Séance du
jeudi 24 janvier 2002 à
17h
55e
législature -
1re
année -
4e
session -
15e
séance
IU 1181
Mme Janine Hagmann (L). Mon interpellation urgente s'intitule : qui sait encore lire? Une journaliste de la «Tribune de Genève» affirme en gros titre aujourd'hui que quatre élèves sur cinq, à Genève, ne savent pas lire et que le Conseil d'Etat s'en satisfait. J'ai quelques questions à vous poser, Madame la présidente :
Premièrement, quelle fiabilité donner à cette information ?
Deuxièmement, pourriez-vous apporter au Grand Conseil, ou au moins à la commission de l'enseignement que j'ai l'honneur de présider, des informations sur le fameux rapport PISA qui annonce que la Suisse est classée au 17e rang des trente et un pays de l'OCDE?
Nous aimerions savoir comment a été opéré ce classement. A-t-il été tenu compte du fait que notre pays compte officiellement quatre langues nationales ?
A-t-il été tenu compte de la diversité culturelle de la population genevoise ?
A-t-il été tenu compte du rapport très intéressant que nous avions étudié en commission de l'enseignement sur la littératie ?
Quelle structure scolaire ont suivie les élèves faisant partie de l'échantillonnage choisi par PISA?
Troisièmement, qu'en est-il de l'autosatisfaction que vous avez exprimée à la journaliste ?
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je n'ai pas l'intention de répondre dans le détail sur ce qu'est l'enquête PISA, Madame la présidente de la commission de l'enseignement, pour la simple et bonne raison que j'ai déjà demandé à votre commission d'être entendue sur les résultats de ladite enquête. Je rappelle que nous connaissons aujourd'hui les résultats nationaux et que, le 31 janvier prochain, nous publierons le rapport romand et la comparaison entre les cantons. A cette occasion, je souhaite vivement pouvoir expliquer à la commission intéressée ce qu'il en est et les mesures qui pourraient être encore prises.
En premier lieu, venons-en à l'article de la «Tribune de Genève» de ce jour. A ce propos, il m'est venu l'idée que tous les journalistes ne sont peut-être pas compris dans les 20% indiqués dans l'enquête PISA... Le constat qu'un élève sur cinq n'atteint pas les objectifs élémentaires à la fin de ses 15 ans en matière de lecture est vrai pour la Suisse comme pour d'autres pays. Nous le déplorons et c'est pourquoi nous avons à prendre les mesures qui n'ont pas été prises.
Je rappelle que ces élèves, ainsi évalués, sont entrés dans le système de formation, chez nous, il y a onze ans, et qu'aucun d'entre eux n'a jamais bénéficié des mesures de réforme qui ont été introduites récemment.
Cependant, il est parfaitement curieux que des journalistes tirent la conclusion que si un élève sur cinq n'atteint pas les objectifs minimaux, cela signifie que les quatre autres ne savent pas lire ! De mon côté, j'en conclus que certains journalistes doivent, très malheureusement, faire partie de ces 20%... (Rires)
En deuxième lieu, puisque j'ai la parole, j'aimerais dénoncer une chose qui n'est pas exacte dans cet article, et les députés de la commission et de ce Grand Conseil sont parfaitement bien placés pour le savoir.
Dans cet article fort curieux, la parole est donnée à des enseignants qui se sentent obligés de prétendre que des mesures signées par trois cents pétitionnaires - à savoir des heures complémentaires dans l'enseignement du français pour travailler en demi-classe, demandées dans une séance où les présidents des groupes de français étaient là et où j'étais là également - que ces heures donc, que nous avons accordées, seraient soudainement refusées et désapprouvées par l'ensemble des enseignants de français. Lorsque j'apprends que, sous ce prétexte, des élèves seraient démobilisés ou ne suivraient pas les cours, les bras m'en tombent ! Je ne crois pas qu'il en soit ainsi et ce n'est pas faire honneur aux élèves que de le prétendre dans un journal !
J'aimerais enfin dire une dernière chose, puisque vous aurez à débattre de la pétition et de la réponse à la motion et que nous aurons donc l'occasion d'en reparler. Depuis quelque temps, dans les journaux, un certain nombre de personnes voulant parler, elles aussi, au nom des enseignants, utilisent, pour le moins, des affirmations douteuses et ne risquent pas d'être contredites, puisque la journaliste, Madame la députée, ne m'a pas interrogée, pas plus qu'elle n'a interrogé aucun des cadres du département, ni qui que ce soit autorisé à parler en son nom !
Cela dit, nous aurions beaucoup de peine à être autosatisfaits. Quant au Conseil d'Etat, il ne l'est pas non plus: nous produisons un certain nombre d'efforts dont il faudra bien mesurer les effets, et le Conseil d'Etat le dit dans la réponse qui vous a été donnée. Madame la députée, je pense qu'il y a, en matière d'éducation et de formation, une chose qui n'est pas possible, c'est le populisme. Nous en avons vécu certaines formes, l'an dernier. La réponse des citoyens a été claire. Nous en découvrons aujourd'hui de nouvelles qui ne sont pas meilleures que les autres. Prenons garde de dénigrer notre système d'éducation, de montrer du doigt des élèves et des enseignants, de prétendre des choses fausses, parce qu'une fois que c'est écrit dans le journal, malheureusement, qui que soit qui l'ait écrit et bien que cela soit faux, certains le croient ! (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Je prie les députés de poser peu de questions dans leurs interpellations urgentes, puisqu'à partir de la prochaine séance le Conseil d'Etat n'aura que trois minutes pour répondre...