Séance du
jeudi 4 octobre 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
12e
session -
46e
séance
PL 8460-A et objet(s) lié(s)
16. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier les objets suivants :
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La Commission de l'aménagement du Grand Conseil a traité du projet de loi 8460, conjointement au projet de loi 8459, lors de ses séances du 6 et 13 juin 2001, sous la présidence de M. Olivier Vaucher. Ont assisté aux discussions M. Laurent Moutinot, chef du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, Mme Anni Stroumza, chargée de mission auprès de la présidence du DAEL, M. Georges Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures, M. Didier Mottiez, secrétaire adjoint et Mme Gisèle Matthey, juriste. Les procès-verbaux ont été tenus par Mme Jacqueline Meyer.
Le projet de loi du Conseil d'Etat a été initié par le Grand Conseil par voie de la motion 1178, adoptée le 26 juin 1998, qui invitait le Conseil d'Etat à engager la procédure d'adoption des plans de zone, visant à affecter la parcelle de la Grand-Cour à une zone de verdure pour la rendre inconstructible.
A l'origine de cette démarche se trouve la demande de classement du périmètre de la Grand-Cour, à laquelle le Conseil d'Etat donnait en novembre 1997 une suite très partielle, en se limitant à ordonner le classement de deux bâtiments supplémentaires. Cette décision ne protégeait pas le jardin de la Grand-Cour (parcelle 10225), partie intégrante du hameau de la Grand-Cour, un ensemble d'origine médiévale, très rare, sinon unique dans le canton de Genève. La parcelle précitée faisait l'objet d'un projet de construction d'un bâtiment destiné notamment à une poste, de nature à altérer ce site remarquable, projet qui a été abandonné depuis.
L'étude intitulée La Grand'Cour à Troinex, un joyau de la campagne genevoise (Troinex, 1997), met en évidence la valeur de cet objet unique, la nécessité de préserver un jardin aussi ancien et commente : « Le réalisme, c'est le conserver. Tout au long des siècles, le jardin communal a été maintenu avec une ferveur qui honore la communauté de Troinex. »
Le projet de loi a été mis à l'enquête publique du 10 mai au 8 juin 1999, recueillant 27 observations favorables et 17 défavorables. Le 6 septembre 1999, le Conseil municipal donnait un préavis négatif, par 11 oui et 3 non, au projet de création d'une zone de verdure sur la parcelle 10225 de la commune de Troinex à la Grand-Cour. Parallèlement, une initiative municipale, « Pour le maintien de la parcelle N° 10225 de la commune de Troinex à la Grand-Cour en zone constructible 4B protégée », aboutissait. La portée juridique de l'initiative communale suscite des interprétations divergentes. Le traitement de l'initiative communale à Troinex a suivi toutes les étapes de la procédure dans les délais fixés. On peut considérer le préavis négatif de la commune au projet de création d'une zone de verdure comme une concrétisation des objectifs poursuivis par les initiants. L'initiative n'a donc pas à être soumise aux électeurs de la commune. Le service juridique du DAEL doute cependant que la commune puisse et doive aller, comme elle l'affirme, jusqu'au Tribunal fédéral dans cette affaire.
A l'initiative du conseiller d'Etat M. Laurent Moutinot, la proposition de la commune quant à la possibilité d'un moratoire a été présentée aux différents groupes qui se sont investis depuis de longues années dans la sauvegarde de la Grand-Cour.
Les autorités communales s'opposent à ce que les deux projets de lois soient liés et refusent que la parcelle de la Grand-Cour serve de compensation. Elles proposent une servitude de non-bâtir au bénéfice du Conseil d'Etat. Elles ont engagé un concours pour la rénovation des bâtiments communaux à la Grand-Cour ; la Maison de l'horloge, bâtiment le plus remarquable, est destinée au relogement de la mairie ; la Maison Paschoud, ainsi que l'actuelle mairie, sont affectées au logement, sous réserve des rez, destinés au commerce. Quant à la parcelle 10225, elle est destinée à la création d'un parc public, la commune renonçant à son projet de construction sur cette parcelle.
Les autorités communales sont auditionnées sur les deux projets de lois. Sur le projet de déclassement de la Grand-Cour, elles s'estiment liées par l'initiative communale signée par 40 % de la population et demandant que les autorités communales prennent toutes mesures utiles pour conserver la parcelle en zone 4B avec ses droits à bâtir. Elles considèrent que leur projet de moratoire est un bon compromis. La servitude de non-bâtir de 15 ans et la création d'un parc public sur la parcelle permettent de répondre aux voeux des initiants, soit de conserver la parcelle en zone 4B, tout en la gardant libre de constructions.
Les représentants de la commune déclarent que si le projet de loi de déclassement de la Grand-Cour est voté par le Grand Conseil, la commune serait tenue de faire recours jusqu'au Tribunal fédéral.
Les auditionnés souhaitent le classement de la parcelle 10225 en zone de verdure, qu'ils défendent depuis de longues années contre des projets de construction. Ils considèrent que la proposition de la commune d'une servitude de non-bâtir de quinze ans ne leur donne pas de garanties suffisantes que ce jardin ancien soit préservé. Par ailleurs, ils soulignent qu'en tant qu'opposants on ne leur a pas demandé leur avis. Ils sont par ailleurs d'accord de lier les deux projets 8459 Moillebin et 8460 Grand-Cour, et estiment que le classement du jardin de la Grand-Cour doit faire partie des compensations au déclassement de la zone agricole. Ils font remarquer que, dans sa démarche d'aménagement, la commune va dans le même sens que le projet de loi 8460, à savoir la revitalisation du site tout en le préservant.
Les commissaires de l'Entente saluent l'effort consenti par le nouvel exécutif de Troinex pour trouver une issue au débat qui déchire la commune depuis des années. Ils font état de l'initiative communale qui fait obligation aux autorités communales de s'opposer par tous les moyens au déclassement et souhaitent que la commission suive la proposition de la commune d'une servitude sur 15 ans, qui à leur sens ne trahit pas les initiants tout en allant dans le sens des opposants. Ils estiment que le projet de parc public permet de garantir que le jardin demeure un lieu de verdure, de plus ouvert au public.
Les commissaires de l'Alternative montrent moins d'enthousiasme pour la proposition des autorités communales. Ils saluent l'organisation du concours, mais regrettent que les opposants n'aient pas été associés à la mise sur pied du projet de moratoire. Ils estiment qu'une servitude de non-bâtir au bénéfice du Conseil d'Etat ne donne pas une sécurité suffisante, car elle peut en tout temps être levée par le chef du département. Seul le classement en zone de verdure offre les garanties suffisantes pour que ce terrain demeure inconstructible. La lecture de la résolution du Conseil municipal du 14 mai 2001, où celui-ci exprime clairement sa volonté de conserver la capacité constructible de la parcelle, les confortent dans leur méfiance. Ils considèrent que le classement des 2496 m2 de la parcelle 10225 doit faire partie des compensations qualitatives pour le déclassement demandé de 6900 m2 en zone agricole. En conséquence, ils soutiennent le Conseil d'Etat dans sa volonté de lier les deux projets, pour rendre définitivement inconstructible le jardin de la Grand-Cour.
Le service juridique du DAEL considère que l'opposition formée par la commune de Troinex est infondée et doit être rejetée, aux motifs suivants :
« Par lettre du 9 avril 2001, le maire de la commune de Troinex a déclaré former opposition au présent projet de loi. Conformément aux articles 16, al. 5 et 35, al. 3 LaLAT
Loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987.
Au fond, le site de la Grand-Cour représente incontestablement une valeur patrimoniale et historique tout à la fois remarquable et exceptionnelle dans le canton de Genève, comme il ressort du rapport
Rapport « La Grand-Cour à Troinex, un joyau de la campagne genevoise », A. Brulhart, E. Deuber-Pauli, D. Hiler, août 1995.
Le déclassement de la parcelle no 10225 en zone de verdure, zone à protéger au sens des articles 17 LAT
Loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 22 juin 1979.
Concept de l'aménagement cantonal, p. 51.
La commune invoque l'autorisation de construire No DD 93410, récemment prorogée. Or, les projets visés par cet acte ne revêtent plus un intérêt actuel, puisqu'ils ont été écartés à la faveur de circonstances nouvelles, liées notamment à l'acquisition, par la commune, de la Maison Paschoud et à l'abandon du projet de bâtir une poste.
Aujourd'hui, la commune envisage d'aménager la parcelle No 10225 en parc public, ce qui rejoint, de facto, les objectifs poursuivis par le déclassement projeté. De toute évidence, ce dernier s'avère en parfaite convergence avec les nouvelles intentions de la commune. Il se justifie en outre au regard du projet de Schéma directeur cantonal qui, dans sa fiche 3.05, préconise notamment « le classement en zone de verdure ... de projets d'espaces verts dont la réalisation est politiquement admise ... ».
Au surplus, il convient peut-être de rappeler que le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'admettre la faculté de révoquer un acte administratif, pour des motifs de protection du patrimoine, en se fondant sur le caractère majeur et largement prédominant de l'intérêt public poursuivi
ATF du 16/11/1983, RDAF 1984, p.135 à 143; ATF 107 Ib 35 = JT 1983 I 558.
Au vu de ces considérations, l'existence de l'autorisation de construire précitée ne saurait constituer un obstacle décisif au déclassement projeté.
La commune considère par ailleurs que l'adoption du projet querellé porterait atteinte aux droits démocratiques. Elle invoque à ce titre l'initiative municipale intitulée « Pour le maintien de la parcelle No 10225 de la commune de Troinex à la Grand-Cour en zone constructible 4B protégée ».
En acceptant cette initiative, par délibération du 15 mars 1999, les autorités communales se sont engagées à émettre un préavis négatif et à s'opposer au déclassement par tous les moyens légaux. Leur préavis du 6 septembre 1999 ne saurait cependant revêtir un caractère contraignant pour les autorités cantonales, comme le rappelle une jurisprudence récente du Tribunal fédéral : « Comme tel, le préavis du Conseil municipal n'a donc aucun effet contraignant pour le Conseil d'Etat, qui est libre de le suivre ou, au contraire, de s'en écarter »
ATF du 14 mai 2001, B. c./ le résultat du référendum communal de Versoix du 25 juin 2000 et contre la décision du Conseil d'Etat genevois de respecter ce résultat.
S'agissant des autorités cantonales, non destinataires de l'initiative, il n'est pas soutenable de prétendre qu'elles pourraient être engagées d'une quelconque manière par la délibération votée par le Conseil municipal. Cela reviendrait en outre à reconnaître aux citoyens d'une commune un quasi « droit de veto », qui ferait obstacle à l'exercice de la compétence du Grand Conseil dans la fixation du régime des zones.
Quant au grief relatif à une prétendue violation de l'autonomie communale, il n'est pas explicité par la commune et sa pertinence ne peut être retenue.
En effet, il ressort de la jurisprudence du Tribunal fédéral qu'« une commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de manière exhaustive, mais dans lesquels il lui laisse une liberté de décision relativement grande »
ATF du 2/4/01, Ville de Genève c./ DAEL, SA L. et M..
Or, en matière d'adoption du régime des zones, la législation confère la compétence décisionnelle au Grand Conseil, les communes, comme le précise un récent arrêt du Tribunal fédéral, « disposant tout au plus d'un droit de suggestion... ou de proposition... »
ATF du 29/1/01, Comité d'initiative « Sauvons nos parcs » c./ M. , Chambre immobilière genevoise et Conseil municipal de la Ville de Genève.
Il s'ensuit que, dans la présente cause, il ne saurait être valablement reproché aux autorités cantonales une quelconque violation du principe de l'autonomie communale.
La commune conteste également l'idée d'une compensation réciproque entre la mise en zone de verdure de la parcelle No 10225 et le déclassement de la parcelle No 10911 en zone 4B affectée à l'équipement public. Elle soutient en effet que « la proposition de compenser du terrain agricole par une zone de verdure, impropre à l'agriculture, ne se justifie pas en matière d'aménagement du territoire ».
Cette thèse ne saurait être admise, dans la mesure où, en vertu des articles 16, 17 LAT et 24 LaLAT, tant la zone agricole que la zone de verdure ont notamment pour fonction la sauvegarde du paysage et des espaces de délassement et sont, en principe, destinées à rester libres de construction.
Par ailleurs, le Concept de l'aménagement cantonal du 8 juin 2000 préconise, en vue de réserver des espaces suffisants pour l'agriculture, des « compensations qualitatives et/ou quantitatives dans le cas d'atteintes à la zone agricole... Ces compensations peuvent être de plusieurs sortes : en faveur de l'agriculture, en faveur de milieux naturels, en faveur de la création d'espaces verts... »
Concept de l'aménagement cantonal, p. 47.
Quant à la conservation des droits à bâtir revendiquée par la commune, il convient de rappeler que « l'article 26 Cst. ne confère pas au propriétaire un droit au maintien du régime applicable à un bien-fonds en vertu d'un plan d'affectation »
Droit constitutionnel suisse, volume II, A. Auer, G. Malinverni, M. Hottelier, Ed. Staempfli, Berne, 2000, p. 379.
En outre, la question d'une perte de valeur invoquée par la commune notamment dans son préavis du 6 septembre 1999, annexé à son opposition, n'a pas à être examinée au stade de la procédure d'adoption du plan de zones, comme il ressort de la jurisprudence du Tribunal fédéral
ATF 119 Ia 411.
Enfin, une suspension de la procédure d'adoption de la zone, sollicitée par la commune, ne se justifie pas.
En effet, la conclusion d'un moratoire lié à une servitude de non bâtir au profit de l'Etat de Genève n'offrirait pas une garantie de protection suffisante. Un tel moratoire serait conclu pour une durée limitée et, puisqu'il serait de nature contractuelle, on ne saurait exclure l'éventualité d'une résiliation anticipée. L'option du déclassement en zone de verdure, en revanche, présente l'avantage de la sécurité dans le temps, tout en assurant une protection légale au périmètre, en vertu des articles 24 al. 2 et 29 let. g LaLAT.
S'agissant des concours d'architecture, la commune ne démontre pas que leur résultat serait susceptible d'avoir un impact déterminant quant à l'adoption du projet de loi querellé. En tout état de cause, lors du lancement de ces concours, le projet de loi avait déjà été soumis à l'enquête publique, suite à l'adoption par le Grand Conseil de la motion 1178, en date du 26 juin 1998. La commune avait donc tout loisir de dresser un cahier des charges veillant à la compatibilité du programme des concours avec ledit projet de loi.
Au vu de ce qui précède, la commune n'invoque aucun intérêt suffisamment pertinent, susceptible de primer l'intérêt public à la préservation du périmètre en cause et de faire ainsi obstacle au déclassement envisagé.
L'opposition est donc infondée et doit être rejetée. »
L'entrée en matière du projet de loi 8460 et de la motion 1178-B est acceptée par 8 oui (3 AdG, 3 S, 2 Ve) et 6 non (3 L, 2 DC, 1 R).
Un article 4 est ajouté au projet de loi concernant le rejet de l'opposition de la commune de Troinex, formulé comme suit :
« L'opposition à la modification des limites de zones formée par la commune de Troinex est rejetée dans la mesure où elle est recevable, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi. »
Le projet de loi 8460, y compris l'article concernant le rejet de l'opposition, est accepté par 8 oui (3 AdG, 3 S, 2 Ve) et 6 non (3 L, 2 DC, 1 R).
La commission prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1178 sur la création d'une zone de verdure à Troinex.
Pour garantir la sauvegarde du remarquable jardin de la Grand-Cour et offrir de justes compensations au déclassement de la parcelle 10911 de Moillebin, la majorité de la commission vous invite à suivre ses conclusions et à accepter ce projet de loi créant une zone de verdure à la Grand-Cour à Troinex.
La commission vous invite également à prendre acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1178 sur la création d'une zone de verdure à Troinex.
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
1 Le plan N° 29008-538, dressé par le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, le 18 août 1998 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Troinex (création d'une zone de verdure au lieu-dit « La Grand-Cour ») est approuvé.
2 Les plans des zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
Aucune nouvelle construction ne peut être érigée dans la zone de verdure créée en vertu de la présente loi.
Art. 3
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II (pour les bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit) aux biens-fonds compris dans le périmètre du plan visé à l'article premier.
Art. 4
L'opposition à la modification des limites de zones formée par la commune de Troinex est rejetée dans la mesure où elle est recevable, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.
Art. 5
Un exemplaire du plan N° 29008-538 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
page 11
plan page 12RAPPORT DE LA MINORITÉ
Incontestablement, le débat sur la parcelle Grand-Cour de Troinex est l'exemple d'une problématique locale pouvant, au fil des années, évoluer de manière positive et dont une résolution négociée pourrait en fin de compte donner satisfaction à toutes les parties.
A condition évidemment que lesdites parties acceptent de faire quelques concessions.
Or, force est de constater que cette volonté d'appliquer une solution consensuelle n'a pas été voulue par la majorité de la Commission d'aménagement lors de ses séances des 6 et 13 juin derniers.
Pour bien comprendre l'évolution de ce dossier, il convient d'en rappeler quelques éléments.
Durant les années nonante, les autorités tant exécutives que délibératives locales se sont fermement opposées à la création d'une zone de verdure sur la parcelle Grand-Cour y voyant un empêchement majeur à la mise en place d'infrastructures publiques indispensables au développement de la commune de Troinex. Notamment, le désir de la poste d'avoir à disposition des locaux plus spacieux, ainsi que la nécessité d'installer une nouvelle mairie dans des volumes également plus généreux et plus fonctionnels. S'il n'est pas nécessaire de revenir sur les péripéties qui ont marqué cette période de relations conflictuelles entre le DAEL et les autorités communales, il convient par contre de relever, en 1998, l'aboutissement d'une initiative communale, signée par 40 % des électeurs demandant à leurs autorités de « s'opposer » au projet de déclassement de la parcelle 10225 et à faire en sorte que ce terrain demeure en zone à bâtir. Cette initiative faisait suite à l'acceptation par le Grand Conseil, le 26 juin 1998, de la motion 1178 en faveur de la création d'une zone de verdure à l'endroit de la parcelle Grand-Cour.
En l'acceptant, les autorités communales ont admis les devoirs qu'elle implique et n'ont, par conséquent, pas eu à la soumettre au vote populaire. Elles ont également, par une délibération du 6 septembre 1999, manifesté leur opposition à la motion 1178. Reste leur second devoir, celui-ci de nature durable, qui implique qu'à chaque occasion où un projet de déclassement serait à nouveau d'actualité, l'autorité municipale devra s'y opposer.
Comme dans toutes situations conflictuelles les autorités conservent leurs droits de négocier ou de faire des propositions visant à la mise en oeuvre de solutions satisfaisantes pour toutes les parties.
Les membres de l'exécutif troinésien issus des dernières élections s'y sont donc employés avec énergie et talent.
En effet, tenant compte que la situation avait changé avec le temps, tant en ce qui concerne les exigences de la poste que le climat politique, il a fait voter, le 14 mai dernier au Conseil municipal, une importante résolution, confirmant l'opposition à toute modification de la zone, mais permettant l'inscription sur la parcelle concernée d'une servitude de non-bâtir de 15 ans. Ceci à la principale condition que le Grand Conseil décide d'abandonner définitivement le projet de loi 8460.
Parallèlement à cette procédure, les autorités locales ont lancé un concours d'architecture visant un aménagement original en parc public de tout le secteur. Elles marquaient ainsi et de manière tangible leur volonté de préserver au maximum un site, dont l'intérêt historique et paysager n'est nullement contesté, tout en réservant la volonté populaire clairement exprimée par l'initiative communale.
Relevons encore que durant la période proposée de 15 ans et étant donné l'évolution parfois surprenante des besoins ou des attentes d'une population, il y a fort à parier qu'une solution définitive et unanime s'impose naturellement.
L'une des responsabilités d'un exécutif communal est d'être une force de proposition et d'éviter d'inutiles crispations.
En l'espèce, la forte majorité des élus troinésiens a fait preuve d'une ouverture, qu'il convient de relever et a compris qu'il était essentiel de donner un peu de temps au règlement de cette affaire.
Si par contre notre Conseil décidait d'imposer ses vues et d'agir contre la volonté régulièrement exprimée par la commune, on pourrait alors considérer que les autorités communales se verraient dans l'obligation de déposer un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral, d'autant qu'elles seraient atteintes non seulement en qualité d'autorités, mais aussi en celle de propriétaire. Si en cette occasion elles épuisaient les moyens légaux à leur disposition elles respecteraient, par contre, l'initiative et donc la volonté populaire.
Ce respect de la volonté populaire si souvent évoqué dans notre Grand Conseil et dont on affirme, à juste titre d'ailleurs, qu'il doit être respecté, serait donc bafoué en cas d'acceptation du projet de loi 8460.
D'autres arguments plaident en faveur du rejet de ce projet de loi.
Tout d'abord, le respect du travail des autorités locales, lesquelles depuis plus de deux ans ont recherché et proposé une alternative parfaitement acceptable, même pour les opposants de Troinex.
En effet, lors de leur audition, les élus de « Troinex autrement », ont justifié leur vote négatif (2 non sur 12 voix exprimées) par le fait que la mairie avait agi seule, mais qu'ils auraient pu entrer en matière.
D'autre part, la mairie propose un aménagement en parc public accessible à tout le monde avec, à la clef, un important investissement, alors qu'en cas d'acceptation de ce projet de loi, la parcelle restera aménagée dans sa forme actuelle, soit des petits jardins potagers qui continueront à ne procurer de l'agrément qu'à 2 ou 3 bénéficiaires.
Enfin, il est tout à fait anormal de lier deux projets de lois (8459 et 8460), dont les finalités sont totalement différentes, comme l'ont fait certains commissaires.
En l'occurrence, l'un permet la réalisation d'une école et l'autre la création d'une zone de verdure.
Il s'agit d'une pratique qui, non seulement ne doit pas être encouragée, mais qui pourrait entamer très sérieusement notre crédibilité auprès des élus de nos communes.
Chaque problème doit être traité pour lui-même et dans le respect de nos règles démocratiques.
Pour toutes ces bonnes raisons, je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à refuser le projet de loi qui vous est soumis.
Premier débat
M. Laurent Moutinot. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez déjà ce dossier. Il avait en effet déjà été question autrefois de protéger les jardins de la Grand-Cour par d'autres mesures qu'un déclassement. En fin de compte, l'arrangement intervenu qu'a rappelé la rapporteuse et qui prévoit une servitude de non-bâtir de 30 ans en faveur des parcelles voisines permet d'atteindre ce but. Par conséquent, le Conseil d'Etat retire le projet de loi 8460.
M. Pierre-Louis Portier (PDC), rapporteur de minorité. J'apprends avec vous que ce projet est retiré par le Conseil d'Etat. La situation a évolué entre la fin des travaux en commission et ce jour. Des négociations ont en effet été menées durant l'été avec les différentes parties. Je tiens à souligner la volonté du conseil exécutif de la commune de Troinex de résoudre cette crise qui a trop duré. Il me semble cependant que la méthode utilisée n'est pas tout à fait la bonne et je ne souhaiterais pas que ce cas fasse école.
Nous aurions approuvé sans réserve un accord prévoyant une servitude en faveur de l'Etat de Genève, mais nous trouvons étrange que les négociations se soient déroulées directement avec les privés, propriétaires des parcelles environnantes. Cette procédure nous paraît engager très fortement et très durablement la communauté troinésienne qui se voit privée de droits à bâtir sur une partie de son domaine public pour une période de trente ans. La commune offre ainsi aux propriétaires environnants un confort un peu illégitime.
Notre groupe ne s'opposera cependant pas au retrait du projet de loi et j'invite ce Grand Conseil à en faire autant. Il nous paraît en effet essentiel de soutenir le point de vue communal en ces circonstances.
M. Christian Grobet (AdG). Notre position rejoint celle de M. Portier en ce sens que nous estimons que dans une affaire de ce type, dans laquelle des intérêts publics sont en jeu, il n'est pas normal que cette servitude de trente ans soit souscrite par une collectivité publique en faveur de particuliers. M. Portier a parfaitement raison de dire que l'Etat aurait dû être le garant de cette servitude. Il aurait été souhaitable en outre que figure dans l'accord une association de défense du patrimoine ou de l'environnement, ainsi que cela avait été envisagé au départ.
A ce sujet, je voudrais évoquer, puisque je fais moi-même partie d'une association de défense du patrimoine, Action patrimoine vivant, les courriers que le maire de la commune a adressés aux chefs de groupes parlementaires et peut-être à des députés. Ces courriers indiquaient que l'association Action patrimoine vivant avait été interpellée au début du mois de juillet afin de constituer une servitude. Le comité de notre association n'était pas hostile à cette idée, mais souhaitait, avant d'entrer en matière, être en possession du texte de la servitude pour savoir qui en étaient les bénéficiaires. Par la suite, dans le cadre de discussions qui ont eu lieu, la commune a choisi de conclure une servitude uniquement avec quatre propriétaires fonciers. Cette solution n'a pas pu être agréée par le comité de notre association. Je tenais à rectifier ce point. J'ignore comment la mairie a été informée, mais Action patrimoine vivant était prête à débattre de ce texte, pour autant que cette association soit aussi bénéficiaire de la servitude. Il est exact que dans l'avant-dernière version de l'accord, le nom d'Action patrimoine vivant figurait comme étant l'un des signataires, mais aucun bénéfice ne lui était accordé. Vous comprendrez que l'association ne pouvait pas signer ce texte qui laissait apparaître qu'elle était partie prenante dans cette affaire, alors que, de fait, elle ne recevait rien. Cette façon de faire n'est pas satisfaisante.
Puisqu'il a proposé le retrait de ce point et que tout le monde devra signer le retrait du projet de loi, je suggère que M. Moutinot voie si la commune n'est pas disposée à compléter sa délibération en prévoyant la présence de l'Etat de Genève et d'une association de défense du patrimoine. Je tiens à dire que Action patrimoine vivant ne souhaite pas s'associer à cet accord, des associations plus anciennes comme la Société d'art public feront parfaitement l'affaire. Je pense donc que si l'on veut trouver une solution d'apaisement, il serait souhaitable que l'Etat et la Société d'art public soient les bénéficiaires de la servitude. Il n'est pas encore trop tard pour le faire, puisque cette délibération n'a pas fait l'objet d'un référendum.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'est plus demandée. Le Conseil d'Etat propose donc de retirer ce projet. Personne ne le reprend à son compte. Monsieur le député Grobet ?
M. Christian Grobet (AdG). Madame la présidente, je ne crois pas que le Conseil d'Etat puisse retirer un projet de loi qui a été déposé par des députés. En outre, on ne peut pas retirer ce projet de loi tant que la servitude n'est pas inscrite au registre foncier.
M. Laurent Moutinot. Il s'agit d'un projet de loi du Conseil d'Etat et en tant que tel le Conseil d'Etat a le droit de le retirer. L'un ou l'autre d'entre vous a bien entendu le droit de le reprendre. Cependant, je vous rappelle que ce qui est à l'origine de ce projet de loi c'est la motion. Celle-ci nous mettait dans l'obligation de déposer le projet de loi, ce que nous avons fait. Dès ce moment-là nous avons le droit de le retirer comme vous avez le droit de le reprendre. L'essentiel, voulu par la modification de la LaLAT, c'était d'obliger le Conseil d'Etat à venir devant vous avec un projet de loi dont vous pouvez vous saisir, même s'il déplaît au Conseil d'Etat. Aujourd'hui le Conseil d'Etat le retire, libre à vous de le reprendre si vous le souhaitez. Si tel était le cas, j'inviterais ce Grand Conseil à le rejeter.
En ce qui concerne les améliorations possibles de la servitude prévue, j'ai pris note de vos conseils, Monsieur Grobet. Si faire se peut, nous tenterons d'améliorer ce qui peut l'être. C'est un dossier que je suis depuis le premier jour de la législature. Il y a eu des moments où la protection de la Grand-Cour aurait pu être bien moindre, d'autres où elle aurait pu être meilleure. Aujourd'hui je considère qu'elle est largement suffisante. Par conséquent, moyennant cette servitude, qu'une délibération communale s'engage à réaliser - ce qui est suffisant à mon sens - considérant aussi que cette délibération communale ne fait pas l'objet d'un référendum, je vous invite soit à prendre acte par votre silence du retrait de ce projet de loi, soit, s'il était repris, à ne pas en accepter l'entrée en matière.
PL 8460-A
Le Grand Conseil prend acte du retrait de ce projet de loi
M 1178-C
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.