Séance du vendredi 30 novembre 2001 à 17h
55e législature - 1re année - 2e session - 6e séance

M 1428
Proposition de motion de MM. Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz pour la création d'un prix du développement durable à Genève

Débat

M. Thomas Büchi (R). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup d'entre vous le savent, le développement durable est un sujet clé en ce début de millénaire pour l'avenir de l'humanité. Ce thème, avec mes anciens collègues et amis Roger Beer et Hervé Dessimoz, nous le défendons avec volonté et conviction depuis plusieurs années. Nous avons d'ailleurs rédigé plusieurs motions et projets de lois, qui ont déjà été votés dans l'enceinte de ce Grand Conseil. Nous pensons aujourd'hui qu'une nouvelle étape doit être franchie et qu'une prise de conscience généralisée doit se manifester face aux enjeux incontournables que représente le développement durable. Cette prise de conscience ne peut pas avoir lieu sans une médiatisation convaincante. C'est donc en toute logique que nous avons pensé que la création d'un prix du développement durable était tout à fait conforme à la diffusion du message du développement durable.

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler, avant de préciser ce qu'est ce prix du développement durable, quelques principes essentiels du développement durable. La notion de développement durable a été mise en place lors du Sommet de Rio en 1992. La plupart des pays se sont réunis et retrouvés pour engager une réflexion par rapport à la situation alarmante de la détérioration des conditions de vie économiques, sociales et environnementales auxquelles nous sommes confrontés. La question fondamentale qui est ressortie du Sommet de Rio et qui est empreinte d'une certaine noblesse, la seule question véritablement noble que l'on peut se poser aujourd'hui, est de savoir comment je peux satisfaire à mes besoins de vie sans mettre en péril le fait que les générations futures devront aussi satisfaire à leurs besoins. Une fois que cette question est posée, force est de constater qu'il s'agit de trouver un équilibre subtile entre une économie performante, une société solidaire et un environnement intact. Il est vital, à la suite de l'impulsion donnée par le secteur public - le secteur public a déjà donné une très forte impulsion au développement durable - que le secteur privé lui emboîte le pas.

Il faut bien comprendre qu'il ne peut y avoir de progrès social sans croissance économique, mais sans préservation de l'environnement, il ne peut y avoir de croissance économique durable. Notre défi et notre pari consistent à harmoniser les besoins d'une population humaine en croissance et d'une économie gourmande en ressources, avec un écosystème intrinsèquement limité. Nous sommes donc dans l'obligation de créer des conditions économiques qui tiennent compte des aspects environnementaux et sociaux lors de l'utilisation des matières premières, lors de la production de biens, nourriture, prestations, etc. Il faut utiliser les énergies renouvelables et non renouvelables avec parcimonie. Il faut également introduire dans les entreprises et dans les sphères décisionnelles des systèmes de management de qualité de l'environnement. Cela contribuera à améliorer la gestion des ressources d'une manière efficace sur le plan économique.

C'est en raison des aspects évoqués ci-dessus que nous pensons qu'une impulsion soutenue et dynamique dans ce domaine est indispensable. Quoi de plus logique donc que de créer à Genève un prix du développement durable? Il ne faut pas le confondre, Monsieur le conseiller d'Etat, avec le prix de l'environnement. On donne une impulsion dans un secteur complètement différent. Ceci dans le but de changer les habitudes dans le secteur privé et parmi tous les acteurs économiques de notre société. Nous désirons que ce prix soit annuel et organisé par le Conseil d'Etat. Cela donnera l'occasion au Conseil d'Etat de communiquer, et de sensibiliser le secteur privé à l'Agenda 21 et aux différents aspects incontournables du développement durable. Nous sommes convaincus que la qualité de notre avenir en dépend. De ce fait, c'est à vous également de détailler de façon extrêmement précise les modalités d'organisation de ce prix.

La responsabilité et la capacité à donner cette impulsion initiale incombent au monde politique. C'est pourquoi nous vous sollicitons ce soir et vous demandons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat !

M. Alain Etienne (S). Le groupe socialiste est favorable à cette motion, car, comme les motionnaires, nous voulons voir s'appliquer les principes du développement durable à Genève. Parler du développement durable à Genève est certes une bonne chose et nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de nous prononcer à ce sujet.

Cependant, j'aimerais rappeler, en ce qui concerne plus particulièrement le prix annuel du développement durable, qu'un prix analogue existe déjà, décerné sauf erreur par le Conseil de l'environnement. De plus, nous avons déjà eu cette discussion lors de l'étude du projet de loi 8365 sur l'action publique en vue d'un développement durable, à l'article 8, sous le titre «Action de la société civile». Si je me souviens bien, c'est un député radical qui disait à l'époque en commission qu'il ne croyait pas à l'utilité de ces prix. Il avait même proposé la suppression de l'alinéa ! (L'orateur est interpellé.)Si, il est encore là ! Alors, je m'interroge. Il ne suffit pas de parler du développement durable, mais il faut aussi chercher à l'appliquer. On ne peut pas faire d'un côté des déclarations de bonnes intentions et agir différemment de l'autre. Il n'y a qu'à voir les prises de position des associations des milieux économiques, par exemple, sur le thème des transports ou sur l'aménagement du territoire, pour douter quelque peu d'une réelle volonté de changement.

Alors oui, encore une fois, nous vous soutiendrons, mais nous voulons aussi des actes ! En l'état, nous soutiendrons le renvoi au Conseil d'Etat !

Mme Morgane Gauthier (Ve). C'est toujours avec un grand plaisir que les Verts constatent que le thème du développement durable est repris pendant les campagnes électorales par beaucoup de partis. Nous sommes extrêmement contents de cela, c'est la preuve que les choses changent !

Mais c'est avec un certain amusement que les Verts ont examiné cette proposition de motion. En effet, comme l'a précisé M. Etienne, nous avons voté le 23 mars de cette année la loi sur le développement durable A 2 60, ou Agenda 21. Permettez-moi juste d'en rappeler l'article 8, alinéa 2: «A cette fin, il institue notamment un prix annuel distinguant un projet dont la réalisation a été particulièrement significative», cela sous le titre général de «Loi sur l'action publique en vue d'un développement durable». J'ai donc l'impression que l'on a là un doublon par rapport à cette motion, ce qui ne nous empêche cependant pas de la soutenir et de soutenir son renvoi au Conseil d'Etat.

Enfin, c'est un peu avec amusement et sur le ton d'une boutade que je vais vous dire ceci, Monsieur Büchi: faire imprimer à 650 exemplaires une motion dont le thème est déjà dans la loi, dont le prix a déjà été institué par la loi, ne me semble pas un bon exemple pour le prix du développement durable !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Comme l'a rappelé Mme Gauthier, vous avez adopté, Mesdames et Messieurs, le 23 mars, une loi sur l'action publique en vue d'un développement durable, qui est entrée en vigueur et qui prévoit notamment que l'Etat institue un prix annuel distinguant un projet dont la réalisation a été particulièrement significative et d'autre part un concours annuel octroyant une ou plusieurs bourses en vue de la réalisation d'actions sur un thème précis. Mais il ne suffit pas qu'une loi institue un prix pour que cela soit organisé. Du reste, la loi poursuit en indiquant que le Conseil de l'environnement peut être chargé d'attribuer le prix et de mettre sur pied le concours. C'est dire que cette motion, si elle rejoint largement le texte de la loi en ce qui concerne le principe même du prix, est cependant bienvenue, dans la mesure où elle donne l'occasion au Conseil d'Etat de s'expliquer sur les mesures qu'il va prendre concrètement pour mettre en oeuvre cette disposition légale qui nous demande d'instituer un prix du développement durable. C'est dans ce sens que je l'accueille bien volontiers. Cela nous permettra de vous informer sur les travaux actuellement en cours au Conseil de l'environnement et peut-être même de vous remettre en annexe à notre réponse l'arrêté que pourrait prendre le Conseil d'Etat en vue d'instituer ce prix.

Mise aux voix, la Motion 1428 est adoptée.