Séance du vendredi 5 octobre 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 12e session - 51e séance

RD 417
6. Hommage aux députés qui ne se représentent pas. ( )RD417

M. Michel Halpérin (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il se trouve que le groupe libéral est la plus importante formation de ce parlement, ce qui explique peut-être pourquoi il a aussi la plus forte proportion de députés qui le quittent ce soir. J'ai donc pensé qu'il était légitime que je m'exprime immédiatement pour dire à ceux de mes collègues qui me quittent la reconnaissance qui, je crois, leur est due. Permettez-moi à titre de préambule d'ajouter mes compliments aux vôtres pour la manière admirable dont notre sautier, Mme Hutter, s'est acquittée de sa tâche. Nous avons énormément apprécié son travail et celui de l'ensemble des collaborateurs du service du Grand Conseil. Nous leur sommes très reconnaissants de l'appui qu'ils nous ont apporté dans nos travaux souvent difficiles. Vous avez évoqué tout à l'heure votre qualité de lot essentiel d'une loterie et c'est vrai que le gagnant à dû avoir bien de la chance de pouvoir dîner avec vous...

Mme Alexandra Gobet. C'est moi!

M. Michel Halpérin. C'est vous? Bravo, quelle chance! Je voudrais savoir qui était chargé de tirer au sort. Je me doute que la main ne devait pas être totalement innocente... Si cela avait été la mienne, je peux vous assurer que Mme Gobet n'aurait pas gagné. Vous avez le droit, Madame la présidente, d'avoir vos préférences. Vous l'avez évoqué tout à l'heure, il nous est arrivé sur ces bancs de vous le reprocher. Cela m'est arrivé à moi-même, mais vous savez que j'ai toujours eu plus le coeur à vous féliciter de ce que vous êtes, qu'à vous reprocher ce que vous faisiez. J'en reste à mon premier choix. Vous êtes ma préférence et ce que vous avez fait ne nous importe plus.

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais saluer les députés libéraux qui s'en vont. Je le ferai très brièvement en m'excusant auprès d'eux de la brièveté du parcours. Lorsque je songe au travail que nous accomplissons les uns et les autres et surtout eux, l'idée de devoir résumer en quelques secondes, une minute peut-être, par personne l'immensité de la tâche à laquelle ils se sont associés, comme chacun d'entre vous il est vrai, je me dis qu'il y a quelque chose de douloureux dans ce résumé. C'est pourtant la loi du genre. Pardon à vous mes amis d'être bref. Vous savez que ma pensée serait très abondante si je me laissais aller à l'exprimer. Il faudra donc que vous vous contentiez de l'effort que je ne me suis pas assez souvent imposé au sein de ce Conseil : celui de la brièveté.

Mesdames et Messieurs les députés, la députation libérale perd ce soir M. Michel Balestra, qui a siégé dans ce Conseil durant douze ans : trois mandats successifs. Il a siégé à la commission de l'enseignement, à la commission des finances et à celle de l'économie ; il a présidé celle du contrôle de gestion, la commission judiciaire, vice-présidé la législative, présidé celle des constructions et installations et vice-présidé celle des transports. C'est dire qu'il a pratiquement touché à l'ensemble des aspects de la vie politique de notre canton, mais là n'est pas l'essentiel. Mesdames et Messieurs, pour avoir eu comme moi le privilège de vivre aux côtés de Michel Balestra une partie de cette période, vous savez que cet homme réunit sous une charpente d'acier un esprit de finesse et de délicatesse, une culture profonde, un amour de son prochain et de l'humanité qui font honneur à ses idées, à son combat et au parti sous les couleurs duquel il s'est engagé. Il a dirigé ce parti avec talent vers certaines victoires, dont ses adversaires n'arrivent même pas à lui en vouloir, tellement ils lui sont reconnaissants de ce qu'il est. Michel Balestra, merci infiniment! (Applaudissements.)

Certains d'entre vous s'imagineront peut-être que la députation libérale tire au sort ceux qui s'en vont et qu'elle procède comme pour la désignation des jurés des tribunaux, par ordre alphabétique. Le deuxième député qui nous quitte a également le B pour initiale : il s'agit de Jacques Béné. Contrairement à Michel Balestra, il n'a pas longtemps siégé dans ce Conseil, puisqu'il termine sa première législature, mais les défis professionnels qu'il a dû relever récemment l'amènent à préférer se concentrer sur cette tâche pour l'instant. C'est pourtant un vrai talent politique. C'est un homme qui s'est engagé en quelques années dans la commission des droits politiques, dans celle du contrôle de gestion où il a accompagné Mme Gobet dans les débats difficiles que nous savons au sein de la sous-commission sur les offices des poursuites et faillites. Par conséquent, il a pu donner la mesure de sa profondeur et de son sérieux. Il a présidé la commission du logement et il a été membre de la commission ad hoc sur l'initiative 109 «Genève, République de paix». Jacques Béné est un vrai talent politique. Il a du talent sur le plan humain. Il a de la combativité, mais il a de l'humanité. Je pense que la politique le réactivera comme la lumière les phalènes en été. Par conséquent, ce n'est qu'un au revoir, mon cher Jacques. (Applaudissements.)

Le troisième B qui nous quitte, c'est Nicolas Brunschwig. Comme Michel Balestra, Nicolas Brunschwig a siégé trois législatures dans ce Conseil. Il a présidé la commission des finances, la commission fiscale et il a été chef de groupe comme Michel Balestra. Je n'ai pas besoin de vous dire le plaisir que j'ai eu à siéger avec Nicolas Brunschwig, nous l'avons tous partagé. Cet homme est l'intelligence et l'élégance incarnées. Il a su dans les débats les plus complexes et parfois les plus houleux apporter - avec cette touche de distinction qui n'est qu'à lui - le mot juste, généralement tempéré, avec une voix posée, sans excès. Il est exactement à l'opposé du rhétoricien et du sophiste : il pense ce qu'il dit et j'en sais plus d'un sur les bancs d'en face qui ont regretté d'avoir dû, par discipline, voter autrement que comme lui tant ils étaient séduits par ce qu'il est, physiquement et moralement. Nicolas Brunschwig, tu nous manqueras beaucoup, mais je crois que tu as dans la vie tellement de désirs à satisfaire que ceux que la politique pouvait t'offrir sont, au moins pour l'instant, épuisés. Nous te souhaitons beaucoup de bonheur dans les désirs que tu vas cultiver désormais. (Applaudissements.)

La quatrième lettre B qui nous quitte, c'est Mme Juliette Buffat. Mme Buffat, comme Jacques Béné - remarquez l'alternance! - nous quitte après une législature. Elle a vu, elle a compris, elle s'en va. Peut-être reviendra-t-elle un jour. Certains d'entre vous, en face, l'espéraient chez eux. Eh bien non! C'est que Juliette Buffat est l'incarnation de ce que l'on peut, en étant libéral, siéger à la commission judiciaire, aux affaires sociales, à la santé, et encore ailleurs ; que l'on peut être atypique et néanmoins complètement libérale. Certains auraient voulu qu'elle soit pour nous la démonstration d'une marginalisation. Pas du tout! Juliette Buffat, nous l'avons adoptée telle qu'elle est ; c'était notre enfant terrible. Elle nous donnait bonne conscience, car nous savions qu'avec elle nous ne pensions pas tous dans la même direction. Grâce à elle, nous savons que le libéralisme est encore le lieu de la diversité. Bonne chance à Juliette! (Applaudissements.)

Et puis nous avons voulu montrer la diversité des genres et nous avons décidé que quelques députés libéraux dont le nom ne commence pas par B s'en iraient aussi... C'est le cas de Jean-Pierre Gardiol dit Gonzo : lui, c'est double G. Gonzo! Gonzo naturellement a été membre d'un tas de commissions, il a été président des travaux, il a été à l'économie, aux finances, à la LCI, au logement, il a enquêté sur la Banque cantonale de Genève quand c'était encore la mode - il n'y avait rien d'autre à se mettre sous la dent à l'époque. Il a siégé comme tout le monde à la commission des grâces à chaque fois que la malchance voulait qu'il soit tiré au sort. Jean-Pierre Gardiol a siégé douze ans dans ce Conseil. Non seulement il y a apporté une forme de bonhomie, de bonne humeur et de joie de la vie. Non seulement, il y a apporté un goût des bonnes choses de la vie, de la gastronomie, des débats entre amis. Non seulement il nous a apporté le dédain pour ces violences avec lesquelles nous nous sommes parfois entrepris les uns les autres, mais il a surtout réinventé l'aile humaniste du parti libéral. (Rires.) Nous lui en sommes reconnaissants. Le parti libéral avait une aile humaniste, à partir du moment où Gardiol est arrivé il en a eu deux. Nous volons enfin de nos propres ailes tandis que les autres le font de leurs propres mains... Mesdames et Messieurs, merci à Jean-Pierre Gardiol! (Applaudissements.)

C'est à n'y pas croire, mais Yvonne Humbert aussi veut nous quitter, après tant d'années de participation à nos travaux. Eh oui! Tante Yvonne, notre tante à tous. Celle qui a tant de gentillesse dans sa conduite des travaux, que ce soit à la présidence des commissions de l'enseignement, des pétitions, de l'agriculture et de l'environnement, de l'aménagement, comme deuxième vice-présidente du Grand Conseil ou comme cheffe du groupe. La gentillesse d'Yvonne, sa capacité à méditer en silence sur nos erreurs...

M. Louis Serex. Et son pâté de canard!

M. Michel Halpérin. Et son pâté de canard que Louis Serex connaît par coeur, mais qu'il est le seul à connaître, car elle le réserve à ses amis de coeur et pas à ses amis de politique. Le vrai choix est là. Yvonne nous quitte donc, avec discrétion et pudeur, comme elle a vécu parmi nous, parce qu'il y a de l'élégance à savoir observer et connaître sans jamais être sceptique ni destructeur. Ce que Kipling souhaitait Yvonne l'a accompli, merci Yvonne! (Applaudissements.)

Beaucoup seront étonnés de l'apprendre, mais Armand Lombard s'en va. Armand Lombard s'en va parce qu'il a douze ans de présence au parlement et qu'il estime - comme beaucoup d'entre vous, mais les uns l'institutionnalisent, les autres le laissent à leur conscience - que douze ans ça suffit, que l'usure vous vient et qu'il faut passer à autre chose, pour soi d'abord, mais aussi pour les autres. Il a été aux droits politiques, il a été à l'université, il s'est occupé de médecine. Vous le savez très actif au Forum interparlementaire romand. C'est un homme à tout faire et il s'est même trouvé des journaux pour écrire qu'il était banquier de naissance, mais pas de coeur... C'est un homme comme on en voudrait tous les jours. Pourtant Armand Lombard, lui, ne veut plus de nous parmi lui. Par conséquent il a décidé de nous quitter, mais c'est pour mieux s'occuper des affaires de la République en dehors du lieu où elle sont supposées se discuter. Je le soupçonne en effet d'avoir compris que la vraie République est ailleurs que dans ce parlement. Cher Armand, bonne continuation. (Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons quand même des recordmen qui pensent que douze ans n'est pas la limite de toute chose. Ils pensent que l'on peut avoir de 0 à 12 ans et passer tout simplement de l'enfance à l'enfance, puis de l'enfance à l'âge adulte sans connaître l'adolescence. C'est le cas de Geneviève Mottet-Durand qui nous quitte après vingt ans de présence dans ce parlement : vingt ans qui sont passés pour nous comme une plume et qui sont passés pour elle aussi avec légèreté. En effet, pendant ces vingt ans elle a été secrétaire du bureau, présidente de la commission des transports deux fois, des affaires sociales, du logement, de l'environnement et de l'agriculture, des visiteurs officiels. Elle a été cheffe de notre groupe et avec quelle autorité, je vous prie de le croire. Madame Bugnon, si vous trouvez que je suis autoritaire, vous n'avez pas connu Mme Mottet-Durand dans ses grands jours. Cela ne lui suffisait pas, parce que Mme Mottet-Durand est une boulimique de la politique. Elle a donc été vingt-quatre ans à l'exécutif communal : douze ans adjointe et douze ans maire. C'est vous dire que rien dans la politique ne pouvait la lasser, et pourtant elle nous quitte. Elle m'affirme que ce n'est pas par désamour, que c'est par discipline et pour s'orienter vers des tâches nouvelles. Son mari voit avec inquiétude cette femme d'élite à la maison, mais il s'est préparé au pire depuis vingt-quatre ans. Il est armé de pied en cap. Geneviève nous manquera car elle était la sagesse incarnée. De tous les libéraux, c'était celle qui avait le plus la main dans la réalité et les oreilles partout. La rumeur ne nous atteignait pas, mais elle nous la rapportait... (Rires.)

Mesdames et Messieurs les députés, vous voyez qu'il est difficile de faire court avec des personnalités de cet immense talent, mais je m'en voudrais de conclure et de me rasseoir sans avoir évoqué une personnalité de notre parlement qui parce qu'elle n'appartient à aucun groupe risque de ne faire l'objet d'aucun hommage. J'ai nommé Mme Lonfat qui, parce qu'elle s'est lancée avec une sensibilité particulière dans tous les combats qui lui étaient chers, a mérité elle aussi notre reconnaissance. Merci Myriam! (Applaudissements. Mme Lonfat va embrasser l'orateur.)

M. Christian Brunier (S). Comme vous le savez toutes et tous, les socialistes sont des inconditionnels de la limite de mandat à douze ans et nous l'appliquons strictement dans notre parti. Cette règle a plein d'avantages que nous avons abondamment soulignés dans les débats politiques et sur lesquels je ne reviendrai pas ce soir. Ces dispositions ont pourtant un très gros désavantage. Une fois tous les quatre ans, nous devons nous séparer de quelques-unes ou de quelques-uns de nos amis, des députés de valeur.

Deux des nôtres subissent cette limite de mandat, mais elles sauront en tirer profit pour d'autres occupations au service de la collectivité. Comme quoi il y a une vie en dehors de notre Grand Conseil! Ces deux victimes de nos bons statuts sont notre présidente bien-aimée Elisabeth Reusse-Decrey et Christine Sayegh, notre ancienne bien-aimée présidente. Ces deux femmes ont mené parfois ce parlement à la baguette, mais il faut bien reconnaître que nous le méritions. Elles l'ont toujours fait avec beaucoup d'humour. Elisabeth pourra engager encore plus d'énergie pour lutter contre les mines qui tuent lâchement et quotidiennement des milliers de personnes et des enfants dans ce monde. Les salauds qui fabriquent ces objets de malheur ont du souci à se faire, car cette femme est tenace. Elle a réussi à faire taire nombre de députés au cours de cette année, comme... je ne citerai pas les noms pour ne faire de tort à personne. Christine quant à elle continuera à agir notamment à la tête de la commission judiciaire de notre parti. Cela nous permettra de travailler à nouveau ensemble, l'été ou en d'autres saisons, sur les terrasses des restaurants genevois, avec en main une petite anisette bien méritée que nous avons encore dégustée hier soir. Christine, je m'adresse directement à toi pour te dire que les députés ici présents, voire certains conseillers d'Etat, sont tout à fait à disposition pour venir déguster tes mets et tes spécialités orientales. Comme quoi nous sommes toujours là pour rendre service et passer un moment de convivialité ensemble! (Applaudissements.)

Sans atteindre la limite de mandat de douze ans, deux autres députés, deux autres lâcheurs, ont décidé de partir. Ce sont Nicole Castioni et François Courvoisier. Nicole, en plus de l'écriture, restera active politiquement, puisque vous savez qu'elle est très présente, en tant que double nationale, dans les instances du parti socialiste français. Elle est la cheville ouvrière de la section suisse du PSF. Nous espérons que cet engagement permettra à notre petit copain Lionel d'obtenir un poste assez en vue, il le mérite bien! François, quant à lui, continuera à développer son côté rebelle en ne perdant rien de son sens de l'indignation si utile dans ce monde politique un peu trop correct. François pourra soutenir deux initiatives qui lui sont très chères, à savoir les deux initiatives du GSSA qui auront bien besoin de son soutien.

Au nom du groupe socialiste et, je crois, au nom de la plupart des présents, je tiens à remercier ces quatre élus, ces quatre militantes et militant, nos quatre amies et ami pour le travail accompli dans cette enceinte, mais aussi pour leurs engagements futurs. Je vous rappelle, chers amis, que vous serez toujours les bienvenus dans ce milieu qui compte de plus en plus dans la politique genevoise : je veux parler bien entendu du Club de la bière blanche! (Rires.) Je vous laisse les applaudir pendant que je vais les embrasser. (Applaudissements.)

Mme Nelly Guichard (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai ni la légèreté, ni l'aisance, ni l'élégance de mon collègue Me Michel Halpérin. J'aimerais néanmoins prendre congé de trois de nos collègues qui n'ont pas souhaité se représenter pour une nouvelle législature. Nos remerciements vont donc à Michel Parrat, qui nous quitte avec beaucoup de regrets, parce que le rôle de député l'intéresse, le passionne même, mais cette charge est devenue trop lourde et il ne peut plus faire face à ses obligations professionnelles, préserver une vie privée et affronter des problèmes de santé. Sur ce dernier plan, Michel, tous nos voeux t'accompagnent. En commission, tu as été un compagnon précieux. Nos avis divergeaient parfois, mais il est stimulant de se remettre toujours en question. En caucus, les discussions étaient souvent nourries et le moins que l'on puisse dire, c'est que tu ne nous laisses pas nager dans nos certitudes. Merci Michel pour ces quelques années partagées et pour tout ce que tu nous a apporté.

Henri Duvillard est un entrepreneur à la fois humaniste et homme de terrain. Proche des milieux campagnards, des gens en général, il est un vrai magistrat des campagnes au sens noble du terme. Pour lui aussi, la charge de député est devenue beaucoup trop lourde. Tous ses collègues des différentes commissions dans lesquelles il a été actif ont apprécié son attitude franche, mais toujours respectueuse de l'autre. C'est particulièrement en commission qu'il donnait la pleine mesure de son dynamisme et de ses compétence, de ses qualités de négociateur. Tu quittes le canton après huit ans pour te consacrer à ta commune. Nous regrettons le départ d'un compagnon dont j'apprécie la grande finesse, d'un homme cultivé, d'un épicurien. C'est un fin bec qui s'en va, mais fin bec il restera. Merci Henri. (Applaudissements.)

Pierre Marti, famille, politique, partage, solidarité, amitié, respect, fidélité, générosité. Ce n'est pas un inventaire à la Prévert, ce sont les mots qui me sont venus à l'esprit en pensant à toi, Pierre, qui as donné tant d'années à la politique communale, puis cantonale durant deux législatures. Comme entrepreneur, ce ne fut pas facile non plus de concilier vie familiale, professionnelle et engagement social et politique. Comme tu as l'ambition et l'habitude de faire tout à fond, nous nous demandons seulement comment tu as réussi ce pari de tout concilier et nous te disons toute notre admiration. Caritas, Transport handicap, Genève Tiers-Monde, Fédération genevoise de coopération et j'oublie sans doute des noms qui illustrent ton engagement social sur le terrain de la coopération, depuis ta jeunesse. Hier soir, lorsque ce parlement a voté la loi qui fixe à 0,7% la participation de notre canton, ce canton dont tu es fier, à la solidarité internationale, tu as été heureux. Et nous, nous avons été fiers qu'un combat de vingt ans trouve enfin un aboutissement. Tu nous quittes certainement avec nostalgie, comme nous regretterons ton dynamisme et ton humanité profonde. Avec toi, nous partageons la joie du sentiment du devoir accompli. Nous te disons tous un très grand merci. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Odier (R). Chez les radicaux, six députés ont décidé de ne pas se lancer dans une nouvelle épopée. Je leur adresse à chacun une phrase et je les remercierai en groupe à la fin. Trois députés ont fait valoir leur droit à une retraite anticipée après quatre ans d'apprentissage. Il s'agit de Jean-Louis Mory, adjoint au maire de Dardagny, meunier de métier... (L'assemblée chante «Meunier tu dors...».) Il ne s'est endormi qu'une seule fois en quatre ans, pour un vote nominal! (Rires.) Walter Spinucci, l'élégant du groupe, toujours là malgré sa lourde charge de magistrat de Lancy. Il fait de la politique une stratégie et évite les coups de gueule. Pierre-Pascal Visseur, membre radical au Bureau du Grand Conseil pour cette année, le type même du parlementaire original qui prend un malin plaisir à lancer le débat en lançant le pavé dans la mare.

Les trois autres députés sont atteints par la limite d'âge, ou plus exactement par notre limite interne qui limite la présence au parlement à trois mandats de quatre ans. Ils partent à la retraite avec le label «twelve years old», celui de l'expérience et de la sagesse. Il s'agit de Roger Beer, qui probablement ne fait que prendre quatre années sabbatiques et pour qui le plus grand regret sera de ne plus pouvoir donner la réplique à notre ami Lescazescu... (Rires.) Hervé Dessimoz, l'urbaniste du groupe, qui use souvent de sa mémoire parlementaire pour rappeler aux bancs d'en face le pourquoi du comment, avec une petite pointe sarcastique très souvent bienvenue. Enfin, le plus sérieux de tous, le président radical de la législature, qui a su maintenir avec maestria la sérénité des débats presque tout au long de l'année. Je dis presque parce qu'effectivement, au mois de juin 2000, un petit couac s'est produit comme vous pouvez le voir... (L'orateur présente une manchette de la «Tribune de Genève» portant la mention «Pagaille au Grand Conseil».)

Je pourrais développer les qualités réelles de chacun, mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel est de les remercier sincèrement de leur engagement pour défendre ensemble, et malgré les différences, les causes qui sont les nôtres dans le respect de nos institutions démocratiques. Simplement, Messieurs les députés, un grand merci qui n'est pas seulement le mien et celui de mes camarades de groupe, mais aussi celui des personnes qui vous ont fait confiance pour les représenter. Vous les avez honorées. Je ne voudrais pas terminer cette dernière séance de législature sans adresser, au nom du groupe radical, nos vifs remerciement à Mme la sautière, Maria Anna Hutter, et à l'ensemble du service du Grand Conseil pour son excellente collaboration. (Applaudissements.)

M. David Hiler (Ve). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, quatre d'entre nous ne se sont pas représentés. Vous avez tous eu, je pense, une fois ou l'autre, ces samedis difficiles après une session : vous tardez à vous lever et vers 13 heures vous pensez qu'une sieste serait la bienvenue. Certaines personnes n'ont pas cette chance et c'est le cas notamment de Louiza Mottaz qui, vous le savez, est infirmière de formation et qui régulièrement, après nos séances, reprenait le travail le samedi à 17 heures, pour des horaires qui peuvent aller jusqu'à douze heures de suite. Dans ces conditions, évidemment, l'engagement politique prend une valeur très considérable, parce que le sacrifice est présent. Louiza Mottaz a essayé de concilier ses activités en diminuant son temps de travail, mais ses compétences professionnelles ayant été reconnues, elle est devenue infirmière responsable, puis infirmière cheffe dans un EMS. Elle estime, avec raison, ne plus pouvoir aujourd'hui concilier ces deux activités. Louiza Mottaz était novice en politique. Elle est entrée sans coup férir dans notre Grand Conseil avec des idées très arrêtées sur les sujets qu'elle connaît bien. Elle a regretté - à juste raison, je crois - les excès de la polarisation. Elle nous a aussi trouvés trop gourmands sur le plan fiscal et elle nous l'a reproché à quelques reprises. Pourtant, je crois véritablement que Louiza Mottaz indique clairement quel est le problème aujourd'hui. On peut évoquer le parlement de milice avec la main sur le coeur. Nous ne sommes pas favorables à la professionnalisation, mais admettons au moins, pour que les choses soient claires avec le souverain, que le travail qui est effectué ici est un travail semi-professionnel. C'est une partie de notre temps : pour les uns c'est 20%, pour les autres c'est 30%, pour les autres 50%. Quoi qu'il en soit, il est relativement difficile dans les professions les plus proches du terrain de mener en parallèle une carrière politique et cela assèche la réflexion de nos parlements. (Applaudissements.)

Georges Krebs est dans ce parlement depuis trois ans, il se soucie en revanche d'écologie depuis plusieurs décennies. Il a été en Ville de Genève, vous le savez, un des pionniers des économies d'énergie. Georges, nous le savons tous, a plusieurs particularités qui font se dresser les cheveux sur la tête des uns et qui amusent les autres. Il a tout d'abord un sens assez aigu de la provocation. Il a aussi un art très développé pour prendre le contre-pied de ce que les gens qui l'entourent pensent pour essayer de tester jusqu'à quel point une idée peut résister à une discussion de très longue haleine, allant dans les moindres détails. Ceci dit, j'espère que dans notre groupe nous aurons encore de ces techniciens compétents et totalement non conformistes, pour nous déranger, nous ennuyer, et aussi nous rappeler à l'ordre quand nous devenons à notre tour définitivement politicards et délirants. Merci donc à Georges d'avoir - à la fin d'une carrière professionnelle très chargée - accepté de faire trois ans parmi nous et nous savons que, jusqu'au dernier souffle, Georges Krebs se battra pour l'écologie. (Applaudissements.)

Anne Briol entre et sort de ce parlement avec une facilité déconcertante. Lors de cette fameuse législature que M. Grobet appelle la législature du gouvernement monocolore de droite, elle avait fait une brève apparition pour se consacrer, à l'époque, à la science. Elle entendait donner l'ensemble de son temps à la thèse en biologie qu'elle préparait, ainsi qu'à la défense de la nature. Elle est revenue pour cette législature et elle a fait quelques progrès puisqu'elle est restée quatre ans. Cependant elle nous quitte. Elle nous quitte parce qu'essayer d'avoir une activité professionnelle qui se passe essentiellement hors de Genève et s'occuper d'un enfant en bas âge est très difficilement compatible avec la vie que nous menons dans ce parlement. Nous la regretterons bien sûr infiniment, parce que Anne est véritablement l'image de ces écologistes qui ont milité depuis tout petit dans les associations de protection de la nature et qui, en même temps, affrontent les grands problèmes, comme le génie génétique. Elle a une connaissance réelle du terrain et une grande sensibilité qui la rendent précieuse, car ils ne sont pas si nombreux ceux qui, dans nos milieux, savent faire ce que Anne Briol sait faire. Merci pour son apport et sans doute à bientôt. (Applaudissements.)

Fabienne Bugnon nous quitte au bout de treize ans, atteinte il est vrai par la limite que nous nous sommes fixée, mais je crois aussi qu'elle est convaincue qu'après toutes ces années il est bon de passer à autre chose, d'avoir d'autres projets et d'autres ambitions. Fabienne Bugnon, vous le savez, c'est le cerveau des Verts et son coeur est à gauche à plus d'un titre... J'ai vraiment eu, depuis que nous partageons la banquette, à défaut d'autre chose, un plaisir immense à travailler avec Fabienne. Elle a fait récemment une chose qui concerne, à vrai dire, surtout les Verts, mais je veux profiter de l'occasion pour lui rendre hommage. Au moment où elle savait qu'elle partait de ce Grand Conseil, elle a accepté de conduire la campagne électorale des Verts. Cela indique une conviction et un désintéressement que l'on ne rencontre pas toujours. Sa compétence dans les dossiers, Fabienne Bugnon a encore eu durant cette législature l'occasion de vous la démontrer. Avec coeur et avec raison, elle a ferraillé avec les meilleurs orateurs de ce Grand Conseil. Elle a toujours montré une pugnacité que je lui envie. J'avoue en effet trouver ces joutes oratoires un peu lassantes : elle jamais. C'est là encore le signe d'une grande conviction. Il y a des personnalités qui marquent l'existence d'un parti et Fabienne Bugnon, à n'en pas douter, a marqué la courte existence des Verts. Je la remercie pour son immense apport et je suis vraiment désolé à l'idée qu'elle ne sera plus là si je devais, par extraordinaire, revenir dans ces murs. Merci Fabienne! (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais souligner ici que sept députés qui ont siégé sur les bancs de l'Alliance de gauche ont soit quitté le Grand Conseil, soit ne se représentent plus. Tout à l'heure, M. Halpérin nous a rendu un hommage indirect, lors du débat sur la loi sur les droits politiques, en disant que l'Alliance de gauche n'avait pas besoin de beaucoup d'argent pour ses campagnes électorales, car elle pouvait compter sur ses militants. Effectivement, ce soir, ce sont six militants auxquels j'aimerais rendre un bref hommage. Je pense tout d'abord à une députée qui a été sans emploi et qui a beaucoup milité pour les droits des chômeurs. Je pense à un député qui siège depuis vingt ans sur les bancs de ce Grand Conseil, défendant les plus humbles et ayant fait preuve d'un courage remarquable face à un accident qu'il a subi. Je pense à un autre député qui s'est préoccupé des problèmes sociaux et de la santé. Je pense encore à un député, dont la rigueur dans la gestion des deniers publics est, je crois, reconnue par chacun. Je pense à une députée qui nous a quittés il y a un certain temps déjà et qui a fait preuve à l'époque d'une vision très claire au sujet des problèmes de la détention et qui avait fait preuve d'un grand courage avant d'être effleurée, dirais-je, par la presse. Je pense à un député qui s'est engagé contre le militarisme et qui est présent ce soir à la tribune. Enfin, je pense à une députée qui n'était pas de nos rangs, mais que nous avons cru de notre devoir d'accueillir sur nos bancs pendant un certain temps. J'ai évoqué : Magdalena Filipowski, Pierre Meyll, Gille Godinat, Bernard Clerc, Martine Ruchat, Luc Gilly et Myriam Lonfat. Merci à toutes et à tous. (Applaudissements.)

Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). J'ai rédigé une lettre et je demande qu'elle soit lue. Ensuite, je dirai quelques mots.

M. .

«Concerne mes adieux forcés au Grand Conseil

»Mesdames et Messieurs les députés,

»Je ne veux pas refaire l'histoire, mais je tiens à vous dire ma tristesse de devoir vous quitter, quitter ce parlement dans lequel je pense avoir ma place, contre mon gré.

»Privée de commissions parlementaires depuis le 16 mai 2000, sur décision du parti socialiste, puis exclue par celui-ci le 21 novembre 2000, je considère que la volonté du peuple souverain qui m'a élue n'est pas respectée.

»Chacun dans cette enceinte sait pertinemment que tant le travail d'un conseiller communal ou municipal que celui d'un député se fait essentiellement dans les commissions parlementaires et non dans les séances plénières. J'ai donc été amputée d'une partie de mes attributions que me conférait ma qualité de députée.

»J'ai été élue le 16 octobre 1997, puisque vingt-cinquième sur la liste socialiste, les trois premières personnes se présentant comme candidates au Conseil d'Etat. Par le non-respect de son engagement d'un des candidats, je n'ai pu prêter serment que le 24 septembre 1998.

»Je voudrais malgré tout témoigner ma reconnaissance à toutes celles et tous ceux, plus nombreux à droite qu'à gauche, qui m'ont apporté leur amitié et leur soutien et qui ont su me respecter pour ce que je suis.

»Adieu

Myriam»

Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Chers collègues députés, ma motion 1429 et ma résolution 444 n'ayant pu être traitées ce soir, je les confierai à Antonio Hodgers, en qui j'ai toute confiance et qui en fera sûrement un bon usage. J'espère que le parlement soutiendra ma motion. En ce qui concerne ma résolution, sujet assez délicat, je donnerai également un texte à Antonio, pour qu'il la défende, malgré l'issue plutôt incertaine que le parlement risque de lui réserver.

Je suis de l'autre côté de la barrière, comme le disait la présidente dans son discours, sans activité lucrative. Qui me tendra la main en me proposant un travail dans le domaine social, qui corresponde à mes capacités, par exemple dans le domaine de l'asile? Exercer enfin une activité lucrative me donnera la reconnaissance sociale dont j'ai tant besoin et me permettra d'éponger mes dettes. J'en ai, elles sont nombreuses.

Merci à Michel Halpérin et à son groupe qui, a contrario des socialistes et d'autres personnes de la gauche, accordent de la valeur à la personne humaine, à l'individu, en l'acceptant dans sa spécificité, sa particularité, voire sa marginalité. J'ajoute des remerciements pour Christian Grobet qui a négocié ma place dans cette salle et qui a accepté de me laisser siéger aux côtés de son groupe.

Je suis très émue de l'hommage que m'a rendu ce soir Michel Halpérin. Il en est parmi vous qui vont cruellement me manquer, mais que je reverrai parfois lorsque j'assisterai aux séances plénières ou lors de cérémonies officielles. Merci encore à une grande partie de la chancellerie d'Etat et du service du Grand Conseil. Je voudrais citer en particulier Didier Thorens, Yvan Reynard, Mme Geandier, M. Hensler, Dominique Louis et Maria Anna Hutter, lesquels avec finesse et élégance ont su répondre à mes demandes et je crois aussi à celles des autres députés. Il est des gens que je ne remercierai pas. Il s'agit de certains journalistes, par exemple du «Courrier», de la «Tribune de Genève», de «Léman Bleu» et de la «TSR», lesquels ont organisé un boycott de ma personne allant jusqu'à bouder deux manifestations que j'avais organisées pour le peuple cachemiri du Pakistan. Sur «Léman Bleu», les dernières images de la manifestation du 30 septembre 2000 sur lesquelles je figurais ont été censurées. Un grand merci à Thierry Pierre dit Grain d'Orge qui ne s'est pas laissé influencer et m'a filmée comme toutes les autres autorités du canton. (Applaudissements.)

Mme Danielle Oppliger (AdG). J'ai écrit une lettre à l'ensemble de ce parlement. Je demande qu'elle soit lue.

M. .

«Madame la présidente,

»Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat,

»Mesdames, Messieurs,

»Chers collègues,

»Au terme de cette législature durant laquelle j'ai eu l'honneur et le plaisir de siéger auprès de vous, permettez-moi de vous adresser ce court message.

»Tout d'abord, je voudrais vous dire merci, un tout grand merci, pour votre esprit de collégialité qui a permis que nous puissions travailler ensemble, tous partis confondus, et concrétiser bon nombre de dossiers pour notre chère Genève.

»Elue en 1993 et reconduite en 1997 par les électeurs, j'ai vécu ces huit années à vos côtés comme un enrichissement continu, tant sur le plan moral et politique qu'amical.

»N'étant plus sûre - on ne sait jamais - d'être réélue pour la nouvelle législature, je me dois aujourd'hui de rendre hommage au groupe SolidaritéS pour m'avoir donné la possibilité de vivre une aussi fructueuse expérience... L'Alliance de gauche n'a pas jugé bon de me renouveler sa confiance et je ne lui en veux pas.

»Je voudrais aussi, et surtout, remercier tous les autres collègues, sans oublier nos conseillers d'Etat, qui ont su, durant toutes ces années, faire abstraction de toute sensibilité politique, pour m'accueillir au sein de cette merveilleuse enceinte qu'est le parlement, pour m'entourer sans aucun préjugé de parti - ou autre - pour me conseiller, voire pour m'aider à apporter quelque soutien aux nécessiteux de mon pays d'origine.

»Cette attitude chaleureuse m'a permis de me sentir à mon aise parmi vous malgré le caractère, disons, biscornu de ma présence à vos côtés.

»Je remercie enfin le chancelier d'Etat, la sautière et son adjointe, les huissiers et les secrétaires du Grand Conseil, sans oublier la responsable du bar, pour les excellents rapports que nous avons toujours su entretenir.

»C'est non sans une grande nostalgie que je termine cette législature, mais avec une certaine fierté d'avoir accompli ma tâche au plus près de ma conscience et avec tout mon amour.

»Merci et bonne chance à vous tous

Danielle Oppliger»

(Applaudissements.)

Mme Myriam Lonfat. Je voudrais juste préciser que j'ai oublié tout à l'heure de remercier le Conseil d'Etat!

La présidente. Voilà qui est fait! Mesdames et Messieurs les députés, deux informations encore : les députés qui nous quittent recevront le traditionnel stylo dans un instant, et vous trouverez, à la salle des Pas Perdus, le «Ki A Di Koa?» Il s'agit des perles relevées dans le Mémorial, que les mémorialistes ont imprimées pour nous, en souvenir. Vous trouverez aussi le texte de la petite revue qui aurait dû avoir lieu ce soir.

Enfin, j'ai calculé que nous avons passé environ 7500 heures ensemble au cours de cette législature, nous avons donc bien mérité un apéritif. J'invite le public de la tribune à nous rejoindre pour le verre de l'amitié. Merci à tous et bonne chance. 

La séance est levée à 22 h.