Séance du
vendredi 23 mars 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
6e
session -
14e
séance
M 1387
EXPOSÉ DES MOTIFS
De plus en plus de femmes décident aujourd'hui de poursuivre une occupation professionnelle après la naissance de leur(s) enfant(s). Quelles qu'en soient les raisons (épanouissement personnel, impératifs économiques, etc.), cette tendance, toujours plus marquée, témoigne d'une évolution des moeurs qu'il est impossible d'ignorer.
A titre d'illustration, il faut savoir que, de manière générale (groupes d'âges de 20 à 64 ans), la proportion de femmes exerçant un métier hors de la maison a crû de 48 à 68 % entre 1960 et 1997. Dans le même laps de temps, le taux d'activité des femmes mariées - en 1995, 90% des naissances se produisaient dans des couples mariés - a passé de 30 à près de 70 %. Une progression qui a pour corollaire la nécessité de trouver une solution de garde.
Les structures professionnelles existent (principalement sur le territoire de la Ville de Genève), mais le nombre de places disponibles ne permet pas de répondre à toutes les demandes. C'est alors le recours à des solutions non professionnelles (grands-parents, jeunes filles au pair, mamans de jour, etc.), la plupart du temps valables, mais sans la garantie de sécurité offerte par les institutions. Or toujours plus de parents recherchent précisément cette garantie, eu égard à de récentes et pénibles affaires.
La nécessité de pallier ce manque est reconnue par tous, mais comment répondre à cette préoccupation ? La qualité et la formation du personnel d'encadrement n'est pas négociable, mais ne pourrait-on pas envisager des installations simplement moins luxueuses ?
L'Observatoire de la petite enfance a publié en 1998 une étude dont les quelques résultats cités plus bas illustrent bien les données du problème.
Les 152 institutions genevoises de la petite enfance regroupent trois types de structures : les crèches (75 %), les garderies et jardins d'enfants (25 %). Elles proposent 2'055 places d'accueil.
A noter qu'un quatrième type de structure se développe de plus en plus : l'espace de vie enfantine (EVE). L'EVE fonctionne sur un concept « pluri-âges », afin de décloisonner les classes d'âges existantes et encourager les interactions entre les enfants.
Sur les 3'310 demandes déposées en 1997, 2'370 (62 %) concernaient le placement d'un enfant en crèche.
Cette même année, seules 900 requêtes ont pu être satisfaites, soit à peine deux sur cinq !
La mise sur pied d'une telle institution ressemble aujourd'hui à un véritable parcours du combattant :
première étape : élaboration du dossier destiné à l'autorité de surveillance, qui s'articule autour du programme pédagogique de l'institution ;
seconde et troisième étapes : obtention du préavis des départements de l'aménagement, de l'énergie et du logement (DAEL), puis de l'instruction publique (DIP).
Les nombreux aller et retour entre ces deux départements précédant l'octroi d'une autorisation entraînent une prolongation des délais non négligeable. Instaurer une collaboration accrue entre les différentes instances techniques concernées - par exemple par la désignation d'un/e « Monsieur/Madame Crèche » chargé/e de coordonner les démarches - pourrait permettre d'aplanir un certain nombre de difficultés, de gagner du temps.
De même, l'intégration systématique d'un/e représentant/e des futurs utilisateurs de la structure dans l'équipe de conception/réalisation de l'ouvrage faciliterait la tâche, en prévenant d'éventuels problèmes pratiques liés à l'utilisation ultérieure des locaux.
Le professionnalisme de l'encadrement est une des conditions sine qua non du développement harmonieux des enfants, il n'est donc bien évidemment pas question de le remettre en cause.
Tout aussi fondamentale est la sécurité physique des petits pensionnaires. Il n'en demeure pas moins que le cahier des charges technique laisse sans voix, notamment lorsque l'on indique par exemple qu'il ne doit en aucun cas y avoir plus de quatre enfants par lavabo avec robinet. Ce souci répond-il vraiment à un besoin fondamental de l'enfant ?
Les institutions de la petite enfance sont en majeure partie situées sur le territoire de la Ville de Genève, mais elles accueillent également des petits venant de tout le canton. Conscientes des difficultés auxquelles sont confrontés nombre de leurs habitants, les communes se penchent petit à petit sur la question, en étudiant notamment la possibilité de mettre sur pied des crèches au niveau local, voire régional.
Au-delà du caractère presque anecdotique de certaines prescriptions énoncées plus haut, il faut être conscient que les diverses « exigences et recommandations » formulées par l'Etat ont surtout pour conséquence bien concrète un alourdissement non négligeable des charges financières. Or si certaines communes disposent de moyens confortables, tel n'est pas forcément le cas pour toutes les collectivités publiques.
Il serait vraiment regrettable que les communes désireuses de se lancer dans l'aventure pour accueillir leurs plus jeunes résidents soient découragées par des critères dont l'assouplissement - à l'instar peut-être de ce qui se passe dans d'autres cantons - devrait être envisagé, sous réserve bien sûr de la sécurité des enfants. La solution réside peut-être dans le principe « penser plus simple », qu'il s'agisse de la construction ou de l'aménagement.
Au bénéfice de ce qui précède, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver bon accueil à notre projet de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Débat
M. Philippe Glatz (PDC). Les initiants savent que, dans cette enceinte, nul ne contestera le besoin de développer l'offre de places en crèche et de faciliter ainsi le placement de jeunes enfants dans ces institutions. Ceux d'entre nous qui ont eu la possibilité d'initier à la réalisation d'une crèche l'ont d'ailleurs fait de manière très rapide. J'en veux pour exemple la dernière réalisation à l'Hôtel des finances, à l'instigation de Mme Calmy-Rey. Mais si nous pouvons nous féliciter de cette création, il faut souligner que tous n'ont pas les moyens du département des finances.
C'est pourquoi, reconnaissant qu'il faudrait élargir les possibilités de création de crèches, les initiants souhaitent que soient mises en oeuvre un certain nombre de mesures. Il n'est pas question de remettre en cause les exigences relatives au professionnalisme de l'encadrement, mais nous pouvons faciliter la création de crèches en intervenant dans le cadre des mesures techniques d'accompagnement. Il y a en effet nécessité d'assouplir les exigences techniques et architecturales, qui peuvent sembler très compliquées et dont certaines confinent au traditionnel perfectionnisme helvétique. Ce perfectionnisme est certes fondé sur de bonnes intentions, mais il est souvent sans rapport d'adéquation avec la réalité ou le simple bon sens. Un exemple a été cité dans le cadre de l'exposé des motifs que je ne peux m'empêcher de rappeler : dans ces gros catalogues que l'on vous fournit lorsque vous souhaitez ouvrir une crèche figure un panel d'exigences et parmi celles-ci, entre autres, vous trouvez celle qui précise qu'en aucun cas il ne doit y avoir plus de quatre enfants par lavabo avec robinet!
N'est-ce pas là exagération et ne conviendrait-il pas de revoir ces règles très normatives, de les assouplir, de façon à permettre à des associations, à des institutions ou aux communes de réaliser elles-mêmes leur crèche avec un peu plus de facilité ? C'est le sens de cette motion, qui réclame le réexamen des exigences techniques et des normes existantes, de manière à les assouplir et à faciliter les créations de crèches. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, les initiants vous recommandent de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, à fin d'étude et de propositions concrètes.
Mme Martine Brunschwig Graf. Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si votre intention est de renvoyer la motion en commission ou si vous voulez la renvoyer au Conseil d'Etat. Je n'ai pas tout à fait compris quelle est votre intention, mais si vous l'envoyez au Conseil d'Etat il l'accueillera avec intérêt.
Cela dit, ce parlement a beaucoup changé, si je puis me permettre... En effet, j'ai vécu l'époque où les normes de la petite enfance étaient un sujet tabou, où celui qui évoquait un léger assouplissement d'une norme ou d'une autre était accusé de vouloir démanteler la qualité des institutions, la protection des enfants... Certains dans cette enceinte s'en souviennent. Je précise d'ailleurs que ce n'était pas moi qui siégeais sur ce banc : j'étais alors députée à la place de M. Halpérin.
Ce soir, je trouve intéressant qu'on aborde cette question, mais j'aimerais qu'on l'aborde avec circonspection, en mesurant, le moment venu, les responsabilités que nous avons, s'agissant de la protection des enfants et de leur sécurité. En l'occurrence, je dois dire que, parmi les signataires, il y a des gens particulièrement «touchants», puisque certains d'entre eux - ce n'est pas Mme Fabienne Bugnon - ont largement contribué à l'élaboration de ces normes et parfois même à leur renforcement. Cela étant, nous examinerons avec beaucoup d'intérêt toutes les mesures qui peuvent permettre de développer les institutions de la petite enfance.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1387)demandant l'étude d'un éventuel assouplissement des exigences techniques imposées par les autorités compétentes aux structures d'accueil de la petite enfance