Séance du
vendredi 23 mars 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
6e
session -
12e
séance
M 1051-A
Le Grand Conseil, ainsi que les citoyennes et citoyens, à l'occasion de la votation constitutionnelle du 26 novembre 2000, se sont clairement prononcés en faveur de l'intégration de l'exploitation de l'Usine d'incinération des ordures ménagères et du Centre de traitement des déchets spéciaux aux Services industriels. C'est l'occasion, à travers la réponse que donne le Conseil d'Etat à la motion de M. Bernard Clerc, de rappeler les principaux événements ayant jalonné ces dernières années l'histoire de l'usine des Cheneviers.
Valeur début 1996.
Ce problème est traité dans le cadre de la réalisation du projet « DENOX », loi d'investissement du 24 avril 1998.
Valeur début 1996.
Débat
M. Bernard Clerc (AdG). Je voudrais juste poser à M. Robert Cramer une question complémentaire à ce rapport. Vous indiquez à la page 7 les conditions dans lesquelles le chef de ce service a quitté l'Etat. Vous parlez du plend. Pouvez-vous me certifier qu'il n'y a eu, parallèlement à la prise du plend, aucune indemnité versée ?
M. Claude Blanc (PDC). Je peux vous certifier le contraire ! Pour reprendre la genèse de l'histoire, il est vrai que des divergences sont apparues à l'époque entre la direction du département et le chef de la division du traitement des eaux et des résidus.
Il y a effectivement eu un audit de la station des Cheneviers. Mais il faut dire que le directeur de la station a demandé, à la suite de cet audit, à être entendu, parce qu'il avait constaté que l'audit arrivait à certaines conclusions qui étaient contraires à la législation fédérale, notamment à l'ordonnance sur la protection de l'air. Il estimait qu'il ne pouvait pas laisser passer un audit dont certaines conclusions n'étaient pas légales. Il a donc demandé à pouvoir être entendu afin de compléter l'audit. La réponse a été une conférence de presse du conseiller d'Etat responsable de l'époque qui a annoncé que le fonctionnaire en question était immédiatement remercié en raison de divergences de vues. Ce qui a évidemment provoqué un tollé dans la presse.
A l'époque, nous avions, mes collègues Vaudroz, Duvillard, Lorenzini et moi-même, déposé une motion, motion qui revient aujourd'hui devant nous. A la suite de tout cela, un processus de défense s'est engagé. M. Lancou a été nanti d'un avocat qui lui a été fourni par le groupe des hauts fonctionnaires de l'administration. Cet avocat n'était autre que Me Jacques-André Schneider, mon ami et néanmoins ancien député écolo. Comme je m'intéressais particulièrement à ce problème, j'ai demandé à M. Lancou de bien vouloir délier son avocat du secret professionnel à mon égard. J'ai ainsi pu tout savoir. Compte tenu du tollé provoqué dans la République, l'Etat s'est fait tout petit. Si petit qu'il a admis une belle somme. Me Schneider m'a dit qu'il n'aurait jamais osé en demander autant ! (Rires.) Cela fait pas loin de 450 000 F !
Une voix. Mince, alors ! Qu'est-ce que j'ai fait ! (Rires.)
Une autre voix. T'es un naïf, toi !
M. Claude Blanc. Ça faisait donc pas loin de 450 000 F ! Mais ce qui est plus rigolo, c'est que cette somme est découpée en six tranches ! On va chercher à gauche et à droite des vacances déjà prises, mais quand même payées, etc. On a réparti le « bidule » de manière qu'il n'apparaisse nulle part une somme de cet ordre. Ce sont les procédés que l'on utilise pour se débarrasser d'un haut fonctionnaire dont on n'a plus envie et qui s'est permis de dire, à propos de certains points d'un audit que l'on a demandé à son sujet, qu'il y avait des choses qui ne lui convenaient pas, qui ne convenaient même pas à la législation fédérale. Voilà le résultat des courses ! Je sais fort gré à M. Cramer d'avoir eu autant de délicatesse vis-à-vis de son prédécesseur, mais les événements récents me font penser que cette délicatesse n'était pas tout à fait désintéressée ! Si M. le conseiller d'Etat Ramseyer a pu dire hier au sujet d'un directeur de prison qu'il avait confié une mission à des chasseurs de têtes, je crois que l'on a plutôt besoin, au département de l'intérieur, anciennement occupé par M. Heagi et actuellement par M. Cramer, de coupeurs de têtes, parce que l'on continue à couper les têtes ! Un haut fonctionnaire, bien que compétent et remplissant consciencieusement son travail, doit en plus penser juste. S'il ne pense pas juste, on lui coupe alors la tête ! Voilà les méthodes en cours au sein de ce département ! Elles l'étaient autrefois, elles le sont malheureusement toujours. Je le regrette beaucoup ! (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). Je ne veux pas me prononcer sur le dernier cas évoqué par M. Blanc, si ce n'est pour dire qu'il me paraît fondamentalement différent de déplacer quelqu'un tout en continuant à lui donner des fonctions que de procéder comme le gouvernement monocolore l'a fait pendant quatre ans avec un certain nombre de collaborateurs. L'affaire de M. Lancou est lamentable, parce que le Conseil d'Etat s'est privé, je tiens à le dire, d'un collaborateur de tout haut niveau qui n'hésitait effectivement pas de temps en temps à donner son opinion, qui était très direct et très chaleureux. On a besoin de gens qui ne se gênent pas d'exprimer leur avis, ce qui, Monsieur Blanc, n'a pas empêché le collaborateur - M. Lancou - d'être toujours d'une fidélité exemplaire. Je tiens à le dire puisque j'ai eu l'occasion de travailler douze ans avec lui, un homme d'une très grande compétence qui jouait un rôle essentiel dans le fonctionnement de l'usine des Cheneviers. Je pense que l'on aurait peut-être eu moins de problèmes ces derniers temps si M. Lancou n'avait pas été remercié d'une façon aussi lamentable !
M. Bernard Clerc (AdG). Je ne regrette pas du tout d'avoir repris au pied levé cette motion du parti démocrate-chrétien qui soutenait en fait l'un des siens. Je suis par contre un peu étonné aujourd'hui parce que vous avez retiré cette motion, alors que j'imagine que vous étiez déjà, à l'époque, comme moi au courant que des indemnités... (L'orateur est interpellé.) Vous faites aujourd'hui comme si vous étiez la personne qui joue la transparence et qui met tout sur la table. Le problème, c'est que si je n'avais pas repris cette motion à mon nom, nous n'en saurions rien aujourd'hui, Monsieur Blanc ! Je vous remercie donc d'avoir été à l'origine de cette motion, mais je ne vous remercie pas de jouer aujourd'hui le preux chevalier blanc, parce que vous étiez prêts à enterrer l'affaire et à mettre sous silence ce montant de 450 000 F ! Ce n'est pas par hasard que j'ai posé directement la question à M. Cramer. Je me réjouis d'entendre maintenant sa réponse !
La présidente. Il y a encore M. Blanc avant la réponse de M. Cramer !
M. Claude Blanc (PDC). Je remercie aussi M. Clerc d'avoir repris la motion au bond ! Dès l'instant où les faits que je viens de mentionner étaient parvenus à notre connaissance, nous aurions vraiment eu mauvaise grâce à continuer avec cette motion. Me Schneider m'a dit de la boucler et de me faire tout petit... (Rires.) Et puis voilà ! Lorsque vous avez repris cette motion, je me suis dit que nous avions bien fait... (Rires.) Il faut voir les choses comme elles sont ! C'est M. Clerc qui l'a reprise et l'on obtient aujourd'hui la réponse à la motion de M. Clerc, mais je considère qu'il s'agit de la réponse à ma première motion ! (Rires.) J'en suis très heureux ! Tout est bien qui finit bien ! Enfin, tout est bien qui finirait bien si les choses ne continuaient pas !
M. Robert Cramer. Tout d'abord, Monsieur Clerc, je n'ai strictement rien à ajouter à cette réponse circonstanciée que vous a faite M. Blanc. Il m'a appris beaucoup de choses sur des événements qui se sont déroulés à une époque où je n'étais pas là. Je dois dire que tous les détails de ces dédommagements financiers m'étaient inconnus, en tout cas inconnus avec cette précision. M. Blanc a pu vous dire plusieurs choses, puisqu'il a apparemment bénéficié d'une levée du secret professionnel, que j'ignorais tout simplement pour n'avoir été ni acteur, ni témoin de tout ce dont on parle ici.
Je me proposais de remercier M. Blanc au fur et à mesure que je l'entendais donner toutes ces précisions intéressantes au Grand Conseil, si ce n'est que in cauda venenum, mais cela aurait été étonnant autrement. M. Blanc aurait failli à sa réputation s'il n'avait pas terminé sur un propos piquant. C'est amusant, mais ça n'a strictement rien à voir avec la situation dont parle cette motion. Vous devez quand même supporter l'idée, Mesdames et Messieurs les députés, que les conseillers d'Etat en charge d'un département puissent de temps en temps confier des fonctions et des attributions différentes à leurs collaboratrices et à leurs collaborateurs. Passer vingt ans à faire la même chose, c'est un beau bail. A un moment donné, il peut être adéquat pour le service public que d'autres missions soient confiées aux gens. C'est à cela que fait allusion M. Blanc. Mais cela n'a strictement rien à voir avec le fait de se séparer d'un collaborateur, ce qui est une toute autre démarche qui implique de toutes autres conséquences, comme on l'a vu !
M. Bernard Clerc (AdG). Je voudrais quand même relever un certain nombre de choses. Tout d'abord que ce rapport est un rapport du Conseil d'Etat et pas de M. Cramer. Première chose. Deuxième chose, lorsque j'ai repris cette motion, j'ai ajouté la dernière invite : « A l'informer sur les modalités légales et financières ayant mis fin à ce conflit de travail » Or, le Conseil d'Etat ne me dit qu'une partie de la vérité. A la page 7, il nous parle du plend. Mais, à aucun moment, il ne dit un mot sur le montant des indemnités qui aujourd'hui, nous le savons, se sont montées à 450 000 F. J'estime que c'est cacher la vérité au Grand Conseil. Et pas seulement au Grand Conseil, mais en l'occurrence aussi à la population. Je terminerai simplement en faisant remarquer que l'on ne se gêne pas, lorsqu'il s'agit du licenciement de hauts cadres de l'Etat, de dépenser plusieurs dizaines et en l'occurrence plusieurs centaines de milliers de francs pour les dédommager, alors que l'on ne prend pas autant de gants lorsqu'il s'agit de licencier des nettoyeurs de l'hôpital ou du personnel subalterne !
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.