Séance du
jeudi 14 juin 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
9e
session -
28e
séance
IU 1092
M. Roger Beer (R). Madame la présidente, je vous remercie de nous faire cette fleur! Mon interpellation urgente concerne une propriété de l'Etat et, à ce titre, elle s'adresse plus particulièrement à M. Laurent Moutinot, chargé du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.
Monsieur Moutinot, récemment vous avez déposé toute une série de projets de lois visant à protéger des parcelles en les déclassant en zone de verdure. Ce programme ambitieux constitue votre contribution à la Genève verte. Le Grand Conseil vous a évidemment suivi et a approuvé la grande majorité de ces différents déclassements. Par ailleurs, les médias se sont largement fait l'écho de votre volonté verte, et c'est très bien.
Ces nombreux actes législatifs ont évidemment leur importance, même si je me permets de souligner que, pour certaines parcelles, il ne s'agit effectivement que d'un acte législatif. Ainsi, le parc Bertrand, légué comme tel aux Genevois par la généreuse famille Bertrand, ne courait bien sûr aucun risque d'être construit, avec ou sans acte législatif. C'est dire que, malgré toute la promotion qui a lieu autour de ces déclassements, il n'y a pas, en l'état, un mètre carré de verdure supplémentaire. Il n'en reste pas moins que ces déclassements restent, à part quelques rares projets, une bonne affaire pour Genève.
J'en reviens, Monsieur le conseiller d'Etat, à mon interpellation. Vous avez proposé près de trente projets de déclassement. Récemment, j'ai été sollicité, en ma qualité de président de la Société suisse de dendrologie - la science qui se consacre à l'étude des arbres - pour visiter une propriété que je connaissais déjà un peu et qui présente aujourd'hui un développement arboricole absolument extraordinaire. Il s'agit de l'ancienne campagne Hagnauer, la propriété Mont-Riant, achetée par l'Etat de Genève en 1972 et louée depuis à la mission permanente du Brésil. Cette grande propriété est située sur la commune du Grand-Saconnex. Si j'interviens, c'est parce que cette propriété ne fait pas partie des trains de lois évoqués.
Je sais, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'à l'époque vous aviez été sollicité par d'éminents spécialistes en arbres pour inclure cette propriété dans votre programme. Vous aviez alors répondu plutôt laconiquement. Ce soir, je prends la liberté de vous interpeller pour vous demander pourquoi cette propriété, qui abrite une des collections dendrologiques les plus extraordinaires de Genève, n'a pas été proposée pour un déclassement en zone de verdure.
Il en va de l'avenir de plus 600 arbres et arbustes répartis sur une surface de 46 500 m2. Il y a là un véritable trésor de diversité biologique, une collection d'une incroyable richesse, représentant plus de soixante genres botaniques et quelque 250 espèces et variétés de feuillus et de conifères.
Depuis plus de cinquante ans, et vous le savez, Monsieur le conseiller d'Etat, cette collection d'arbres est enrichie et entretenue avec beaucoup de compétence. Des spécialistes du monde entier sont venus y admirer des exemplaires extraordinaires d'arbres rares. Je ne citerai pas les diverses espèces de cèdres monumentaux, les châtaigniers qui atteignent des dimensions respectables, les pins de Sabine de plus de trente mètres, une rareté originaire...
La présidente. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Roger Beer. Je conclus : une rareté originaire de Californie avec des cônes de trois kilos, et j'en passe.
Monsieur le conseiller d'Etat, à l'instar des sociétés scientifiques qui se sont rendues à Genève pour visiter cette parcelle, je vous invite volontiers pour une promenade à travers cette magnifique propriété; à votre convenance, bien sûr. Enfin, voici mes questions :
1. Pourquoi n'avoir pas intégré le déclassement en zone de verdure de cette extraordinaire parcelle ?
2. Est-il vraiment raisonnable, à Genève, cité des parcs ayant un héritage dendrologique aussi vaste, de prendre le risque qu'une telle parcelle appartenant à l'Etat puisse être soumise à un quelconque grignotage ?
3. Je suggère que vous présentiez un projet de loi de déclassement en zone de verdure qui permettra d'assurer la pérennité de cette belle campagne et de sa magnifique collection dendrologique.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Laurent Moutinot. Je vous remercie d'attirer mon attention sur cette parcelle pourvue des nombreuses qualités dendrologiques que vous venez de décrire. La raison pour laquelle elle ne se trouve pas, non pas dans les trente, mais dans les soixante projets de déclassement en zone de verdure, c'est que nous avons agi par méthode.
Le premier train de projets de lois vise à pérenniser les espaces en mains publiques qui sont, de fait, des zones de verdure, mais, de droit, des zones constructibles et qui sont ouverts au public. En l'occurrence, cela ne fait pas un mètre carré de verdure en plus, je suis d'accord avec vous, mais cela évite qu'il y ait des mètres carrés de verdure en moins! On connaît notamment le cas du parc de Vermont.
Après cette première étape, réalisée en parfait accord avec l'exécutif de chaque commune concernée, il y aura, comme je l'avais expliqué en son temps au Grand Conseil, une deuxième étape consistant à agrandir ces espaces, à en créer de nouveaux, à les relier entre eux, travail qui doit se faire en bonne collaboration avec les communes, puisque ce sont elles qui connaissent le mieux le tissu local.
Je ne doute pas que la commune du Grand-Saconnex surveille cette parcelle - qui, étant en mains de l'Etat, ne court pas un risque immédiat, fort heureusement - mais je vous promets de l'étudier avec la plus grande attention dans le deuxième train de projets qui, lui, entraînera un agrandissement de la zone de verdure.
Cette interpellation urgente est close.
La présidente. J'avais dit une fleur, Monsieur Beer, pas deux !