Séance du
vendredi 30 novembre 2001 à
21h
55e
législature -
1re
année -
2e
session -
7e
séance
M 1417
Débat
Mme Anita Frei (Ve). C'est dans le cadre de ses travaux autour de la motion sur le tunnel du Mont-Blanc que la commission des affaires communales, régionales et internationales a décidé de présenter à votre attention cette proposition de motion qui invite le Conseil d'Etat à intervenir auprès des autorités fédérales pour que l'axe ferroviaire Vallorbe-Lausanne-Martigny-Brig-Simplon puisse être ouvert au plus vite au ferroutage, au niveau européen.
Les événements récents au Gothard l'ont à nouveau tragiquement montré: le transit des poids lourds à travers les Alpes, que les Verts de tout l'Arc alpin dénoncent depuis longtemps, atteint un seuil intolérable et même criminel. Il y a aujourd'hui une véritable urgence à réduire drastiquement le passage des camions dans les vallées alpines, pour la santé et le bien-être des populations riveraines, pour la sécurité des routiers et des autres usagers de la route, pour le délicat équilibre des Alpes.
Les mesures à prendre sont multiples. La plus importante et la plus efficace est, sans nul doute, de faire payer les transports à leur coût réel, c'est-à-dire à des conditions de travail et de salaire décentes pour les routiers, avec un prix du carburant qui intègre tous les coûts environnementaux, sociaux et économiques, un prix qui dissuade, par exemple, les négociants de faire laver leurs pommes de terre en Italie, parce que l'eau y est moins chère, et de les faire revenir ensuite en Allemagne...
Une autre mesure consiste à proposer une alternative au passage des poids lourds à travers les Alpes. Une de ces alternatives est le ferroutage, soit le chargement des poids lourds sur les trains. Cette mesure doit être encouragée sur l'ensemble de l'Arc alpin. Les infrastructures ferroviaires de base existent, au Simplon notamment. Toutefois, quelques tunnels doivent être agrandis pour permettre le transfert sur rail de camions et containers qui sont aux normes européennes, donc plutôt baraqués...
La motion demande que le calendrier prévu pour ces travaux soit avancé, afin d'offrir au plus vite cet axe ferroviaire au transit Nord-Sud.
Le ferroutage n'est certes pas la solution à tous les problèmes que pose le trafic des poids lourds à travers les Alpes, loin de là. Mais c'est en tout cas une solution plus efficace, plus durable et plus respectueuse de l'environnement et des personnes que celle qui consiste à vouloir construire un second tultube au Gothard.
C'est pourquoi nous vous invitons à faire bon accueil à cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Jean Spielmann (AdG). Il s'agit effectivement d'un projet important pour notre région bien sûr, mais aussi pour l'ensemble du trafic des marchandises.
Certains veulent mettre en concurrence l'axe Vallorbe-Simplon avec la perspective de réaliser d'autres axes. Aujourd'hui, le seul axe qui existe et qui permettrait d'aller de Lyon à Turin, avec une altitude maximum de 625 m à travers toutes les Alpes, du Nord au Sud, est cette fameuse ligne qui passe effectivement par le Simplon, qui peut aller sur Vallorbe, mais qui implique, entre Martigny et Vallorbe, de faire un nombre considérable d'investissements pour mettre les tunnels au gabarit.
Il y aurait d'autres moyens... Par exemple, la réanimation de la ligne du Sud-Léman, ligne qui existe déjà et qu'il suffirait de revitaliser et de remettre en route avec du matériel moderne, peu bruyant, permettant dans un délai très rapide de mettre en place un trafic de chemin de fer entre Lyon et Turin sans aucun problème d'altitude ni de gabarit.
Partant de là, le Grand Conseil, à plusieurs reprises, s'est préoccupé des liaisons ferroviaires avec nos voisins français et, notamment, de la ligne dite des Carpates pour relier Genève à Paris, en réduisant le kilométrage, et permettre parallèlement de rejoindre directement les deux villes du pays de l'Ain, Bourg et Bellegarde, alors que, pour le moment, il faut faire un détour considérable. On a réussi à se mettre d'accord à l'unanimité du Grand Conseil pour la liaison la Praille-Eaux-Vives. Mais, aujourd'hui, il faut continuer dans cette direction !
Je crois savoir, Monsieur le président du département des transports, que, dans le cadre des discussions que nous avons eues et dans le cadre de la région, le travail a été partagé entre Genève et le Valais. Les Genevois devant discuter et convaincre les Français d'accepter une telle réalisation jusqu'à Evian et les Valaisans, de leur côté, faisant l'effort d'essayer d'aller jusqu'à Evian aussi.
Il reste juste un petit problème: l'opposition principale qui vient du maire d'Evian... J'imagine qu'on a aussi pensé qu'il faudrait traverser Evian... Mais là, je vous fais confiance !
Partant de là, on peut agir vite, et agir vite signifie qu'il faut agir même avec une voie unique. Il sera en effet très difficile de réaliser une voie de chemin de fer double notamment du côté de Meillerie, mais, avec les moyens techniques actuels, une voie unique comportant du matériel moderne permet d'ouvrir des perspectives nouvelles dans le domaine du transport, pas seulement des personnes mais aussi des marchandises. Toutes les grandes compagnies de camions, de Fiat à Daimler-Benz, sont en train d'investir et de mettre sur le marché du matériel roulant ultra-silencieux, léger, performant, pendulaire, qui permet d'aller vite. On pourrait ainsi, avec seulement onze trains par jour - sur un sillon comme celui-là, ce n'est pas énorme, pour autant qu'ils ne provoquent pas trop de nuisances aux riverains - quasiment remplacer le trafic lourd du tunnel du Mont-Blanc.
Je pense donc que cette motion mérite un examen attentif. Nous devrons travailler en collaboration avec les autres cantons suisses pour ne pas retarder la liaison Vallorbe-Martigny jusqu'au Simplon et, en même temps, faire avancer les choses, pour qu'une fois la liaison La Praille-Eaux-Vives réalisée on puisse faire le complément indispensable permettant d'aller en direction de la vallée de Chamonix, en direction du Sud Léman, permettant aussi, par exemple, de relier Sion à Genève en gagnant presque une trentaine de kilomètres, sans engorger la ligne du Nord Léman, je veux parler bien sûr de la ligne Genève-Lausanne-Martigny.
Il y a donc là un potentiel de développement qui serait profitable à toute la région, qui permettrait de résoudre le problème des camions, y compris au tunnel du Mont-Blanc, et d'affecter l'axe existant à du trafic beaucoup plus léger. Mesdames et Messieurs les députés, il y a là une opportunité à saisir.
Il serait intéressant - et je pense que les motionnaires seront d'accord - que la commission des transports, dans le cadre du programme qu'elle est en train de mettre en route pour les axes ferroviaires prioritaires et les réalisations que nous devons faire, puisse faire un programme de réalisations et demander ensuite au Conseil d'Etat de concrétiser, par étapes, les équipements ferroviaires complémentaires nécessaires à l'ensemble de notre région.
Je vous remercie et j'espère que, comme cela a été le cas pour les autres dossiers, ce dossier fera l'unanimité du Grand Conseil ou, en tout cas, qu'une grande partie de ce Grand Conseil le votera, parce qu'il s'agit là vraiment de notre avenir et de l'avenir de toute la région. Il est donc important que ce dossier soit traité avec diligence.
Le président. Monsieur Spielmann, vous faites une demande formelle de renvoi en commission des transports?
M. Jean Spielmann. Je pense effectivement qu'il serait intelligent d'examiner cet objet à la commission des transports, afin d'établir des priorités.
Le président. Bien ! Monsieur Dethurens, vous avez demandé la parole...
M. Hubert Dethurens (PDC). Oui, Monsieur le président, mais c'était pour intervenir sur la motion précédente ! Je crois que vous n'étiez pas tellement attentif... (Rires.)
Le président. Il y a un quart d'heure que ce point est terminé... Ce n'est pas grave ! Monsieur Portier, je vous passe la parole...
M. Pierre-Louis Portier (PDC). J'ai bien entendu M. Spielmann et je crois que l'on ne peut qu'approuver ses propos. En effet, il serait tout à fait intéressant de compléter cette motion en ayant une discussion sur le problème du Tonkin.
Cependant, je tiens à rappeler à ce Grand Conseil que ce qui a animé les membres de la commission des affaires communales, régionales et internationales - je vous rappelle que cette motion est issue des travaux sur le passage des camions sous le tunnel du Mont-Blanc - c'est le besoin impératif de sécurité dans tous les tunnels. Evidemment, la douloureuse actualité du tunnel du Gothard nous l'a rappelé.
OK, donc, pour le renvoi de cette motion à la commission des transports, mais alors, s'il vous plaît, que cette motion ne s'y enlise pas, de façon à ce que le Conseil d'Etat puisse très rapidement s'en saisir et intervenir auprès des autorités fédérales.
Voilà le message que je tenais à faire passer ce soir.
Le président. La parole n'est plus demandée... Oui, Monsieur Spielmann... Il faut appuyer sur le bouton... Encore un petit effort ! Voilà !
M. Jean Spielmann (AdG). J'ai bien entendu ce qui vient d'être dit. Si le Conseil d'Etat est prêt à accepter la motion en l'état, je serai d'accord, mais je rappelle qu'il y a un problème de concurrence avec nos voisins vaudois pour que l'axe Simplon-Brig passe par Lausanne-Vallorbe et non par le Sud Léman. Le Sud Léman peut être réalisé très vite, puisque les lignes existent déjà et qu'il suffit de les revitaliser, mais il est clair que cela fera concurrence aussi bien à Lausanne, à tout le canton de Vaud qu'à Vallorbe.
Alors, la question qui se pose est la suivante: sommes-nous prêts à accélérer les réalisations Vaud-Brig-Simplon sans tenir compte de l'ensemble du périmètre? Et puis, deuxième question: est-il vraiment judicieux et dissuasif de faire passer les camions de Vallorbe à Milan pour éviter le tunnel du Mont-Blanc? Ne vaudrait-il pas mieux rester plus proche du tracé actuel, Lyon-Tunnel du Mont-Blanc-Turin, en passant par l'axe dont je parlais tout à l'heure, pour être beaucoup plus complémentaire et concurrentiel avec le tunnel du Mont-Blanc? Cela donnerait une alternative au passage en altitude des camions. Car, certes, le problème des tunnels se pose, mais, en outre, il n'est pas vraiment intelligent de monter des poids lourds en charge à plus de 1000 m d'altitude, qui passent ensuite sous les tunnels une fois qu'ils ont bien chauffé...
Il faudrait donc tenir compte de ces divers éléments, c'est pourquoi je suggérais le renvoi en commission. Toutefois, si le Conseil d'Etat nous confirme qu'il va répondre à ces deux objectifs et fixer des priorités, je suis d'accord d'y renoncer. Mais s'il revient avec une proposition traitée à Berne et portant sur la seule réalisation du trajet Vallorbe-Martigny-Brig, je ne suis pas sûr que Genève sera gagnante.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Ce projet de motion peut faire apparaître un conflit... Il y a, comme l'a signalé M. Spielmann, un manque de capacité de l'axe ferroviaire Lausanne-Saint-Maurice. Il pourrait donc y avoir conflit entre la desserte fret et la desserte voyageurs, avec une diminution quantitative et qualitative de la desserte voyageurs, ce qui prétériterait Genève. Tout ceci demande donc une étude, parce qu'il est possible d'éviter que Genève ne soit prétéritée sur le plan du trafic voyageurs si la ligne du Sud Léman est remise en exploitation rapidement.
Alors, je suis évidemment d'accord d'accepter cette motion au nom du Conseil d'Etat. Je pense qu'elle devra être discutée en délégation du Conseil d'Etat AET, parce qu'il faut élucider le problème de ce conflit d'intérêt entre trafic voyageurs et trafic de fret. Ensuite, le Conseil d'Etat fera un rapport à la commission des transports, mais après avoir déblayé le terrain...
Je fais donc parfaitement bon accueil à cette motion et je suis prêt à l'accepter au nom du Conseil d'Etat.
Mme Anita Frei (Ve). Je maintiens ma demande de renvoi de cette motion au Conseil d'Etat dans la mesure où plusieurs motions sont déjà en attente auprès de celui-ci et qui touchent les problèmes évoqués par M. Spielmann. Je pense que c'est l'occasion pour la délégation transports de répondre à toutes ces motions, quitte à apporter les résultats de sa réflexion en commission des transports.
Le président. Monsieur Spielmann, vous maintenez votre demande de renvoi en commission? (Dénégations de M. Spielmann.)Si, si, vous l'avez faite ! Du reste, M. Portier vous a soutenu dans cette demande.
Monsieur Portier, vous maintenez votre demande de renvoi en commission? Non? Alors, nous allons voter sur cette motion...
Mise aux voix, la Motion 1417 est adoptée.