Séance du vendredi 23 mars 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 6e session - 13e séance

PL 8440
18. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les heures de fermeture des magasins (I 1 05). ( ) PL8440

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Modifications

La loi sur les heures de fermeture des magasins, du 15 novembre 1968, est modifiée comme suit :

Art. 4, lettre a (nouvelle teneur)

Art. 6 Magasins accessoires aux stations-service (nouveau)

1 Par stations-service, on entend les entreprises qui assurent la distribution de carburant, le service d'entretien, de réparation ou de dépannage de véhicules.

2 La vente, à titre accessoire, d'articles qui ne sont pas en rapport direct avec les activités mentionnées à l'alinéa 1 peut bénéficier du régime d'exception prévu par l'article 4, lettre d, dans les limites des conditions posées par le règlement, concernant la limitation des horaires de vente, de la surface de vente, ainsi que du type d'articles vendus.

Art. 9 (nouvelle teneur, sans modification de la note)

1 Sous réserve des régimes particuliers indiqués ci-après ou prévus par le règlement, et des dispositions relatives aux fermetures retardées, l'heure de fermeture ordinaire des magasins est 19 h.

2 L'heure de fermeture du vendredi est 19 h 30.

3 L'heure de fermeture du samedi est 18 h.

Art. 13 (abrogé)

Art. 14 Fermeture retardée hebdomadaire (nouvelle teneur)

Les magasins peuvent rester ouverts un soir par semaine jusqu'à 21 h.

Art. 14A Fermeture retardée en décembre (nouvelle teneur)

Pendant la période du 10 décembre au 3 janvier, les magasins peuvent rester ouverts, en plus de l'ouverture hebdomadaire jusqu'à 21 h, un soir jusqu'à 21 h 30, avec faculté de servir la clientèle jusqu'à 22 h.

Art. 15 (nouvelle teneur, sans modification de la note)

Le département, après avoir pris l'avis des associations professionnelles intéressées, désigne chaque année le jour de la semaine retenu pour la fermeture retardée hebdomadaire. Il procède de la même manière pour la fermeture retardée en décembre selon l'article 14A.

Art. 16, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Sous réserve de l'article 18 et à moins que la présente loi n'en dispose autrement, tous les magasins qui ne sont pas au bénéfice d'une disposition dérogatoire de l'ordonnance 2 relative à la loi sur le travail, du 10 mai 2000, doivent être fermés le dimanche et les jours fériés légaux.

Art. 18 (nouvelle teneur, sans modification de la note)

Le département peut autoriser, dans les limites de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964, l'ouverture des magasins à l'occasion du 31 décembre jusqu'à 17 h, lorsqu'un accord a été conclu entre les partenaires sociaux pour répondre à un besoin manifeste. Il prend acte des compensations fixées par les associations professionnelles intéressées.

Art. 2 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 3 Abrogation

La présente loi sera caduque de plein droit si l'extension du champ d'application de la convention collective-cadre dans le commerce de détail n'est pas prononcée dans un délai de six mois à compter de sa promulgation.

Préconsultation

M. Alberto Velasco (S). Madame la présidente, excusez-moi de revenir sur les interpellations urgentes, mais j'ai développé deux interpellations et je n'ai pas eu de réponse du Conseil d'Etat à la première concernant M. Kallel. J'espère qu'il le fera à la séance suivante...

La présidente. Monsieur le député, M. Ramseyer a répondu à cette interpellation alors que vous étiez absent ! Cette interpellation est close. Vous pourrez lire le Mémorial ou demander à M. Ramseyer le contenu de sa réponse...

M. Alberto Velasco. Madame la présidente, il y avait deux interpellations : l'une était adressée au Conseil d'Etat et l'autre à M. Ramseyer. M. Ramseyer a effectivement répondu aux deux, mais le Conseil d'Etat n'a pas répondu à la première. J'attends donc une réponse du Conseil d'Etat.

La présidente. Monsieur le député, le Conseil d'Etat peut mandater un de ses représentants pour répondre à une interpellation urgente. Il n'y a pas à y revenir !

M. Alberto Velasco. La réponse était incomplète ! 

La présidente. Bien ! Monsieur Godinat, vous avez la parole.

M. Gilles Godinat (AdG). Merci, Madame la présidente. Un bref rappel en préambule : les enjeux du débat, pour notre groupe, dépassent largement les enjeux syndicaux.

Effectivement, ce canton a connu un tournant depuis la votation de 1988 par laquelle le peuple avait rejeté une ouverture hebdomadaire des magasins à 22 h, à deux contre un. Peu après, en 1991, les responsables des grandes surfaces ont obtenu l'ouverture des magasins six jours sur sept, avec suppression d'une demi-journée de fermeture, dans une négociation syndicale effectivement difficile. En automne 94, suite aux propositions d'ouverture hebdomadaire, un référendum a été lancé et le peuple a tranché, autorisant une ouverture hebdomadaire à 20 h.

Nous avions à l'occasion développé dans la campagne les principaux arguments suivants qui, à nos yeux, sont toujours valables aujourd'hui. Nous sommes opposés à l'extension des horaires atypiques, car ils désorganisent la vie familiale et ils sont facteurs de stress supplémentaire, obligeant les travailleurs à s'adapter à des changements d'horaires.

Quant à l'argument de la concurrence avec la France voisine, vous le reconnaîtrez, si vous avez comme moi lu la presse récemment : il ne tient plus la route !

En examinant les chiffres relatifs à ce secteur, on peut effectivement constater, alors que l'argument de l'Entente consistait à dire que l'ouverture prolongée des magasins allait garantir l'emploi, au contraire, une baisse de 18% de l'emploi dans le secteur de la vente entre 91 et 98.

Enfin, nous avons toujours combattu l'argument de l'animation, du besoin social. Nous avons au contraire défendu une animation de la ville basée sur la convivialité et non pas sur la consommation.

Voilà pour le cadre général.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Le projet de loi qui nous est proposé est effectivement le résultat d'une négociation syndicale, et nous n'avons pas à nous prononcer sur la négociation elle-même. Nous constatons simplement que ce projet de loi ne concerne pas tous les établissements : sur les 3400 établissements recensés à Genève, en 1998, 800 sont concernés. A Genève 2570 établissements, soit 75% des établissements, comptant un à quatre employés, ne sont donc pas concernés pas cette loi et représentent 27% des emplois. Cela signifie que ces nombreuses entreprises ne sont pas concernées par ces ouvertures et que l'extension collective de travail-cadre sur laquelle nous devons nous prononcer ne couvrira pas 27% des emplois.

Il est également important de savoir qu'au lendemain de la votation le succès des nocturnes a été évalué par un sondage de l'Institut MIS-Trend en octobre 95. Ce sondage nous avait frappés : en effet, 64% de la population disaient à l'époque n'avoir jamais profité des nocturnes, 7% s'y rendaient occasionnellement et 4% seulement disaient en avoir réellement besoin.

Cet argument nous semble déterminant lorsqu'il s'agit d'un changement concernant le mode de vie. En effet, l'ouverture des magasins en nocturne ne représente pas seulement l'enjeu d'une activité économique, mais concerne - on le voit bien - l'ensemble d'un rapport social dans une ville. Et les récents enjeux sont controversés, puisque tantôt on voit une poussée en faveur de l'ouverture et tantôt un frein, comme on a pu le voir à Zurich, à Fribourg. Tout récemment, à Fribourg, l'action syndicale a effectivement permis aux parlementaires fribourgeois de renoncer à l'ouverture prolongée du samedi, comme le proposait une motion radicale. On voit donc bien qu'il y a un lien entre les revendications sur le plan syndical et le rapport de force social général. Lorsque le rapport social général...

La présidente. Monsieur Godinat, nous sommes en préconsultation, et le temps de parole autorisé est de cinq minutes...

M. Gilles Godinat. D'accord ! Je vais conclure ! Alors, pour l'essentiel notre argument, sans nier les difficultés du travail syndical dans cette branche particulière, est que nous ne pouvons pas nous limiter à enregistrer les résultats des négociations... Notre rôle est d'orienter l'ensemble de la population dans la défense de ses intérêts - de notre point de vue - par des propositions politiques claires et sans opportunisme.

C'est la raison pour laquelle nous combattrons ce projet de loi ! 

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). M. Godinat a parlé des enjeux de ce projet, alors, parlons-en !

Il serait peut-être bien de dire tout d'abord, contrairement à ce qu'a dit M. Godinat, que ce projet de loi n'est pas une extension des horaires de la LHFM. Aujourd'hui, la LHFM autorise l'ouverture des magasins jusqu'à 19 h 30, le lundi, le mardi et le mercredi, et le projet de loi qui nous occupe prévoit la fermeture à 19 h... Nous diminuons donc ces horaires le lundi, le mardi et le mercredi, et nous les augmentons effectivement d'une heure le jeudi; la fermeture reste fixée à 19 h 30 le vendredi, et nous harmonisons les horaires de fermeture à 18 h pour le samedi. Cela ne constitue donc absolument pas une extension des horaires d'ouverture des magasins !

En fait, l'enjeu, dans le cas présent, c'est le succès d'un projet qui est équilibré. Un projet qui comporte plusieurs points, dont notamment l'aménagement des horaires - je le répète, ce n'est pas une extension - qui est à même de répondre au mieux aux besoins des Genevois. C'est également et surtout l'adoption d'une convention-cadre, qui ne représente peut-être pas grand-chose, à vous entendre, mais qui permet toutefois de régler la situation de quelque cinq mille personnes dans le domaine du commerce de détail. Celle-ci leur permettra d'avoir un salaire minimum et un horaire maximum de 42 heures par semaine.

Notre groupe ne peut donc qu'être favorable à ce projet de loi, qui est le fruit d'un travail fait en profondeur par les partenaires sociaux. J'aimerais du reste souligner ici le travail des partenaires sociaux et celui du département qui a également apporté sa pierre à l'édifice, et les en remercier.

Nous renverrons ce projet de loi en commission, et nous lui réservons un accueil favorable. 

M. Gilles Desplanches (L). Il me semble utile de refaire l'historique.

La Fédération des artisans-commerçants, que j'ai présidée durant de nombreuses années, était opposée aux nocturnes. Alors, pourquoi un tel revirement ? Justement, parce que les nocturnes qui sont proposées aujourd'hui font partie d'un aménagement global ! Dans un certain sens, elles rendent service à tout le monde.

Preuve en est que les petits commerces ont accepté un régime complémentaire - M. Godinat ne m'écoute pas, mais ce n'est pas grave ! - parce qu'il permettait, Mesdames et Messieurs les députés, de mettre aussi en exergue le problème des stations-service. L'accord global permettait donc à chacun d'obtenir un service supplémentaire qu'aucun autre accord n'octroyait. Les commerces les plus petits acceptaient les nocturnes, mais, en même temps, ils arrivaient, par ce biais, à une réglementation vis-à-vis des stations-service - on peut d'ailleurs s'étonner que, dans ce plénum, personne ne s'inquiète des employés de ces stations - les grands magasins devenaient aussi plus dynamiques et les syndicats pouvaient ainsi obtenir un filet social qui n'existait pas auparavant.

M. Godinat nous dit qu'il regrette pour les petites entreprises... Mais les associations professionnelles font de monstrueux efforts pour mettre en place des conventions collectives ! Mais pourquoi avons-nous réservé ce projet aux entreprises de plus de quatre personnes ! Parce que les petites entreprises ne font pas de nocturnes ! Ce n'est pas réalisable avec quatre personnes et moins ! C'est d'ailleurs pour cette raison, que les petits commerces s'y sont opposés pendant longtemps. Or, cet accord global prend en compte les intérêts de tous, et c'est la première fois que les associations concernées arrivent à trouver un accord : les associations de petits commerçants, les grands commerçants et les syndicats ! Et il faut savoir qu'il nous a fallu plus de quatre ans pour y arriver !

Politiquement, il serait assez simple pour nous de nous y opposer, sous prétexte que nous n'avons pas participé et que nous n'avons pas apporté notre pierre à l'édifice. Toutefois, si vous voulez travailler pour le personnel, si vous voulez faire un effort pour les petits commerces, comme j'ai entendu M. Pagani le dire hier, la meilleure des choses que vous pouvez faire c'est de soutenir cet excellent projet ! 

M. Charles Beer (S). Le débat que nous devrons trancher en commission sera difficile. Les préopinants l'ont démontré par leurs arguments et les décisions qui seront prises à la fin des travaux de la commission de l'économie et, plus tard, par le plénum marqueront sans aucun doute une évolution, dans un sens ou dans un autre, des rapports économiques et sociaux dans le commerce de détail et, plus généralement, pour l'accès de la clientèle aux commerces.

Premier élément du débat que je souhaite rappeler. En terme de comparaison, Genève fait exception. En effet, le canton de Genève connaît la situation la plus contrôlée en matière d'heures de fermeture des magasins, sauf la Ville de Lausanne - je dis bien la Ville de Lausanne - qui connaît le double privilège à la fois de ne connaître aucune nocturne tout en ayant à sa périphérie des communes qui non seulement pratiquent des nocturnes plusieurs fois par semaine mais même des ouvertures le dimanche.

Pour le reste, si nous faisons des comparaisons au niveau helvétique, nous ne pouvons que constater que le projet de loi du Conseil d'Etat représente ce qu'on appelle une «déréglementation mesurée».

Deuxième élément : la protection sociale qu'il faut mettre en rapport avec cette déréglementation. Sur ce point encore, il faut constater que non seulement le canton de Genève se distingue par le fait qu'il a des conventions collectives de travail meilleures que celles des autres cantons et en terme de quantité et en terme de qualité.

Le projet de déréglementation mesurée que je viens d'évoquer accompagné du développement d'une convention-cadre, c'est-à-dire permettant par son extension la soumission de l'ensemble des entreprises comprenant au moins cinq employés, marque incontestablement un pas vers une réglementation supplémentaire et vers des acquis sociaux : le salaire minimum, l'horaire de travail, le statut...

J'aimerais mettre en exergue à cet égard un seul point : cette convention-cadre permettra, si elle voit le jour, en lien avec cette déréglementation mesurée, la suppression du contrat sur appel dans l'ensemble des commerces qui comptent plus de cinq employés.

Pourquoi ce seuil ? Pourquoi cette limite entre les entreprises de plus de cinq employés et les entreprises de moins de cinq employés ? Tout simplement parce que d'abord il s'agit d'un élément numérique. En effet, pour obtenir l'extension d'une convention collective de travail jusqu'aux mesures accompagnant la libre circulation des personnes, il conviendra bien évidemment de compter sur une majorité d'entreprises, une majorité d'emplois couverts par convention. Eh bien, force était de constater que pour les partenaires en présence, il fut impossible de descendre plus bas dans les effectifs, et, donc, plus loin dans la couverture des entreprises couvertes par la convention-cadre de travail ! C'est le premier point.

Deuxième point. Souvent, apparaît la préoccupation de la protection du petit commerce. On nous dit très souvent, à la fois en termes de qualité de services et en termes de qualité des rapports de travail, que c'est différent dans les petits commerces, car une certaine convivialité et une certaine proximité dans le service ne permettent pas exactement de se mesurer aux grands groupes. Et, dans ce sens, la limite numérique se trouve additionnée à une logique reconnue pratiquement par tout le monde : distinguer le petit commerce et lui laisser quelques avantages en termes d'atouts par rapport aux grands groupes et par rapport à la concentration que nous connaissons.

Eu égard à ces deux points, nous soutenons ce projet de loi en ajoutant néanmoins une chose - ce sera ma conclusion, puisqu'il ne faut pas dépasser les cinq minutes en débat de préconsultation - tout l'accord repose sur très exactement trois points :

- le premier point : une déréglementation mesurée. Le projet ne devra pas subir de variation;

- deuxième point : une convention-cadre qui devra être étendue;

- troisième point comme la mobilisation syndicale l'a montré : un protocole d'accord qui permette de maintenir les conventions collectives de travail existantes.

Or, aujourd'hui, d'importantes négociations sont en cours et rien ne dit que nous n'arrivions pas à une situation de conflits ou de démantèlement. Nous n'avons aujourd'hui aucune garantie à cet égard !

Forts de ces éléments, nous soutiendrons le travail qui ressortira à la fois des commissions et, également, des partenaires sociaux, en restant très attentifs au sort des vendeuses et vendeurs qui ne devront pas subir de détérioration de leurs conditions de travail avec ce projet de loi. 

M. Carlo Lamprecht. J'aimerais tout d'abord ici remercier les partenaires sociaux qui, après de longues discussions, difficiles, sont finalement arrivés à un accord le 21 décembre dernier. Cet accord donne à la fois un certain oxygène à l'ouverture des magasins et en même temps - vous l'avez dit - offre une protection sociale qui était très attendue. Cette protection sociale concerne environ sept mille personnes, et va donc améliorer leurs conditions de travail. Cela est d'autant plus important que le Tribunal fédéral a rappelé, dans son arrêt de 1997, que les dispositions de protection sociale figurant dans l'actuelle LHFM n'avaient aucune portée.

La modération de ces heures d'ouverture a été évoquée tout à l'heure, un équilibre a ainsi pu être trouvé. Je suis pour ma part très heureux que ce projet soit renvoyé en commission : je pourrai vous donner tous les détails pour que cet accord puisse être réalisé.  

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.