Séance du vendredi 30 novembre 2001 à 21h
55e législature - 1re année - 2e session - 7e séance

M 1421
Proposition de motion de Mmes et MM. Luc Barthassat, Claude Blanc, Hubert Dethurens, Henri Duvillard, Nelly Guichard, Pierre Marti, Stéphanie Ruegsegger, Pierre-Louis Portier, Catherine Passaplan, Michel Parrat, Etienne Membrez demandant l'ouverture d'une structure de police permanente, permettant l'accueil du public 24 heures sur 24, pour une première prise en charge des affaires liées au quotidien de la population

Débat

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Quand bien même les statistiques ne démontrent nullement une augmentation notoire de la criminalité dans notre canton, une frange de notre population ressent une forme d'insécurité. Celle-ci est certainement due à des faits et à des événements que nous ne connaissions pas, du moins il y a quelques années. Ces faits sont en particulier ceux issus de la petite délinquance, des affrontements entre bandes ou, encore, du vandalisme que nous avons déjà souvent évoqué dans cette enceinte.

A ce sentiment d'insécurité s'ajoutent des réformes dans le fonctionnement des postes de gendarmerie, nécessaires puisque nous devons faire face au manque de personnel dans ce corps: fermeture de certains postes la nuit, regroupement dans quelques autres. Bref, beaucoup de gens ont un sentiment d'abandon, ceci malgré la mise en place d'autres moyens ou des changements positifs dans la manière d'afficher une rassurante présence policière. Je pense aux importants engagements par les communes d'agents de sécurité municipaux et au bon travail d'îlotage effectué par la gendarmerie.

Reste que ces différents moyens doivent être encore complétés. Ils doivent, entre autres choses, être complétés par une structure de police permettant l'accueil du public vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour des problèmes liés au quotidien. Il faut en effet faciliter les relations entre la population genevoise et sa police. On ne peut pas, par exemple, demander aux quelques gendarmes présents dans les quelques postes ouverts la nuit dans notre canton d'être en tout temps disponibles pour répondre à tous les petits soucis du public, alors qu'ils arrivent parfois difficilement à répondre à toutes les urgences.

Or, pour celui qui vient d'être victime d'un vol, il est important de pouvoir tout de suite faire enregistrer sa plainte. Une femme victime de violences conjugales doit pouvoir trouver immédiatement non seulement un refuge mais également une écoute. Une personne affolée doit immédiatement être rassurée, informée ou encore réconfortée.

Il nous apparaît donc important et possible, dans un petit canton comme Genève, de regrouper des forces compétentes: gendarmes, personnel administratif ou encore travailleurs sociaux, pouvant tous faire bénéficier nos concitoyens de leurs compétences professionnelles et, ainsi, les aider à résoudre leurs problèmes liés au quotidien.

Mais nous tenons à être tout à fait clairs sur un point: il ne s'agit nullement d'accélérer ou de favoriser le démantèlement des postes péri-urbains... Bien au contraire ! Nous voulons regrouper dans un même lieu, bien centralisé, tous les services que notre population doit pouvoir obtenir facilement dans un poste de gendarmerie, afin de décharger nos gendarmes en uniforme formés pour des tâches plus délicates et complexes et devant souvent être exécutées dans l'urgence.

Lorsque seulement cinq ou six hommes sont présents dans un poste, il est de notre devoir de leur faciliter la tâche en leur permettant d'intervenir sans tarder dans les cas d'accidents, de cambriolages ou d'agressions, ou simplement de patrouiller, en les déchargeant des tâches administratives telles que les dépôts de plainte, les problèmes de stationnement ou autres petits soucis.

Notre proposition se veut donc un complément à l'actuel dispositif. Elle vise en partie les mêmes buts que le projet de loi 8567 présenté récemment par l'Alliance de gauche, mais nécessite des moyens moins importants en personnel et, surtout, permet l'action de personnes d'autres professions, ce qui est important pour le public et ce qui permet également de répondre aux problèmes de sous-effectifs dans la gendarmerie.

Nous vous invitons donc à faire bon accueil à cette motion et, dans l'immédiat, à la renvoyer en commission.

Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Cette motion déposée par le groupe démocrate-chrétien rejoint effectivement une autre proposition qui avait été déposée par l'Alliance de gauche, ou encore des préoccupations que nous avions développées en 1998, lorsque nous disions redouter des dispositifs à deux vitesses.

En son temps, lors du dépôt de cette motion par le groupe démocrate-chrétien, les socialistes avaient proposé que ces textes soient étudiés par la commission des finances... Pourquoi? Parce que, au-delà de la volonté soit de créer un poste ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, soit de doubler les effectifs à certains endroits, la commission qui s'occupera de cette motion devra au préalable résoudre deux questions essentielles, si nous voulons qu'un dispositif ou l'autre, ou peut-être un troisième, puisse être actif.

Deux problèmes frappent assez gravement la police à l'heure actuelle, et le groupe démocrate-chrétien est bien placé, avec M. le chef de la police, pour savoir quels sont ces problèmes. Ces deux problèmes sont les suivants. Il y a tout d'abord le problème très important de l'image de la gendarmerie en uniforme, image par rapport à laquelle les gendarmes ont du mal à s'identifier actuellement. Il suffit de lire leur journal syndical de l'UPCP de la fin de l'été pour se rendre compte du manque de considération dont ils font l'objet et dont ils se plaignent dans l'exécution de leurs tâches.

S'il est légitime que Genève, qui est une ville de paix, exige de ses gendarmes qu'ils ne se comportent pas comme des cow-boys, on peut s'étonner que ceux-ci se sentent dénigrés ou déconsidérés lors de leurs interventions. Et ceci explique peut-être la difficulté de recrutement, au-delà des exigences que l'on peut légitimement avoir dans une ville comme Genève. C'est un premier problème qu'il faudrait résoudre.

Le deuxième problème est le problème de l'évaluation de la fonction. En effet, s'il est difficile de recruter, on peut aussi se préoccuper de l'hémorragie que connaît le corps de police, point qui concerne les deux secteurs du corps de police. Il y a des gendarmes qui passent chez les agents municipaux et il y a des inspecteurs qui passent à la Police fédérale. Et cela tient - c'est aussi un problème de reconnaissance - à la définition de la fonction.

C'est pour cela que les socialistes avaient proposé - ils n'ont pas été suivis, mais ce n'est pas très grave - que la commission des finances se penche sur ces deux aspects. Maintenant, la commission judiciaire a reçu la première proposition, ce n'est pas un problème, elle recevra la deuxième après...

Mais, Mesdames et Messieurs les députés, on pourrait voter mille postes, on pourrait voter un poste ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, on pourrait prendre la décision de «permanentiser» les postes: aussi longtemps que le recrutement ne sera pas attractif, aussi longtemps qu'on n'aura pas résolu le problème des gens qui sont en place - leur problème d'image - aussi longtemps qu'on ne se sera pas intéressé au problème du statut de ce secteur de la fonction publique, tant que les postes ne seront pas pourvus effectivement, cela sera absolument inutile !

Je demande donc vraiment aux commissaires de la commission judiciaire, de tous les partis, de prendre en compte, au-delà de l'aspect technique de la question, les deux aspects que je viens de développer.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'arrêterai la séance à la fin de ce débat... Il ne tient qu'à vous de le faire durer ou non !

M. Alain-Dominique Mauris (L). On l'a vu dans les derniers sondages, la sécurité est effectivement un sujet qui préoccupe grandement l'ensemble de la population et, ce soir, la motion du groupe démocrate-chrétien retient notre attention et notre soutien.

A plusieurs reprises, des interpellations urgentes ont été adressées au chef du département de justice et police, notamment en ce qui concerne la fermeture des postes de police, et M. Ramseyer avait pris son bâton de pèlerin - si je puis m'exprimer ainsi - pour venir nous expliquer quels étaient les enjeux de cette nouvelle organisation.

Force est de constater qu'aujourd'hui le système doit être amélioré et qu'il faut poursuivre la réorganisation. En effet, on entend des témoignages de personnes qui, après avoir été agressées ou après avoir subi des vols pendant la nuit, ne savent pas où s'adresser. Quand elles téléphonent au poste de police, on leur répond que, malheureusement, il n'y a que deux agents au poste et qu'ils ne peuvent pas se déplacer, ou que la brigade d'intervention est surchargée... Il y a là parfois, effectivement, de quoi s'inquiéter.

Cette motion va certainement permettre de répondre à ces nombreuses questions.

Je tiens aussi à relever les propos de mon collègue Portier concernant ce qui se passe aujourd'hui avec les communes et les privés. De plus en plus, les privés ont recours à des services de protection privée et les communes augmentent les effectifs des agents de sécurité municipaux.

On se rend donc compte qu'il y a bien là un problème d'effectif aussi, que tous ces engagements engendrent des coûts et qu'il vaudrait la peine de se pencher sur ce problème pour savoir si la répartition financière est vraiment la meilleure et s'il ne faudrait pas allouer plus d'argent, plus de moyens à notre police cantonale.

Nous soutenons le renvoi de cette motion à la commission judiciaire qui, elle, va s'occuper en premier de l'organisation de ces tâches.

M. Jean-Marc Odier (R). Le parlement est conscient qu'il y a un problème à la police et un certain malaise au niveau de la sécurité, au niveau du fonctionnement qui n'est pas idéal.

Nous avons déjà vu un projet de loi déposé par l'Alliance de gauche et, maintenant, nous voici saisis d'une motion. Je crains que, si le constat de ce parlement est le même pour ce qui est des problèmes à résoudre, les moyens pour les résoudre, eux, ne sont pas identiques.

C'est pour cette raison qu'on ne peut pas renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat et qu'il est nécessaire que la commission judiciaire l'étudie, afin, notamment, que l'on puisse auditionner des gendarmes pour leur demander ce qui se passe et ce qu'ils ressentent.

Mme Gobet-Winiger a parlé d'un problème de recrutement. C'est un peu vrai, mais je crois savoir aussi que les gendarmes sont un peu amers par rapport à leur façon de travailler et par rapport au peu de rigueur de la justice. Il n'y a donc pas qu'un seul problème et il est certainement utile de renvoyer cette motion en commission pour étudier tout cela.

La proposition du groupe PDC est intéressante dans la mesure où l'on pourrait récupérer des gendarmes qui sont actuellement dans des postes susceptibles d'être fermés la nuit, pour recentraliser une structure qui fonctionnerait vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui devrait agir en priorité pour les urgences et qui informerait et réorienterait les cas moins urgents vers d'autres postes ouverts le jour. Je le répète, c'est une proposition intéressante.

Cependant, je lis dans l'exposé des motifs : «Fonctionnant avec une équipe polyvalente, équipée pour pouvoir apporter une première prise en charge des personnes s'adressant à elle, on pourrait par exemple imaginer de prévoir la mise en place d'une salle particulière pour les victimes d'infraction...». Ce paragraphe répond probablement à une inquiétude, mais il me semble vague et c'est une raison supplémentaire pour qu'on essaye de clarifier les choses et d'obtenir un maximum d'informations.

C'est pourquoi le groupe radical soutiendra le renvoi de cette motion en commission.

M. Thierry Apothéloz (S). Cette motion a effectivement le mérite de lancer la réflexion par rapport à un des thèmes généraux qui nous tiennent à coeur. Inutile de vous le cacher: l'insécurité est un problème important que nous devrons traiter au cours de cette législature.

En effet - et M. Odier l'a relevé - le thème de l'insécurité, selon les différents bords auxquels nous pouvons appartenir, sera traité de manière différente, soit par un renforcement policier, soit - et je l'espère aussi - par un renforcement de la prévention et de l'action des travailleurs sociaux.

Enfin, je souhaiterais effectivement suggérer à mes collègues une troisième piste: le travail auprès et avec la population, à l'instar de ce qui peut exister dans certaines villes françaises et qui est en train de se développer sur le canton. Je veux parler ici du diagnostic local de sécurité, voire même du contrat local de sécurité.

L'exposé des motifs nous indique la volonté des motionnaires de créer une salle polyvalente pour recevoir les victimes d'infraction... Je souhaiterais d'ores et déjà dire à mes collègues que, effectivement, les victimes d'infraction, les adolescents qui ont subi des viols, des attouchements sexuels, méritent qu'on les entende, ce qui implique que nos policiers soient extrêmement bien formés pour cela. Ce type de formation représente un coût et cette motion nous permettra d'en parler.

C'est pour cette raison que le groupe socialiste appuiera son renvoi à la commission judiciaire.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC va soutenir la motion présentée.

Nous la trouvons un peu tiède, car il ne s'agit pas simplement d'un sentiment d'insécurité: l'augmentation de l'insécurité est effective. Je prendrai un seul exemple: le nombre de viols ces quatre dernières années a triplé (16 en 1997, 50 en 2000).

Cet état de fait n'est pas dû à des circonstances hasardeuses, mais à un manque de priorités qui ont été fixées au niveau financier.

On a parlé d'hémorragie des effectifs: c'est vrai. Beaucoup de policiers vont effectivement dans des polices communales ou dans la police fédérale pour différents motifs. Ce n'est pas l'objet aujourd'hui de discuter des raisons pour lesquelles les gendarmes quittent la gendarmerie. Mais il y a effectivement, d'une part, une surcharge de travail et, surtout, un manque de soutien politique et judiciaire, de nombreuses personnes étant remises à la rue, sitôt après avoir été interpellées...

Le groupe UDC va donc profiter de cette motion pour en discuter plus largement dans le cadre de la commission.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission judiciaire.