Séance du jeudi 4 octobre 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 12e session - 46e séance

M 1418
19.  Proposition de motion de Mmes et MM. Anita Frei, Françoise Schenk-Gottret, Erica Deuber Ziegler, Morgane Gauthier, Christian Brunier, Bernard Lescaze et Rémy Pagani concernant les mesures urgentes à prendre pour préserver le tronçon de la route du Grand-Lancy inscrit à l'inventaire des voies de communication historiques de la Suisse. ( ) M1418

EXPOSÉ DES MOTIFS

Une demande d'autorisation de construire et une requête LER ont été déposées dans la FAO en dates du 15.05 et du 3.08.2001, qui visent à doubler le gabarit de la route du Grand-Lancy sur le tronçon d'Onex.

Le site de la route du Grand-Lancy, entre le carrefour des Six-Chemins à Onex et le débouché du chemin Blondel sur la commune de Lancy, est considéré comme « d'importance nationale avec substance » dans l'inventaire des voies de communication historiques de la Suisse. Ce tracé possède une persistance historique remarquable. Probablement déjà empruntée à l'époque romaine, la route du Grand-Lancy a été utilisée durant le Moyen Age comme voie de liaison entre les foires de Genève et de Lyon et est demeurée une voie principale jusqu'à la création de la route de Chancy.

Le tronçon de Belle-Cour est considéré par les experts comme « le plus beau passage entre le Grand-Lancy et Bernex ». Il possède un tracé tout en  souplesse, caractéristique des voies anciennes et un remarquable accompagnement de chênes centenaires, typique du paysage routier traditionnel de Genève. Ses qualités morphologiques en font un objet exceptionnel, surtout pour une voie aussi importante. Le projet d'élargissement y porte irrémédiablement atteinte, avec notamment l'abattage des arbres situés au bord de la chaussée.

L'Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse, inventaire fédéral basé sur la Loi sur la protection de la nature (LPN) s'attache à recenser, faire connaître et mettre en valeur les cheminements historiques. L'inventaire du canton de Genève, réalisé entre 1994 et 1996, a été approuvé par la Commission de référence (BAG) le 1.08.1996.

En vertu de l'art. 6 LPN, un objet d'importance nationale inscrit à l'inventaire doit être conservé intact ou ménagé le plus possible (protection renforcée).

Le canton de Genève est un des rares cantons à avoir participé financièrement à l'établissement de son inventaire, ce qui lui a permis d'obtenir un recensement particulièrement fouillé et exhaustif, preuve de l'intérêt porté à cette dimension du patrimoine genevois. Cet investissement implique un respect et une attention accrus dans les projets susceptibles de toucher aux voies reconnues par l'inventaire.

La Commission des monuments, nature et sites (CMNS) ne s'y est d'ailleurs pas trompée, en donnant, le 6 juin 2001, un préavis négatif au projet d'élargissement de la route du Grand-Lancy sur le tronçon de Belle-Cour.

Il est essentiel aussi de relever toute la problématique des circulations. En effet, lors de l'ouverture de l'autoroute de contournement, il avait été décidé que seule la route de Chancy conservait son statut de réseau primaire dans la région, et que l'on renonçait au rôle de pénétrante pour la route du Grand-Lancy. C2005, qui vise au respect des normes Opair et OPB en matière de pollution, conserve la même optique dans ce secteur.

Il est intéressant de relever que le tracé et le gabarit de cette route participent à une modération naturelle du trafic. Alors que notre canton dépense des sommes importantes pour modérer le trafic, il n'a qu'à respecter ici l'état existant, de surcroît fort esthétique.

La limitation de vitesse à 50 km/h, le croisement parfaitement envisageable d'un bus avec d'autres véhicules, l'interdiction des poids lourds sur cette route, une liaison piétonnière par le parc de la mairie d'Onex, la possibilité d'établir une contre-voie piétonne et cyclable, tout ceci concourt à vouloir maintenir cette route et plus particulièrement le tronçon visé en l'état.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députéEs, nous vous demandons d'accorder une attention bienveillante à cette proposition de motion et vous demandons de l'adresser sans délai au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Anita Frei (Ve). La route du Grand-Lancy est l'une des plus anciennes voies de communication du canton de Genève, canton qui est riche en voies de communication historiques. C'est aussi une des plus intéressantes, dans la mesure où elle a conservé un tracé traditionnel sinueux et un accompagnement tout à fait remarquable de chênes et de haies. Or, aujourd'hui, un projet de construction d'habitations sur la parcelle de Belle-Cour, le long de cette route - projet que nous approuvons par ailleurs - menace l'intégrité de cette route dans son tronçon le plus remarquable. Selon l'inventaire des voies de communication de la Suisse, ce tronçon est « d'importance nationale avec substance ». Cela signifie, pour traduire le jargon, que ce tronçon est beau, remarquable et digne d'être protégé.

Cette proposition de motion demande au Conseil d'Etat de tout faire pour que les qualités de cette voie de communication soient garanties et maintenues. J'ai eu le plaisir d'apprendre par M. Moutinot qu'il avait déjà demandé à ses services d'examiner cette question et de tout faire pour ralentir la procédure qui met en danger ce tronçon. Je souhaite que tout soit mis en oeuvre pour conserver ce tronçon en l'état et je vous invite à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). La route du Grand-Lancy est en pente douce, sinueuse, d'une largeur raisonnable. La route de Chancy, toute proche, qui lui est presque parallèle, est à plat, très large et rectiligne. Circulation 2000 a décidé avec sagesse, lors de l'ouverture de l'autoroute de contournement, que la route de Chancy continuait à appartenir au réseau primaire et que la route du Grand-Lancy appartenait au réseau secondaire et ne jouerait plus le rôle de pénétrante. Le canton a dû, et doit encore souvent, dépenser de fortes sommes pour la mise en place de mesures de modération du trafic, afin de redonner à la rue et aux quartiers une certaine qualité de vie et afin de protéger ces usagers de la route vulnérables que sont les piétons, les cyclistes, les enfants sur le chemin de l'école et les personnes âgées. Pourquoi prévoir des aménagements qui vont à l'encontre du statut de cette route, aménagements qui seraient certainement un jour remis en question tant ils seraient dangereux.

Laissons donc cette route telle qu'elle est naturellement, de par son tracé, son environnement et son emprise, conformément à sa vocation et à son caractère historique. Envoyons cette proposition au Conseil d'Etat, j'ai cru comprendre qu'il y prêterait une oreille attentive.

M. Bernard Lescaze (R). Comme mes préopinantes, je suggère que cette motion soit renvoyée soit au Conseil d'Etat, soit éventuellement à la commission de l'aménagement. En effet, si tout le monde est d'accord sur la nécessité de préserver cet ancien chemin de Lancy, il y a tout de même des aménagements qui doivent être effectués, comme le suggère d'ailleurs la motion, notamment l'étude de la contre-voie piétonne ou cyclable réclamée par de nombreux habitants d'Onex. Je pense qu'il convient d'examiner cela avec beaucoup d'attention.

Ce que les motionnaires souhaitent c'est sauvegarder ce chemin et j'espère que la commune de Lancy sera ouverte à nos arguments. Nous souhaitons également que l'on étudie cette contre-voie piétonne. C'est pour cela que je vous suggère de renvoyer cette motion soit à la commission de l'aménagement, soit au Conseil d'Etat.

M. Christian Grobet (AdG). Notre groupe soutient cette motion, cela va sans dire, nous souhaitons toutefois que son libellé soit précisé. Mme Deuber Ziegler n'est malheureusement pas là, mais nous avions évoqué cette possibilité avec elle. Nous ne sommes pas certains que le fait d'inscrire cette route à l'inventaire soit suffisant pour empêcher les dégradations traditionnelles que l'on observe le long des routes et dont celle-ci a été préservée, du moins jusqu'à présent. Ces dégradations consistent généralement en une modification du gabarit, en la construction de murs le long de la route et enfin en l'abattage d'arbres et de végétation. Nous souhaitons donc que cette motion soit complétée de la façon suivante :

«...d'importance nationale avec substance, en veillant au maintien des arbres et de la végétation, en interdisant la construction de murs le long de cette artère et en maintenant son gabarit actuel.»

C'est là, je crois, le but recherché, et il convient de le dire expressément.

M. René Koechlin (L). Le cas de cette route n'est pas unique, bien au contraire. Il existe une quantité de routes sur le territoire de notre canton qui présentent un intérêt historique indiscutable, certaines remontent à l'époque romaine d'avant Jésus-Christ. Notre archéologue cantonal en a établi l'inventaire. Je suis en rapport personnellement avec lui et nous en avons beaucoup discuté ensemble. Je pense qu'il serait extrêmement utile et intéressant de renvoyer cette motion en commission pour que nous prenions connaissance de cet inventaire. Cela permettrait à ce Grand Conseil de se pencher non pas sur ce cas unique, mais sur tous les cas qui réellement méritent une protection et une attention particulière parce qu'ils sont à l'origine de toute la structure du développement de notre canton depuis en tous cas deux millénaires. C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi en commission.

Mme Anita Frei (Ve). Sur le renvoi en commission, je voudrais dire à M. Koechlin que comme co-auteur de cet inventaire des voies de communications historiques de ce canton, je suis prête à tout moment à venir le présenter à la commission de l'aménagement. Je pense cependant que dans le cas précis, il s'agit d'intervenir au plus vite et de trouver des solutions rapides. Je maintiens donc ma demande de renvoi au Conseil d'Etat.

Mme Nelly Guichard (PDC). Nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission. Je souhaiterais revenir sur les amendements proposés.

M. Laurent Moutinot. En même temps que cette motion attirait mon attention sur cette route, la commune d'Onex faisait la même démarche. Par conséquent, mes services ont d'ores et déjà reçu comme instruction de bloquer le développement de ces deux projets. Une séance a déjà eu lieu au département avec l'ensemble des partenaires. Mme Frei y était d'ailleurs convoquée, pas en tant que motionnaire, Monsieur Koechlin, mais en tant que co-auteur de l'inventaire. Le projet qui a fait réagir la commune et les motionnaires est un projet excessif de par le bouleversement qu'il implique sur cette voie de circulation.

Il s'agit de trouver un système qui permette de respecter le caractère de la route, mais aussi, comme l'a dit M. Lescaze, de tenir compte d'un certain nombre d'impératifs de sécurité, notamment pour les piétons et les cycles. C'est le but de ce groupe de travail. Par conséquent, je pense que vous pouvez renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je vous indique néanmoins que je ne prendrai pas une mesure de protection dans l'état actuel des choses, parce qu'il faut d'abord consulter les spécialistes de la nature et du patrimoine bâti pour trouver une solution. La protection immédiate que vous demandez est assurée par les instructions que j'ai données à mes services.

En ce qui concerne l'inventaire d'une manière plus générale, nous avons eu l'occasion, Monsieur Koechlin, d'en discuter longuement en commission de l'aménagement à propos d'une motion relative au chemin de la Blonde. Nous avions eu le plaisir alors d'entendre Mme Frei, qui à l'époque n'était pas députée. Mme Bugnon avait particulièrement insisté sur l'importance que nous devions accorder au respect des objets mentionnés dans cet inventaire. Je ne souhaite pas que nous fassions une nouvelle fois le même débat.

S'agissant de la route du Grand-Lancy, je vous ai indiqué quelles dispositions j'ai prises. Si vous renvoyez cette motion au Conseil d'Etat, de toute façon nous continuerons dans cette voie-là. En ce qui concerne enfin l'amendement de M. Grobet, il est clair qu'il faut respecter le gabarit, qu'il faut respecter les arbres, mais je ne peux pas m'engager à conserver tous les arbres sans exception ni à respecter le gabarit sur la totalité du tronçon. Je précise cela afin qu'il n'y ait pas de malentendu. 

La présidente. Je mets aux voix le renvoi de cette proposition de motion en commission.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Grobet qui complète l'invite de la façon suivante :

«...d'importance nationale avec substance, en veillant au maintien des arbres et de la végétation, en interdisant la construction de murs le long de cette artère et en maintenant son gabarit actuel.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mme Nelly Guichard (PDC). J'avais demandé la parole concernant cet amendement. Je voulais dire que naturellement nous allons refuser cet amendement qui ne tient pas compte de la vie et de l'intérêt de la commune, ni des discussions qui ont eu lieu entre M. Moutinot et le conseil administratif de la commune d'Onex. Je vous invite donc vivement à rejeter cet amendement.

La présidente. Je vous prie de m'excuser de ne pas vous avoir donné la parole. J'ai encore l'habitude de regarder la salle et non pas l'écran situé devant moi. Je mets donc aux voix la motion dans son ensemble.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1418)concernant les mesures urgentes à prendre pour préserver le tronçon de la route du Grand-Lancy inscrit à l'inventaire des voies de communication historiques de la Suisse