Séance du vendredi 25 janvier 2002 à 8h
55e législature - 1re année - 4e session - 17e séance

PL 8500-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Mireille Gossauer-Zurcher, Pierre Marti accordant une subvention annuelle de fonctionnement à l'Association Textura - Genève (exercices 2001, 2002 et 2003)
Rapport de M. Alberto Velasco (S)
Projet: Mémorial 2001, p. 3606.

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle que nous nous sommes mis d'accord pour que chaque groupe ait cinq minutes de temps de parole. Monsieur Velasco, vous avez la parole, et votre temps de parole n'est pas compris, bien sûr, dans celui du groupe socialiste.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Je tiens à rappeler que ce rapport a été présenté en plénière lors du débat sur le budget. Il a été renvoyé à la commission des finances notamment parce que M. Kunz avait quelques questions au sujet de ce rapport qui se référaient surtout au nombre d'emplois que cette subvention pourrait créer. Nous avons donc mentionné de manière plus explicite le nombre de ces emplois, soit vingt à vingt-cinq. Nous avons surtout rappelé que ces emplois concernent des personnes de plus de 50 ans, au chômage et qui se trouvent dans une situation difficile. Je rappelle en effet que 21% des personnes qui sont au chômage ont entre 50 et 60 ans et 31% le sont depuis une année ou plus.

Par ailleurs, la plupart des personnes employées par Textura sont des femmes. C'est dire que cette association a un but éminemment social.

Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi, d'autant qu'à la suite du désengagement de la Confédération Textura serait pratiquement en faillite si nous ne votions pas la subvention demandée aujourd'hui.

M. Patrice Plojoux (L). Je précise tout d'abord que mon intervention n'est nullement dirigée contre une solution qui vise à procurer des emplois à des personnes au chômage ou en fin de droit. Elle vise plutôt à dénoncer l'inaptitude de Textura à se gérer d'une manière satisfaisante.

En effet, l'Association Textura, qui n'a pas l'appui de l'Association des communes comme elle le prétend, a signé, en novembre 1996, une convention avec la Coordination des oeuvres d'entraide pour le ramassage des textiles. Cette coordination est formée par le Centre social protestant, la Croix-Rouge genevoise, Caritas et Terre des hommes. Elle travaille également avec Emmaüs Genève. Cette structure vous donne l'assurance que les bénéfices sont correctement répartis entre les oeuvres d'entraide, évite une guerre de territoire entre les partenaires et permet aux communes de diminuer intelligemment le volume des déchets incinérés.

Par cette convention, Textura s'engage à récolter les textiles par sac, avec l'appui de la coordination, en échange de quoi elle reverse 20 centimes par kilo récolté aux partenaires. Or, si elle s'est acquittée de ses obligations en 1997, elle ne l'a pas fait en 1998, elle ne l'a pas fait en 1999, elle ne l'a pas fait en 2000, ni en 2001 ! Lorsque l'on connaît le volume de textiles récoltés chaque année - il se chiffre par dizaines de tonnes - ce sont donc des sommes importantes qui ont été soustraites à d'autres associations caritatives.

En mars 2001, ADARP-Textura dénonce la convention. Elle continue, par contre, à récolter des habits en utilisant les logos des partenaires, malgré l'interdiction plusieurs fois signifiée, trompant ainsi les donateurs qui croient donner, pourquoi pas, à la Croix-Rouge ou à Caritas, alors que ce n'est pas le cas...

La commission des finances aurait également dû se pencher sur la structure pour le moins opaque de Textura. En effet, selon qu'il s'agisse de signer une convention, de recevoir de l'argent ou de devoir simplement remplir ses engagements, Textura renvoie ses interlocuteurs tantôt à Textura Genève, tantôt à Textura Vaud, tantôt à Textura tout court, tantôt à ADARP-Textura. Textura est à géométrie variable : qui fait quoi, qui paye quoi, qui touche combien ? Les mécanismes ne sont pas très clairs !

Mesdames et Messieurs les députés, s'il est bien de faire du social, il n'est pas raisonnable de donner une subvention à une association qui nous a démontré son incapacité à se gérer correctement. Si la coordination pour la récolte du textile doit être soutenue, alors qu'elle ne nous demande aucune subvention, nous avons le devoir de ne distribuer des aides qu'aux structures dont nous avons l'assurance que leur gestion est saine, rigoureuse et qu'elles respectent leurs engagements.

Ce n'est visiblement pas le cas d'ADARP-Textura qui n'a plus notre confiance. C'est notamment pour cette raison que le groupe libéral refusera cette subvention.

M. Pierre Kunz (R). Le rapport de la commission des finances tel qu'il nous est présenté dans sa nouvelle mouture soulève - M. Plojoux l'a bien remarqué - davantage de nouvelles questions qu'il ne répond à celles que nous avions posées en décembre dernier...

S'agissant tout d'abord des méthodes utilisées par les défenseurs du subventionnement de Textura, deux points sont particulièrement choquants.

Tout d'abord, cette demande de subvention est bien tardive. Quelle légèreté, Mesdames et Messieurs, de demander, en juin 2001, une subvention pour couvrir l'absence d'une subvention fédérale qu'on connaissait déjà il y a plus d'une année !

Ensuite, le forcing - permettez-moi de le dire, Monsieur Brunier ! - quelque peu suspect avec lequel vous avez essayé de faire passer en catimini, à l'occasion du débat budgétaire, cette demande de subvention !

Et puis, tout aussi suspect, le forcing que la commission des finances s'est vu imposer par le parti socialiste lors de sa réunion du 19 décembre dernier.

La commission des finances a travaillé sans les éclaircissements que nous avions demandés. M. Plojoux a rappelé un certain nombre de données apparues entre-temps - je me permets de les rappeler - qui conduisent à considérer la gestion de Textura comme pour le moins hasardeuse...

Comment considérer autrement une direction qui, avec un budget annuel de dépenses de 800000 F envisage des produits pour 100000 F et cela sans volonté d'améliorer cette production ?

Une direction qui, pour récolter 75 à 90 tonnes de vêtements par année, a besoin de 100000 F de matériel par année, avec deux chauffeurs et un aide, alors qu'une association comme Emmaüs - vous me permettrez de la citer parce que je la connais - récolte, avec un camion - toujours le même... - et deux chauffeurs, 1000 tonnes par année !

Une direction qui prétend offrir vingt à vingt-cinq postes de travail à des chômeurs sans pouvoir offrir la moindre liste d'activités et d'emplois...

Quels sont les horaires de ces personnes ? Qui a été occupé l'an dernier ? Qui le sait ? Personne !

M. Alberto Velasco. C'est indiqué ! Vous n'avez pas lu le rapport ?

M. Pierre Kunz. Vous avez parlé des vingt à vingt-cinq postes par année, mais vous n'avez jamais fourni la moindre liste concernant les tâches de ces personnes et leurs horaires.

Et puis, une direction qui se réclame en été 2001 d'une affiliation à la coordination, une coordination dont elle a claqué la porte trois mois auparavant ! Qui, enfin, oublie ses dettes à l'égard de cette coordination !

Disons-le, il y a quelque absurdité dans les justifications invoquées par le rapporteur au sujet du rôle de Textura dans la lutte contre le chômage... La loi genevoise, nous le savons tous, est extrêmement généreuse avec les chômeurs, puisqu'elle prévoit des indemnités sur cinq ans et qu'en plus elle fournit un RMCAS. Dans l'esprit du législateur, les travaux d'intérêt général, comme leur nom l'indique, sont fondés sur les besoins économiques et sociaux existants et non satisfaits, et il y en a de nombreux...

Ce ne sont pas, Mesdames et Messieurs, des emplois à inventer dans le cadre de nouvelles structures, ce ne sont pas des emplois à créer dans des entreprises quasiment fictives ! Et, à cet égard, les tâches d'occupation temporaire que Textura prétend offrir peuvent être offertes par d'autres institutions qui existent déjà et qui pourraient être aidées davantage, et cela sans frais pour la collectivité. Pourtant, on voudrait convaincre ce Grand Conseil de verser 400000 F par an à cette coopérative..

Mesdames et Messieurs les députés, être généreux, c'est bien. Mais être généreux avec l'argent des autres, en l'occurrence avec l'argent des citoyens contribuables de ce canton, c'est facile, trop facile ! Et cela nous impose, à nous députés, de rester responsables, attentifs, raisonnables et honnêtes quant à l'utilisation des impôts que nous versent les Genevois. Et il nous paraît que, dans ce cas, entrer en matière sur la demande de subvention serait faire, pour ce Conseil, preuve d'une légèreté pour le moins coupable.

En conclusion, il faut admettre que Textura a peut-être été nécessaire. Mais, aujourd'hui, elle ne l'est plus et cette subvention ne se justifie pas. Par conséquent, les radicaux ne la voteront pas.

Le président. Vos cinq minutes sont épuisées... Le parti libéral a encore deux minutes... Ce sera la dernière intervention avant la pause. Monsieur Weiss, vous avez deux minutes.

M. Pierre Weiss (L). Je voudrais faire état de mes arguments pour expliquer pour quelles raisons le parti libéral en commission s'est opposé à cette demande de subvention.

Tout d'abord, je voudrais dire que M. Velasco fait une confusion dans les chiffres de son rapport. C'est ainsi qu'il confond le nombre de demandeurs d'emploi avec le chiffre qui se trouve dans les documents officiels édités par l'office cantonal de la statistique... En effet, il n'y a que 4203 demandeurs d'emploi et non pas 13686!

D'autre part, je relève que, contrairement à ce qui est indiqué à la page 9 du rapport, les propos de M. Kunz ne sont pas infirmés mais doivent être confirmés. Le verbe employé est erroné.

J'aimerais aussi dire que l'exposé des motifs présenté par M. Velasco est relativement incomplet. C'est ainsi qu'il aurait pu dire - cela nous aurait éclairés quant à la décision que nous devons prendre - que l'office cantonal de l'emploi a pris une décision négative basée sur un préavis négatif de la commission de réinsertion professionnelle. Et je peux même supposer que c'est non seulement la majorité de la commission de réinsertion professionnelle, dans laquelle l'on trouve des partenaires sociaux, mais sa totalité qui a pris une position négative sur la demande de subvention présentée par Textura.

D'autre part, il aurait aussi pu être indiqué dans le rapport en question que le Tribunal administratif a débouté Textura quant au recours qu'elle a déposé contre la décision de l'office cantonal de l'emploi.

Par ailleurs, M. Velasco aurait pu préciser dans son rapport que les autres associations récoltent 800 tonnes de textile bénévolement, et non 75 à 90 tonnes de textile pour un montant de 435000 F... (L'orateur parle à toute allure. Exclamations et rires.)800 tonnes de textile, je le répète ! Je voudrais ajouter que le taux d'encadrement indiqué est étonnamment élevé, puisqu'il faut huit personnes pour s'occuper de vingt chômeurs!

Enfin - et c'est une chose fort intéressante - l'on pourrait toujours accuser ceux qui s'opposent à cette demande de subvention de ne pas vouloir accorder de subvention à des chômeurs de longue durée. En fait, il suffit de consulter le serveur Internet de l'Etat pour constater que la liste des programmes d'aide à la formation est étonnamment longue.

En conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il serait pour le moins paradoxal que l'on accorde une subvention pour un programme n'offrant pas de garantie de qualité, ainsi qu'il a été dit plus haut, mais dont on voudrait faire un modèle, et qu'au fond, en accordant cette subvention, l'on contredise et l'on nie la validité et la qualité des procédures d'évaluation de l'Etat, par le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, qui a décidé que Textura ne méritait plus notre soutien au profit de toutes les autres organisations d'aide aux chômeurs de longue durée.

Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)