Séance du jeudi 4 octobre 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 12e session - 46e séance

P 1340-A
23.  Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition des habitants de Pregny-Chambésy contre les constructions de la Mission d'Oman dénaturant le paysage. ( -) P1340
Rapport de Mme Yvonne Humbert (L), commission des pétitions

Lors de ses séances du 26 mars et du 2 mai 2001, la Commission des pétitions, sous la présidence de M. Hubert Dethurens, s'est penchée sur l'étude de la pétition 1340 dont voici la teneur :

Pétition(1340)

Mesdames etMessieurs les députés,

Installée depuis quelques temps au 3A, chemin de Roilbot à Chambésy, la Mission permanente du Sultanat d'Oman auprès des Nations Unies a construit un garage souterrain dont l'entrée, face à la "Rampe de Chambésy", est constituée d'un volumineux cube de béton entièrement hors-sol. Elle a également érigé deux énormes antennes paraboliques mesurant chacune de 3 à 4 mètres de diamètre, posées sur d'imposants châssis métalliques, antennes qui ont été installées sur le toit du garage précité.

Réalisées au beau milieu du centre historique de notre Commune, ces constructions d'une hauteur de plusieurs mètres constituent une atteinte sérieuse à l'esthétique et à l'harmonie des lieux, dénaturant complètement le paysage.

En outre, elles sont une source de gêne, voire de nuisances très importantes pour les voisins directs de la Mission. En effet, non seulement ceux-ci ont la vue depuis leur logement irrémédiablement gâchée, mais en plus la puissance d'émission des antennes brouille la réception des ondes radio-TV et des télécommunications. Sans compter les possibles répercussions négatives de ces violents flux hertziens sur leur santé !

Indignés par l'attitude "conquérante", voire arrogante adoptée par la Mission permanente du Sultanat d'Oman et étonnés que les autorités cantonales aient laissé construire de telles "horreurs" et dénaturer ainsi ce site, malgré les préavis fermement défavorables de nos autorités communales, nous, signataires de la présente pétition, habitant ou travaillant sur la Commune de Pregny-Chambésy, demandons au Grand Conseil d'intervenir énergiquement par une décision obligeant la Mission permanente du Sultanat d'Oman à démonter ses monstrueuses installations sans délai et réaménager leur parcelle de manière harmonieuse.

La Commission des pétitions se rendit à Pregny-Chambésy le 26 mars dernier afin de se rendre compte de la situation devant la Mission d'Oman. M. Jean-Marc Mermoud, conseiller administratif, explique que la première autorisation concernait la rénovation du bâtiment. Lors des discussions, les autorités municipales ont fait part de leur préoccupation relative au parking. Alors que la Mission en avait prévu l'accès par l'arrière de la propriété, elle a pris en compte les arguments énoncés par la commune et a accepté de réaliser un parking souterrain. En dépit de cet arrangement avec la Mission, M. Mermoud signale qu'il est ensuite apparu qu'elle souhaitait créer un accès sur le chemin de Chambésy, arguant du fait que cet aménagement lui était plus favorable. La Commune s'y est fermement opposé, pour des raisons tant esthétiques que de sécurité. Sur ce dernier point, le conseiller administratif mentionne que le chemin en question est très fréquenté.

Contre le préavis défavorable de la Commune et sans concertation avec celle-ci, le DAEL a délivré une autorisation pour l'accès sur le chemin de Chambésy, sans qu'il ne soit toutefois fait mention des fameuses antennes paraboliques.

A cet égard, M. Mermoud explique que, dans le cas des missions, la Feuille d'avis officielle (FAO) ne publie qu'un simple avis stipulant qu'une autorisation a été délivrée sans aucune possibilité de recours.

La Mission a poursuivi ses travaux.

Un certain nombre d'interpellations au Conseil municipal virent le jour, tous les communiers s'insurgeant contre un tel état de fait.

Revenant à la première autorisation de construire, M. Mermoud révèle que le plan laissait bien apparaître deux petites ellipses représentant les antennes au sujet desquelles la Commune avait stipulé qu'elles devaient être construites au ras du sol et cachées par de la végétation. Ces remarques sont d'ailleurs mentionnées dans l'autorisation de construire. La pose de ces antennes a donc été particulièrement mal perçue.

Le conseiller administratif en profite pour souligner la préoccupation première de sa Commune, soit de tout mettre en oeuvre au plan des aménagements pour assurer la sécurité, notamment des enfants. Au surplus, les autorités municipales mettent un point d'honneur à encourager des aménagements appropriés à la configuration des lieux.

Faisant maintenant allusion à une nouvelle autorisation du Département, M. Mermoud ajoute que le socle en béton que les commissaires ont sous les yeux est situé un mètre plus haut par rapport à ce qui était autorisé, de l'avis même de M. Laurent Moutinot, président du DAEL.

Si M. Moutinot ne reviendra pas sur l'autorisation au sujet de l'accès, il en va autrement pour les antennes. Ainsi, le Département a chargé la Mission permanente suisse auprès des organisations internationales d'écrire à la Mission d'Oman. Pour l'heure, cette démarche n'a débouché sur aucun résultat et la Mission poursuit ses travaux d'aménagement tout en sachant qu'aucune autorisation n'est entrée en force concernant les fameuses paraboles. De surcroît, il faut savoir que les distances réglementaires ne sont pas respectées, si bien que le projet n'est plus conforme.

Ces faits sont d'autant plus étonnants que la maison sise sur la parcelle en cause est un bâtiment à l'inventaire. La première autorisation stipule d'ailleurs clairement que le plan d'aménagement extérieur devra être soumis au Service des monuments et des sites. Or, il ne semble pas que ledit service ait été consulté dans cette affaire.

A titre informatif, M. Mermoud renvoie à l'article 9 Etats étrangers et organisations intergouvernementales, loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) (L 5 05), qui énonce que :

M. Rousset précise que la Commune avait exigé que le parking soit souterrain, et non pas érigé à deux mètres du sol. Le pétitionnaire fait une brève allusion aux exigences de la LCI dans ce domaine. La hauteur de cette construction est telle que M. Rousset se demande même comment le voisin direct de la Mission peut tolérer une situation pareille et rappelle que la Commune avait donné un préavis défavorable quant à l'accès du parking sur le chemin de Chambésy. En outre, elle n'a jamais donné son feu vert au sujet des antennes paraboliques.

M. Rousset avoue que tout un chacun se pose la question de leur utilité lorsqu'on sait que la Commune abrite un nombre important de missions et qu'aucune d'entre elles même celle des Etats-Unis ne s'est dotée d'un tel matériel. C'est pourquoi les cosignataires de la pétition 1340 invitent la Mission à faire la démonstration de l'utilité de cette installation. Ne recevant aucune explication, notre interlocuteur se renseigna auprès de spécialistes. Ces derniers lui ont révélé qu'une telle infrastructure permet de transmettre des informations confidentielles en dehors des canaux normaux de diffusion. En outre, l'importance du diamètre de ces antennes autorise leur utilisation dans les deux sens.

M. Aeschbacher, pétitionnaire, rapporte que la population n'a guère eu de contacts avec la Mission, si bien qu'elle a choisi la voie de la pétition. Les habitants souhaitent, en l'occurrence, que ses représentants cherchent une autre solution, à savoir de déplacer ces antennes et de se relier par câble. Tout comme son collègue, il émet des doutes quant à la nécessité de tels engins.

M. Rousset précise que le bâtiment acquis par la Mission est à l'inventaire. Or si un privé décide de peindre ses volets d'une couleur non conforme aux exigences, force est d'admettre qu'il se verra infliger une amende. Dès lors, il se plaît à estimer que l'on pratique ici la politique de « deux poids deux mesures ».

Selon un courrier des lecteurs paru récemment dans la « Tribune de Genève », il semblerait que le voisinage se plaigne d'un brouillage des émissions de télévision, toutefois personne n'en détient la preuve formelle tout en sachant que ce type d'installation peut provoquer des brouillages ainsi que des problèmes de réception TV. Il faut savoir que le village est câblé, toutefois certains habitants ne sont pas encore connectés.

Concernant la sortie du garage, la Mission a présenté un autre projet différent du premier, visant à obtenir l'accès sur la rampe de Chambésy, assorti d'une porte dans le mur. A cette occasion, explicite le pétitionnaire, il a été décidé de surélever la dalle du garage d'une hauteur de 1 mètre à droite du bâtiment et de poser les antennes par-dessus.

Deux aspects sont à relever dans cette problématique : 1) l'esthétique, à plus forte raison parce que la propriété est à l'inventaire ; 2) de santé publique, sachant que les antennes émettent des ondes. Lequel de ces deux aspects semble déranger le plus les communiers ?

M. Rousset répond que l'agression visuelle que constituent ces antennes est prédominante, dans la mesure où la population a le sentiment qu'elles ne se justifient pas. Et de rappeler que la propriété acquise par la Mission se situe en zone villas. Pour ce qui a trait à l'éventuelle diffusion d'ondes gênantes, M. Rousset avoue que les habitants résidant un peu plus loin du site incriminé n'y sont pas très sensibles. En revanche, ce qui ressort clairement des témoignages, c'est l'étonnement des passants qui déambulent devant la Mission. Cet étonnement est partagé par d'autres usagers du chemin de Chambésy, un chemin très fréquenté, au demeurant. Dans ces conditions, le nouvel accès au parking apparaît des plus problématiques vu la densité de la circulation à cet endroit.

Quant à savoir si toutes les personnes ayant signé la pétition habitent la Commune, il est répondu que ladite pétition a été signée par toute personne choquée par cette affaire.

M. Aeschbacher ajoute néanmoins que, sur les 573 signatures, il n'y en a environ qu'une vingtaine en provenance des environs. La majorité des signataires est donc bel et bien résidente à Pregny-Chambésy.

Une des commissaires rappelle que les ressortissants du Sultanat d'Oman (et de cette région) ont pour habitude de vivre dans des maisons dérobées aux regards. Forte de ce constat, elle voudrait savoir si la Commune est au courant des aménagements ultérieurement prévus par la Mission ? Il se pourrait qu'une plantation de très grands arbres parviennent à masquer les antennes.

M. Rousset lui signale qu'il ne possède aucun renseignement à ce sujet.

M. Mermoud rappelle que le territoire de Pregny-Chambésy abrite environ 20 à 25 missions et plusieurs résidences de chefs de mission. D'une manière générale, leurs relations avec la Commune sont excellentes. Aussi le cas de cette Mission est-il une exeption.

M. .

Avant que la configuration des lieux change, l'accès à la propriété se faisait par le chemin de Roilbot et il fait mention de ces deux variantes : 1) parking en surface, n'ayant ni l'agrément de la Commune, ni du Département ; 2) parking totalement enterré avec environ 22 places, prévoyant un accès sur le chemin de Roilbot, satisfaisant les autorités municipales.

A ce stade, la Commune a donné un préavis favorable assorti de quelques remarques mineures en particulier sur les fameuses antennes paraboliques parce que le plan soumis à son examen prévoyait deux petites ellipses. A cet égard, l'architecte de la Mission avait, en effet, évoqué leur implantation à ras du sol, cachée par de la végétation. Le conseiller administratif explique que les conditions posées par la Commune ont été reprises, en nota bene, dans l'autorisation de construire, notamment le fait que la taille des antennes en question devait être réduite au minimum.

Puis les autorités municipales, lors de la construction du parking souterrain, se sont étonnées de la présence d'un trou dans le mur de la façade de l'habitation. Par la suite, l'architecte est venu solliciter l'accord de la Commune pour modifier l'accès de la parcelle. Il ajoute qu'elle a opposé son refus catégorique pour des raisons esthétiques et de sécurité.

Puis sans consulter la Commune, le DAEL a donné son aval à ce nouveau projet. Or, en vertu de l'article 9 LCI accordant l'immunité aux missions diplomatiques, il s'est avéré impossible de faire recours contre la décision du Département.

Quelques jours après, poursuit M. Mermoud, deux antennes, jugées d'une taille disproportionnée par la Commune, ont été fixées sur un socle en béton, dont la hauteur se situe à un mètre au-dessus du niveau de la dalle supérieure du garage souterrain et relève que M. Moutinot a reconnu un tel état de fait, mais que le magistrat a refusé de revenir sur sa décision quant à l'accès. La Commune a pris contact avec le Service d'écotoxicologie, elle n'a pas encore reçu de réponse à ce sujet. En l'état, le conseiller administratif peut néanmoins préciser que ce type d'installation doit faire l'objet d'une autorisation spéciale.

Malgré de réitérés courriers à la Mission, M. Mermoud déplore que celle-ci n'a jamais réagi. Il ajoute que le Département a, de son côté, écrit à la Mission permanente suisse auprès des organisations internationales pour qu'elle entre en contact avec la Mission d'Oman. Lettre dans laquelle il est mentionné que la Mission n'a pas respecté les termes de l'autorisation de construire qui lui a été délivrée et que, par conséquent, le Département prie l'ambassadeur Nordmann d'intervenir pour que la Mission fournisse toute explication utile à ce sujet. M. Mermoud rapporte, en outre, que M. Moutinot exige, via la mission suisse, que la Mission formule des propositions visant à rétablir une situation conforme au projet autorisé. Pour avoir rencontré le magistrat ce jour, M. Mermoud fait savoir que le DAEL n'a enregistré aucune réaction et qu'il va relancer la Mission suisse.

Dans ce contexte, le conseiller administratif admet que l'on puisse faciliter la tâche des missions pour qu'elles puissent s'implanter à Genève. Or, cela n'est pas une raison pour passer par-dessus les lois auxquelles tout un chacun doit se conformer d'une manière générale. Souvent, celles-ci se croient un peu tout permis, toutefois il faut reconnaître que les problèmes se sont toujours réglés au cours de discussions constructives avec les chefs de mission.

Dans son sillage, Mme Archetto précise que la Commune adopte systématiquement une certaine ligne de conduite en matière d'aménagement. Dans ces conditions, la pose des antennes en plein centre du village est très mal perçue par les citoyens dont les familles sont parfois résidentes depuis des générations à Pregny-Chambésy. Dans leur esprit, la Commune est responsable d'une telle implantation et il n'est pas facile de leur faire comprendre qu'elle s'y est fermement opposée. Pour sa part, la conseillère administrative considère que cet aménagement va au-delà de ce que l'on peut tolérer en plein centre villageois.

A titre informatif, la propriété en cause est à l'inventaire depuis 1987. Cette maison était la propriété de la famille Delaunay qui l'a vendue. Par la suite, elle a fait partie d'une masse en faillite et sa gestion a été assurée par l'Office des poursuites et des faillites (OPF) pendant plusieurs années. Ladite propriété a même été squattée à un moment donné.

A la question de savoir si le DAEL a tenu compte du préavis de la Commune, M. Mermoud lui répond par la négative. Il fait alors allusion à la venue d'un représentant de l'Office des transports et de la circulation (OTC) sur place. Assez curieusement, il s'est déterminé favorablement et le Département a ensuite délivré la fameuse autorisation. M. Mermoud fait observer que la Commune aurait apprécié que le DAEL la consulte auparavant tout en relevant que sa Commune n'a jamais rencontré de difficultés avec le Département, à l'exception de la Mission de Tchéquie, également à propos d'un problème d'accès. Dans ce cas, module le conseiller administratif, le préavis communal n'était pas respecté ; après discussion, le DAEL et la Commune se sont mis d'accord sur une solution.

M. Mermoud, s'agissant de l'autorisation complémentaire, énonce les dates suivantes : préavis du 15 juin 2000 ; autorisation du 21 novembre 2000. Le conseiller administratif précise que le premier préavis de Pregny-Chambésy est intervenu le 7 avril 1999 et l'autorisation de construire a été délivrée le 20 juillet 1999.

A la remarque d'une commissaire relevant que tant le DAEL que la Mission ont passé outre le préavis de la Commune qui en fait finalement les frais. M. Mermoud rapporte que, lors de sa séance du 5 décembre 2000, le Conseil municipal s'est montré outré du fait qu'il n'a pas été fait cas du préavis de la Commune.

Un autre commissaire voudrait savoir si les préavis communaux sont généralement rendus après consultation de la commission ad hoc ?

M. Mermoud lui répond qu'en la matière, la plupart des préavis sont rédigés par l'exécutif. Ce type de démarche relève, en effet, hormis les cas stipulés par la loi, de sa propre compétence. Lorsque l'importance d'un dossier le justifie, il sollicite l'avis de la Commission de l'aménagement ou du Conseil municipal.

Constatant que la légalité des autorisations délivrées n'a pas été respectée, les membres de notre commission ont soulevé les points suivants en souhaitant recevoir une réponse à ses interrogations :

C'est à l'unanimité (13 oui, 2 AdG, 3 S, 2 Ve, 1 DC, 3 L, 2 R) que la Commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Yvonne Humbert (L), rapporteuse. Je souhaiterais faire un commentaire sur cette pétition. En effet, nous avons pu constater que le préavis de la commune n'avait absolument pas été pris en considération. Je me suis souvent demandé, en tant que magistrat d'une commune, quelle était la valeur réelle de nos préavis communaux. Ceux-ci ne sont pas contestés lorsqu'il s'agit d'une cabane de jardin ou d'un portail, mais lorsque les projets sont plus importants et ont un impact non négligeable, les préavis communaux ne sont pas pris en compte. Dans ces cas, la décision de la commission de l'architecture prend trop souvent le dessus, sans auditionner les communes et sans chercher une solution convenant à tous.

Le dialogue manque hélas ! N'oublions pas que les magistrats communaux recueillent directement les critiques et les réflexions de leurs communiers, qui très souvent nous demandent ce que nous faisons au juste. Nous sommes obligés évidemment de nous plier aux décisions du Conseil d'Etat ou de la commission d'architecture. Il est vrai que nous pouvons entamer une procédure de recours, mais ceci complique un peu les choses. En définitive, nous sommes obligés de constater que le pouvoir des communes est bien faible en matière d'aménagement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.