Séance du
jeudi 1 novembre 2001 à
17h
55e
législature -
1re
année -
1re
session -
1re
séance
Allocution du président
Allocution du président
(Les deux huissiers sont debout sur la quatrième marche, l'un à gauche, l'autre à droite.)
Le président. Mesdames et Messieurs, je vais prononcer quelques mots mais, rassurez-vous, j'irai relativement vite dans la mesure où, contrairement à M. Iselin, vous m'entendrez souvent! La deuxième raison, c'est que mon ami Christian Luscher m'a prié de gagner un peu de temps, car il souhaite assister au match Servette - Saragosse !
Monsieur le doyen, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, Mesdames et Messieurs, c'est avec beaucoup d'émotion que je m'adresse à vous, tout d'abord pour vous remercier de l'honneur que vous me faites en me propulsant à la tête de ce parlement. Je m'efforcerai bien sûr d'en être digne.
Cependant, si je suis certes flatté de cet honneur, c'est bien plutôt votre confiance que j'espère pouvoir gagner pendant l'année de travail qui nous attend.
Travail à produire et confiance à gagner... Ces mots ne devraient jamais quitter nos esprits, alors que nous tous réunis ce soir, nous ne devons notre place de député qu'à 36% des électrices et électeurs du canton. Ces électrices et électeurs qui se sont exprimés, veillons à ne pas les décevoir. Mais veillons aussi, et peut-être surtout, à démontrer aux autres, les déçus, les fatalistes, les fatigués de la politique, les trop mécontents, que le parlement genevois vaut mieux que leur indifférence!
Il n'est pas toujours facile de maîtriser ses élans, ses réactions, plus encore ses exaspérations dans un environnement parfois survolté. Néanmoins, je suis convaincu que nous pouvons aisément, sans trahir nos credos politiques respectifs, aussi divers soient-ils, cesser de nous passionner pour l'accessoire et nous concentrer sur l'essentiel. C'est pourquoi je forme aujourd'hui le voeu, peut-être utopique, sûrement modeste, mais avec grand espoir, que ce parlement dirige notre République avec bon sens comme qualité première, et qu'il le fasse avec comme seul objectif l'intérêt général de nos concitoyens.
Alors que la planète s'inquiète et s'enflamme autour de nous, il serait presque indécent que nous ne parvenions pas à atteindre cet objectif, qui plus est avec les chances qui sont encore les nôtres dans ce canton, encore les nôtres dans ce pays. Avec ces chances qui sont à notre portée et qu'il faut à tout prix saisir avant qu'elles ne nous échappent. Puissiez-vous toutes et tous, avec moi, former ce voeu !
Je vous prends maintenant à témoin en m'adressant à mes proches, à ma famille, présents à la tribune et que je salue affectueusement. Je m'adresse également à mes amis, à mes mandants et aux collaboratrices et collaborateurs de mon entreprise. Par avance, je sollicite leur patience, leur indulgence pour tout le temps que je ne leur consacrerai pas au cours des douze prochains mois. Le respect de la charge qui m'incombe dès à présent me rendra rare et fugace auprès d'eux. Au moins pourrez-vous attester, chers collègues, je compte sur vous, que, lorsque je ne serai pas auprès d'eux, je serai avec vous!
Si je suis entré en politique en 1985, Mesdames et Messieurs, ce n'était pas par conviction cultivée depuis l'enfance, ni par tradition familiale, et encore moins par ambition personnelle, même si, depuis, j'avoue un intérêt évident pour la chose publique. Je suis entré en politique à cette époque sur la base du constat que le secteur de la construction, dont je suis issu, était peu ou pas représenté au Grand Conseil. Rares étaient les gens du bâtiment qui pensaient devoir s'engager dans cette voie. Manque de temps, crainte de perdre leurs parts de marchés publics, excès de discrétion ? Je l'ignore.
Toujours est-il qu'à l'occasion d'un conflit qui opposa un métier de la construction au département des travaux publics, les associations professionnelles constatèrent qu'un secteur économique absent du parlement avait toutes les chances de n'être pas entendu et, en tout cas, mal ou pas compris de ce dernier. Ce sont donc eux, les entrepreneurs de la Métallurgie du bâtiment Genève, qui m'exhortèrent à briguer un siège de député. Et c'est à eux, au-delà de ma famille naturellement, que je dédie, quatre législatures plus tard, l'honneur qui m'est conféré aujourd'hui.
Je suis ainsi devenu le premier secrétaire d'association patronale député. C'est avec un réel plaisir que je constate, dans cette nouvelle volée du Grand Conseil, que d'autres secrétaires d'associations seront présents et ceci à gauche comme à droite.
La question suivante peut donc se poser : nous dirigeons-nous vers une professionnalisation de la fonction de député ? De mon point de vue, pas du tout, car un secrétaire d'association est effectivement un professionnel, mais dans son seul secteur d'activité, alors que la fonction de député couvre un champ d'application beaucoup plus large que le sien. Il n'y a donc aucune professionnalisation à craindre et c'est tant mieux!
Nous devons au contraire nous réjouir d'avoir proches de nous des collègues, d'un côté de l'échiquier politique comme de l'autre, à même de connaître parfaitement tel ou tel domaine de notre quotidien.
Il n'en reste pas moins que la charge de député est de plus en plus lourde. Ainsi, par exemple, s'il fallait en 1985 quatre volumes du Mémorial pour compiler l'ensemble des débats des séances plénières du Grand Conseil, en 2000 il en a fallu douze ! Autrement dit, le Mémorial comprenait 5600 pages en 1985 contre 12300 en l'an 2000. Le nombre d'heures de séances plénières a augmenté d'un tiers, passant de 120 à 160 heures. Ces quelques chiffres nous démontrent que nous ne sommes pas loin du point de rupture. Il nous faudra sérieusement nous poser la question du soutien logistique du Grand Conseil. Sinon, il y a de fortes chances que nous ne puissions plus remplir notre mandat tel qu'il est prévu par la constitution.
Le dernier Bureau du Grand Conseil a proposé de créer quelques postes de secrétaires juristes ou économistes au service des plus importantes commissions de notre parlement. Cela devient une nécessité et ce n'est pas un luxe lorsque nous constatons que les moyens logistiques à disposition du Conseil d'Etat représentent quelque 70 millions par an, contre 2,7 millions à disposition du Grand Conseil, soit vingt-cinq fois plus de moyens en faveur de l'exécutif.
Même si comparaison n'est pas raison, nous devons nous donner les moyens de nos ambitions, sinon nous prenons le risque de nous enliser dans un rôle de figuration inextricable de simple chambre d'enregistrement.
Plus de 45 % de ce parlement a changé, Mesdames, Messieurs. Je souhaite à nos nouveaux collègues une très cordiale bienvenue. Ils devront apprendre leur métier et les anciens devront contribuer à leur formation, les mettre au courant des dossiers en cours et cela ne sera pas une mince affaire. Bonne chance à toutes et à tous !
Enfin, quelques mots sur la vision que je porte sur la fonction de président du Grand Conseil, en regard de l'exemple donné, ou qui a été tenté de l'être, par notre ancienne présidente Elisabeth Reusse-Decrey, à laquelle j'adresse de cordiaux messages !
La première qualité devrait être de tendre à une parfaite impartialité, notion malheureusement par trop interprétable. En effet, ce qui est impartial pour certains ne l'est pas nécessairement pour d'autres. L'appréciation de la situation en est d'autant plus délicate. Le président du Grand Conseil est le gardien des règles de procédure qui doivent être respectées dans cet aréopage. Elles doivent être simples, rationnelles et surtout claires. Mais elles sont par essence évidemment évolutives. C'est la raison pour laquelle la commission des anciens présidents, l'ancien Bureau et les chefs de groupe ont tenté d'améliorer nos règles de fonctionnement en tenant compte de l'expérience de ces dernières années. Le projet de loi qui en est ressorti a été accepté par une large majorité de la commission des droits politiques. Il paraît sage que le rapporteur fasse diligence afin que les nouvelles règles proposées entrent en vigueur le plus rapidement possible.
En lançant le coup d'envoi de cette 55e législature, je souhaite que notre Grand Conseil, notamment par sa tenue, retrouve ses lettres de noblesse auprès de la population, démontrant à celle-ci que le parlement est un lieu où l'on confronte des idées, où l'on argumente, où l'on concilie parfois et ce, obstinément, dans la seule perspective du bien-être des gens.
La première législature entière de ce XXIe siècle commence. Qu'elle représente pour chacun d'entre vous de grandes satisfactions et surtout le sentiment bien agréable du devoir accompli !
Bonne chance à toutes et à tous ! (Applaudissements.)(Les deux huissiers quittent la salle.)