Séance du
jeudi 21 février 2002 à
17h
55e
législature -
1re
année -
5e
session -
21e
séance
IU 1207
M. Robert Iselin (UDC). Cette interpellation s'adresse au Conseil d'Etat et, plus particulièrement, à Mme la présidente du département de l'instruction publique.
Depuis 450 ans, depuis l'époque où notre République introduisit, premier Etat dans le monde, je répète: dans le monde, l'école obligatoire pour tous les habitants, Genève a été un phare dans le secteur de l'éducation.
Le phare est malheureusement devenu la lanterne rouge. Le rapport PISA, heureusement qu'il existe car sans lui on n'aurait des informations que par ouï-dire, décrit dans notre ville un véritable désastre. En lecture, comme en mathématique et en science, Genève a la moyenne la plus faible de la Romandie.
Cette situation résulte des innombrables réformes qui nous sont imposées dans le secteur, on ne sait pas au nom de qui et de quoi, réformes dont on veut maintenant nous faire croire, par un tour de passe-passe digne des sophistes qui ont fait condamner Socrate, qu'il faut les poursuivre pour sortir de cette ornière, alors qu'elles sont à l'origine de tout le mal.
En fait, le but de l'école primaire est de donner des outils aux élèves pour que, plus tard, dans le cadre du cycle, notamment, ils acquièrent les compétences que, visiblement, une proportion inquiétante de ces mêmes élèves, qui ont maintenant quinze ans, n'ont plus.
Je ne puis que vous conseiller d'interroger ceux des professeurs qui voudront bien parler, lesquels vous supplieront, d'ailleurs, de ne pas révéler leur nom, de peur des représailles, et, bien évidemment, de lire attentivement l'étude sur les compétences des jeunes Romands.
Ce que les professeurs sérieux veulent, c'est une école de qualité à laquelle la population a droit étant donné les impôts astronomiques qu'elle paie. Une école qui offre à chacun l'égalité des chances et donne les repères dont les jeunes ont besoin, une école qui apprend l'effort et l'encourage. Socialement et, sociologiquement parlant, mais évidemment uniquement socialement et sociologiquement, cette histoire est presque de même nature que celle de l'office des faillites avec cette différence que, dans un cas, un groupe de citoyens ont été grugés, ce qui est scandaleux et que, dans le cas des écoles primaires et du cycle, il s'agit de générations entières qui sont sacrifiées.
Pour ceux qui semblent approuver ce type d'enseignement, ce système augmente les écarts sociaux au lieu de les réduire, car dans les familles traditionnelles, on supplée aux carences de l'école, on corrige le français des enfants, ce véhicule essentiel. On les encourage à lire, on les questionne sur leurs lectures, chez les plus vicieuses, on va même jusqu'à leur apprendre encore l'imparfait du subjonctif.
L'Union démocratique du centre vous soutiendra, Madame la présidente du DIP, dans tous les efforts efficaces que vous pourrez déployer pour remédier à une situation hautement inquiétante, mais, pour l'amour du créateur, qu'on y apporte un peu de bon sens. Aussi bien ce Grand Conseil, rendu très inquiet par les constatations de l'enquête PISA, sera-t-il heureux d'entendre quelles mesures le Conseil d'Etat et vous-même entendez prendre d'urgence pour remédier à une situation particulièrement désastreuse qui ne peut que faire du tort à l'équilibre social de la République.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Si j'avais dû parier avec moi-même, j'aurais gagné parce que j'étais certaine que l'un d'entre vous m'interpellerait. Monsieur Iselin, je vous invite à venir prendre connaissance du rapport tel qu'il est. Le rapport international vous expliquera aussi un certain nombre de problèmes que nous avons à affronter. Comme je l'ai annoncé à la presse, vous savez que le parlement genevois aura à débattre, très largement, de la modification de la loi sur l'instruction publique touchant l'école primaire. Je considère que cela est juste et nécessaire. Vous aurez, à ce moment-là, non seulement à faire part de ce que vous venez de dire, mais aussi peut-être à prendre connaissance, de façon plus approfondie, d'un certain nombre de problèmes.
Pour l'heure, je vais me limiter à quelques propos durant les trois minutes imparties.
En premier lieu, il ne me semble pas utile d'envenimer ce débat de la façon dont vous le faites en voulant le mener là où vous voulez qu'il aille. C'est la première fois qu'une mesure comme PISA est prise sur le plan international, national et intercantonal. La présidente de la conférence, que je représente, l'a voulu ainsi pour que l'on ait des éléments objectifs concernant les acquis des élèves.
Qui pourrait nous dire aujourd'hui, Monsieur le député, quels auraient été les résultats d'une telle enquête, il y a cinq, dix ou vingt ans ? Personne. Il vaut donc mieux partir du constat que nous avons fait. Là-dessus, je suis satisfaite d'apprendre que nous pourrons compter sur vous et votre appui.
En second lieu, j'aimerais vous dire, avant que vous ne poussiez encore des hauts cris, que ces résultats ne sont satisfaisants ni pour Genève ni pour la Suisse ni pour d'autres pays. Cependant, ils nous renseignent sur des éléments dont nous n'avions jamais pris la mesure ni dans ce canton ni dans d'autres. Nous ne parlons pas de la capacité à reproduire le français ou de celle de lire techniquement, et le rapport international le dit: «On peut être parfaitement capable de traverser tout le système scolaire, d'écrire sans faute, de répéter des textes oralement de manière parfaite et d'obtenir tout de même des résultats très mauvais au test PISA. En effet, ce qu'exige le test PISA, c'est véritablement ce que nous cherchons à faire dans cette école, comme dans d'autres, c'est-à-dire à développer les compétences en matière de compréhension et d'analyse.
Mesdames et Messieurs les députés, ce débat doit avoir lieu et il faut l'aborder sereinement. Il faut également que vous preniez connaissance du rapport précédent concernant les adultes. Il montre qu'à Genève un certain nombre d'adultes, aujourd'hui, comme hier, ont de grosses lacunes en la matière, malgré le fait que certains d'entre eux aient suivi des études universitaires complètes !
Cela signifie que ce dont nous discutons aujourd'hui n'est pas nécessairement ce que vous imaginez. En effet, ce n'est pas la maîtrise de la langue en termes grammaticaux ou orthographiques et c'est pour cela qu'il vaudra la peine d'en discuter.
Cette interpellation urgente est close.