Séance du
vendredi 23 mars 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
6e
session -
13e
séance
P 1257-A
La Commission des pétitions s'est réunie à six reprises pour étudier la pétition reproduite ci-dessous. Elle était présidée par Mme Louiza Mottaz et les procès-verbaux ont été tenus avec excellence par Mme Pauline Schaefer. La commission a auditionné les pétitionnaires, représentés par M. Claudio Frapolli, les forces de l'ordre avec M. Guy Serge Baer, commandant de la gendarmerie, M. Guy Brousoz, îlotier de Plainpalais, M. Gilles Rufenacht, directeur du Rêve d'O et du Café Mozart avec M. Hervé Ruffieux, ainsi que MM. Renaud Christin et Raoul Dupont, permanents de l'Usine.
Pétition(1257)
contre le bruit dans le quartier de la place des Volontaires
Mesdames etMessieurs les députés,
Pour une réglementation du bruit nocturne dans le quartier de la place des Volontaires dû aux nombreux établissements publics extrêmement bruyants !
Nous demandons :
un arrêt immédiat des bruits ainsi qu'une intervention policière beaucoup plus marquée (actuellement NULLE) ;
une prise de position contre les établissements nocturnes qui créent tous ces tapages nocturnes ;
un arrêt immédiat des nettoyages de la place et enlèvement des containers à ordures par la voirie avant 9 heures du matin, actuellement entre 4 h 30 et 7 h 00, surtout durant les week-ends.
Nous voulons la paix et le respect d'autrui dans le quartier !
Le pétitionnaire explique aux commissaires la situation difficile, voire insupportable, que ses voisins et lui subissent en raison du bruit nocturne continu dans ce secteur, lié à la concentration particulière des nombreux établissements publics tout autour de leurs habitations. L'été, période des terrasses et des événements festifs spontanés, donne lieu à une recrudescence de bruit. Par ailleurs, une zone de dealers sévit par tous les temps sur la place des Volontaires et les habitant-e-s se sentent parfois menacés. Autre nuisance signalée par M. Frapolli, le stationnement plus ou moins sauvage dans le quartier par la clientèle des divers établissements, qui ne semble pas se soucier des désagréments que sa désinvolture provoque pour les habitant-e-s. Le pétitionnaire indique en conclusion qu'il entretient de bons rapport avec les îlotiers, auxquels il a recours mais dont la marge de manoeuvre reste étroite, et qu'il juge sa situation invivable dans ce quartier, à tel point que quelques-uns de ses voisins ont déjà résilié leur bail. Mais il tient à signaler que dans ce contexte difficile, seul le BFM semble compatir avec les habitants, s'excusant pour les désagréments occasionnés par des travaux effectués de nuit, ce geste étant apprécié des pétitionnaires ; M. Frapolli signale par ailleurs que l'établissement ferme, lui, à minuit et qu'il est fréquenté par « des gens comme vous et moi. »
Le commandant Baer signale pour sa part que le Département de justice et police n'a encore jamais pris de sanctions aboutissant à la fermeture d'un établissement public pour cause de nuisances sonores. Il n'intervient qu'en regard de délits (drogue et moeurs). En terme de tranquillité publique, souligne M. Baer, le noeud du problème réside dans le fait que la Ville de Genève doit vivre et que l'on est donc confronté à une question de pondération, de pesée des intérêts, et que ce n'est pas à la police d'y répondre, sauf changement d'affectation. Les heures d'ouverture sont liées au type d'établissement et non en fonction de l'environnement, encore une fois on se trouve confronté à cette fameuse pesée des intérêts - développement culturel et économique versus tranquillité publique - et il faudrait mener une réflexion en la matière. L'Usine est un bâtiment considéré comme un site culturel, dit alternatif. Suite aux manifestations anti-OMC, les responsables ne voulaient plus de contact avec la police, en conséquence aucun îlotier n'a été véritablement affecté à la place des Volontaires pendant un certain temps. La situation, est délicate dans le périmètre de la place des Volontaires, étant donné la forte densité d'établissements publics, peu compatible il faut l'admettre avec une zone d'habitation, et dans ce petit périmètre convergent des centaines de personnes, ce qui peut attiser les conflits, bien qu'à l'intérieur de l'Usine la situation soit acceptable. Au niveau des autorisations, l'Usine est en règle pour ce qui concerne sa terrasse publique, mais un tel constat n'empêche pas qu'il y ait du bruit, une situation que connaît aussi le Bourg-de-Four. Les nuisances sonores, précise M. Brousoz, îlotier de Plainpalais, ne se limitent pas à la musique, mais aux voix aussi qui portent avec le Rhône. En conclusion, les deux intervenants signalent que le travail doit s'effectuer de concert (sic !) et que l'Usine doit s'impliquer avec la police. Force est de constater, précise le commandant, qu'une telle attitude peut heurter certaines sensibilités, mais il faudra impérativement, à l'avenir, trouver un modus vivendi si l'on entend (resic !) conserver la tranquillité publique.
Les deux établissements dont il s'occupe drainent environ mille personnes chaque week-end dans le quartier des Volontaires. M. Rufenacht concède que ce fait implique un passage continu dans les rues et qu'il en va de même pour l'Usine, chez Tonton et les autres lieux d'animation des alentours. Le directeur précise que son établissement ferme ses portes à cinq heures du matin et que le personnel fait en sorte de disperser rapidement les clients du palier de l'établissement. Si la gestion des abords du Rêve d'O est maîtrisée grâce à des barrières placées sur le quai, il n'est en revanche pas imaginable de pouvoir contenir le volume sonore dans les rues adjacentes. M. Rufenacht regrette par ailleurs que la police n'affiche pas plus sa présence, alors qu'elle pourrait contribuer à sensibiliser le public au problème en étant sur les lieux. Il réitère qu'il est prêt à discuter avec les autres personnes concernées par le problème, tout en insistant sur les efforts entrepris par son établissement pour que les soirées se déroulent dans le calme, notamment en dispersant les gens immédiatement après la fermeture, puisqu'ils disposent d'un service d'ordre à l'extérieur de trois personnes. En conclusion, la concertation entre les établissements et la Ville par exemple devrait être mise sur pied.
Après avoir été convoqués pour être auditionnés, l'Usine n'ayant pu envoyer ses représentants une première fois a envoyé une lettre explicative en lieu et place, le 13 octobre 1999, puis après discussion lors de sa réunion de gestion, a délégué les personnes indiquées ci-dessus. M. Christin observe que les activités culturelles de l'Usine ont suscité des problèmes de voisinage depuis un certain temps déjà, que le bâtiment mis à disposition par la Ville a été insonorisé et qu'actuellement l'établissement répond aux normes d'ECOTOX, avec au surplus un sas d'entrée. Le personnel veille à ce que les gens ne sortent pas avec des boissons. La fermeture obligatoire à cinq heures du matin est parfaitement respectée et n'a jamais fait l'objet d'une amende. Le regroupement des divers et multiples lieux à la mode dans ce périmètre et la très forte densité d'activité l'amène à concéder que cet état de fait puisse créer d'importantes nuisances. Quant aux résidents de l'immeuble de la rue du Tir, d'un certain standing par rapport aux autres habitations du quartier, M. Christin relève qu'ils ont aussi fait preuve de comportements particulièrement dangereux en jetant de leurs fenêtres des bouteilles sur les gens dans la rue. Cet immeuble a du reste été construit alors que l'Usine fonctionnait déjà comme lieu alternatif et ses locataires ont probablement été surpris en emménageant dans ce quartier de sa vie nocturne agitée et trépidante. En réponse à une commissaire, notre interlocuteur précise que si l'Usine a bien un service d'ordre à l'entrée, celui-ci n'effectue pas de sélection comme au Rêve d'O dont il faut être membre, et que l'Usine se veut un lieu ouvert à tous et bon marché. Par ailleurs, il signale que plusieurs mesures de bruit ont été effectuées à l'intérieur du bâtiment et qu'aucune ne dépassait les normes acceptables. La place des Volontaires a du reste été fermée à la circulation à l'initiative de l'association qui a travaillé à donner un meilleur visage à cette place, voire au quartier, avec l'objectif de lui offrir un aspect plus convivial. En ce qui concerne les problèmes de circulation et de stationnement sauvage, le porte-parole signale que la grande majorité de sa clientèle se déplace à vélo ou à pied.
En premier lieu, le débat de commission aborde à nouveau l'aspect important du dialogue et de la concertation entre tous les animateurs responsables des lieux de divertissement concentrés sur et aux alentours de ce périmètre, demande qui a été formellement suggérée à toutes les personnes auditionnées. Pour quelques commissaires de la minorité, la négociation ne suffira pas et ils se posent la question de savoir si une zone d'habitation et « d'attractions nocturnes » peut réellement coexister et s'il n'y aurait pas lieu de la déplacer à Vernier, par exemple. Le bruit et ses nuisances, pour la majorité des commissaires, suscitent de nombreuses plaintes et un certain nombre de pétitions chaque année. Sans minimiser l'inconfort et les désagréments des vociférations et de l'irrespect de noctambules éméchés, la commission constate que bien souvent la police ne constitue pas un remède miracle, que les îlotiers n'ont pas de baguette magique, mais qu'une ville vivante vit aussi la nuit, sauf à fermer tous ses établissements. Les invites de cette pétition paraissent en outre excessives pour les renvoyer au Conseil d'Etat. De fait, plusieurs immeubles ont été construits alors que le quartier était déjà une concentration de lieux festifs.
En conclusion, la majorité de la commission a opté pour le dépôt sur le bureau du Grand Conseil par 8 OUI (2 AdG, 1 DC, 1 L, 2 S, 2 Ve) contre 2 NON (2 R) et vous suggère, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de faire de même.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.