Séance du
jeudi 17 mai 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
8e
session -
26e
séance
PL 8456-A
Lors de sa séance du 21 mars 2001, présidée par M. Dominique Hausser, la Commission des finances a brièvement examiné la proposition visant à modifier la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05).
L'entrée en vigueur des dispositions actuelles relatives au vote par correspondance date du 1er janvier 1995. Cette facilité pour les électrices et électeurs a eu un résultat très positif au niveau de la participation.
Les auteurs de la présente proposition sont d'avis que le fait de devoir affranchir l'enveloppe contenant le bulletin de vote avec un timbre de 0,70 F ou 0,90 F a pour effet que certains électrices et électeurs renoncent à accomplir leur devoir de citoyenne ou citoyen.
Afin d'améliorer le taux de participation, ils proposent que l'Etat prenne en charge le coût d'affranchissement des enveloppes pour le retour des votes par correspondance.
Le coût supplémentaire total et annuel est estimé par les auteurs à 360 000 F.
Avec l'introduction du vote par correspondance, les citoyens n'ont plus l'obligation de se rendre dans un bureau de vote, ce qui fait gagner beaucoup de temps. La commission est d'avis que le fait de devoir affranchir l'enveloppe de retour est la moindre des choses pour accomplir l'exercice d'un droit déjà beaucoup facilité.
Indépendamment de toute considération politique, tout en regrettant l'absence de l'auteur membre de la Commission des finances, l'entrée en matière de ce projet a été refusée.
L'entrée en matière a été refusée par
La Commission des finances vous recommande, par 11 non et 1 oui, de rejeter ce projet de loi.
Projet de loi(8456)
modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05)(exercice du vote par correspondance)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 62, al. 1 et 3 Exercice du vote par correspondance
1 Le département envoie à l'électeur le matériel nécessaire pour exercer son droit de vote et prend en charge les frais d'acheminement postal, sur territoire suisse, des votes par correspondance.
3 La dépense occasionnée par la prise en charge prévue à l'alinéa 1 est financée par l'excédent du budget de fonctionnement 2001.
Article 2 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Premier débat
La présidente. Madame la rapporteuse, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
Mme Mariane Grobet-Wellner (S), rapporteuse. Non, je n'ai rien à ajouter, vu qu'il me semble tout à fait explicite.
M. Beer m'a fait une remarque disant que nous avions manqué d'élégance en commission, et je dois en convenir avec lui. Mais je dirai que, de toute façon, la quasi-unanimité de la commission n'était pas favorable à ce projet, et, malgré les qualités de persuasion de M. Beer, je pense que cela n'aurait rien changé au résultat.
M. Roger Beer (R). Le rapport pour une fois relativement bref de Mme Grobet mérite quelques explications.
Tout d'abord, j'aimerais préciser que ce projet de loi était à l'ordre du jour de la commission des finances, à laquelle je pensais assister, mais, étant auditionné avec mon chef, M. Tornare, à la commission des finances de la Ville et les conseillers municipaux ayant posé plus de questions que prévu, je suis arrivé à 19 h 30, alors que tout était déjà joué... Alors, c'est vrai, je l'ai fait savoir au président de la commission, M. Hausser, pour lui exprimer mon étonnement de constater que ce projet de loi avait été refusé, alors qu'un des auteurs du projet et membre titulaire de la commission était absent, ce sans même lui demander son avis. Je remercie d'ailleurs M. Lescaze qui a tenté de dire en commission qu'il serait opportun d'attendre la séance suivante... Ma foi, les dés ont été légèrement pipés, et nous avons donc décidé de réagir !
Mesdames et Messieurs les députés, Madame la rapporteuse, je regrette que vous n'ayez pas bien examiné le contenu de ce projet de loi... Nous voulions simplement, pour faciliter l'exercice de la démocratie, proposer que l'Etat prenne en charge l'affranchissement des enveloppes retour du vote par correspondance, puisque plus de 90% des gens votent par correspondance. Nous avons essayé d'estimer, notamment avec le service compétent, à combien cette mesure pouvait revenir par année et nous sommes arrivés à un chiffre situé entre 350 000 et 400 000 F.
Dans le même temps, nous avons appris, par les diverses déclarations de notre chancelier, M. Hensler, que le Conseil d'Etat allait mettre en place le système de vote par Internet, qui est actuellement devisé à 1,5 million. Je pense pour ma part que c'est une bonne idée d'installer le vote par Internet, car de plus en plus de gens utilisent ce moyen de communication, mais, malgré tout, pas mal de gens continueront à voter par correspondance.
Avant de poursuivre, je dois ajouter qu'il a fallu convaincre les autres membres du groupe radical d'accepter une telle dépense, et nous nous estimions déjà contents qu'ils soient d'accord que nous présentions ce projet. J'ai donc été d'autant plus déçu de constater que la commission des finances ne voulait même pas en discuter... Car finalement, avec la disparition de certains bureaux de poste, il est toujours plus difficile de trouver des timbres, surtout à la campagne. Vous m'avez dit que ce n'était pas un argument... Eh bien, moi je pense que c'est un argument de plus qui fait que les gens hésiteront à voter !
Dernier argument : je vous demande de retourner ce projet de loi en commission pour avoir une discussion sérieuse, pour écouter les arguments que l'on vous donnera et ne pas vous contenter de penser que c'est une mesure idiote et que les gens peuvent bien payer. Sans parler du fait que nous n'avons même pas demandé l'avis du Conseil d'Etat pour savoir comment ce projet pouvait s'intégrer par rapport au développement Internet ! Cela me paraît tout de même la moindre des choses que nous essayions de nous faire une idée. Le vote Internet est une bonne idée et, du reste, un article est paru dans la «Tribune de Genève» et dans la «Feuille d'avis officielle». Il cadre exactement avec le développement de Genève comme centre des communications, mais je pense qu'il aurait été intéressant d'entendre l'avis du Conseil d'Etat sur ce projet.
Quant à la couverture financière, la suppression des bureaux de vote le vendredi et le samedi, plus le vote par correspondance, représentent une économie qui couvre plusieurs fois le coût de ce projet. J'ai vraiment été étonné de voir l'Alliance de gauche s'opposer elle aussi à ce projet de loi, alors que dans d'autres occasions elle ne manque pas de défendre la gratuité de certains services.
Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi en commission.
M. Pierre Vanek (AdG). Première remarque : cette question concerne évidemment l'exercice des droits politiques, et je suis un petit peu surpris que cet objet n'ait pas été renvoyé à la commission des droits politiques qui se penche précisément sur les conditions de l'exercice de ceux-ci. Il est vrai que le rapport lapidaire de la commission des finances met en exergue le coût total de 360 000 F par année et que les considérations concernant l'exercice effectif des droits politiques se résument à un minimum, puisqu'il est simplement dit qu'un timbre à 90 centimes, ce n'est pas cher payer pour pouvoir voter...
Nous avons discuté de ce rapport dans notre caucus et pris une position différente... Ça peut arriver et c'est normal, c'est la fonction des députés qui représentent des formations dans des commissions de rendre rapport et de permettre un débat plus large. Et je dois dire que, en l'état, la position de notre groupe est donc d'appuyer ce projet de loi.
Je vais expliquer pourquoi : trois éléments peuvent justifier ce soutien. D'abord, contrairement à l'argument avancé, la démocratie coûte, et je pense que ce n'est vraiment pas un domaine où il faut mégoter et considérer qu'il ne faut pas investir un minimum de moyens. On dépense beaucoup d'argent dans cette République pour des objets bien moins importants que celui-ci. C'est le premier point, je ne le développerai pas.
Deuxièmement : effectivement, l'expérience concrète de tous ceux qui mènent des campagnes politiques, qui font vivre la démocratie directe dans notre pays, qui lancent notamment des initiatives et des référendums, d'un bord ou de l'autre, montre que, même si on peut penser qu'il est facile de coller un timbre, les rentrées de signatures sont bien plus importantes quand on a les moyens - ce qui n'est pas toujours le cas - d'envoyer une enveloppe retour déjà affranchie. Cela fait une différence importante : vous pouvez interroger n'importe quel responsable de comité référendaire ! Votre argument selon lequel il est facile de coller un timbre est donc erroné, car on ne peut que constater, même si c'est malheureux, que le nombre de participants est plus faible en raison, justement, du timbre qu'il faut coller...
Chacun devrait y aller de sa poche, mais alors pourquoi s'arrêter ? Chacun pourrait payer une tune pour éponger les frais des votations ! L'organisation d'une consultation populaire revient à environ 500 000 F, alors pourquoi ne pas fixer un émolument de 10 F par votant ? Nous ne voulons pas mettre l'ongle du petit doigt dans ce type de logique ! Nous estimons donc concrètement, sur la base d'expériences faites, que cette mesure est effectivement bienvenue et peut contribuer à augmenter le taux de participation.
Maintenant, M. Beer a évoqué, à juste titre, la question des expériences de e.voting : le vote par Internet... C'est un sujet sur lequel nous devrions effectivement avoir un rapport - j'en profite, au passage, pour vous le demander, Monsieur le président du département ! - à la commission des droits politiques, parce qu'il est vrai que je suis un peu inquiet à ce propos. Bien sûr, c'est un moyen de voter très pratique pour ceux qui sont connectés, mais c'est aussi un moyen qui n'est pas accessible à tout le monde de la même manière. Le bureau de vote était accessible à tout le monde : il y en a un dans chaque quartier, et riches ou pauvres pouvaient s'y rendre. Ce ne sera pas la même chose pour le vote par correspondance et Internet.
Je demande donc vraiment que l'on examine cette hypothèse sérieusement, car elle peut introduire un différentiel de participation suivant des critères de couches sociales, professionnels, générationnels, etc. C'est effectivement un réel problème, un problème inquiétant, qui est du reste posé dans le matériel fédéral que j'ai lu sur cette question.
Maintenant, le vote par correspondance introduit déjà un différentiel : il y a des citoyens dans cette République qui n'envoient pas de lettres, qui n'ont pas de timbres chez eux et pour lesquels l'acte de voter signifie qu'il faut remplir une enveloppe et se déplacer au bureau de poste le plus proche - bureaux qui sont de moins en moins nombreux... - pour acheter un timbre au lieu de se rendre au local de vote. Pour ceux qui ont des bureaux avec des secrétaires, avec des tiroirs pleins de timbres, c'est effectivement beaucoup plus facile de voter par correspondance !
Pour toutes les raisons que j'ai indiquées, cette mesure mérite d'être soutenue et son coût en vaut la peine à nos yeux. Je regrette de devoir démentir, en quelque sorte, la position qui a été prise - assez rapidement, semble-t-il, vu l'ampleur du rapport... - par nos députés en commission des finances.
Mais je vous engage sérieusement à réfléchir sur ce que j'ai dit : je trouverais déplorable que ce parlement refuse cette mesure pour des motifs pécuniaires, alors qu'on a eu un débat tout à l'heure pour savoir s'il fallait ou non économiser les 300 000 F concernant l'exposition nationale ! Il me semble bien plus important de dépenser 300 000 F - c'est le même montant - à cet effet, car, en l'occurrence, il s'agit vraiment de la démocratie.
Nous devons encourager la participation et nous devons aussi encourager la réduction, même si cela ne rapportera pas forcément plus de voix aux bancs de la droite, du différentiel social qu'il y a par rapport à la participation. On peut en effet constater que la participation des gens des quartiers populaires, qui votent plutôt de ce côté de la salle et plus particulièrement à gauche de ce même côté, est bien moindre que la participation des personnes qui habitent les quartiers résidentiels et qui votent pour l'autre côté de la salle et plus particulièrement à droite de ce même côté... C'est vrai : ce sont des faits ! Les chiffres sont là : ce sont des faits inquiétants et problématiques pour la démocratie. Ils s'expliquent aussi, sans nul doute, par toutes sortes d'autres causes, mais on ne peut nier qu'écrire, remplir un formulaire - fût-il simple - se procurer un timbre et le coller sur l'enveloppe, gestes qui peuvent paraître à certains dérisoires et banaux...
Une voix. Banals !
M. Pierre Vanek. Banals, excusez-moi pour cette erreur ! ...sont des choses qui ne font pas partie du quotidien d'un certain nombre de nos concitoyens, qui ont, eux aussi, le droit de participer aux votations. Et nous avons le devoir de les encourager à le faire et de lever les barrières, aussi minimes soient-elles, qui s'opposent à cette participation.
Je vous engage donc vivement à entrer en matière sur ce projet de loi et à le voter.
M. Antonio Hodgers (Ve). Je ne crois pas que ce projet mérite un grand débat. Même si, dans le fond, je rejoins évidemment les propos tenus par M. Vanek, ce projet est tout de même modeste au niveau de la mise en application de la démocratie.
Je suis parfaitement d'accord que ce projet a été traité trop rapidement par une commission qui n'a peut-être pas l'habitude de traiter des problèmes liés à l'abstentionnisme, enjeu qui préoccupe notre parlement. Je propose donc de le renvoyer à la commission des droits politiques, qui a déjà été saisie par le passé d'objets concernant ce sujet et qui pourra peut-être examiner ce projet de loi sous un autre angle que l'angle financier et, éventuellement, le lier à d'autres mesures pouvant favoriser la participation des citoyens aux votations et élections.
Je propose donc formellement le renvoi de ce projet de loi en commission des droits politiques pour continuer ce débat.
M. Thomas Büchi (R). Lorsque nous avons préparé ce projet de loi, Roger Beer, Hervé Dessimoz et moi-même, un des fondements philosophiques qui nous a conduits à cette idée, est l'égalité devant le droit de vote. En effet, avant la constitution de 1847, Mesdames et Messieurs, il fallait justifier d'un certain revenu pour avoir le droit de vote. C'était totalement inique puisque seule une certaine frange de la population avait le droit de vote. Il est clair que mettre un timbre ou pas sur un bulletin de vote n'a en soi pas une grande importance : c'est surtout symbolique sur le plan financier, car cela ne représente pas grand-chose. Mais nous avons eu le sentiment que c'était une réminiscence du passé faisant partie de cette injustice.
Nous proposons la suppression de l'affranchissement du bulletin de vote pour une raison très simple : la démocratie, sans compromis possible, doit être gratuite ! Il me semble qu'il n'y a pas de discussion à avoir à ce sujet.
Je suis un peu peiné que ce projet de loi ait été renvoyé à la commission des finances, parce que ce n'est visiblement pas cette commission qui devait traiter de ce sujet. Je suggère donc, comme l'a fait M. Hodgers tout à l'heure, de le renvoyer à la commission des droits politiques qui, elle, est à même de régler ces problèmes, pour que nous ayons un vrai débat sur cette question et que cela se passe dans des conditions normales. Evidemment, je serais très heureux si ce projet était voté ce soir, mais, au moins, qu'il soit renvoyé en commission!
M. Claude Blanc (PDC). Il est vrai que notre Grand Conseil se donne beaucoup de temps pour discuter de choses sérieuses, de choses pas sérieuses et même de choses futiles... Aujourd'hui, me semble-t-il, nous avons un grand débat pour une chose futile, même si les auteurs veulent donner à leur projet une base philosophique qui vaut ce qu'elle vaut, mais à laquelle on pourrait opposer d'autres bases philosophiques...
Par exemple, le canton de Genève est probablement l'une des régions au monde où l'exercice des droits politiques est le plus facile, depuis que nous avons instauré et généralisé le vote par correspondance. Nos voisins français et italiens n'ont pas le choix : les votations sont fixées un dimanche et ils ne peuvent pas voter s'ils ne se rendent pas sur le lieu du vote.
En Suisse, nous avions commencé par mettre en place les votes anticipés, puis nous avons allongé le délai pour voter en ajoutant un jour, ensuite nous avons accordé le droit de vote par correspondance dans certains cas - quand on pouvait prouver qu'on ne pouvait pas se déplacer jusqu'au bureau de vote - et enfin, nous avons donné le droit de vote par correspondance à tout le monde, et 92 ou 93% des gens utilisent ce moyen. C'est donc un privilège unique - unique ! Alors, il me semble que ce privilège unique mérite que chacun y mette du sien : si en plus de ce privilège l'Etat doit payer le timbre, où va-t-on ?
Permettez-moi de vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que si c'étaient les libéraux qui avaient fait cette proposition nous pourrions comprendre, parce qu'ils ont dans leurs gènes ce souci des économies qui les pousse à se rendre au bureau de vote pour voter, afin d'économiser 70 centimes de temps en temps ! (Rires.) J'ai plus de peine à le comprendre de la part des radicaux, qui, généralement, passent pour être moins regardants ! (Rires.)
D'autre part, vous parlez du timbre à 70 centimes qu'il faut coller sur l'enveloppe... Je vous rappelle à ce sujet que les familles peuvent mettre tous leurs bulletins dans la même enveloppe, ce qui coûte 70 centimes pour toute la famille, alors, ne venez pas nous dire qu'il faut absolument que l'Etat paye les timbres ! C'est vraiment se moquer du monde ! Si M. Lombard, dont on connaît le proverbial esprit d'économies, nous avait fait cette proposition, je pourrais comprendre, mais pas de votre part, Messieurs les radicaux ! (Rires.)
La présidente. Monsieur Grobet, vous avez la parole, mais je vous prie de vous exprimer sur le renvoi en commission.
M. Christian Grobet (AdG). Madame la présidente, j'allais faire la même proposition que celle faite par M. Hodgers tout à l'heure et qui a été reprise par M. Büchi. En effet, nous estimons également qu'il importe que ce projet - M. Vanek a du reste indiqué tout à l'heure qu'il était paradoxal que ce projet ait atterri, je ne sais par quelle mégarde, à la commission des finances qui, visiblement, l'a effectivement examiné sous l'angle financier - soit renvoyé à la commission des droits politiques car d'autres aspects pourront certainement entrer en ligne de compte.
Je vous ai entendu, Monsieur Blanc, dire que c'était une question futile : non, ce n'est pas une question futile du tout ! L'abstentionnisme qui frappe notre pays et notre canton également est un phénomène extrêmement grave, parce que la démocratie implique une participation aussi importante que possible. Et il me semble que nous sommes d'accord sur ce point. A un moment donné, dans nos rangs, des réserves ont été émises - je crois que nous pouvons le dire - à l'égard du vote par correspondance. Mais nous nous sommes rendu compte, dans la pratique, que non seulement il fonctionnait bien et, semble-t-il - on l'espère - sans fraude, mais encore qu'il avait eu le grand mérite de relever le taux de participation aux votations et élections à Genève. C'est une réalité : nous avions auparavant des taux très bas et, depuis, la participation s'est nettement améliorée.
Maintenant et cela étant dit, toute mesure, aussi minime soit-elle, qui facilite encore l'exercice du vote nous paraît indispensable. Moi je constate une seule chose, Monsieur Blanc, c'est que je reçois à la maison - probablement comme vous - des enveloppes affranchies à forfait, quand ce n'est pas avec un timbre, parce que l'expéditeur sait très bien que pour faciliter la réponse il a intérêt à le faire. Même les Services industriels - je le relève, car je pense que c'est une mesure intelligente - utilisent des cartes affranchies à forfait que les inspecteurs chargés de relever les compteurs laissent dans la boîte aux lettres des consommateurs pour que ceux-ci les renvoient, une fois remplies. C'est donc bien la démonstration que les entreprises commerciales ont compris que le meilleur moyen d'obtenir un retour, c'est d'envoyer des enveloppes retour affranchies. Il est vrai que les gens n'ont pas toujours un timbre-poste sous la main et que, dès que la moindre difficulté se présente, ils ont tendance à renoncer à exercer leur droit de vote.
Par voie de conséquence, nous pensons que cette question doit être examinée à nouveau et nous soutenons le renvoi de ce projet à la commission des droits politiques.
La présidente. Monsieur Clerc, je vous passe la parole, mais je vous prie également de vous exprimer uniquement sur le renvoi en commission.
M. Bernard Clerc (AdG). Rassurez-vous, Madame la présidente, je serai bref !
Nous avons effectivement discuté de ce projet de loi dans notre caucus et, à l'occasion de cette discussion, je me suis rendu compte que je m'étais trompé dans cette affaire. Je crois que c'est une bonne chose de dire de temps en temps qu'on a commis une erreur et qu'on a mal voté en commission : peu de députés en font autant ! Moi, je le dis très franchement : j'ai donné beaucoup trop d'importance à la simple question du timbre - j'avais un peu la même position que M. Blanc.
La question du principe de la gratuité pour l'exercice des droits démocratiques me semble déterminante, et c'est la raison pour laquelle je vous invite à renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques.
Mme Janine Berberat (L). A entendre certains intervenants, les pauvres seraient la gauche et les riches seraient la droite ! Et à vous écouter, Monsieur Blanc, les généreux sont du côté des radicaux et des PDC et les radins du côté des libéraux... (Rires et exclamations.)
Ainsi donc, Mesdames et Messieurs les députés, on nous met une étiquette sur le front, qu'il est difficile d'enlever... Mais moi je connais des gens dans cette enceinte qui, quelles que soient leurs opinions politiques, sont généreux ou radins, même s'ils ne sont pas de mon bord ! C'est une question de personne et je ne réduirais pas les députés à une simple étiquette collée sur le front, même si ça fait rire certains !
Pour ce qui est du timbre, j'ai toujours trouvé dérangeant de devoir mettre un timbre sur l'enveloppe de vote. Pourquoi ? Pas spécialement pour les 70 ou les 90 centimes que je dois dépenser suivant le délai qui me reste, mais pour le confort. Si l'enveloppe était affranchie, il suffirait de la glisser dans une boîte, mais, actuellement, il faut se procurer un timbre, car on n'en a pas toujours un sous la main. Toutes les entreprises et les sociétés de sondages ont déjà compris que pour augmenter le nombre des réponses il faut affranchir les enveloppes retour.
Pour ce qui est de la dépense que cette mesure représente, je suis tout de même étonnée... En effet, comme moi, vous recevez en tant que députés deux ou trois enveloppes par jour, que ce soit du bureau du Grand Conseil, du Conseil d'Etat ou des départements, déjà affranchies, et personne ne se préoccupe de savoir si cela coûte cher ! Sans parler du fait que certains courriers pourraient bien souvent être rassemblés dans une même enveloppe, parce qu'ils proviennent du même bureau. Par contre, on chipote pour 360 000 F pour les citoyens !
Alors, j'avoue, Messieurs les radicaux, que je suis plutôt d'accord avec votre projet de loi, contre mon groupe... (Exclamations et applaudissements.) Je ne voudrais pas perdre mon joker avec mon groupe, alors j'ai négocié ma position avec lui en décidant de renvoyer ce projet de loi en commission des droits politiques. Je ne tiens pas à ce que l'on revienne sur le vote, mais je tiens à ce que nous ayons une réflexion un peu plus approfondie sur ce sujet et aussi sur le vote par Internet, qui pose tout de même quelques problèmes de confidentialité et d'accessibilité pour tous.
En attendant, je continuerai à coller mes timbres sur mon bulletin de vote !
La présidente. Monsieur le député Brunier, je vous passe la parole, mais j'insiste pour que vous vous exprimiez sur le renvoi en commission seulement, car personne ne respecte cette règle !
M. Christian Brunier (S). Merci, Madame la présidente. Vous connaissez mon côté discipliné : je ne parlerai donc, bien entendu, que sur le renvoi en commission ! (Exclamations.)
Mme Grobet-Wellner l'a dit tout à l'heure, philosophiquement le parti socialiste pense que la démocratie vaut bien le prix d'un timbre. Néanmoins, il est vrai que l'approche de la commission des finances a été spécifiquement financière, ce qui est assez logique. Nous avons dit tout à l'heure, durant le débat sur l'exercice des droits politiques à 16 ans, que la démocratie s'essoufflait et qu'il fallait la revitaliser. Nous sommes donc prêts à discuter à nouveau de ce projet de manière plus large, et nous soutiendrons bien entendu son renvoi à la commission des droits politiques.
En conclusion, je voudrais rassurer Mme Berberat : il y a des radins dans tous les partis ! Pour le constater, il suffit d'observer comment cela se passe à la buvette ! (Rires.)
Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). En ce qui me concerne, je suis tout à fait d'accord pour renvoyer ce projet de loi en commission.
Vous me permettrez quand même juste quelques mots : je crois qu'en donnant aux citoyens la possibilité de ne plus affranchir leurs enveloppes, on les déresponsabilise d'une certaine manière. Et ce n'est pas cela qui fera grimper l'audimat, comme on dirait à la télévision ! Il ne faut tout de même pas exagérer !
D'autre part, refuser la gratuité du vote par correspondance représente quand même une économie substantielle pour l'Etat. Ce sont toujours les mêmes qui veulent plus d'aide, mais je trouve que cette aide est en l'occurrence mal ciblée : je suis désolée de vous le dire !
Mme Mariane Grobet-Wellner (S), rapporteuse. Je ne m'oppose pas au renvoi en commission de ce projet. Nous avons étudié la question à la commission des finances et je tiens tout de même à dire, en passant, que j'ai un sentiment un peu mitigé en voyant les réactions de certains députés qui veulent lier l'exercice du droit de vote à une enveloppe retour affranchie ou non...
Toutefois, compte tenu de la volonté générale... ou quasi générale - quelques-uns secouent la tête - eh bien, que la commission des droits politiques examine la question ! Peut-être arrivera-t-elle à une autre conclusion.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer le projet à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adoptée.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrêtons nos travaux et nous les reprendrons à 17 h 5.
La séance est levée à 16 h 50.