Séance du
vendredi 23 mars 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
6e
session -
12e
séance
PL 8365-A
La Commission de l'environnement et de l'agriculture a examiné ce projet au cours de trois séances, les 2 et 9 novembre et le 21 décembre 2000, sous les présidences successives de Mme Geneviève Mottet-Durand et de M. Luc Barthassat.
Ce projet de loi a pour but de doter le canton de Genève d'un Agenda 21, suivant ainsi les recommandations adoptées par 181 Etats au Sommet de la terre, à Rio, en 1992. Il s'agit d'un premier pas en vue de participer, comme s'y est engagé notre pays, à la promotion d'un développement durable.
Un développement est durable s'il répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire leurs propres besoins.
C'est donc dans une action d'envergure mondiale que s'inscrit ce projet, mais de manière concrète et en pratiquant la politique des petits pas, comme le veut notre tradition. Cette vocation, et sa manière très pragmatique de procéder, démontrent en réalité une volonté ferme d'aboutir qui fait toute la valeur de cette démarche.
Le Conseil d'Etat avait chargé la Société pour la protection de l'environnement d'élaborer un premier projet, intitulé « Rapport de Synthèse ». Ce dernier a fait l'objet d'une très large consultation, puis d'un rapport du groupe de travail interdépartemental sur l'Agenda 21 constitué à cette occasion.
La consultation - qui a duré deux ans - a démontré que l'Agenda 21 suscitait autant d'attentes de certains côtés que de méfiance inquiète d'autres milieux. Soucieux d'adopter une démarche consensuelle qui permet de dépasser les blocages, le gouvernement a décidé de renoncer à la multiplicité d'actions diverses proposées par la SPE pour en choisir un nombre restreint qui soient très réalistes, en retenant pour une première étape sept volets d'action.
Il a également choisi d'adopter une démarche interdépartementale, les différentes actions relevant de la responsabilités engagée des départements concernés.
Dans sa présentation du document, M. Robert Cramer, chef du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (DIAEE), précise que la première partie de cette loi fixe des principes pour un certain nombre d'années, tandis que la deuxième partie devra être adaptée tous les quatre ans (à partir de l'article 9).
Selon lui, ce projet de loi est intéressant puisqu'il permet un débat public régulier. Genève sera ainsi le premier canton où le parlement choisira le contenu de l'Agenda et décidera des actions à mener.
La première année de chaque législature, il faudra le réactualiser pour proposer un programme d'action pour les dernières années de la législature. C'est en 2002 déjà qu'il faudra l'adapter.
M. François Brutsch, secrétaire adjoint, retrace la genèse de l'Agenda 21 du Sommet des Nations-Unies sur l'homme et l'environnement à Stockholm en 1972, au Sommet de la terre qui devra se réunir en 2002 dans un lieu non encore fixé.
Il précise que la notion de développement durable est maintenant admise et que les Etats se sont engagés à oeuvrer désormais dans ce sens.
Cependant, jusqu'à présent, il y avait, d'un côté l'économie et ses exigences et de l'autre, les préoccupations écologiques. On s'aperçoit désormais que le développement durable n'est possible que si tous les partenaires en tiennent compte dans leurs activités, leurs projets et leurs choix. Il faut donc tenter de concilier développement économique et protection de l'environnement.
Il rappelle aussi le cheminement des autorités pour en arriver à dresser cet agenda. Tout est parti d'une motion du Grand Conseil, votée en 1996, pour en arriver à un rapport résumant le travail de la Société pour la protection de l'environnement (SPE), rapport qui a fait l'objet d'un rapport de synthèse. « Un agenda 21 pour Genève : 21 propositions pour entrer dans le XXIe siècle ». Le Conseil d'Etat a soumis ce rapport à une vaste consultation et désigné un groupe de travail interdépartemental pour analyser les résultats et lui soumettre des propositions. Le rapport du groupe de travail, Organiser la convergence des politiques publiques vers un développement durable, a été rendu public en avril 2000 avec les orientations retenues par le gouvernement et sur la base desquelles le présent projet de loi a été élaboré. Ce projet répond à la motion du Grand Conseil disant « Développement durable : Genève doit montrer l'exemple ».
M. Cramer renvoie au document « Un Agenda 21 pour Genève », où figure la liste impressionnante des personnes qui ont été interviewées. Il souligne qu'après avoir pris la température de toute une série de milieux, le rapport a également fait l'objet d'une enquête publique.
En ce qui concerne les propositions non retenues, elles demeurent dans le rapport qui restera une référence. Ces propositions pourront également être reprises par d'autres collectivités, les communes, par exemple. De toute manière, il espère bien que l'entier de la réflexion ne devra pas être repris dans deux ans.
M. Brutsch explique qu'il était impossible de faire 21 propositions. Sept ont été retenues soit sur la base de critères très stricts, soit très ponctuels. Il souligne que parmi les 21 propositions de la SPE, certaines relèvent purement de la société civile. Enfin, les 7 propositions retenues relèvent principalement d'actions transdépartementales.
Le préambule amendé est le suivant :
vu le programme d'action pour le XXIe siècle (Agenda 21) adopté par la Conférence des Nations-Unies sur l'environnement et le développement à Rio en juin 1992 ;
vu l'article 73 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 ;
vu l'article 160 B de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847, décrète ce qui suit :
Vote : Ce préambule est adopté à l'unanimité.
La fin du premier paragraphe est complétée par les termes « de satisfaire leurs propres besoins », en reprenant les termes de la Conférence de Rio, dans un but de clarification (unanimité moins une abstention).
Dans le deuxième paragraphe, le terme « rééquilibrage » est remplacé par « l'équilibre durable ».
Vote : L'article 1 est adopté à l'unanimité.
Vote : L'article 2 est adopté à l'unanimité.
M. Cramer insiste sur le fait que l'article 3 est un des noyaux de la loi. Un bilan sur les actions engagées et des propositions pour la suite doivent être présentés à chaque début de législature. De plus, le Grand Conseil gardera toujours le contrôle des actions en les encadrant par un projet de loi. Ces dispositions ont été choisies en vertu de l'idée que le développement durable doit se construire sur l'accord du plus grand nombre.
Vote : L'article 3 est adopté à l'unanimité.
Il est proposé de rajouter à la fin « conformément aux concepts cantonaux en vigueur », modification adoptée à l'unanimité.
Vote : l'article 4 est accepté à l'unanimité.
Vote : l'article 5 est accepté à l'unanimité.
Cet article suscite la controverse.
Certains commissaires remettent en cause le fait de désigner d'ores et déjà dans la loi le Conseil de l'environnement.
Un commissaire préfère parler d' « organisme indépendant », sans autre précision. Un autre insiste pour que l'on ajoute au moins organisme indépendant « existant », afin d'éviter la création d'une nouvelle structure.
Le conseiller d'Etat précise que le groupe de travail interdépartemental avait pensé au Conseil économique et social pour remplir cette mission. Cette idée a cependant été abandonnée, vu la situation actuelle précaire de cet organisme, dont l'existence même est actuellement remise en cause. Un commissaire proteste contre cette mention du Conseil de l'environnement, arguant qu'éliminer la possibilité du CES équivaudrait à retirer toute raison d'être à ce dernier et le condamnerait à disparaître.
La question, résume M. Cramer, est de savoir s'il faut préciser que le Conseil d'Etat fait appel à un organisme indépendant ou mentionner expressément que cet organisme est le Conseil de l'environnement. En l'état, la question se pose évidemment de savoir ce que deviendra la mission du Conseil économique et social.
M. Cramer ne s'oppose pas à l'une ou à l'autre des propositions. Actuellement, c'est lui qui préside le Conseil de l'environnement. Si cet organisme est mentionné, il devra renoncer à la présidence, mais cela ne le gêne pas. Ce conseil a les caractéristiques d'une commission consultative. Quant au Conseil économique et social, il existe et se cherche une nouvelle vocation.
De toute manière, tout cela pourra être rectifié dans deux ans sur la base de l'expérience. Cela sera régi par un règlement, ce qui est simple à modifier.
Un commissaire estime qu'il faut laisser une chance au Conseil économique et social de retrouver une vocation, c'est pourquoi il plaide en faveur d'un « organisme indépendant ». D'ailleurs le Conseil de l'environnement compte trop de spécialistes de l'environnement et pas assez de représentants d'autres secteurs, notamment du monde syndical.
Un autre commissaire estime que rien n'empêche d'inclure dans le Conseil de l'environnement des représentants du monde syndical. Selon lui, le fait que le Conseil de l'environnement comprenne beaucoup de spécialistes n'est pas un défaut, bien au contraire. Il estime qu'il faut s'appuyer sur des gens compétents. C'est sur la base de leurs données qu'il faudra faire un effort de vulgarisation. Il ajoute que ce projet de loi n'est pas fait pour sauver le Conseil économique et social.
M. Cramer rappelle qu'actuellement le Conseil de l'environnement compte 16 membres. Sa composition pourra être élargie jusqu'à 20 ou 22 membres pour inclure des représentants du monde du travail. Mais en faisant un tel choix, les députés coupent l'herbe sous les pieds du Conseil économique et social. Si le groupe de travail qui s'est réuni pour Agenda 21 a pensé au Conseil économique et social, c'est pour lui donner une raison d'exister. Pour le maintenir, la meilleure chose est de lui confier de nouvelles tâches.
M. Cramer est d'avis que les deux variantes se défendent et se valent. Les spécialistes du Conseil de l'environnement valent les membres du Conseil économique et social issus de la Chambre de commerce, des associations de la protection de la nature, de l'Université, des syndicats, etc. Ces personnes ont été désignées parce qu'elles sont reconnues par les milieux qu'elles représentent.
Une commissaire pense que ce qu'on attend de cet organisme, c'est de la vulgarisation, pour amener la population à participer à la réalisation du développement durable, et non pas du travail de spécialistes de l'environnement. Ce qui comptera, c'est le dynamisme et la motivation des personnes que l'on chargera de cette tâche. Il ne faudrait donc pas se montrer trop précis et restrictif dans la loi.
Finalement, au vote et en deuxième lecture, c'est la version « Conseil de l'environnement » qui l'emporte par
Précisons que le titre de l'article 6 est devenu « concertation », et qu'un alinéa 2 lui est ajouté pour définir les attributions du Conseil de l'environnement dans le cadre de cette loi.
La variante suivante est discutée et finalement retenue :
Vote : l'article 7 est approuvé à l'unanimité.
Un commissaire est réservé face à l'idée des prix, dans l'art. 8, al. 2. Il propose la suppression du deuxième alinéa.
Une commissaire estime, au contraire, que les prix peuvent constituer une stimulation et créer l'événement.
D'ailleurs, dans l'économie, remarque un commissaire, il existe beaucoup de bourses. Il serait positif d'en avoir plus dans le domaine de l'écologie.
M. Brutsch explique que le but des prix est de trouver l'appui de la société civile. Un thème serait choisi chaque année et encouragerait la réalisation d'un projet allant dans ce sens. Il faudra aussi différencier les projets finis et ceux en cours de réalisation. M. Cramer ajoute qu'un concours permettrait de créer de la publicité autour du développement durable.
Certains commissaires annoncent qu'ils s'opposeront à cet article si l'on y fait mention du Conseil de l'environnement, pour les raisons exprimées lors de la discussion sur l'article 6.
M. Cramer rappelle que les articles 9 à 15 sont consacrés aux 7 actions retenues. La responsabilité de la réalisation de ces actions n'incombera pas à un département spécifique, mais au Conseil d'Etat. Un comité interdépartemental s'occupe de suivre la manière de travailler des départements. Le Département de l'environnement s'adresse aux départements responsables d'une action spécifique pour s'informer de l'avancement des travaux.
Le chef du DIAE annonce que son département est déjà à la tâche, notamment avec l'Economat cantonal et avec les services concernés par la gestion des déchets. Ensuite il y aura des coordinations interdépartementales au sujet des normes à respecter, en particulier pour l'achat de photocopieuses, de véhicules, etc. Ces normes feront l'objet d'instructions données aux responsables des achats dans les divers départements.
M. Cramer souligne, en outre, qu'en adoptant ce projet de loi le Grand Conseil donne des directives strictes au Conseil d'Etat et à l'administration. Mais ce projet n'implique pas de conséquences financières chiffrées. Si certaines mesures engendrent des dépenses particulières, elles feront l'objet d'un projet de loi ou d'une ligne budgétaire spéciale.
Il indique que des études allant dans ce sens ont déjà été réalisées par la Confédération et par certains Etats. Le but de l'opération n'est pas de tout recommencer mais de s'inspirer d'expériences qui se sont révélées concluantes à l'usage.
Un commissaire demande quel département prendra les décisions et si chaque département devra donner son avis.
M. Cramer répète que les décisions seront du ressort du Conseil d'Etat. Les propositions seront faites par un groupe de travail interdépartemental en ce qui concerne les déchets par exemple. Dans le groupe de travail, il y aura des représentants des chantiers, des écoles, de l'administration, des cantines, etc. Ces personnes émaneront du DASS, du DAEL, du DIAE, de l'Economat, notamment. Les directives seront avalisées par le Conseil d'Etat.
M. Cramer précise que son rôle sera de s'assurer que le groupe de travail se réunit. Ensuite, quand les directives seront disponibles, c'est lui qui demandera au Conseil d'Etat de les avaliser. C'est donc le Conseil d'Etat qui décide et le DIAEE qui coordonne.
Vote : L'Art. 9 est accepté à l'unanimité.
Une commissaire se demande si cet article ne devrait pas faire partie des dispositions générales.
M. Cramer explique qu'il appartient à l'Etat de mettre à disposition de la collectivité des indicateurs sur le développement durable. Il est nécessaire que tous les partenaires de cette politique disposent d'outils d'appréciation. En clair, l'Etat a demandé à des spécialistes de lui fournir ces indicateurs. A l'Etat de les diffuser pour inciter d'autres milieux à suivre ce chemin. Il doit donc y avoir un effort d'information à ce propos.
Les commissaires décident de préciser que la diffusion doit être « la plus large ».
Vote : L'article 10 est adopté à l'unanimité.
Une commissaire se félicite de cette disposition ayant trait à la formation des enseignants. Il est indispensable que ces derniers soient méthodiquement formés à l'importance du développement durable, afin de le transmettre aux jeunes. Il lui semble cependant que le DIP pourrait aller plus loin dans ce domaine et que l'article pourrait être plus étoffé.
M. Cramer répond que cette loi fera l'objet d'un rapport en 2002. Pour cela, la collaboration de tout le monde est nécessaire. Pour l'heure, il pense qu'il n'est pas souhaitable d'aller au-delà de ce que le DIP a accepté.
Vote : L'article 11 est accepté à l'unanimité.
M. Cramer précise qu'il ne sera sans doute pas possible de créer à Genève, dans les deux ans, un écosite. Un écosite est la mise en route d'un système où les déchets d'une production permettent de redémarrer une nouvelle production. Le système n'est pas nouveau à Genève. Aux Cheneviers, par exemple, la chaleur produite par l'incinération des déchets est utilisée pour chauffer tout un quartier.
L'objectif est d'essayer d'avoir un écosite à Genève dans les meilleurs délais.
Vote : L'article 12 est adopté à l'unanimité.
M. Cramer explique que l'exclusion peut prendre une forme paradoxale. Il y a des milliers de personnes qui ne trouvent pas d'emploi et qui sont « en rade » alors que par ailleurs on refuse des permis de travail.
Vote : L'article 13 est adopté à l'unanimité.
Un commissaire demande si l'Etat pourrait participer en tant qu'entité à ce réseau.
M. Cramer répond que c'est possible.
Une commissaire demande de préciser le lien qu'il peut y avoir entre ce réseau et le développement durable.
M. Cramer dit qu'il s'agit de prévention. Mieux vaut prévenir que guérir !…C'est une vision de la santé qui passe par la prévention plutôt que par les soins. Il cite à titre d'exemple la « fourchette verte » pour manger des aliments sains...
Vote : L'article 14 est adopté à l'unanimité.
Les commissaires estiment que la mention de tiers monde est superflue.
M. Cramer accepte cette remarque.
L'article 15 est rédigé ainsi :
Vote : L'article 15 est adopté à l'unanimité.
Vote : L'article 16 est adopté à l'unanimité.
Vote : L'article 17 est adopté à l'unanimité.
Au vu de ses travaux, de la longue concertation qui les a précédés dans tous les milieux, du consensus très large qui a pu être acquis.
Au vu de l'importance que revêt pour Genève, solidaire de l'ensemble des citoyens du monde, un pas de plus vers un développement durable.
La Commission de l'environnement unanime vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.
Premier débat
Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), rapporteuse. J'aimerais exprimer une très grande satisfaction du fait que ce projet de loi a été accepté à l'unanimité par la commission de l'environnement. Cette unanimité découle certainement de la large et longue concertation qui a eu lieu dans tous les milieux et qui a ainsi abouti à un large consensus. Cette unanimité découle aussi de la nouvelle prise de conscience que l'on observe dans tous les milieux de la nécessité d'appliquer les principes de développement durable. Ceci est un peu nouveau. On entendait en effet encore récemment parler, au sujet du développement durable, de grand principe vague, de phénomène de mode, de concept mis à toutes les sauces. En réalité, ces qualificatifs étaient une véritable antinomie, puisque la mode a, par définition, quelque chose de passager et qu'elle est destinée à passer. Or, dans le développement durable, il y a bien sûr le mot « durable ». Un développement n'est acceptable que s'il est durable.
Cette définition comprend deux concepts qui lui sont inhérents. Celui des besoins, plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à qui il convient d'accorder la priorité absolue. Deuxièmement, l'idée que la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir est limitée par l'état de nos techniques et de notre organisation sociale. Cette définition vient du rapport Brundtland.
Ces définitions évoquent un grand nombre d'objectifs, notamment la nécessité de concilier la satisfaction des besoins de la génération actuelle et des générations futures en tenant compte de la limitation des ressources disponibles, de combattre la pauvreté, de préserver les ressources naturelles et la biodiversité. Nous retrouvons les prémices de ces notions dans le projet genevois d'Agenda 21.
Le développement durable ouvre de nouvelles perspectives pour intégrer dans les activités humaines le respect du milieu naturel. Il marque la volonté de rendre compatible les dimensions économiques, écologiques et sociales de chaque décision. Il impose l'examen préalable des conséquences possibles de décisions individuelles et collectives sur l'environnement et sur la communauté, de même que sur les particuliers. Il donne la priorité à la précaution et à la prévention, plutôt qu'à la réparation. En effet, lorsqu'un développement économique est incompatible avec l'environnement et n'est pas corrigé à temps ou l'est trop tardivement, les instabilités écologiques en résultant auront à terme des répercussions négatives sur la santé du système économique lui-même et en conséquence sur la qualité de vie et la cohésion du système social.
Certes, il reste beaucoup à faire pour que la logique du développement durable s'impose et devienne opérationnelle. La mise en oeuvre du développement durable est subordonnée à la participation de la population, à la discussion par ses représentants et par les mouvements associatifs, à l'instauration d'une nouvelle citoyenneté. L'Agenda 21 que nous avons ici ne constitue qu'un premier pas dans cette mutation. Mais le premier pas, si c'est celui qui coûte, est aussi celui qui entraîne les nombreux suivants, du moins que nous espérons nombreux. D'ailleurs, le véritable développement durable concerne non seulement un catalogue limité d'actions, mais la prise en compte de la durabilité dans tous les domaines de l'action publique. C'est ce qui est contenu à l'article 9, qui concerne le système de management environnemental de l'Etat. Mieux encore, les garants de cette durabilité sont, dans ce projet de loi, non seulement un organe désigné, mais l'ensemble du Grand Conseil et l'ensemble du Conseil d'Etat. Ce n'est pas un hasard si cette importante notion est comprise dès le début de ce projet, à l'article 3. Concertation, négociation, accord de chacun, c'est tout un programme et chacun doit y participer.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Notre ordre du jour est composé d'un grand nombre de points et chaque point est certainement important. Mais peut-être que celui-ci est aujourd'hui l'un des plus importants. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'un débat de société, sur notre société et sur notre développement. Je me réjouis de voir qu'il y a eu un appui unanime de la commission sur ce point. J'espère que cet appui unanime sera à nouveau concrétisé par ce parlement !
J'insiste peut-être sur un aspect par rapport à cet agenda 21 ou développement durable pour en avoir discuté longuement avec certains communiers. Je m'aperçois que beaucoup de gens n'ont pas tout à fait saisi et compris ce que cela veut dire et craignent qu'il ne s'agisse que d'un rapport qui finira au fond d'un tiroir ou qui va servir à certains intellectuels pour discuter et réfléchir à un avenir peu concret. Je crois que nous avons là un devoir, l'Etat a un devoir d'intervenir, notamment auprès des communes et auprès de toutes sortes d'organismes qui sont impliqués par le biais économique, social ou environnemental, pour faire comprendre que notre société a aujourd'hui changé que nous voulons un développement durable qui soit concret et réaliste. L'article 7 de cette loi propose d'ailleurs des agendas 21 communaux.
Lorsqu'on regarde un petit peu ce qui se passe en Suisse, on s'aperçoit que des communes suisses-alémaniques ont déjà créé leur propre Agenda 21 et qu'il existe une mise en réseau de ces Agendas 21. On pourrait rêver que les communes genevoises, en plus de l'Agenda 21 de l'Etat, soient aussi encouragées à concrétiser chacune leurs propres Agendas 21. Imaginons ainsi la cohérence que pourraient relever toutes ces actions concrètes de développement durable, avec l'appui de l'Etat bien entendu, et tout ce que l'on pourrait en tirer de bénéfique !
Je vous cite un exemple. Nous avons décidé, dans une commune du canton, de créer un quartier pour 3 000 habitants environ. Les plans ont été magnifiquement tracés par les architectes. On a bien entendu fait quelques allusions à l'environnement. Toutefois, lorsqu'on regarde d'un peu plus près les bâtiments qui commencent à se construire, on s'aperçoit qu'il manque tout l'aspect social. On a oublié les locaux pour les jeunes, on a oublié les locaux pour les associations. En terme d'environnement, on n'a pas tellement pensé non plus à tout ce qui pourrait se produire. On a bien fait passer le bus quelque part, mais on a oublié tout ce qu'il allait entraîner. On ne peut que regretter qu'il n'existe pas, déjà à ce niveau-là, un Agenda 21 qui nous aurait certainement permis de disposer d'une étude plus complète sur ces trois dimensions qui sont, encore une fois, l'environnement, le social et l'économique. Ainsi, au lieu de courir aujourd'hui après pour corriger ces plans directeurs, on aurait pu élaborer des plans directeurs optimisés, au goût du siècle d'aujourd'hui.
C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous encourage vivement à apporter votre soutien et surtout à en parler. Puisque nous sommes tous ressortissants de communes, intervenez aussi dans vos communes, pour que l'on puisse très vite bénéficier d'un Agenda 21 cantonal et d'un nombre important, voire d'une totalité d'Agendas 21 communaux !
M. Alain Etienne (S). Ce projet de loi est important pour Genève. Il s'agit en effet de créer une base légale pour que le développement durable se concrétise enfin localement.
Que de chemin parcouru depuis la première motion votée en 1996 ! Je pense également à l'important travail effectué par la SPE. Cette loi va en effet favoriser la participation de la société civile dans ce débat. La loi implique qu'elle soit revue au début de chaque législature. Nous pourrons donc débattre régulièrement du développement durable et voir ce qui se fait réellement.
Tout le monde semble s'accorder pour dire qu'il faut mettre en place le développement durable, mais je constate que les choses se compliquent lorsqu'il s'agit de le mettre en application. Dans son rapport, Mme Dallèves-Romaneschi a parlé de consensus et de politique des petits pas. Je crois plutôt que le développement durable est une affaire très politique. Il n'y a qu'à voir les propos recueillis par exemple lors de la consultation sur le concept de la protection de l'environnement ou encore les débats sur la place de l'Agenda 21 dans ce concept.
Nous avons effectivement beaucoup parlé de l'article 6 sur l'organisme indépendant. Je ne voudrais pas polémiquer, mais plutôt exprimer quelques regrets. J'aimerais tout d'abord signaler que l'Alternative était minoritaire en commission. Dans ce contexte, je regrette que le consensus n'ait pas été respecté tout au long de nos débats et que la proposition d'un organisme indépendant n'ait pas été retenue par la commission. J'aimerais rappeler que l'organisme indépendant était une proposition du Conseil d'Etat dans le projet initial. Je regrette que la proposition du Conseil de l'environnement ait été reprise. Créer un organisme indépendant ne veut pas dire créer un nouveau « machin » comme cela a été dit. Le développement durable mérite bien un événement particulier... Je salue l'arrivée de M. Dupraz ! (Rires.) Cela m'aurait gêné que M. Dupraz manque ce débat !
Pour ma part, le Conseil de l'environnement doit s'en tenir aux tâches qui lui sont fixées, à savoir accompagner le département dans sa mission. Le travail ne manque pas. Laissons-lui sa disponibilité actuelle ! Pour l'instant, j'y vois plusieurs inconvénients. Le Conseil de l'environnement n'est pas indépendant, puisqu'il dépend du DIAE. Il manque la représentation du monde syndical.
Je suis aussi surpris. Il a en effet été dit à plusieurs reprises sur les bancs d'en face, dans le cadre du concept de protection de l'environnement ou du débat sur le travail de la SPE, que le développement durable était trop connoté environnement. Je suis donc surpris que les députés de l'Entente aient fait cette proposition du Conseil de l'environnement dans ce cas précis. J'ai un peu l'impression que l'on joue la prudence et que l'on ne veut pas prendre trop de risques en proposant un organisme existant. J'ai le sentiment que la prudence a marqué les débats de la commission. Je pense cependant que le développement durable mérite plus de volontarisme. Les socialistes restent convaincus qu'il faut créer, à l'occasion de cette loi, un nouvel organisme. C'est pourquoi nous nous sommes abstenus en commission au vote final. Nous vous proposons un amendement à l'article 6 et nous vous demandons de revenir au texte initial en mentionnant les trois composantes du développement durable.
Mme Janine Hagmann (L). Très brièvement, parce que je n'ai pas participé aux travaux de cette commission. Ce n'est pas parce qu'il y a peu de gens sur nos bancs qu'il faut croire que nous ne sommes pas intéressés par ce sujet. Bien au contraire ! C'est un sujet qui revêt une grande importance. Comme l'a dit M. Mauris, lorsqu'on a la chance d'être à la tête d'une commune, grâce à ce projet de loi on a quelque chose en main qui nous permet d'avancer; c'est un bon outil !
Merci, Madame la rapporteuse, d'avoir précisé qu'il fallait faire des petits pas pour que tout le monde comprenne l'importance de ce sujet. M. Mauris a cité un exemple provenant de sa commune. Je voudrais aussi dire que nous avons, dans notre commune de Vandoeuvres, sensibilisé la population à l'environnement en envoyant à tous les habitants une plaquette, réalisée par le professeur Lachavanne. Je vous en ai envoyé une, Monsieur Etienne, et je crois que vous l'avez appréciée ! A la suite de cet envoi, la commission communale de l'environnement a décidé de mettre sur pied un véritable Agenda 21 pour la commune. Si plusieurs communes adoptaient ce système, c'est comme cela que l'on pourrait avancer. C'est donc avec grand plaisir que nous voterons ce projet de loi.
M. Robert Cramer. Je ne peux qu'exprimer, au nom du Conseil d'Etat, notre satisfaction quant à l'accueil qu'a reçu ce projet de loi. Les votes que nous aurons tout à l'heure et l'approbation de ce projet de loi auront une petite portée historique pour notre pays, puisque nous serons, à Genève, le premier canton à avoir choisi non seulement d'élaborer un Agenda 21 sur le plan cantonal, mais également à avoir choisi que cet Agenda prenne forme et se matérialise dans la loi. Cela, nous le devons bien sûr avant tout à ce parlement. Non pas seulement à ce parlement parce qu'il vote les lois, mais surtout parce que c'est ce parlement qui en a pris l'initiative, comme l'a rappelé tout à l'heure M. Etienne, lorsqu'il a demandé au Conseil d'Etat, le 23 mai 1996, à l'occasion d'une motion - c'était la motion 1046 - de mettre sur pied une démarche visant à la rédaction d'un Agenda 21 pour Genève.
Sur la base de cette motion dont il a été saisi, le Conseil d'Etat a donné un mandat, au mois de septembre 1997, à la société pour la protection de l'environnement en lui demandant de faire un premier projet destiné à la consultation. La Société pour la protection de l'environnement a bien sûr travaillé dans l'esprit d'un Agenda 21, c'est-à-dire dans un esprit visant à associer le plus possible la population et les milieux associatifs à la rédaction d'un tel texte. C'est ainsi qu'une consultation a été organisée par la Société pour la protection de l'environnement, au cours de laquelle plus d'une centaine de personnalités et d'associations ont été questionnées, qu'il s'agisse d'associations professionnelles, de partenaires sociaux ou d'associations s'intéressant à tel ou tel domaine comme l'intégration, les questions liées à l'environnement, etc. Toutes ces associations ont été consultées sur la rédaction de l'Agenda 21. Cette consultation avait à vrai dire un double objet. Il s'agissait de recueillir des avis, mais aussi de faire savoir le plus largement possible ce qu'était un Agenda 21 et ce que cela signifiait. Pour ma part, je reste convaincu que l'Agenda 21, au-delà d'une série de propositions qui peuvent être plus ou moins ambitieuses - comme cela a été relevé à plusieurs reprises, nous nous efforçons quant à nous de faire des propositions qui soient réalistes - je reste donc convaincu que l'Agenda 21 est avant tout une démarche. C'est une démarche qui vise à associer très largement la population, les personnes directement concernées, aux mesures prises.
Voilà donc cette consultation effectuée par la Société pour la protection de l'environnement, qui a abouti à la rédaction d'un rapport. Ce rapport a été remis au Conseil d'Etat en 1999, lequel a immédiatement décidé de le soumettre à une nouvelle procédure de consultation, puisque seules les personnes choisies par la Société pour la protection de l'environnement avaient dans un premier temps été consultées. Nous avons remis ce rapport aux communes du canton. Nous l'avons également transmis à tous les milieux associatifs que nous connaissons. Nous l'avons publié sur un site Internet et nous l'avons présenté à l'occasion d'une conférence de presse. Nous avons ainsi recueilli un certain nombre d'avis fort précieux qui ont abouti à un document de synthèse avalisé par le Conseil d'Etat. Notre choix, plutôt que de se fixer des objectifs que l'on sait que l'on n'atteindra pas, c'est-à-dire de se fixer par exemple une vingtaine ou une trentaine d'actions à réaliser un jour, notre choix a donc été de cibler huit actions clairement déterminées, pour lesquelles on se fixe un délai. Ce délai est celui qui s'étend entre deux législatures, c'est-à-dire que nous ferons rapport au parlement au début de la prochaine législature sur le résultat des actions qui ont été entreprises jusque-là.. L'objectif est d'essayer de cibler des actions qui soient transversales et des actions qui puissent faire boule de neige. J'ai été très attentif aux propos des magistrats communaux, en l'occurrence ceux de Mme Hagmann et de M. Mauris, qui ont relevé l'importance des communes dans ce processus et qui ont indiqué que l'article 7 de la loi, qui prévoit que l'on puisse aider les communes dans le cadre de la rédaction de leur Agenda 21, était bienvenu. Il s'agira bien sûr de ne rien prescrire, mais de pouvoir apporter une assistance aux communes qui le souhaitent.
Il y a aussi, dans cette loi, une originalité à laquelle, j'espère, vous serez sensibles. Si le Conseil d'Etat ne revient pas d'ici deux ans avec un rapport et ne vous indique pas ce qu'il a fait et ce qu'il entend faire, cette loi sera de plein droit considérée comme abrogée. Pourquoi ? C'est tout simple ! Nous entendons que le processus d'Agenda 21 soit un processus continu et un processus continu sous la surveillance du parlement. Nous entendons marquer par là notre volonté de faire et de réaliser. C'est dans ce sens que cette disposition doit être comprise. Je vous donne donc rendez-vous pour notre prochain débat, parce que j'espère que toutes celles et tous ceux qui se représenteront aux élections pourront participer à notre prochain débat au sujet de l'Agenda 21, qui devrait avoir lieu dans le courant de l'année 2002.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 5.
Art. 6
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement. J'ai juste besoin d'une précision, Monsieur Etienne. Vous supprimez les alinéas 1 et 2 et vous les remplacez par votre amendement qui nous a été remis par écrit ? Je vous laisse peut-être expliquer votre amendement.
M. Alain Etienne (S). C'est une nouvelle teneur de l'article. Je propose de revenir à l'article 6 initial, contenu dans le projet du Conseil d'Etat sous le titre « organisme indépendant ». Toutefois, quant à la forme, il semblerait plus opportun de scinder mon amendement en deux phrases :
« Le Conseil d'Etat désigne un organisme indépendant, composé principalement des milieux économiques, sociaux et environnementaux. Cet organisme aura pour mission de favoriser la concertation, la motivation et la participation de la société civile dans la perspective d'un développement durable. »
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, (Brouhaha.) cet amendement a été distribué hier soir aux chefs de groupe. Je vous en redonne lecture, avant de passer la parole à Mme Briol, afin que l'on parle bien d'un texte clair. Il s'agit, à l'article 6, de n'avoir plus qu'un seul alinéa qui porterait comme titre « organismes indépendants ».
Mme Anne Briol (Ve). Comme nous l'avions dit en commission, nous étions favorables à l'introduction de l'article initial du projet de loi, c'est-à-dire un organisme indépendant, mais sans la précision indiquée dans l'amendement de M. Etienne, à savoir « composé principalement des milieux économiques, sociaux et environnementaux ». Nous estimons que cette précision plombe trop le texte. Nous vous proposons donc de voter l'amendement suivant :
« Le Conseil d'Etat désigne un organisme indépendant qu'il charge de missions en vue de favoriser la concertation. »
La suite est identique à l'amendement de M. Etienne.
M. Christian Grobet (AdG). Nous avions déjà indiqué à M. Etienne que nous étions prêts à revoir cet article pour autant que la loi fixe la composition de cet organisme indépendant. Je regrette que sa proposition délègue simplement la tâche au Conseil d'Etat de désigner cet organisme indépendant. On ne sait absolument rien de sa composition, ni de son fonctionnement. Par conséquent, nous ne donnerons pas notre appui à cet amendement, en regrettant que vous n'ayez pas cherché une solution allant dans le sens de notre suggestion.
M. Claude Blanc. C'est la chienlit ! On retourne en commission !
M. Robert Cramer. Je vous remercie de me donner la parole, Madame la présidente, au milieu de ce débat. De façon à ce que la présente discussion ne soit pas totalement une discussion entre initiés, il faut que le Grand Conseil sache quels en sont les enjeux !
Le Conseil d'Etat, lorsqu'il a déposé le projet de loi, avait prévu un article 6 qui, sous le titre « organisme indépendant », disait la chose suivante : « Le Conseil d'Etat désigne un organisme indépendant qu'il charge de missions en vue de favoriser la concertation, la motivation et la participation de la société civile dans la perspective d'un développement durable. » C'était volontairement assez flou ! Pourquoi ? C'est là qu'il faut appeler un chat un chat ! Lorsqu'on pense à cet organisme indépendant, à quoi peut-on penser ? Ou l'on pense au Conseil économique et social, ou l'on pense à recalibrer le Conseil de l'environnement pour mieux y associer les partenaires sociaux et le transformer en cet organisme indépendant. Aujourd'hui, nous ne savons pas ce que va devenir le Conseil économique et social. C'est le Grand Conseil qui est appelé à...
M. Claude Blanc. Le Conseil d'Etat s'en lave les mains !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. ...se prononcer quant au sort de cet organisme institué. En fonction de la décision que vous prendrez, Mesdames et Messieurs les députés, quant à l'avenir du Conseil économique et social, la question va se régler en ce qui concerne la désignation de cet organisme indépendant. Si vous souhaitez que le Conseil économique et social continue à vivre et que vous entendez lui donner comme mission d'être un organisme de référence en matière de développement durable, il jouera alors ce rôle. Si vous entendez confier d'autres tâches au Conseil économique et social, il les assumera. Je ne suis cependant pas sûr que l'on doive, à l'occasion de la discussion concernant ce projet de loi-ci, régler le sort du Conseil économique et social. Ceci dit, lors de ses travaux, la commission a fait un autre choix. Elle a estimé qu'il ne fallait pas emprunter de quelque façon que ce soit la voie du Conseil économique et social et qu'il fallait faire un choix en faveur du Conseil de l'environnement. Ce qui explique le texte que vous avez sous les yeux et qui a finalement été adopté en commission.
Pour ma part, je vous dirai simplement que je continue à considérer que la position du Conseil d'Etat, qui consiste à laisser toutes les options ouvertes, me paraît la plus sage. En ce sens, si jamais vous deviez amender le texte de la commission, je vous recommande de ne pas opter pour l'amendement proposé par M. Etienne, qui me semble un peu prescriptif et déjà marquer les voies dans lesquelles il souhaite voir s'avancer la désignation de cet organisme indépendant, mais de reprendre la proposition initiale du Conseil d'Etat et qui fait l'objet de l'amendement déposé par Mme Briol.
Cela étant, je constate que nous sommes partis pour refaire un débat qui a déjà eu lieu en commission. Si tout le débat concernant l'Agenda 21 doit porter sur la composition de l'organisme qui doit en favoriser l'application, je trouve que ce serait un débat tout de même un peu réducteur.
M. Christian Grobet (AdG). Puisque M. Cramer a évoqué clairement une des hypothèses qui semble effectivement trotter dans la tête de certaines personnes, autant être clair ! Je pense, comme M. Cramer, que ce n'est pas le lieu d'entamer le débat de l'avenir ou du non-avenir du Conseil oecuménique... (Rires.) ... des employeurs et des employés ! De toute façon, ce conseil n'est, à notre avis, pas l'organisme approprié pour assumer la tâche prévue dans cette loi. Ce débat nous paraît donc inapproprié. C'est précisément en raison de l'ambiguïté de la proposition déposée par M. Etienne que nous ne pouvons pas la voter, parce que nous estimons, même si le Conseil économique et social est maintenu, que ce ne devrait pas être à lui que l'on confie cette tâche.
Nous craignons par ailleurs que la proposition de Mme Briol ne puisse conduire au même résultat. Nous ne voulons pas non plus le renvoi en commission. Si une proposition avec une constitution précise de ce conseil, en indiquant qui en ferait partie - nous avions proposé qu'une personne désignée par chaque parti représenté au Grand Conseil - en indiquant avec précision quels autres organismes, nous sommes prêts à discuter et l'on peut modifier la loi par la suite. Il faut étudier une proposition comme celle-ci. On ne peut pas en discuter comme cela en séance plénière. Cela impliquerait un renvoi en commission que nous ne souhaitons pas.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Lorsque nous avons participé au début du Conseil de l'environnement, la mission première de ce Conseil était le développement durable. A l'époque, nous avions passé passablement d'heures, avec des spécialistes, à définir le développement durable et à déterminer les suites à donner à la Conférence de Rio. Le Conseil de l'environnement s'est ainsi trouvé valorisé et a trouvé sa fonction en prolongeant la Conférence de Rio pour la préparation d'un Agenda 21.
J'estime que le débat a déjà eu lieu en commission, un débat fourni et intéressant. Ce débat a clairement montré que le Conseil de l'environnement, dans l'état actuel de ce projet de loi, a sa place à l'article 6, puisque sa mission première - dites-moi si je me trompe, Monsieur Cramer ! - a toujours été de discuter afin de savoir comment procéder en matière de développement durable dans le canton de Genève. Créer un autre conseil, peut-être, mais cela me paraît être pour l'instant un doublon. De nombreuses questions se posent effectivement par rapport à sa composition, à sa direction, etc. Ce serait vraiment dommage que l'on commence à buter sur ce genre de discussion à propos de ce projet de loi qui a fait l'objet d'un rapport d'unanimité. On ne peut même pas parler de majorité !
Le Conseil de l'environnement a fait ses preuves. Dans le rapport, on voit bien que M. Cramer est prêt à l'ouvrir ou à rééquilibrer, s'il le faut, certains pôles de ce conseil. Restons donc sur le statu quo, allons de l'avant et votons ce projet de loi comme il est avant de vouloir créer des doublons !
M. Roger Beer (R). J'aimerais tout d'abord remercier notre collègue Etienne pour cet amendement qui me permet de m'exprimer. Vu les aléas de l'ordre du jour, je ne pensais pas que cet objet passerait aussi vite et je suis arrivé en retard pour m'exprimer. Vous me permettrez tout d'abord de m'exprimer au nom du groupe radical, notamment des auteurs de la fameuse motion pour le développement durable, à l'occasion de laquelle on vous avait déjà traité, Monsieur le conseiller d'Etat, de Lucky Luke de l'environnement. Vous aviez répondu en pratiquement un mois à la motion Dessimoz, Büchi, Beer. C'était tout à fait appréciable. C'est une des premières fois dans ma carrière de député que l'on répond aussi rapidement à une motion et je vous en remercie !
J'aimerais encore ajouter quelque chose à mes remerciements pour vous dire que votre projet de loi me convient particulièrement dans la mesure où il contient des objectifs clairs, non seulement environnementaux, mais également sociaux - c'est notamment tout le chapitre 2. Vous avez, de plus eu la finesse de présenter l'article 17 qui prévoit une limite de validité. C'est excellent ! L'évaluation des projets de lois au fil des années avait été demandée à l'époque par le député Unger, afin que l'on puisse shooter un projet de loi si l'on se rend compte qu'il ne vaut rien du tout. Ici, vous avez intégré l'histoire du Grand Conseil et je vous en remercie sincèrement !
Cela, c'était pour rattraper le temps perdu ! Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, par rapport à la discussion qui s'engage, notamment avec M. Grobet, sur ce qui pourrait être un « sauvetage » du Conseil économique et social. Ce n'est pas obligatoirement le discours qui doit participer à l'Agenda 21. Dans ce sens, le groupe radical était d'accord avec l'amendement de l'amendement, soit de supprimer les termes « composé principalement des milieux » pour en revenir à un « organisme indépendant ». Vu comme les discussions sont parties et entendant les interventions de M. Grobet, je pense qu'il faut en revenir à ce qui a été fait en commission et, pour une fois - ce serait une exception, reconnaître que la commission a bien travaillé...
Une voix. Ah !
M. Roger Beer. ...et en revenir au Conseil de l'environnement. Il est vrai que j'ai fait partie de ceux qui, au début de la législature ou à la fin de la dernière législature, ont émis quelques doutes au sujet de cette espèce d'amalgame de représentants de tous milieux, qui avaient évidemment chacun un avis à donner sur l'environnement. On a vu qu'ils n'avaient pas obligatoirement répondu à toutes les attentes.
Dans l'application et dans le suivi de l'Agenda 21, d'un programme concret du Conseil d'Etat, contrôlé et suivi par le Grand Conseil et les députés, par une commission qui s'occupe de ces affaires, à entendre notamment mes collègues qui ont participé aux travaux de la commission, l'article 6, tel qu'il ressort ici, me paraît finalement, par rapport à ce qui se présente, tout à fait acceptable. Il permettra peut-être, sous la houlette du Conseil d'Etat, mais avec les discussions qui devraient suivre, de donner une légitimité à cet Agenda 21 par l'intermédiaire du Conseil de l'environnement. Dans ce sens, il faut refuser l'amendement de M. Etienne, refuser l'amendement de l'amendement et revenir finalement au texte de Mme Caroline Dallèves, la rapporteuse de ce projet de loi.
M. Olivier Vaucher (L). Une fois n'est pas coutume, je suis totalement d'accord avec notre collègue, M. Grobet ! En effet, l'amendement qui nous est proposé va nous entraîner dans une étude en commission qui risque de se transformer en une méga-commission et dont l'utilité laisserait grandement à désirer. En effet, il existe un Conseil de l'environnement qui fonctionne. Il a même des possibilités de pouvoir étendre à 22 le nombre de membres de son conseil, ce qui est largement suffisant. En ce qui nous concerne, si l'on devait revoir et entrer en matière sur cet amendement, on demanderait alors, à l'instar de M. Grobet, le renvoi en commission, ce qui serait fort dommageable au vu de l'excellent travail qui a été fait jusqu'à maintenant. Le Conseil de l'environnement répond largement aux besoins stipulés par l'Agenda 21.
M. Charles Beer (S). J'ai écouté le débat avec un certain intérêt. Je suis cependant un tout petit peu surpris par la tournure des discussions. Je m'explique.
On entend ici parler, tout en s'en défendant, de la question du Conseil économique et social. J'ai presque envie de dire : « Attention, un petit peu de raison ! ». Ce n'est effectivement pas du tout le lieu. J'aurai l'occasion d'y revenir un tout petit plus loin, vous le verrez, n'est-ce pas Monsieur Blanc !
La première chose sur laquelle je me permets d'insister, c'est pour dire que le Conseil économique et social n'a, d'abord, pas de base légale - c'est le premier élément - et n'intègre pas les composantes du développement durable - c'est le deuxième élément. M. Grobet n'a pas étudié les travaux. Vous avez beau essayer... (L'orateur est interpellé.) Je vous signale que le Conseil économique et social n'est pas composé des trois composantes du développement durable et n'est pas composé de milieux issus de l'environnement ou de la défense de l'environnement. Une chose doit en tous les cas être claire. Si l'on est en train de parler de l'Agenda 21 et du suivi de l'Agenda 21, il ne s'agit en aucun cas de dire qu'il s'agit du Conseil économique et social comme le lieu auquel doit être envoyée la gestion de cet Agenda 21. C'est le premier point sur lequel je me permets d'insister.
Le deuxième point, c'est le texte, tel qu'il ressort de la commission, concernant le Conseil de l'environnement. Les choses sont également claires à ce sujet. Tel qu'il fonctionne aujourd'hui, tel qu'il est composé aujourd'hui, le Conseil de l'environnement n'intègre pas, à ma connaissance, les représentants du monde social. Alors, que veut-on ? On veut mettre aujourd'hui en route le suivi de l'Agenda 21 au nom du développement durable sans s'assurer de l'indépendance d'un organisme et sans s'assurer que les trois pointes du triangle du développement durable soient présentes et rassemblées au sein de ce Conseil. J'ai l'impression de rêver lorsque j'écoute ce débat. J'ai plutôt l'impression que certains souhaitent anticiper une autre discussion, laquelle relève plutôt de la paranoïa que de l'analyse politique !
M. Alain Etienne (S). Suite aux propos de M. Beer, nous nous rallions à l'amendement des Verts et nous proposons de supprimer les termes « composé principalement des milieux économiques, sociaux et environnementaux ».
M. Olivier Vaucher. C'est en parfaite contradiction avec ce que vient de dire M. Beer !
M. Alain Etienne. Mais non !
M. Luc Barthassat (PDC). Une fois de plus, on veut refaire le travail de commission en plénière. La commission avait trouvé de bonnes solutions, un bon compromis, s'agissant de ce projet de loi. Une fois de plus, ceux qui n'étaient pas en commission, ceux qui arrivent en retard ou ceux qui partent en avance veulent faire passer leurs petites phrases, tout changer, revenir sur ci, revenir sur ça. Le parti démocrate-chrétien s'en tiendra au rapport de Mme Dallèves-Romaneschi et soutiendra le texte initial.
M. Claude Blanc (PDC). Je ne veux pas intervenir sur le fond du débat, parce que je n'ai pas participé aux travaux de la commission et qu'il y a assez de spécialistes en la matière. Mais, Madame la présidente, vous avez fait l'honneur aux anciens présidents du Grand Conseil de les réunir pour essayer de voir comment nos travaux pourraient être menés de façon plus efficace et plus rationnelle compte tenu de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons, puisque nous n'arrivons pas à épuiser nos ordres du jour.
Nous sommes aujourd'hui vraiment dans un cas d'école. La commission a étudié ce projet à l'occasion de plusieurs séances. Elle est tombée d'accord. Mais je constate, si je regarde le vote final, qu'il n'y avait pas beaucoup de votants, notamment de la majorité gouvernementale. Ce n'est pas de ma faute ! (Brouhaha.) De la majorité parlementaire, vous m'aurez tous compris !
Ce à quoi l'on devrait arriver et ce que l'on devrait tous s'imposer, c'est que lorsqu'on propose en commission un amendement qui n'a pas passé et que l'on considère comme important, on se donne alors la peine de déposer un rapport de minorité, Monsieur Etienne, de manière que les groupes puissent étudier au préalable l'amendement et que l'on arrive à la séance du Grand Conseil avec des positions établies. Cela fait combien de temps, Madame la présidente, que nous discutons de cet amendement ? Cela fait en tout cas trois quarts d'heure. Et c'est comme cela lors de presque toutes les séances. Il faudra absolument, si vous voulez être des députés responsables et que vous voulez essayer de faire avancer ce parlement au lieu de le laisser stagner et piétiner comme il piétine, il faudra alors travailler mieux et vous donner la peine de déposer des rapports de minorité lorsque vous voulez revenir présenter des amendements en séance plénière. (Applaudissements.)
M. Roger Beer (R). Je suis entièrement d'accord avec notre ancien et honorable président du Grand Conseil. Le seul problème, si je lis bien le même rapport que vous, c'est que les socialistes se sont abstenus. Ils ne pouvaient donc pas trop déposer un rapport de minorité. C'est à la défense du jeune député Etienne ! A part cela, soit vous avez effectivement la décence de retirer votre « truc », soit il faut le « shooter » et en revenir au texte de la rapporteuse.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote. Les deux amendements ne forment plus qu'un seul amendement :
Article 6 Organisme indépendant
« Le Conseil d'Etat désigne un organisme indépendant qu'il charge de mission en vue de favoriser la concertation, la motivation et la participation de la société civile dans la perspective d'un développement durable. »
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
La présidente. Je mets aux voix l'article 6 tel qu'il figure dans le rapport.
Mis aux voix, l'article 6 est adopté.
Mis aux voix, l'article 7 est adopté, de même que les articles 8 à 17.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8365)
sur l'action publique en vue d'un développement durable (A 2 60) (Agenda 21)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
Art. 1 But
1 L'ensemble des activités des pouvoirs publics s'inscrit dans la perspective d'un développement de la société, à Genève et dans la région, qui soit compatible avec celui de l'ensemble de la planète et qui préserve les facultés des générations futures de satisfaire leurs propres besoins.
2 A cette fin, on recherchera la convergence et l'équilibre durable entre efficacité économique, solidarité sociale et responsabilité écologique.
Art. 2 Convergence des politiques publiques
Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat veillent à la cohérence des objectifs poursuivis et des modalités adoptées, dans tous les domaines de l'action publique, avec la perspective d'un développement durable.
Art. 3 Orientation pluriannuelle
Le Grand Conseil détermine les objectifs spécifiques de l'Etat en vue d'un développement durable (chapitre 2 de la présente loi). Ils sont revus et actualisés au moins tous les quatre ans, durant la première année de chaque législature.
Art. 4 Calendrier de législature
Le Conseil d'Etat publie et tient à jour un calendrier de législature des actions spécifiquement mises en oeuvre en vue d'atteindre les objectifs déterminés par le Grand Conseil conformément aux concepts cantonaux en vigueur.
Art. 5 Evaluation
Le Conseil d'Etat rend public, en début de législature, un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre de la stratégie en vue d'un développement durable durant la législature précédente.
Art. 6 Concertation
1 Le Conseil de l'environnement institué par la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, du 2 octobre 1997, est chargé de favoriser la concertation, la motivation et la participation de la société civile dans la perspective d'un développement durable.
2 A cette fin, le Conseil de l'environnement dispose notamment des attributions suivantes :
Art. 7 Agendas 21 communaux
L'Etat soutient et encourage la mise sur pied par les communes de programmes spécifiques en vue d'un développement durable dans leur domaine de compétence.
Art. 8 Actions de la société civile
1 L'Etat soutient et encourage la réalisation de projets spécifiques en vue d'un développement durable par des personnes physiques ou morales.
2 A cette fin, il institue notamment un prix annuel distinguant un projet dont la réalisation a été particulièrement significative, et un concours annuel octroyant une ou plusieurs bourses en vue de la réalisation d'actions sur un thème précis. Le Conseil de l'environnement peut être chargé d'attribuer le prix et de mettre sur pied le concours.
Art. 9 Système de management environnemental
L'Etat crée les conditions de la mise en place d'un système de management environnemental pour l'ensemble de l'administration cantonale.
Art. 10 Indicateurs du développement durable
L'Etat favorise l'élaboration et la diffusion la plus large d'indicateurs du développement durable reconnus permettant des comparaisons dans le temps et dans l'espace ainsi que la définition d'objectifs quantifiés.
Art. 11 Formation et information
L'Etat intègre progressivement la perspective d'un développement durable dans la formation des enseignants et contribue à l'information de la population.
Art. 12 Ecosite
L'Etat favorise la prise en compte des synergies possibles entre activités économiques en vue de minimiser leur impact sur l'environnement et recherche la possibilité d'une réalisation pilote.
Art. 13 Lutte contre l'exclusion
L'Etat met en place une action transversale entre politique de l'emploi et politique sociale en vue de prévenir l'exclusion du marché du travail en raison de l'évolution économique ou d'une formation devenue inadéquate.
Art. 14 Réseau des villes - santé
L'Etat participe au réseau des villes - santé institué par l'Organisation mondiale de la santé et met en oeuvre des actions visant à atteindre ses objectifs.
Art. 15 Coopération au développement
L'Etat accentue son action en faveur de la coopération internationale au développement et contribue à l'information en vue d'un meilleur équilibre du développement.
Art. 16 Dispositions d'application
Le Conseil d'Etat désigne le département chargé du suivi de la présente loi et édicte les dispositions d'application nécessaires.
Art. 17 Limite de validité
La présente loi est abrogée de plein droit au 31 décembre 2002 si elle n'a pas été révisée par le Grand Conseil dans l'intervalle.