Séance du
vendredi 29 juin 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
10e
session -
36e
séance
P 1313-A
Déposée en juillet 2000, la pétition ci-dessous a été étudiée lors de trois séances de commission les 11, 18 et 25 septembre. Celle-ci était présidée par Mme Louïza Mottaz, les procès-verbaux ont été rédigés par Mme Pauline Schaefer. La commission a auditionné les pétitionnaires, ainsi que M. Michel Gonczy, du DASS, puis les squatters et enfin M. Boiron, du DJPT.
Pétition(1313)
concernant les squatters de l'ancienne pension pour personnes âgées "Les rives du Rhône" à Vernier
Mesdames etMessieurs les députés,
Le lundi 19 juin 2000, des jeunes gens et jeunes filles ont investi l'ancienne pension pour personnes âgées "; Les Rives du Rhône " à Vernier.
Ils se sont enregistrés le même jour en tant que "; squatters " auprès de la police genevoise et ceci leur donne les droits suivants :
De plus, nous constatons que plusieurs véhicules à plaques étrangères sont parqués régulièrement devant la maison ce qui nous permet d'ajouter:
Ne pas respecter les lois et règlements sur le séjour et l'établissement des étrangers
Ces jeunes gens et jeunes filles ont finalement inventé un nouveau type de société dans laquelle ils vivent en extrayant tous les avantages, sans avoir à s'acquitter de quelconques taxes ou émoluments envers les autorités.
Nous relevons que plusieurs de ces jeunes gens ou jeunes filles ont des chiens et nous ont appris qu'ils touchaient la somme de CHF 5.- (cinq) par jour par chien pour les nourrir. En effet, ils sont également enregistrés en tant que "; drogués " et cela leur donne des droits pécuniaires.
Finalement, les signataires de la présente exigent de la part des autorités une "; égalité de traitement " et revendiquent à compter du 19 juin 2000 des privilèges identiques.
La plupart des signataires sont des retraités ayant travaillé très dur toute leur existence pour s'offrir en toute légalité et après avoir payé des taxes importantes au fil des ans, la petite maison dans laquelle ils résident. Les signataires payent régulièrement les énergies utilisées et bien entendu respectent les lois et règlements votés par nos parlements tant communaux, cantonaux que fédéraux.
Et bien, cela va changer car ces jeunes gens et jeunes filles nous ont ouvert les yeux. A Genève on peut vivre gratuit, et même recevoir des subventions, à condition de s'enregistrer en tant que tels auprès des autorités de police. Nous appelons tous les citoyens de ce canton à revendiquer cette Gratuité sur la base de l'égalité de traitement si chère à nos autorités politiques et judiciaires.
Madame et Monsieur, citoyens ou résidents à Genève, prenez votre plume, écrivez au poste de police le plus proche pour vous enregistrer et ne payez plus rien car d'autres vous ont ouvert la voie et les autorités politiques et judiciaires l'ont parfaitement accepté et "; légalisé ".
Merci Mesdemoiselles et Messieurs les "; squatters ". A défaut d'approuver votre action, vous nous permettez à compter du 19 juin 2000 de revendiquer de substantielles économies.
Comble de l'ironie, la pension des "; Rives du Rhône " avait été fermée sur ordre de Monsieur le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond, alors que les personnes âgées s'y plaisaient. Niais, les propriétaires d'alors ne payaient pas toutes leurs taxes et ne connaissaient pas la procédure pour éviter d'en payer. Le département de la prévoyance sociale a donc fait évacuer toutes ces personnes âgées.
Cette pétition est envoyée aux autorités communales, cantonales, ainsi qu'aux journaux et surtout à M. le Procureur général, ardent défenseur des droits égalitaires des citoyens de ce canton.
Audition de Mmes Pierrette Berset, Marie-Thérèse Girod, Henriette Loutenbach et MM. Raymond Tripod, Paul Berset, Georges Borgeaud, Guy Girod et Pierre Girod, pétitionnaires.
En préambule, M. Girod précise que la démarche des signataires de la pétition n'engage aucun jugement de valeur sur les squatters, mais que cette dernière vise à revendiquer une application stricte de l'égalité de traitement. M. Girod rapporte qu'en date du 19 juin 2000, l'établissement pour personnes âgées « Les rives du Rhône » a été occupée par des jeunes. Pour la petite - et triste - histoire, le pétitionnaire signale que les autorités cantonales avaient, quelques mois auparavant, fait évacuer les pensionnaires en l'espace de 24 heures, cela dit, concède M. Girod, nul n'ignorait que ladite pension rencontrait des problèmes. Les pétitionnaires, étonnés et quelque peu irrités par le mode de vie des squatters, réclament de ne plus payer de loyer, et d'obtenir un accord avec les SIG tel que les occupants l'auraient signé. Ils demandent aussi à pouvoir inviter leurs amis étrangers « sans difficultés ». Ils disent savoir que la moitié des squatters sont officiellement enregistrés en tant que drogués et qu'à ce titre ils reçoivent 15 francs par jour et par chien - pour les nourrir - de la part de l'Hospice général. En résumé, la question que posent les signataires est la suivante : Pourquoi les squatters ont-ils des droits différents de ceux des retraités du chemin des Comtoises ? Ce qu'ils veulent en fait, c'est dénoncer qu'une série de règles ne sont pas appliquées de la même manière qu'aux autres citoyens. Ils veulent être au même niveau qu'eux « car c'est plus avantageux que ce que l'on vit, nous qui respectons les règles », résume M. Girod.
Audition de M. Michel Gonczy, directeur, Direction générale de l'action sociale du DASS.
M. Gonzcy précise d'emblée que l'affirmation faite par les pétitionnaires indiquant que chaque squatter propriétaire d'un chien recevrait 15 francs par jour est absolument fausse. Il s'agit en fait d'une rumeur assez tenace. M. Gonzcy explique que l'Hospice ne verse aucune subvention pour des animaux de compagnie quels qu'ils soient, et qu'il en va de même pour l'OCPA.
Audition de Mme Lydia Florez et de MM. Daniel Curapil et Laurent Weingart, squatters.
M. Weingart reconnaît que lui-même et ses colocataires font l'objet d'une plainte pour violation de domicile et rapporte qu'elle sera suivie d'effet si les squatters opposent une résistance lorsqu'il leur sera demandé de quitter les lieux. Par ailleurs, ils négocient avec la Commune de Vernier un prêt à usage gratuit des « Rives du Rhône ». M. Weingart dément l'accusation de ne pas payer l'électricité. Par contre, le fait d'avoir plusieurs voitures à plaques françaises ne signifie pas un séjour clandestin, mais des amis de passage de France voisine et surtout des double nationaux. Celui-ci précise que personne n'a jamais prétendu recevoir une aide financière pour son chien de la part de l'Hospice puisque ce n'est pas le cas. Il précise de plus que la dizaine de squatters des « Rives du Rhône » ne sont pas enregistrés comme drogués, ce qui ne leur accorderait probablement pas de droits spécifiques.
M. Weingart précise qu'ils ont des activités comme tout le monde, certains travaillent et d'autres étudient. Les contacts avec le voisinage ne sont ni bons ni mauvais, ils sont inexistants et les squatters n'étaient pas au courant du dépôt de la pétition.
Audition de M. Louis Boiron, Service des squatters, DJPT
Le Service des squatters, connu aussi sous le nom de « brigade des squats », est constitué de trois personnes. Elles sont chargées d'identifier les occupants, de retrouver rapidement le propriétaire du bâtiment occupé et de traiter ensuite la plainte. Après audition des squatters, poursuit M. Boiron, il s'agit de gérer tous les problèmes liés à un squat. En matière de stupéfiants, ses collègues passent par son service parce qu'il connaît bien le terrain. Ce service est aussi chargé de négocier les fins d'occupation. L'année dernière, son équipe a traité une centaine de fins d'occupation, sans la moindre intervention de police. La brigade des squats, on l'aura compris, effectue un travail de médiation et non de répression.
M. Boiron indique qu'une plainte a été déposée le 22 juin 2000, soit 3 jours après l'occupation de la maison et que les squatters ont été identifiés. Il précise qu'il a dû traiter différentes plaintes du voisinage, notamment relatives aux chiens (bruit et salissures) des occupants. L'intervenant indique aussi que le voisinage n'accepte pas vraiment la présence des squatters, bien qu'aucun élément ne puisse étayer le sentiment d'insécurité, il s'agirait plutôt de leur allure. La présence de la dizaine de chiens génère évidemment des nuisances, mais ils ont été contrôlés par la vétérinaire cantonale et sont parfaitement en règle au niveau des vaccinations et médailles. Un portail a été mis pour essayer d'éviter que les chiens ne se baladent dans le quartier. Au surplus, s'ajoute l'organisation fréquente de fêtes et force est de constater que la vie alternative peut gêner la population d'un secteur de villas aussi tranquille que les Comtoises. Par ailleurs, les squatters concernés ne sont pas recensés comme toxicomanes et, ajoute M. Boiron, il n'y a rien à signaler dans ce sens.
Le bâtiment devrait néanmoins être vendu prochainement, les occupants en ont été informés. Leur départ, selon M. Boiron, serait la véritable solution pour résoudre ce conflit. Bien que les occupants des « Rives du Rhône » ne soient ni violents, ni agressifs.
Discussion et vote
Après ce feu croisé d'informations, paradoxales et aux antipodes les unes des autres, les commissaires en retirent bien évidemment les conclusions qui conviennent le mieux à leur approche du sujet traité, à savoir l'occupation des immeubles vides pour concrétiser le droit au logement et mettre en place des formes de vie communautaire pour les uns, et l'atteinte à la propriété privée pour les autres.
L'audition du Service des squatters, avec les explications détaillées de M. Boiron, aura pourtant permis d'évaluer un certain nombre de paramètres dans ce qui relève également d'un conflit de générations, serait-on tenté de dire. En effet, prenons une petite rue en cul-de-sac dans une commune périphérique où vivent un certain nombre de retraité-e-s près d'une maison pour personnes âgées, les « Rives du Rhône ». Touchés par l'infortuné événement survenu aux pensionnaires, leurs voisins, les habitants de la rue des Comtoises pouvaient-ils accueillir, accepter ou supporter l'arrivée de jeunes au look ravageur, punk, rock ou grunge, au mode de vie alternatif et communautaire ? Les chiens trop nombreux, les fêtes trop bruyantes et trop fréquentes, les plaques étrangères de voitures furent la cerise sur le gâteau. C'en fut trop pour ce petit monde tranquille, confronté à ce qu'ils pensent être une injustice. Leurs années de labeur pour acheter un petit pavillon et quelques inconscients, voire malhonnêtes à leurs yeux, qui s'installent dans une maison qui n'est pas la leur... Sans plus de sociologie à bon marché, ces quelques lignes retracent sommairement l'ensemble des débats. Sa conclusion a été un vote majoritaire préavisant le dépôt sur le bureau du Grand Conseil par 7 OUI (3 AdG, 3 S, 1 Ve) contre 4 NON (1 DC, 2 L,1 R) et une abstention (Ve).
Débat
La présidente. Mme Cuénod n'a rien à ajouter à son rapport. La parole n'est pas demandée... Monsieur Odier ?
M. Jean-Marc Odier (R). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il y a quand même deux ou trois choses à dire sur ce sujet. On reparle ici d'un problème identique à celui dont on a discuté il y a quelque temps concernant Rhino, à savoir le principe du respect de la propriété, qui ne semble pas être partagé par la plus grande partie de ce Grand Conseil.
Alors que, dans le quartier des Comtoises, les squatters qui ont pris possession de ces locaux créent des nuisances aux alentours, qu'il s'agisse du bruit, des salissures de chiens, etc., il me semble normal de demander au Conseil d'Etat de faire respecter les règlements en vigueur concernant ces nuisances.
D'autre part, puisque l'occasion m'en est donnée, j'aimerais relever qu'une partie du rapport de Mme Cuénod est quand même assez ironique et que je n'apprécie pas du tout cette forme, qui laisse entendre que les demandes des pétitionnaires sont exagérées. Pour moi, ces demandes sont tout à fait légitimes, entièrement fondées et je ne comprends pas que l'on puisse s'y opposer. D'autre part, Madame, votre rapport parle de «l'occupation des immeubles vides pour concrétiser le droit au logement» et un peu plus loin vous écrivez que «la cerise sur le gâteau», ce sont les plaques étrangères. Alors, est-ce que le droit au logement s'applique aux étrangers, aux frontaliers, etc. ? Il y a là des choses qui ne sont pas cohérentes et nous ne pouvons admettre cette façon de voir les choses.
Dans votre conclusion, je lis : «Sans plus de sociologie à bon marché...» : il faudra que vous m'expliquiez cette phrase, mais en l'état je trouve que c'est prêter peu d'attention à la demande des pétitionnaires. Et quand vous écrivez que «ces quelques lignes retracent sommairement l'ensemble des débats», je le confirme : votre rapport est très sommaire et nous le regrettons! Nous proposons donc le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Luc Barthassat (PDC). Une fois de plus, nous sommes confrontés au problème des squatters. Après Rhino, le Goulet et bien d'autres, c'est l'ancienne pension pour personnes âgées Les Rives du Rhône, à Vernier, qui nous occupe aujourd'hui. Il est vrai qu'à l'époque ladite pension connaissait quelques problèmes de gestion, ce qui a débouché sur une évacuation des pensionnaires, certains très âgés, en l'espace de vingt-quatre heures - soulignons-le, car c'est plutôt quelque chose d'inhabituel. C'est le 19 juin 2000 que les squatters ont investi l'ancienne pension pour, comme il est dit dans le rapport, «concrétiser le droit au logement et mettre en place des formes de vie communautaire». On croit rêver! Mais où est donc cette égalité de traitement, soi-disant si chère, d'habitude, à la majorité de gauche de ce Grand Conseil ? On continue dans la ligne politique habituelle qui est la vôtre : «Faites ce que je dis mais pas ce que je fais!»
Vous banalisez une fois encore la violation de la propriété privée. Quant au dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, je trouve pour ma part que cela commence à faire pas mal de renseignements sur un bureau, qui commence à avoir plutôt des allures de corbeille à papier, pour ne pas dire autre chose!
Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, dans un quartier tranquille et paisible, c'est la minorité bruyante qui est et qui doit être supportée par la majorité d'une population qui vit là depuis des années. On parle de conflit de générations, de look ravageur, mais c'est aussi coucou, fumette et compagnie! N'ayons pas peur de le dire et, s'il vous plaît, ne soyons pas naïfs! Le problème des squatters et de l'irrespect des lois est grave. Encore une fois, on pénalise une génération de gens qui se sont donné de la peine pour vivre dans le respect des autres au cours de leur existence, au profit de certains qui ne veulent pas s'en donner.
Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. Messieurs, je ne répondrai pas à vos invectives et vous me laisserez le droit de rédiger mes rapports sur le ton et dans la forme qui me conviennent! Je vous ai soumis ce rapport en commission et vous l'avez accepté. D'autre part, je tiens à répéter ce que j'ai déjà écrit, à savoir qu'il s'agit là véritablement de la confrontation entre deux modes de vie qui sont effectivement difficilement compatibles, c'est le moins qu'on puisse dire.
Quant à votre demande de renvoyer la pétition au Conseil d'Etat, je rappelle que, par le biais du département de justice et police, il y a un médiateur - avec qui j'ai parlé pas plus tard qu'hier - qui s'occupe de tous ces problèmes, notamment de ceux que génère ce conflit, que je confirme être aussi un conflit de générations. Il s'agit d'un représentant de la brigade des squats, dont on connaît les qualités. Cette brigade fait depuis des années un travail de médiation que je profite de saluer ici. M. Boiron, en l'occurrence, fait un excellent travail, je l'ai expliqué dans ce rapport, même si celui-ci vous a paru sommaire. En l'état, je n'ai rien d'autre à ajouter!
M. Claude Blanc (PDC). Je pense que, quel que soit le sort réservé par ce parlement à cette pétition, le Conseil d'Etat - M. Ramseyer me dira si j'ai tort - fera de toute manière respecter la loi et les règlements. Par conséquent, le vote du Grand Conseil est absolument sans importance, comme souvent!
M. Gérard Ramseyer. Très brièvement, je dirai que ce conflit ne s'est pas arrêté au dépôt de la pétition : nous avons été saisis ces derniers temps de deux nouvelles interventions concernant la situation qui, sur place, semble s'être quelque peu envenimée. Aussi, quelle que soit la décision que vous prendrez tout à l'heure, vous devez savoir que nous devrons à nouveau nous occuper de ce squat des Rives du Rhône, parce que la situation, je le répète, ne s'est vraiment pas arrangée et que des dispositions devront être prises.
La présidente. Bien, je vais opposer les deux propositions, celle de la commission, qui propose de déposer cette pétition sur le bureau, et celle faite par M. Odier, qui demande son renvoi au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
M. Christian Grobet (AdG). Madame la présidente, j'ai constaté qu'il n'y a pas eu de sonnerie avant le vote. Je vous demande d'y prêter garde, d'autant que, tout à l'heure également, on a voté sans sonnerie, alors qu'un certain nombre de députés étaient absents. Je vous prie donc de veiller à ce qu'on sonne avant chaque vote
La présidente. Bien, Monsieur le député, mais ce serait aussi bien si les députés restaient à leur place!