Séance du
vendredi 15 juin 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
9e
session -
30e
séance
IU 1095
Mme Martine Brunschwig Graf. M. le député Lescaze apparemment craint le «réduit allobroge». Cela montre qu'il a une culture historique, ce dont personne n'avait douté jusqu'ici, et qu'il se souvient de César... Mais, en l'occurrence, je dirais qu'il y a lieu de concilier les positions qu'il évoque de la façon suivante.
Tout d'abord, il évoque la déclaration de Bologne et la position de l'université dans le cadre suisse, que ce soit avec l'université de Lausanne ou dans un environnement plus large. J'aimerais quand même rappeler, parce qu'on l'oublie souvent, ce que dit la déclaration de Bologne dans ses très grands principes.
Elle demande l'adoption d'un système de diplômes facilement lisible et comparable, qui se fonde essentiellement sur deux cursus, avant et après la licence. Elle demande également la mise en place d'un système de crédits, ECTS par exemple, qui est celui appliqué d'ailleurs dans toutes les écoles, qui introduisent dorénavant, au niveau tertiaire, un système de crédit. Tout ceci dans l'objectif de promouvoir la mobilité des étudiants, de faciliter leur passage et de faire en sorte que l'on reconnaisse les acquis, au fur et à mesure des études. Il faut dire ici que la déclaration de Bologne ne parle pas de Bachelor, de Master ou de PHD, comme certains le pensent aujourd'hui.
En l'occurrence, la discussion au niveau suisse s'est malheureusement davantage engagée sur le nombre d'années d'études à rendre ou à ne pas rendre obligatoires, plutôt que sur l'intéressant débat qui est le fondement même de la déclaration de Bologne, à savoir quels sont les éléments qu'il faut avoir acquis pour être reconnu de tel ou tel niveau. Et c'est tout le sens d'un système de crédits que de déterminer justement ce que représente telle ou telle étape de la formation.
Après vient la question du temps nécessaire à telle ou telle étape. A cet égard, la déclaration de Bologne dit, par exemple, que l'accès au deuxième cursus nécessitera d'avoir achevé le premier cursus - cela semble évident - à savoir la licence d'une durée minimale de trois ans, ce qui ne détermine toujours pas la durée exacte ou la durée obligatoire. Or, ce qui me peine un peu dans ce débat, c'est que le discours sur le nombre d'années qui est en train de s'instaurer au niveau suisse - et qui fait sourire les autres pays européens qui se sentent moins obligés d'aborder la question sous cet angle - risque de mener dans un cul-de-sac, si on n'y prête pas attention.
Aujourd'hui déjà, s'agissant du baccalauréat français comparé avec la maturité gymnasiale, l'entrée aux universités romandes avec un baccalauréat français implique d'avoir une moyenne de 12 sur 20, soit un baccalauréat avec mention. Je le dis parce que cela montre que derrière une chose simple il y a parfois des éléments plus compliqués, à savoir quels sont véritablement les contenus qui recouvrent les diplômes.
En l'occurrence, la discussion au niveau suisse n'est pas terminée. Elle doit encore passer par les fourches caudines - pour revenir à des références historiques - des hautes écoles spécialisées, puisque, dans le système d'enseignement supérieur, il s'agit de déterminer quelle organisation nous souhaitons pour les deux filières, académique et professionnelle.
Monsieur le député, un honorable Prix Nobel français, qui siège au conseil des Ecoles polytechniques fédérales, a très joliment dit, il y a quelque temps, qu'il s'interrogeait sérieusement sur l'engouement que l'on avait à l'égard des appellations anglo-saxonnes qui, encore une fois, mériteraient qu'on compare ce qu'elles recouvrent.
Je partage votre idée que ce débat doit aussi être un débat public, mais encore faut-il que nous soyons en possession des propositions des recteurs des universités et des directeurs des HES, avant de pouvoir nous prononcer sur le plan politique. C'est dans cet ordre qu'il faut faire les choses et je rassure le député Lescaze : les décisions seront prises au niveau suisse. Qu'elles nous conviennent ou qu'elles ne nous conviennent pas, nous aurons, en tout état, à les appliquer. Alors, quoi qu'il arrive, il n'y aura pas de « réduit allobroge ». Il peut tout au plus y avoir une compréhension pour nos réflexions ou une adaptation un peu forcée à celles des autres.
Voilà, Monsieur le député, ce que je souhaitais vous dire, en partageant votre idée selon laquelle la commission de l'enseignement supérieur aura encore à connaître de la suite de ce débat.
Cette interpellation urgente est close.