiers du parlement acceptent que l'on procède immédiatement au vote ! Le premier vote concerne donc le renvoi en commission. Vous allez voter par électronique... (Protestations.)Si le renvoi en commission est accepté, on ne se prononcera pas sur la résolution, je vous en prie. C'est le renvoi en commission qui prime.
Mise aux voix, la proposition de renvoi en commission est rejetée.
(Résultat du vote électronique: 71 non, 15 oui et 0 abstention.)
Le président. Je fais voter la deuxième proposition, c'est-à-dire le vote avec effet immédiat sur, je présume, la résolution proposée. Je vous rappelle qu'il faut réunir les deux tiers des voix pour obtenir la possibilité de voter la résolution.
Mise aux voix, la motion d'ordre est adoptée.
(Résultat du vote électronique: 68 oui, 12 non et 7 abstentions.)
Le président. Les deux tiers étant obtenus, je vous fais voter sur la résolution telle qu'elle est, sans amendement. La motion d'ordre était très claire, c'est tel que la motion était présentée... (Protestations.)Faites un recours au Tribunal fédéral, j'ai l'habitude !
Mise aux voix, la résolution 456 est adoptée. Elle est renvoyée au Conseil fédéral.
Le président. Si vous voulez, Monsieur Vanek, présenter votre propre résolution, c'est très volontiers !
M. Christian Grobet (AdG). M. Vanek avait l'intention de retirer ses amendements pour présenter une autre résolution, mais c'est un autre problème.
J'ai beaucoup de respect pour vous, Monsieur Annen. Vous présidez bien les débats, mais vous ne pouvez pas, comme vous l'avez fait tout à l'heure, éluder le vote d'amendements qui ont été déposés. Vous avez le droit de procéder au vote immédiatement. Vous avez commis tout à l'heure, je me dois de vous le dire, comme doyen dans cette enceinte, une violation grossière, particulièrement grave, de notre règlement. Rassurez-vous, nous ne recourrons pas au Tribunal fédéral, mais je tiens à ce que ce soit noté au Mémorial du Grand Conseil ! Vous avez interprété et violé le règlement du Grand Conseil et je vous prie, ce week-end, pendant votre temps libre, de bien vouloir relire votre règlement !
Le président. Vous avez encore la parole, Monsieur Vanek ! (Protestations.)
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur Halpérin, le débat sur la résolution 456 est clos. J'ai pris la parole trois fois dans ce débat-là. Nous sommes à présent ailleurs... (Protestations.)Je reprends la parole sur une question ayant trait au déroulement des débats... Je serai très bref, Monsieur le président !
Le président. S'il vous plaît !
M. Pierre Vanek. ...et sur l'information que je dois à cette assemblée. J'avais l'intention - ce que je n'ai pas pu faire - d'intervenir tout à l'heure, pensant que je pourrais effectivement intervenir sur le renvoi en commission ou, ensuite, sur les amendements qui n'ont pas été soumis au vote. J'avais donc l'intention d'intervenir pour dire que je retirais les amendements en question, c'est-à-dire les amendements à la résolution 456. Cette résolution.. . (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, un peu de silence ! Ceux qui pensent que le sujet n'est pas suffisamment important peuvent aller boire un verre... (Brouhaha. Protestations.)Monsieur Vanek, vous avez la parole !
M. Pierre Vanek. Je vous remercie, Monsieur le président ! Je vais être bref, puisqu'il y a des gens qui ont de la peine à écouter lorsqu'ils entendent quelqu'un qui n'est pas de leur avis.
J'allais donc dire ceci. Pour ne pas froisser ceux qui pensent que la résolution 456 est utile et merveilleuse, j'allais proposer de retirer mes amendements et annoncer que je m'abstenais sur cette résolution, pour les raisons énoncées. J'allais aussi annoncer que je dépose, comme résolution à part entière, le texte que vous avez sous forme de proposition d'amendements à la résolution 456, conformément à ce qu'un certain nombre de mes collègues m'ont demandé de faire, texte que le service du Grand Conseil numérotera comme il l'entend. Je le dépose comme résolution à part entière pour qu'elle ne soit pas mise en opposition avec ce que nous allons voter ce soir. Je demanderai à la prochaine occasion l'urgence sur ce texte-là pour demain, parce que nous nous trouvons dans une situation où les jours et les heures comptent. On ne peut pas se permettre de reporter de semaine en semaine et de mois en mois une prise de position sur ces questions. Voilà l'annonce que je voulais faire, Monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir donné la parole.
Le président. Ce sera pour le 2 mai, Monsieur Vanek. Je pense que vous pourrez attendre une semaine. Ce ne sera pas possible demain, vous le savez bien !