Séance du
vendredi 2 novembre 2001 à
20h30
55e
législature -
1re
année -
1re
session -
3e
séance
PL 8643
Préconsultation
M. René Ecuyer (AdG), rapporteur de majorité. Je voudrais tout d'abord remercier les membres de la commission fiscale: en effet, pour avoir passé une heure en commission, j'ai eu le privilège de devoir rédiger le rapport et de faire la synthèse de plusieurs heures de travail et de plusieurs semaines de préparation sur le sujet... Mais après tout, c'est un sujet que j'affectionne assez. Il s'agit en l'occurrence de demander à ceux qui vivent de la crise, à ceux qui gagnent bien, une petite participation, un geste de solidarité. C'est donc avec plaisir que je me suis chargé de ce rapport. J'espère que j'ai été à la hauteur et que vous avez eu beaucoup de plaisir à le lire!
L'initiative visait au préalable le redressement des finances publiques. On peut dire que cet objectif a été atteint. Mais cette initiative visait aussi à réduire l'endettement public. C'est pour cela qu'il était important de rédiger un contre-projet à l'initiative. Il est vrai qu'il y a là quelque chose à faire: dans la situation que l'on connaît actuellement, où des milliers et des milliers de travailleurs se retrouvent à la rue, au chômage, en raison de l'imprévoyance et de l'incapacité des dirigeants de leur entreprise, et devront frapper à la porte des offices sociaux et voir comment survivre, il faudra trouver des moyens. Or, les moyens, ce sont les finances publiques. Tout le monde doit payer la facture de l'incompétence...
A ce sujet, j'ai été assez sidéré par ce que j'ai entendu. Ainsi, j'ai entendu des candidats au Conseil d'Etat expliquer qu'il fallait diminuer les impôts des entreprises et réduire la fiscalité. C'est évidemment un non-sens, surtout lorsqu'il faudra faire davantage appel aux finances publiques pour faire face aux difficultés de nos concitoyens.
Il s'agit donc aujourd'hui de demander un petit effort supplémentaire, un petit effort - il est très modeste - à ceux qui, justement, malgré la crise, malgré les difficultés, trouvent encore le moyen de s'enrichir et de réaliser des affaires faramineuses. On a vu que l'on donnait des gratifications importantes au directeur de Swissair pour qu'il quitte son poste, au directeur des CFF... Partout, on voit que les dirigeants reçoivent de bonnes gratifications. Par contre, on ne trouve pas les moyens de payer les gens qui partent en retraite, même anticipée.
Le contre-projet est intéressant. Il épargne ceux qui ont de petites fortunes, puisque l'on a relevé la franchise de l'imposition sur la fortune. Je vous rappelle qu'elle était à 50000 F pour une personne seule et qu'elle passera à 75000 F. Pour les personnes à la retraite et les couples, elle s'élevait à 150000 F. Elle passera à 200000 F. En revanche, le barème d'imposition des gros revenus et des grosses fortunes a été relevé afin que tous, surtout ceux qui vivent bien, puissent contribuer à l'effort de solidarité.
On a entendu que l'impôt devenait confiscatoire. On a entendu cela de la part du parti libéral. Mais les chiffres sont là. Les chiffres de mon cher camarade Bernard Clerc, qui ne siège plus parmi nous, nous indiquaient que le nombre de millionnaires a passé, dans notre canton, rien que pendant la période 1998-1999, de 4264 à 4435. C'est une fortune cumulée de 27,815 à 29,310 milliards de francs. Les affaires marchent donc quand même. Et c'est vers ces gens-là que l'on va se tourner.
Puisque l'on a aujourd'hui la chance, ou la malchance, de compter un nouveau groupe dans ce parlement qui se dit près du peuple, on peut se dire qu'il a ici une occasion formidable d'être près du peuple en soutenant un contre-projet faisant appel à la solidarité des grosses fortunes et des gros revenus. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à ce projet de loi et à le voter de bon coeur et sans arrière-pensées !
M. Jean Rémy Roulet (L), rapporteur de minorité. Permettez-moi de compléter le rapport de minorité par quelques éléments qui pourraient être utiles, notamment à nos nouveaux collègues qui voteront ou non le contre-projet à l'initiative 113.
Tout d'abord, cette initiative avait comme premier objectif, M. Ecuyer l'a justement rappelé, de juguler, premièrement, l'endettement de l'Etat et, deuxièmement, son déficit chronique.
La bonne nouvelle, pour notre pouvoir exécutif, c'est que l'ensemble de la classe politique représentée au Grand Conseil partage, semble-t-il, ce double objectif, UDC comprise. C'est en tout cas ce qu'a affirmé hier soir notre doyen d'âge, M. Iselin, dans son discours, lorsqu'il a énuméré quelques lignes directrices propres à son parti. Cela dit, c'est bien évidemment sur les moyens retenus par les initiants pour atteindre ce double objectif qu'il y a divergence claire et nette. Je vous rappelle que ceux-ci exigent deux choses: une hausse d'impôt frappant les personnes physiques et une hausse d'impôt frappant les personnes morales.
Deuxième bonne nouvelle, dirons-nous, c'est qu'une majorité, comprenant le parti socialiste, les Verts et l'Entente, a proposé en commission un contre-projet libérant les personnes morales de ce nouvel impôt. Une partie de l'Alternative reconnaît donc implicitement qu'une augmentation d'impôt, limitée dans ce cas précis aux sociétés anonymes, est nuisible pour l'économie et donc nuisible pour le fonctionnement de nos collectivités publiques.
Nous rappelons par ailleurs dans notre rapport de minorité que certains dirigeants français actuels vont même plus loin, puisqu'ils proposent de diminuer la charge fiscale des entreprises et des personnes physiques. L'adage «trop d'impôt tue l'impôt» a peut-être des chances d'être reconnu au-delà du débat français, qui sait dans notre auguste cénacle! En tout cas, c'est ce que nous espérons.
Mais toute bonne chose a une fin et force est de reconnaître que le contre-projet reste inacceptable pour la minorité de la commission d'alors. Il préconise une hausse d'impôt des personnes physiques, focalisée sur l'impôt sur la fortune. A partir de 1,5 million de francs, c'est ce que vous appelez peut-être, vous autres de l'Alliance de gauche, les nouveaux riches ou les gens à grande fortune ! Mais si l'on prend un exemple standard - M. Hiler, qui est dans la salle, pourrait nous le confirmer - l'exemple d'un couple gagnant entre 150000 et 200000 F par an - à deux revenus, c'est quelque chose de tout à fait acceptable, c'est ce que l'on appelle la classe moyenne - le fonds libéré du deuxième pilier, après quarante ans d'activité, dépasse très vraisemblablement le million de francs. La classe moyenne en général sera donc touchée à terme par ce type de hausse d'impôt.
Le contre-projet ainsi que l'initiative ne représentent pas, en termes de coût et d'augmentation, un petit effort, Monsieur Ecuyer: ils représentent des dizaines et des dizaines de millions de francs. Je vous renvoie à la lecture des pages 10 et 11 du présent rapport.
Du point de vue politique, nous ne comprenons pas pourquoi une partie de l'Alternative continue à soutenir des augmentations d'impôt concernant les personnes physiques de la classe moyenne à supérieure, tout en stoppant les hausses d'impôt qui frappent les entreprises. Il y a là un illogisme qui échappe à notre compréhension.
Notre système fiscal souffre d'un mal, semble-t-il, incurable. C'est celui de la forte progressivité des barèmes, qui est unique en Suisse. Ainsi donc, à Genève, une personne gagnant 500000 F rapporte à l'administration concernée, en termes d'assiette fiscale, l'équivalent de 26 personnes gagnant 75000 F! C'est un cas unique en Suisse et c'est la démonstration que la progressivité de l'impôt a atteint un seuil quasiment insupportable dans notre canton. Or, c'est en augmentant ce barème que l'Alliance de gauche cherche à juguler les deux maux précités, à savoir l'endettement du canton et le déficit chronique, alors qu'il faudrait, en fait, faire exactement le contraire. Pour cette simple et bonne raison, nous demandons instamment à ce cénacle de refuser le contre-projet, laissant ainsi au peuple l'entier et libre choix de la seule initiative IN 113.
Le président. Je vous rappelle, mais peut-être cela vous a-t-il échappé, Messieurs les rapporteurs, qu'il va falloir, si vous voulez que le Grand Conseil se prononce ce soir, demander la discussion immédiate !
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Le présent projet de loi, émanant de la commission fiscale et constituant un contre-projet à l'initiative 113, a été élaboré à la demande de ce Grand Conseil suite au rejet de l'initiative lors de sa séance du 16 novembre 2000.
Ce contre-projet diffère de l'initiative dans la mesure où il concerne uniquement l'impôt sur la fortune des personnes physiques et non pas l'impôt sur les gros bénéfices et le capital des personnes morales. Ensuite, il augmente la part de la fortune exonérée d'impôt de 25000 F par an pour chaque contribuable - celle-ci passant de 50000 F à 75000 F - voire de 50000 F pour ceux qui sont en âge de bénéficier de l'AVS, et de 10000 F pour chaque charge de famille. C'est l'article 15, alinéa 1 que vous trouvez dans le projet de loi. Enfin, la durée de cet impôt supplémentaire n'est pas liée à un taux de chômage dans le canton, mais à un ratio de la dette au regard du revenu de fonctionnement supérieur à 1, ces recettes supplémentaires étant entièrement et exclusivement affectées à la diminution de la dette du canton. Cette nécessité de diminuer la dette du canton n'est contestée par aucun parti ici représenté. Non pas pour des raisons de beauté du bilan, mais pour diminuer le poids des intérêts passifs. Je rappelle que ces intérêts représentent actuellement près de 400 millions par an, soit plus d'un million par jour, bien que les taux soient particulièrement bas actuellement - je vous laisse imaginer l'impact d'une future augmentation éventuelle des taux d'intérêt sur le budget de l'Etat.
L'attractivité de notre canton, y compris pour les personnes fortunées, ne se situe absolument pas, en priorité, au niveau fiscal, bien que nous ayons une fiscalité extrêmement favorable par rapport aux pays qui nous entourent. Notre attractivité s'explique par une qualité de vie exceptionnelle, un enseignement scolaire de haute qualité, des logements adaptés aux besoins de la population, des hôpitaux compétents, des moyens de communication efficaces, des services publics performants et, en cas de besoin, une réponse rapide et adéquate à la population sur le plan social. C'est cela, Mesdames et Messieurs les députés, le fondement de l'attractivité de notre canton, y compris, j'insiste et je le répète, pour la population très fortunée, dont vous semblez craindre l'exode massif en cas de minime augmentation de l'imposition, de façon temporaire et dans le but de réduire la dette pour ne pas mettre en danger notre capacité future à maintenir tout ce qui fait l'atout de notre canton.
Le rôle de l'Etat, pour maintenir une cohésion sociale indispensable dans notre canton, où l'écart entre les bas et les hauts revenus n'a cessé d'augmenter ces dernières années, est essentiel. Non seulement pour celles et ceux qui vivent dans des situations précaires, mais également pour celles et ceux qui ont finalement la chance, et je dis bien la chance, de pouvoir contribuer davantage. Il est hélas peu probable que les besoins sur le plan social diminuent ces prochaines années. Les événements récents ont démontré l'incapacité de l'économie privée à assumer les conséquences, sur le plan social, de son «mismanagement» - je vous prie de m'excuser pour l'utilisation de ce mot anglais - économique, laissant à la collectivité, car c'est bel et bien le cas, le soin de payer la facture sociale.
Il est, à notre avis, de notre devoir de prendre nos responsabilités et d'assurer notre capacité future à répondre aux besoins de la population en nous en donnant les moyens. C'est la raison pour laquelle je vous invite tous à adopter ce projet de loi qui va assurément dans ce sens !
M. Jean Rémy Roulet (L), rapporteur de minorité. La discussion immédiate est bien entendu demandée. Je crois que j'ai ainsi formellement répondu à votre question, Monsieur le président !
J'avais encore deux remarques à formuler. Tout d'abord, lorsque le groupe socialiste prétend que l'attractivité du canton n'est pas fiscale, il a raison dans une certaine mesure. Il est clair que le haut degré de protection sociale et le haut degré de nos institutions d'instruction publique font que notre canton se situe en bonne place en termes de compétitivité par rapport au reste de la Suisse. Néanmoins, de nombreuses études récentes, émanant de grandes banques - vous ne les aimez certes pas, mais leurs départements d'étude sont relativement indépendants par rapport aux hauts dirigeants desdites banques - montrent que notre canton est malheureusement en queue et largement en queue de peloton en matière de compétitivité fiscale. Cette compétitivité fiscale est saine et souhaitable. Elle permet justement de positionner notre canton par rapport au reste de la Suisse.
Deuxièmement, lorsque vous mettez sur le dos de l'économie tous les maux, tous les fléaux, tous les fardeaux que connaissent actuellement certaines compagnies - je pense à Swissair - vous allez vite en besogne. Si le taux de chômage a diminué de moitié ces six dernières années, c'est grâce aux entreprises, c'est grâce aux PME de ce canton. Si les recettes fiscales ont crû de la sorte - on peut en demander confirmation à notre ministre des finances - c'est aussi grâce aux profits que les entreprise ont générés ces derniers mois.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le rapporteur de minorité, Jean Rémy Roulet, l'a dit: nous sommes à peu près tous d'accord sur le but déclaré tant de l'initiative que du projet de loi, c'est-à-dire réduire la dette. Encore que je m'étonne que certains représentants de l'Alliance de gauche tiennent ce discours aujourd'hui, alors qu'ils nous ont dit pendant des années que le niveau d'endettement de Genève n'avait absolument aucune importance !
Maintenant, pour ce qui concerne le projet de loi qui nous est soumis, il se trouve que nous avions refusé l'initiative, parce que sa philosophie était mauvaise à nos yeux. Nous avons eu beau bidouiller et trafiquer l'initiative en commission, le contre-projet qui en ressort relève de la même philosophie et reste à nos yeux tout aussi mauvais. L'Alternative, la majorité d'alors de la commission, nous propose une recette simple, une équation simple: plus on augmente les impôts, plus les recettes sont importantes. Or, il se trouve qu'il n'en va pas de même en fiscalité qu'en arithmétique: 2 + 2 n'est pas forcément égal à 4 ! Il y a en l'occurrence un facteur important qui est le facteur psychologique, dont nous devons absolument tenir compte à Genève, puisque nous avons déjà dépassé le seuil de tolérance pour ce qui concerne la fiscalité.
M. Jean Rémy Roulet l'a dit: un gros contribuable, en raison de la forte progressivité de notre fiscalité, rapporte proportionnellement beaucoup plus que de nombreux plus petits contribuables. Alors, augmenter cette fiscalité revient à faire fuir ces gros contribuables et reviendra évidemment à diminuer les recettes. Ce n'est pas comme cela que nous résoudrons le problème de l'endettement à Genève.
C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien, tout comme il a refusé l'initiative voici quelques mois, refusera également le contre-projet.
M. David Hiler (Ve). Vous vous le rappelez peut-être, notre groupe avait refusé l'initiative déposée par l'Alliance de gauche, au motif essentiel, pour faire court, que la taxation supplémentaire prévue pour les entreprises en période de crise nous paraissait aller à des fins contraires. En revanche, nous n'avions pas caché à l'époque qu'il ne nous paraissait pas du tout déraisonnable de demander aux plus forts contributeurs de ce canton, pour un temps au moins, un effort supplémentaire pour diminuer la dette. Ceci étant dit, cet effort est d'autant plus supportable qu'en ce qui concerne l'impôt sur le revenu le peuple a accepté une baisse de 12% qui, en francs, profite à l'évidence avant tout aux plus gros contributeurs. La modeste augmentation, limitée dans le temps, proposée par le contre-projet, ne compense pas, à l'évidence et même pour les plus grosses fortunes, ces 12% de baisse, accordés eux pour un temps indéterminé !
De ce point de vue là, il ne nous paraît pas que le contre-projet mettrait en danger notre République, qu'il tarirait le nombre de riches contribuables, d'ailleurs proportionnellement beaucoup plus élevé que dans d'autres cantons, malgré la fiscalité existante. Il nous paraît aussi que la réduction de la dette en vaut la peine, notamment aujourd'hui, où l'on admet qu'une récession va probablement altérer les conditions économiques que nous connaissons à Genève et donc les recettes de l'Etat. Il est vrai, dans ces conditions, qu'entrer dans une nouvelle crise, même si elle devait être moins grave que celle que nous avons connue dans les années 90, avec 9,5 milliards de dettes, risque effectivement de nous replonger dans les difficultés que nous avons connues. Et les difficultés, nous savons ce qu'elles entraînent: des conflits paralysants et une grande difficulté à trouver des solutions qui satisfont les différentes couches de la population genevoise.
Nous nous retrouvons donc sans problème dans ce contre-projet que nous soutenons entièrement. Nous imaginons bien qu'il sera refusé aujourd'hui par la nouvelle majorité. Nous le regrettons parce que vous empêcherez ainsi, Mesdames et Messieurs, le peuple de donner son opinion sur ce point-là. C'est dommage, car cela aurait permis un nouveau débat sur la question.
M. Pierre Froidevaux (R). L'objet que nous traitons ici relève d'une thématique gauche-droite très marquée. Il est important d'en rappeler l'aspect historique.
Cette initiative a été déposée en mai 1999: rappelez-vous ce qui s'était passé six mois auparavant ! Nous étions dans une grave crise. L'Alternative n'arrivait pas à trouver des solutions réalistes pour mettre fin au problème de la dette publique. Les socialistes, les Verts et l'Entente ont alors essayé de trouver une solution, dont s'est désolidarisée l'Alliance de gauche. On est ainsi arrivé à ce fameux paquet ficelé. L'Alliance de gauche a estimé qu'il ne s'agissait pas d'une vraie solution, la solution étant une augmentation de la fiscalité. L'Entente et les socialistes proposaient en l'occurrence un projet qui ne posait pas vraiment un débat de société, puisqu'il préconisait un peu plus d'impôt et un peu moins d'Etat. Or, rappelez-vous, le peuple refusait, le 20 décembre 1998, ce paquet ficelé à 71% des voix et l'Alliance de gauche proposait son IN 113. Entre-temps, les libéraux lançaient l'IN 111 qui, de la commission fiscale, passait directement devant le peuple. Elle a été votée le 26 septembre 1999, avec 58% de oui. Le débat de société a donc déjà eu lieu, chers collègues de l'Alliance de gauche, et le peuple vous a déjà répondu: c'est moins d'impôt !
Reste que vous étiez bien gênés, en commission fiscale, pour savoir ce que vous alliez faire de cette initiative, sachant que le peuple vous avait déjà donné tort. Vous avez tergiversé et vous avez fini par vous décider pour un contre-projet. Vous aviez la majorité et vous avez joué la montre. Aujourd'hui, vous êtes en fait bien contents de savoir que la majorité de droite reprend les rênes et qu'elle va proposer au peuple cette initiative sans contre-projet.
Sur le fond du problème, lorsqu'on essaye, en commission fiscale, d'avoir une idée de l'importance de la fiscalité sur les grandes fortunes, on a du mal à imaginer qu'elle est arrivée à un niveau confiscatoire. Lorsqu'on les interroge pour savoir quelle est la part d'impôt qu'il faut avoir payé pour avoir une fortune, les fonctionnaires sont tout gênés en expliquant qu'elle est réellement considérable.
Le deuxième sujet traité à l'époque reviendra au mois de décembre: c'est le gain en capital. L'Alliance de gauche voulait en fait fiscaliser le gain en capital. Le sujet est maintenant traité au niveau fédéral et sera voté par le peuple très prochainement.
Pour en revenir au contre-projet, il a été véritablement rédigé avec une grande douceur au sein de la commission, il n'y a pas eu trop de débats. On attendait gentiment que l'ancienne majorité propose et que l'on puisse arriver à ce que ce débat se fasse dans les délais. M. Ecuyer nous explique que l'on peut demander un petit effort aux gens riches: en l'occurrence, la droite veut demander un grand effort aux gens riches, Monsieur Ecuyer! Je vous rappelle que nous avons des dettes absolument considérables, dont celle de la Fondation de valorisation qui représente 6 milliards. Lorsque la présidente examine les comptes de la Banque cantonale et de la Fondation de valorisation aux alentours du mois de mars, nous la sentons un peu stressée, un peu crispée. Nous aimerions la rendre plus sereine dans les prochains mois, en mettant en place des conditions-cadre pour les fortunes qui leur permettent d'acheter certains actifs gérés par la Fondation de valorisation. Si nous pouvions vendre ces actifs estimés à 6 milliards et éponger cette dette insupportable, ce serait bien mieux que de récupérer quelques dizaines de millions. Aussi, le parti radical vous demande, Mesdames et Messieurs, de rejeter le contre-projet et de laisser l'Alliance de gauche seule devant le peuple avec son initiative !
M. René Ecuyer (AdG), rapporteur de majorité. Nous avons les mêmes chiffres sous les yeux, Monsieur Roulet. Les personnes détenant une fortune jusqu'à 2 millions bénéficient en fait, avec le contre-projet, d'une diminution d'impôt, on est d'accord. Par contre, une personne qui détient une fortune de 6 millions paye actuellement moins de 1% d'impôt ! Je suis donc aussi un peu crispé lorsque j'entends que l'effort demandé aux riches est considérable. Vous êtes en fait plutôt des rats, hein ! Moins de 1% d'impôt pour une fortune de 6 millions... Je considère quand même que le petit effort qui est demandé par le contre-projet est vraiment dérisoire. Cela représente 1,3% pour une fortune de 6 millions !
Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à soutenir ce contre-projet qui réclame plus de justice fiscale et qui fait appel à la solidarité de ceux qui ont les moyens!
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat s'est opposé à l'initiative et à l'étude d'un contre-projet, estimant que si les circonstances de l'époque justifiaient le lancement de cette initiative, les circonstances actuelles ne sont aujourd'hui plus les mêmes et ne justifient ni l'initiative, ni le contre-projet. Nous vous invitons donc à rejeter et l'initiative et le contre-projet.
Le président. Je ne crois malheureusement pas que l'on puisse aller dans votre direction, Madame !
La discussion immédiate ayant été demandée, je procède au vote.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Mis aux voix, ce projet de loi est rejeté en premier débat.
Le président. L'initiative sera donc soumise au peuple sans contre-projet.