Séance du jeudi 22 mars 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 6e session - 11e séance

PL 7860-A
8. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Rémy Pagani, Anita Cuénod, Pierre Vanek, Dolorès Loly Bolay, Jeannine de Haller, Christian Grobet, Christian Ferrazino et René Ecuyer modifiant la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (B 6 05). ( -) PL7860
Mémorial 1998 : Projet, 3326. Renvoi en commission, 3332.
Rapport de M. Alain Charbonnier (S), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

Sous la présidence de Mme Micheline Spoerri, puis de Mme Mireille Gossauer-Zurcher, la Commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil s'est réunie les 31 mai, 7, 14, 28 juin, 13 septembre, 1er et 8 novembre 2000, pour travailler sur ce projet de loi 7860 donnant les compétences aux conseillers municipaux pour adopter des règlements.

Tout au long de ses travaux, la commission a pu compter sur la participation de M. le conseiller d'Etat Robert Cramer, chargé du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'énergie et de l'environnement, de M. René Kronstein, directeur de l'Administration des communes et de M. Patrick Ascheri, chef du Service des votations et élections.

Les excellents procès-verbaux furent exécutés par Mme Pauline Schaeffer, M. Christophe Vuilleumier et M. Carlos Orjales. Que toutes ces personnes, soient remerciées ici pour leur aide précieuse.

Le Conseil municipal de la Ville de Genève fut l'instigateur de ce projet de loi, en votant le 16 mars 1999, à la quasi-unanimité, une résolution (annexe 1) proposée par le groupe socialiste. Cette résolution demandait une révision partielle de la loi sur l'administration des communes (B 6 05) visant à revoir les compétences respectives du Conseil municipal et du Conseil administratif, du maire et des adjoints. Elle demandait les modifications de l'art. 30, alinéa 1, qui ajoute aux attributions du Conseil municipal, la faculté de délibérer sur les règlements municipaux de portée générale, et de l'art. 48, en lui donnant la nouvelle teneur suivante : d'édicter les règlements d'exécution.

Les auteurs du projet de loi 7860 relèvent dans leur exposé des motifs, le peu de pouvoir offert aux conseillers municipaux par rapport aux conseils administratifs et aux maires, par notre système institutionnel. En effet, l'article 30 de la loi sur l'administration des communes (LAC) donne une liste limitée et très exhaustive de la compétence des conseils municipaux. Cet article 30 de la LAC ne donne que deux possibilités aux conseil municipaux de délibérer sur des règlements : le statut du personnel et l'échelle des traitements et des salaires, ainsi que les plans d'utilisation du sol et leurs règlements d'application.

La possibilité pour les conseillers municipaux d'intervenir au niveau des règlements devrait apporter une rectification et un changement important dans la répartition du pouvoir communal.

Par la voix de son président, l'ACG se déclare tout à fait opposée à ce projet de loi. Les maires et les conseillers administratifs des communes estiment que la loi sur l'administration des communes (LAC) définit clairement les compétences respectives de l'exécutif et du délibérant. Ils estiment que l'on se retrouvera avec un conflit de compétences entre le Conseil municipal et l'exécutif. De là pourrait découler de la part de l'exécutif, une crainte pour l'adoption de normes pour se contenter de prendre des décisions au coup par coup. Ils craignent aussi que les conseils municipaux ne se mettent à délibérer sur des règlements dans tous les domaines, allongeant de plus les procédures, car ceux-ci seraient soumis au référendum facultatif.

M. le maire déclare que le Conseil administratif de la Ville de Genève, partage la position de l'ACG et redoute l'émergence de conflits entre Conseil municipal et Conseil administratif, car l'art. 30 de la LAC est modifié, tout en conservant l'art. 48 qui donne des compétences au Conseil administratif.

M. .

organisation d'une Commission d'organisation et d'informatique ;

utilisation et accès de la petite salle des archives au Palais Eynard ;

économat municipal ;

protection de la santé, l'hygiène et l'ergonomie pour le personnel municipal ;

utilisation des salles de réunions ;

matériel de fêtes ;

divers règlements fixant les conditions d'octroi des bourses ;

livres et disques ;

commission d'achat dans les différents musées de la Ville de Genève, etc.

M. Erhardt voit que, si l'on suit la proposition visée à l'article 30, al. 2 (nouveau), ce type de règlement deviendrait l'affaire du Conseil municipal. Sur ce chapitre de tels règlements feraient alors l'objet d'une adoption sous la forme d'une délibération soumise au référendum, un constat qu'il juge problématique.

M. Vaissade relève que dans la résolution votée par le Conseil municipal de la Ville de Genève, il avait été fait une distinction entre les règlements de la compétence de l'article 30.

M. Vaissade constate effectivement que, tel que le projet de loi en question est libellé, on en déduit que tous les règlements pourraient être édictés par le Conseil municipal. Dans ces conditions il conviendrait d'en cibler le spectre avec une attention toute particulière, si le projet de loi 7860 était adopté en commission.

Suite aux auditions et par les auteurs eux-mêmes il est relevé trois problématiques que semble poser ce projet de loi. Premièrement, le texte n'est pas très claire, si le Conseil municipal peut ou doit adopter sous forme de délibération les règlements. Deuxièmement, la délibération entraîne de facto le référendum facultatif. Troisièmement, la crainte des conseils administratifs et des maires de voir émerger des conflits entre les deux instances, le Conseil municipal et l'exécutif.

Les auteurs du projet de loi sont tout de suite très claires et proposent d'amender le projet de loi, en y inscrivant : « Le Conseil municipal peut adopter... ». La volonté des auteurs est que le Conseil municipal puisse adopter des règlements sur des questions qu'il juge importantes ou lors d'un éventuel différend avec l'exécutif. Ils soulignent d'ailleurs, que dans le projet de loi l'on retrouve : « des règlements » et non pas « les règlements ».

La possibilité que ces délibérations sur des règlements soient soumises au référendum, n'a pas échappé aux auteurs. Pour eux, cela permettra au Conseil municipal d'apprécier l'éventualité d'un référendum par rapport à une décision qu'il serait amené à prendre dans le cadre de ce « peut ».

Dans le souci d'éviter des conflits entre le Conseil municipal et l'exécutif, les auteurs font aussi la proposition d'un amendement, qui modifie l'art. 48 de la LAC, qui donne des compétences à l'exécutif, comme suit :

v) (nouvelle teneur) d'édicter les règlements municipaux dans les domaines où le Conseil municipal n'a pas fait usage de la prérogative que lui accorde l'article 30, al. 2, à l'exclusion des domaines où les lois donnent cette compétence au Conseil municipal ;

w) (nouvelle teneur) d'édicter les dispositions d'application des règlements municipaux adoptés par le Conseil municipal ;

w) actuelle devient x).

Le projet de loi 7860 tout au long des travaux fut traité parallèlement à trois autres projets de lois (8096, 8097 et 8102) qui demandent eux aussi des modifications de la loi sur l'administration des communes (LAC). La question s'est donc posée, fin juin 2000, de savoir si après l'audition de l'Association des communes genevoises (regroupant conseils administratifs, maires et adjoints) et du Conseil administratif de la Ville de Genève, il n'était pas opportun de faire un sondage auprès des conseils municipaux. Le débat s'est engagé au sein de la commission et finalement, une majorité a décidé de ne pas effectuer le sondage, devant la lourdeur de la tâche et le temps trop important que cela pourrait prendre. Malgré cette décision, M. Cramer, conseiller d'Etat, a tout de même décidé d'effectuer le sondage sur les 4 projets de loi auprès des conseillers municipaux de tout le canton, argumentant de l'utilité de connaître l'avis des premiers intéressés.

Les résultats de ce sondage ont été distribués fin octobre 2000 (annexe 2). Concernant le projet de loi 7860, on s'aperçoit qu'une majorité de conseillers municipaux y sont favorables.

M. Cramer signale que le projet de loi 7917. Il explique que cela permettrait aux Conseils municipaux de faire le même travail que le Grand Conseil et qu'ils pourraient dès lors discuter des horaires de la déchetterie ou du règlement du cimetière. M. Cramer estime que ce genre de débat est du type de ceux qui devraient se tenir entre le Conseil municipal et l'exécutif, mais qu'il faudrait éviter que le Conseil municipal prenne des décisions ponctuelles, tel que le choix des employés de la commune ou leur salaire.

Un nouvel amendement est alors proposé, toujours par les auteurs du projet de loi, à l'art. 30, al. 2, d'ajouter à règlements : de portée générale.

Sur le projet de loi 7860 sans les amendements proposés, les groupes politiques sont partagés. L'Alternative est unanime à soutenir ce projet, elle souhaite donner aux conseils municipaux un rôle plus important et plus actif. Qu'ils deviennent plus que de simples lieux d'enregistrement de décisions des exécutifs et qu'ils obtiennent davantage de compétences « législatives », imitant en quelque sorte les rapports entre le Grand Conseil et le Conseil d'Etat.

Les partis de l'Entente ne trouvent, eux, aucun intérêt à ce projet de loi et y sont opposés, par crainte surtout d'un mélange des compétences entre le Conseil municipal et l'exécutif.

Le vote d'entrée en matière confirme ces positions et est accepté par la majorité de la commission.

Les amendements proposés furent votés sans ouvrir de débat, alors qu'ils apportent une nette clarification au projet de loi. Ceux-ci modifient des articles, ce qui permettra d'empêcher tout conflit de compétences entre le Conseil municipal et le Conseil administratif ou le maire et les adjoints.

Par ce projet de loi, les conseillers municipaux obtiendront de nouvelles compétences. Celles-ci vont certainement changer beaucoup d'habitudes dans les rapports entre les conseils municipaux et les exécutifs. Il est certain que, si les conseillers municipaux utilisent ces nouvelles possibilités que nous pourrions leur offrir, l'activité politique au niveau des communes n'en sera que plus dynamisée.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de suivre la majorité de la commission et d'accepter le projet de loi 7860 ainsi amendé.

L'entrée en matière est acceptée par : 8 OUI (3 AdG, 3 S et 2 Ve), 3 NON (3 L) et 1 abstention (1 R).

2 Le Conseil municipal peut également adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés de portée générale régissant les domaines relevant de la compétence des communes.

Lettre v (nouvelle teneur) d'édicter les règlements municipaux dans les domaines où le Conseil municipal n'a pas fait usage de la prérogative que lui accorde l'article 30, al. 2, à l'exclusion des domaines où les lois donnent cette compétence au Conseil municipal.

Lettre w (nouvelle, l'actuelle lettre w devenant x) d'édicter les dispositions d'application des règlements municipaux adoptés par le Conseil municipal.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'administration de communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit :

Art. 30, al. 2 (nouveau)

2 Le Conseil municipal est également compétent pour adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés régissant les domaines relevant de la compétence des communes.

ANNEXE 1

ANNEXE 21112ANNEXE 3

Premier débat

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Aujourd'hui, les conseils municipaux n'ont aucune compétence législative, à part dans deux domaines : le statut des fonctionnaires et les plans d'utilisation des sols. Ils ne sont en fait que les lieux d'enregistrement des décisions de l'exécutif.

Ce projet de loi, déposé par l'Alliance de gauche, faisait suite à une résolution déposée par le groupe socialiste au Conseil municipal de la Ville de Genève et votée en 1999, qui demandait une révision de la loi sur l'administration des communes, de sorte que le Conseil municipal de la Ville puisse adopter les règlements de portée générale.

Suite aux auditions effectuées par notre commission des droits politiques, spécialement du Conseil administratif de la Ville de Genève, ce projet de loi a été amendé par trois fois. Le premier amendement a consisté à modifier l'article 30, de façon à inscrire la possibilité - et non l'obligation - pour les Conseils municipaux d'adopter les règlements et les arrêtés. Ensuite, la commission a souhaité préciser que ce sont les règlements et les arrêtés de portée générale qui sont de la compétence du Conseil municipal, et non tous les règlements et arrêtés. Cet amendement faisait suite à l'audition du Conseil administratif de la Ville de Genève, qui avait relevé les problèmes que pouvaient rencontrer les Conseils municipaux à devoir adopter tous les règlements. Les personnes auditionnées nous ont cité une liste assez importante de règlements existants, j'en donne quelques exemples dans le rapport : utilisation et accès de la petite salle des archives au Palais Eynard, utilisation des salles de réunion, matériel des fêtes... En fait, des règlements qui étaient tous de portée évidemment mineure. Etait-ce délibéré de la part du Conseil administratif de la Ville de Genève ou non, je ne sais pas. Toujours est-il que les règlements vraiment importants, tels ceux de la Gérance immobilière municipale, des fonds culturels, des prestations et actions sociales, n'ont pas été cités. Or, ce sont justement ces sujets qui étaient visés par le projet de loi. L'amendement a donc consisté à préciser qu'il s'agissait des règlements et arrêtés de portée générale.

Ensuite, au cours des travaux de la commission, le Conseil d'Etat a effectué un sondage auprès de tous les Conseils municipaux du canton, de façon à savoir s'ils étaient d'accord avec ce projet de loi. Une majorité d'entre eux ont répondu qu'ils y étaient favorables.

Un troisième et dernier amendement a été fait par la commission, visant à éviter tout problème de compétences entre le Conseil municipal et le Conseil administratif ou les maires et adjoints. L'article 48, concernant les compétences de l'exécutif, a été modifié de façon qu'il n'y ait pas de conflit de compétences. Voilà, j'en ai terminé pour l'instant.

M. Jacques Béné (L). Je constate qu'avec ce projet de loi on tente essentiellement de régler des problèmes particuliers de la Ville de Genève. Or, je tiens à rappeler que, dans le cadre du sondage effectué par le département, sur les quatre-vingts conseillers municipaux de la Ville de Genève, seuls cinquante-neuf ont répondu au sondage et que, sur ces cinquante-neuf, trente-deux étaient favorables et vingt-sept opposés. Ce n'est donc pas vraiment une grande majorité du Conseil municipal qui souhaite avoir ces prérogatives, inévitablement au détriment de l'exécutif.

L'exposé des motifs du projet de loi initial est très clair. Il rappelle que les communes genevoises ont peu de compétences par rapport aux communes des autres cantons suisses et c'est vrai. Mais, Mesdames et Messieurs, que dire alors des exécutifs de nos communes, auxquels vous voulez encore enlever des compétences, sachant qu'ils n'en ont déjà pas beaucoup par rapport aux exécutifs communaux des autres cantons suisses ?

Le meilleur moyen d'améliorer les compétences des conseils municipaux, c'est d'appliquer le simple principe de subsidiarité, c'est-à-dire de transférer le maximum de compétences à ceux qui sont les mieux à même de traiter les objets concernés, et donc de décentraliser une partie des tâches actuellement effectuées par le canton vers les communes. Pour des raisons notamment de proximité, ce serait largement préférable.

Je reprends un exemple qui a été cité par l'Association des communes. Si ce projet de loi est adopté, le conseil municipal d'une commune X serait compétent pour adopter toutes sortes de règlements, dont certains ont été cités tout à l'heure, y compris en matière de personnel communal. On pourrait ainsi arriver à une situation assez délicate qui verrait un conseil municipal fixer par règlement l'horaire de travail des employés communaux...

Mesdames et Messieurs les députés, si ce projet de loi est accepté, il en résultera inévitablement un conflit de compétences, un désengagement des exécutifs, de nouvelles possibilités de référendums inutiles et donc des allongements de délai. Ceci entraînera inévitablement un manque de compréhension accru de la part de nos concitoyens à l'égard du fonctionnement déjà bien lourd de notre système.

Je terminerai en relevant que, dans le sondage effectué, 56% des 841 conseillers municipaux ont répondu. Sur ces 56%, 55% sont favorables au projet de loi, ce qui représente, si on fait le calcul, 30% de l'ensemble des conseillers municipaux. Je ne pense pas qu'en acceptant ce projet de loi on fasse vraiment avancer la démocratie et je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à le refuser!

M. Thomas Büchi (R). Sur ce projet, notre parti, dans un premier temps, s'est abstenu en commission, ceci pour les raisons suivantes.

De prime abord, le principe de donner plus de pouvoir aux conseillers municipaux paraissait intéressante et même de nature à revaloriser cette fonction. L'idée initiée par la Ville de Genève de donner la possibilité au Conseil municipal d'édicter lui-même des règlements pouvait en principe aller dans ce sens. Pourtant, en y regardant de plus près, le groupe radical pense que ce n'est peut-être pas la bonne méthode pour donner davantage de pouvoir de décision aux conseils municipaux. En effet, inévitablement, on va s'acheminer vers un conflit de compétences entre le délibérant et l'exécutif. Ce dernier aura forcément des craintes et en viendra à prendre des décisions au coup par coup. De plus, on va forcément allonger les procédures d'adoption des décisions prises. D'ailleurs, à ce sujet, sur le plan cantonal, la répartition des compétences est on ne peut plus claire : le Grand Conseil vote des lois, le Conseil d'Etat édicte des règlements d'application. Alors, pourquoi vouloir adopter des dispositions communales parfaitement contradictoires avec le fonctionnement de la démocratie au niveau cantonal ?

Après mûre réflexion, le groupe radical, dans sa majorité, pense que ce projet de loi est plutôt néfaste, vu ses conséquences, et vous enjoint, Mesdames et Messieurs les députés, à le rejeter.

M. Alain-Dominique Mauris (L). En fait, ce projet de loi risque fort d'entraîner plus de problèmes que ceux auxquels la mesure proposée est censée apporter une solution. S'il est vrai, on l'a dit, que les communes genevoises ont effectivement peu de compétences, il ne faut pas vouloir leur en attribuer en diminuant celles des exécutifs. Ce projet de loi appelle donc un certain nombre d'observations, observations qui ont certes déjà été discutées dans le cadre des commissions, mais qui, à mon avis, n'ont pas été assez prises au sérieux, en ce qui concerne les réalités mêmes auxquelles les communes vont devoir faire face.

Actuellement, c'est la loi sur l'administration des communes qui définit clairement les rapports entre l'exécutif et le délibératif, et ceci à satisfaction. Dès l'instant où ce projet de loi sera adopté, le conseil municipal deviendra compétent pour adopter toutes sortes de règlements de portée générale. Il en résultera immanquablement le conflit de compétences qui a été dénoncé par mes deux précédents collègues.

Là où la loi rend obligatoire l'adoption d'un certain nombre de règlements - relativement restreints, c'est vrai - l'irruption du conseil municipal dans des domaines de la compétence de l'exécutif rendra celui-ci particulièrement prudent. L'on risque dès lors de voir, dans certains domaines, l'exécutif renoncer à proposer des règlements au conseil municipal, agir plutôt par le biais de la norme et prendre des décisions au coup par coup, avec toutes les conséquences négatives que ce type de fonctionnement entraîne.

On a cité la possibilité pour les conseillers municipaux de fixer dorénavant l'horaire des déchetteries : est-ce vraiment l'augmentation de pouvoir que ce parlement entend donner aux municipaux ? Confier aux conseillers municipaux la compétence de délibérer sur tous les règlements aboutirait par ailleurs à soumettre tous les règlements municipaux au référendum facultatif, avec les allongements de délai qu'une telle mesure ne manquerait pas d'entraîner.

Enfin, concernant le fameux sondage effectué par M. Cramer, il est clair qu'à la question : voulez-vous plus de pouvoir et plus de compétences ? tout le monde répondra oui. Mais quelles compétences voulons-nous vraiment leur donner ? Si nous souhaitons effectivement faire un geste en faveur de nos communes, en faveur du fameux pouvoir de proximité, il s'agit non pas de prendre sur une partie des compétences des exécutifs locaux, mais de nous dessaisir, Mesdames et Messieurs les députés, d'une partie de nos pouvoirs et, par cohérence avec le principe de subsidiarité, de les transmettre aux parlements municipaux.

C'est pourquoi le parti libéral votera contre ce projet de loi, qui n'est que de la poudre aux yeux!

M. Antonio Hodgers (Ve). Dans cette enceinte et ailleurs, tout le monde parle de démocratie locale, de renforcement de la politique communale... Mais il faut bien admettre que les élus municipaux de notre canton ont bien peu de pouvoir, d'une part, et cela a été dit, du fait de l'autonomie restreinte des communes genevoises, d'autre part et surtout, du fait que les exécutifs des 45 communes genevoises détiennent pratiquement tout le pouvoir, sauf en ce qui concerne le budget. Je crois qu'ils pourraient se contenter d'un vote annuel sur le budget et sur les comptes de la part des conseillers municipaux...

En la matière, il y a donc quelque chose à faire, c'est en tout cas l'intention des partis de l'Alternative. En lisant les communiqués de presse que nous envoie chaque semaine le Conseil d'Etat, on constate qu'à deux ans de la fin de la législature communale le Conseil d'Etat est appelé toutes les semaines à nommer de nouveaux conseillers municipaux, parce qu'il n'y a plus assez de viennent-ensuite. On constate que, de manière générale, les gens se désintéressent : les taux de participation aux dernières élections municipales ont à peine dépassé 30%, voire 35% dans les meilleures communes, alors que pour d'autres votations importantes, on l'a vu récemment, le taux monte facilement à 50% ou 60%. Ce phénomène de désertion de la démocratie locale nous inquiète.

A partir de là, il est important de valoriser le rôle des élus municipaux et pas seulement celui des exécutifs. Il est également important de le faire en vertu d'un principe - là, je m'adresse particulièrement à M. Büchi - d'un principe de notre République qu'il a mentionné et qui est celui de la séparation des pouvoirs. Monsieur Büchi, vous avez indiqué qu'au niveau cantonal le parlement vote des lois et que le gouvernement les applique : c'est exactement ce que nous entendons faire avec ce projet de loi au niveau municipal. Simplement, comme les conseils municipaux ne votent pas de loi, ne sont pas des organes législatifs, la seule manière pour eux de «légiférer» est d'édicter des règlements, en l'occurrence des règlements de portée générale, comme on l'a bien spécifié. Ce sont les équivalents de nos lois - vu qu'au niveau municipal il n'y a pas de loi - et les seuls textes juridiques et légaux dont les élus municipaux pourraient ainsi se doter et qu'ils pourraient maîtriser.

Nous pensons qu'avec ce projet de loi la démocratie communale - que nous défendons tous, mais à des moments différents parfois - s'en trouvera renforcée. A cet égard, je regrette les propos qui ont été tenus notamment par les membres du parti libéral, qui craignent un alourdissement du fonctionnement et des risques accrus de référendum, selon les termes du député Béné. De notre côté, nous estimons que l'usage du référendum, comme de l'initiative, au niveau communal est plutôt une richesse pour la démocratie locale que le contraire. A ce titre, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce projet de loi.

M. Pierre Marti (PDC). Je me demande comment les conseils municipaux pourront définir, de façon indépendante et impartiale, quels sont les questions et les règlements qu'ils jugent importants et sur lesquels ils pourront délibérer. Comment feront-ils lors d'un éventuel différend avec l'exécutif ? Ce projet de loi est bien la porte ouverte à un semblant de démocratie qui fait fi des responsabilités que le peuple donne à chaque ordre politique, qu'il soit législatif ou exécutif, créant ainsi une confusion totale sur les compétences de chacun.

Mesdames et Messieurs, comment définir juridiquement ce qui est de portée générale dans les domaines relevant de la compétence des communes ? Je vous laisse imaginer les discussions que cela entraînera, lorsqu'il faudra déterminer tout d'abord si le conseil municipal peut entrer en matière sur tel règlement, avant que ce même conseil en délibère valablement. Très franchement, je crois que ce projet de loi est issu du dépit de l'AdG de ne pas trouver grâce devant le peuple et de ne pas avoir d'élus dans les exécutifs municipaux, sauf à une ou deux exceptions près!

M. Albert Rodrik (S). Nous avons entendu beaucoup de Cassandre nous prédire les confusions et les catastrophes qui attendent notre système municipal, sans preuve bien entendu! Mesdames et Messieurs les députés, on trouve dans le rapport - derrière le machiavélique projet de l'Alliance de gauche ! la référence à la résolution unanimement acceptée par le Conseil municipal de la Ville de Genève, à l'instigation du groupe socialiste. Ce vote a eu lieu en 1999, au terme d'un certain nombre de péripéties dont vous pourriez tirer bénéfice...

Au temps de la législature 95-99 en Ville de Genève, au terme de très grands efforts, la commission du logement - longtemps présidée par Alexandra Gobet, que j'ai relayée - s'était mise d'accord pour adopter une motion à l'unanimité, qui était la charte de la politique sociale du logement de la Ville de Genève, et le Conseil municipal l'avait suivie. Dans les trois mois suivants, le Conseil administratif s'est livré à la petite péripétie de la modification du règlement de la GIM et, pendant des mois, a bafoué le Conseil municipal et s'est moqué des locataires de la Ville. A partir de là, le problème était bien de savoir qui respecte qui, et comment fonctionnent nos communes.

Mesdames et Messieurs les députés, si nous voulons, comme dit M. Mauris et je suis d'accord avec lui, qu'un jour il y ait une répartition des tâches entre le canton et les communes qui donne de plus amples compétences à nos communes, il faudra encore qu'il y ait le régime démocratique du pouvoir qui arrête le pouvoir, et du partage de ce pouvoir ! Même si cela n'intéresse pas le groupe libéral, je m'adresse surtout à lui : nos communes sont suffisamment «squattées» par un certain nombre de partis politiques pour que ceux-ci sachent qu'à vouloir plus de compétences il faut aussi plus de démocratie.

En l'occurrence, je salue le travail de la commission sur ce sujet, parce que, si le projet de loi d'origine était un peu abrupt, rien dans le projet tel qu'il sort de nos travaux n'est de nature à perturber le fonctionnement de nos institutions. Croyez-moi, entre l'autorité de contrôle et nos conseillers municipaux, on saura fort bien ce qu'est un règlement de portée générale : c'est un règlement qui, face à la carence, ou à la mauvaise volonté dans certaines circonstances, fixe un cadre à l'intérieur duquel doit se mouvoir un exécutif communal. Si nous ne voulons pas cela, ce minimum, cela signifie que nous ne voulons pas ce petit supplément de démocratie locale qui seul nous permettrait de consentir à de véritables dévolutions de compétences aux communes.

Mesdames et Messieurs les députés, il y a bien eu des péripéties, en particulier en Ville de Genève - ailleurs, je ne sais pas - qui rendent nécessaire ce zeste de pouvoir supplémentaire pour les municipaux, dont je vous je mets au défi de me dire ce qu'il enlève aux exécutifs. Je n'ai jamais plaidé dans cette enceinte pour des gouvernements faibles et ce n'est pas aujourd'hui que je commencerai : ici, on n'enlève pas un iota de pouvoir à un conseil administratif, ou à un maire qui veut travailler en bonne intelligence avec son conseil municipal et qui le respecte! Mesdames et Messieurs, il n'y a pas le moindre danger de perturbation de la vie municipale. Je vous enjoins, moi, d'accepter cette réformette!

Mme Micheline Spoerri (L). Nous réitérons notre avis sur ce sujet et souhaitons demander l'appel nominal pour le vote. (Appuyé.) Il ne s'agit pas pour nous de savoir si tel ou tel pouvoir aura plus ou moins d'importance dans le déroulement des débats : en l'occurrence, nous craignons essentiellement qu'il y ait des conflits de compétences entre le législatif et l'exécutif. Ce risque nous paraît suffisamment important pour que nous demandions ce soir l'appel nominal, ce qui nous permettra de vérifier plus tard si notre sentiment sur ce projet était fondé ou non.

M. Claude Blanc (PDC). J'ai trouvé piquant d'entendre tout à l'heure M. Hodgers dire que le référendum communal était un moyen d'animer sainement la vie démocratique des communes, alors qu'un quart d'heure plus tôt Mme Bugnon disait que le référendum cantonal était un moyen d'entraver les travaux du parlement... Bon, je n'insisterai pas!

Concernant le projet de loi lui-même, je me bornerai à quelques considérations générales. Actuellement, on constate une sorte de dérive du pouvoir législatif, qui empiète de plus en plus sur le pouvoir exécutif : en dehors de ce projet de loi sur les communes, on le constate sur le plan national comme sur le plan cantonal.

Mesdames et Messieurs les députés, la plupart d'entre vous étaient à peine nés à l'époque, mais quelques-uns doivent quand même se souvenir de ce qu'était la IVe République française. La IVe République avait ce qu'on appelait péjorativement «un gouvernement d'assemblée», l'Assemblée nationale se mêlant de tout et pouvant notamment mettre le gouvernement en minorité sur tout et n'importe quoi. C'est ainsi que la France, entre 1946 et 1958, durant les douze ans qu'a duré la IVe République, s'est payé trois ou quatre gouvernements par année, jusqu'à ce funeste 13 mai 1958 où, tant va la cruche à l'eau qu'elle se casse, la IVe République s'est cassée... Elle est morte de son impuissance, du fait que l'Assemblée, élue à l'époque à la proportionnelle et donc très hétéroclite, changeait souvent d'avis et changeait de gouvernement à chaque fois qu'elle changeait d'avis. La France était vraiment devenue ingouvernable et comme elle traversait en plus, dans ces années-là, des problèmes très difficiles avec ses colonies, le régime de la IVe République en est mort.

On assiste à une tendance semblable dans notre pays, tant au point de vue fédéral qu'au point de vue cantonal, et notre Grand Conseil n'y est pas étranger : il essaie, conformément à la théorie de la majorité actuelle, de se donner de plus en plus de pouvoir, ce qui en soi n'est pas mauvais, encore faut-il savoir ce qu'il fait de ses pouvoirs. Mesdames et Messieurs, je ressors la pile des projets : non seulement le Grand Conseil veut se substituer de plus en plus au gouvernement et se mêler de tout, mais en plus il est incapable de le faire! Il est incapable de venir à bout de ses velléités et, en cette fin de législature, cela tourne à la caricature : le Grand Conseil est complètement paralysé par lui-même, par ses velléités diverses. Vous verrez qu'à la fin de la législature on comptera un nombre de projets non traités jamais atteint, ce qui sera préjudiciable aux intérêts de la République et aux intérêts de beaucoup de gens qui attendent qu'on leur fabrique des lois.

Or, je crains que votre projet de loi procède de la même philosophie et que nous exportions ainsi dans les communes nos propres impérities : nous sommes complètement phagocytés, nous ne pouvons plus avancer, parce que nous ne savons plus dans quelle direction nous allons, nous passons notre temps à discuter de choses et autres et nous oublions les vrais problèmes.

Voilà ce que je crains. Pour le reste, cette loi est une loi de plus, elle ne mangera ni foin ni avoine. Votez-la, et on verra bien l'usage qui en sera fait!

M. Pierre Vanek (AdG). La comparaison que vient de faire notre collègue Blanc avec la IVe République française, comme étant un modèle dont serait issu ce projet de loi, n'est pas recevable. Je rappelle que les exécutifs communaux, les conseillers administratifs - il y en a un certain nombre dans cette salle - sont élus directement par les citoyens et ce que vous avez dit, Monsieur Blanc, n'a donc absolument rien à voir!

Monsieur Mauris, vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait donner plus de pouvoirs aux communes. Certes, et nous entreprenons de le faire dans un certain nombre de domaines, notamment récemment en ce qui concerne les zones piétonnes, mais vous vous y opposez! Chaque fois que, concrètement, nous proposons de donner plus de pouvoirs aux communes, vous vous dressez, sur les bancs d'en face, pour dire non, surtout pas, sous prétexte que telle horrible personne qui serait conseiller administratif dans telle grande commune du canton et qui aurait une moustache, abuserait de ces dispositions... (Exclamations.) Là, vous vous opposez. Ici, par contre, vous plaidez pour les pouvoirs des exécutifs, qui seraient soi-disant mis en péril par l'idée même que les conseils municipaux - et pas seulement celui de la Ville - puissent, à l'échelle des compétences communales, se comporter comme des législatifs véritables et avoir un rapport avec leur exécutif qui soit celui que nous avons, nous Grand Conseil.

M. Blanc peut bien maugréer dans son coin, au fond à droite, et dire que le Grand Conseil ne fonctionne pas, accumule des retards, ceci, cela... S'il a des suggestions de réformes institutionnelles pour ce parlement ou pour le régime de cette République, s'il propose le modèle qui a remplacé celui de la IVe République, à savoir celui de la Ve, avec l'élection de Dieu sait quel gouverneur pour faire avancer les choses au bâton ou au tambour, qu'il le fasse! Quant à moi, je me contente du type de rapports que nous avons dans ce canton entre le parlement et l'exécutif.

A l'échelle des domaines de compétence communale - c'est cela dont il est question - nous proposons un article 30, alinéa 2 nouveau de la loi sur l'administration des communes qui dit simplement ceci, mais à vous entendre on croirait que c'est une atteinte intolérable à la démocratie : «Le Conseil municipal peut également adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés de portée générale régissant les domaines relevant de la compétence des communes.» Mesdames et Messieurs, quoi de plus raisonnable ? Le fait de refuser cette compétence aux conseillers municipaux, le fait de leur fixer une liste exhaustive de compétences limitées, le fait de confier au seul exécutif le soin de prendre des règlements - ce qui équivaut à ce que nous faisons en votant des lois dans ce Conseil - est quelque chose d'absolument étranger à l'esprit de nos institutions.

On a entendu dire que les conseillers municipaux allaient se mêler de tout, on a entendu pratiquement traiter les conseillers municipaux de mineurs, d'incapables à conserver sous tutelle, parce qu'ils risquent d'agir de manière irresponsable, de commencer à édicter des règlements à tort et à travers, sur des objets sur lesquels il faudrait les priver d'intervenir, de susciter des référendums... Mais, Mesdames et Messieurs, non! On ne joue pas à la dînette dans les conseils municipaux! La démocratie communale, dans les domaines de compétence communale, est une vraie démocratie; les conseillers municipaux ont été élus par le peuple, comme nous, et ont le droit de se prononcer sur les affaires communales et sur toutes les affaires communales! C'est le propos de ce projet de loi.

Maintenant, j'accorde volontiers à M. Rodrik que le projet de loi initial, dont je suis signataire et que mon groupe a déposé, était un peu brut. Nous avons donc, effectivement, réglé les dispositions prévues en nous modelant sur la manière de faire à l'échelle du canton. Nous avons prévu que l'exécutif de la commune, dans les domaines où une majorité du conseil municipal n'aura pas jugé nécessaire d'intervenir, peut continuer, comme aujourd'hui, à édicter des règlements. De même, dans les domaines où le conseil municipal a prévu de voter un règlement - qui sera effectivement soumis à une procédure référendaire, avec ce que cela représente de droits accrus pour les citoyens et les citoyennes des communes - si ce règlement est accepté, cas échéant aussi par le peuple et les communiers, l'exécutif conserve la prérogative d'édicter des dispositions d'exécution. Ceci permet au conseil municipal de donner, sur le plan général, des indications politiques à son exécutif, indications que par ailleurs il donne déjà aujourd'hui, sous forme de motions, de résolutions, etc., mais qui ne sont pas forcément suivies d'effet. En effet, il y a aujourd'hui un déséquilibre institutionnel, que nous entendons corriger, entre les exécutifs et ceux qui doivent devenir, à nos yeux, de véritables législatifs communaux.

Nous vous proposons donc d'octroyer ces droits politiques nouveaux aux conseillers municipaux et aux citoyens. Le cas échéant, Mesdames et Messieurs du parti libéral, nous vous suivrons volontiers - bien que nous vous précédions aujourd'hui dans bon nombre de cas... - sur le fait d'octroyer plus de droits aux communes elles-mêmes.

M. Alain-Dominique Mauris (L). Je voudrais relever, Monsieur Vanek, que les projets de lois que vous présentez concernant les communes tirent en fait leur inspiration d'un seul endroit, c'est la Ville de Genève! Vous souhaitez, par des modifications législatives, doter la Ville de Genève de certains pouvoirs, sans tenir compte des spécificités des autres communes. En l'occurrence, je suis effaré de la méconnaissance totale que vous avez de l'ensemble des autres communes qui constituent notre canton. La meilleure preuve que je puis vous en donner - même si vous partez en courant... - c'est que vous n'êtes jamais d'accord avec les prises de position de l'ACG. L'ACG est pourtant l'organe représentatif de l'ensemble des communes genevoises, y compris la Ville de Genève, où les discussions ont lieu d'une façon très démocratique, où chaque magistrat peut s'exprimer, qu'il soit de gauche ou de droite. Or, chaque fois que l'ACG prend position, vous êtes contre.

Ce projet de loi ne va pas du tout renforcer les pouvoirs locaux, mais bien les diviser, selon le principe de cette fameuse dînette dont vous parliez : on prend un peu à l'exécutif, on donne un peu au délibératif, et puis on a l'impression d'avoir fait quelque chose de magnifique pour la République!

M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi dont vous êtes saisis actuellement, s'il ne comporte que peu de dispositions, est un projet d'importance. En effet, il vise à régir de façon différente les règles du jeu au sein des communes du canton.

A cet égard, je suis frappé que les détracteurs de ce texte qui se sont exprimés soient essentiellement des magistrats communaux. On pourrait dire que c'est logique, parce que ce sont les plus compétents. Malheureusement, et je le dis, Monsieur Mauris, avec tout le respect que je porte à votre fonction et à votre personne, ce que nous avons entendu, c'est, dans une très large mesure, des discours de cantine! (Exclamations.)

Des discours de cantine d'abord, parce que, Monsieur Marti, lorsque vous évoquez les difficultés qu'il y aurait à appliquer cette législation, vous relevez en fait les difficultés qu'il y a à veiller à l'application du droit en matière communale. Chaque fois qu'un conseil municipal délibère, sa délibération est soumise à ratification, soit du département de l'intérieur, soit du Conseil d'Etat, selon les objets. Ceci est régi par la loi sur l'administration des communes, qui prévoit que, dans tous les cas, une évaluation, une interprétation est faite par une autorité de contrôle.

Des discours de cantine ensuite, parce que j'ai l'impression, à travers les échanges que nous avons entendus, qu'on n'a pas été au fond de la proposition. Je rappelle que le projet de loi 7860, dans un premier temps, prévoyait, je cite, que «le conseil municipal est également compétent pour adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés régissant les domaines relevant de la compétence des communes». Cela signifiait concrètement que les auteurs du projet de loi voulaient octroyer aux conseils municipaux non seulement la compétence de délibérer sur des objets d'importance générale, mais également la compétence de délibérer sur des objets d'importance particulière, par exemple sur des questions relatives à l'engagement du personnel, aux salaires des employés municipaux, ou d'autres questions de ce type.

A l'occasion des travaux de commission, les auteurs ont bien voulu modifier cette disposition, pour se borner à la délibération sur «les règlements ou les arrêtés de portée générale, régissant les domaines relevant de la compétence des communes». Cette modification n'est pas de petite importance : elle signifie concrètement que l'on crée une distinction entre ce qui relève du conseil municipal, c'est-à-dire les questions d'intérêt général, et ce qui relève de l'exécutif des communes, conseils administratifs, maires et adjoints, à savoir les différentes décisions qui régissent les communes. En d'autres termes, il s'agit d'appliquer aux communes le système que nous connaissons bien et qui régit le Grand Conseil.

Sous cette forme-là, cette proposition, Mesdames et Messieurs les magistrats des communes, est acceptable; elle a en tout cas été reconnue comme telle par l'Association des communes genevoises qui a indiqué que, si cette disposition n'était pas souhaitable, elle ne provoquait pas d'opposition majeure. En revanche, Mesdames et Messieurs les magistrats des communes, vous devez savoir que cette proposition est bel et bien souhaitée non seulement par vos administrés, mais également par celles et ceux qui siègent dans vos conseils municipaux.

Je dois ajouter qu'à travers cette proposition on vise, MM. Hodgers et Rodrik l'ont relevé très justement, une revitalisation de la vie communale. Vous devez comprendre que les conseillers municipaux en ont marre d'être consultés sur des objets sur lesquels ils n'auront, finalement, pas un très grand pouvoir de décision. Ceci peut d'ailleurs expliquer dans une large mesure la difficulté qu'il y a - car il faut parler vrai dans cette enceinte - à trouver, dans tous les partis, des candidats aux élections municipales.

Pour ma part, et je vous parle ici en tant qu'ancien conseiller municipal de la Ville de Genève, je crois qu'il est plus gratifiant, plus digne pour un conseiller municipal d'être saisi de questions sur lesquelles il a un véritable pouvoir de décision, plutôt que d'être inlassablement saisi de questions sur lesquelles il parle dans le vide, sur lesquelles il n'a absolument aucune compétence, ou encore de fonctionner comme simple caisse d'enregistrement.

La proposition telle qu'elle est rédigée aujourd'hui donne une véritable attractivité supplémentaire au rôle de conseiller municipal. Dans le même temps, il n'y a absolument aucune perte de prérogatives pour les exécutifs communaux. C'est en ce sens que le compromis, l'accord auquel est arrivée la commission des droits politiques est acceptable et convient à la vie communale. Le Conseil d'Etat vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de vous rallier de préférence à cette proposition plutôt qu'au projet de loi à l'origine des travaux de la commission. (Applaudissements.)

Mme Micheline Spoerri (L). Je me permets d'intervenir, non pas en tant que députée libérale, mais en tant que présidente de la commission des droits politiques. Je suis navrée d'entendre M. le président Cramer s'exprimer - ce n'est pas la première fois - dans des termes qui, à mon avis, ne sont pas dignes d'un président de département, qui a assisté à l'ensemble des travaux de commission, lesquels ont été d'une tenue très correcte. Je ne sais pas, Monsieur le président, si, quand vous parlez de discours de cantine, vous faites référence aux magistrats communaux. C'est ce que j'ai cru comprendre, mais je n'en suis pas sûre... Quoi qu'il en soit, que vous fassiez référence aux magistrats des communes ou à quiconque d'autre, le terme est malheureux.

Je constate une fois de plus que, lorsqu'on n'est pas d'accord avec vous, la tournure des débats, leur ton devient fort désagréable. Je le regrette très vivement; je ne pouvais pas, en tant que présidente, faire autrement que de le relever!

M. Alain-Dominique Mauris (L). Monsieur Cramer, je sais que je viens d'une commune viticole, mais de là à dire que je tiens des propos de cantine, c'est pousser un peu loin le bouchon! Et, en matière de bouchon, je crois que nous savons de quoi nous parlons!

L'absence de candidats aux élections municipales vient peut-être d'un manque de pouvoir, vous l'avez dit, mais alors, Mesdames et Messieurs, proposons de véritables délégations de compétences du parlement vers les conseils municipaux. Ne nous limitons pas à dire aux conseillers municipaux que, dorénavant, ce ne seront plus les exécutifs qui décideront de l'horaire d'ouverture du cimetière ou de la déchetterie, mais eux, conseillers municipaux. Allons plus loin, engageons un véritable débat et arrêtons avec ce projet de loi qui, je le rappelle, n'est que de la poudre aux yeux!

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Ce projet est adopté en deuxième débat.

Troisième débat

La présidente. Nous passons à l'appel nominal tel que demandé par Mme Spoerri.

Celles et ceux qui acceptent ce projet répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Ce projet est adopté par 45 oui contre 37 non et 1 abstention.

Ont voté oui (45) :

Esther Alder (Ve)

Charles Beer (S)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (HP)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Régis de Battista (S)

Jeannine de Haller (AG)

René Ecuyer (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Anita Frei (Ve)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Mariane Grobet-Wellner (S)

Christian Grobet (AG)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Louiza Mottaz (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni-Lonfat (HP)

Pierre Vanek (AG)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Ont voté non (37) :

Bernard Annen (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Jacques Béné (L)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Gilles Desplanches (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Michel Ducret (R)

Henri Duvillard (DC)

Jacques Fritz (L)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Philippe Glatz (DC)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Marti (DC)

Alain-Dominique Mauris (L)

Etienne Membrez (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Michel Parrat (DC)

Catherine Passaplan (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

S'est abstenu (1) :

Bernard Lescaze (R)

Etaient excusés à la séance (10) :

Michel Balestra (L)

Juliette Buffat (L)

Hervé Dessimoz (R)

John Dupraz (R)

Morgane Gauthier (Ve)

Luc Gilly (AG)

Armand Lombard (L)

Pierre Meyll (AG)

Jean Spielmann (AG)

Walter Spinucci (R)

Etaient absents au moment du vote (6) :

Roger Beer (R)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Erica Deuber Ziegler (AG)

Pierre Froidevaux (R)

Pierre-Louis Portier (DC)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Présidence :

Mme Elisabeth Reusse-Decrey, présidente

La loi est ainsi conçue :

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit :

Art. 30, al. 2 (nouveau)

2 Le Conseil municipal peut également adopter, sous forme de délibération, des règlements ou des arrêtés de portée générale régissant les domaines relevant de la compétence des communes.

Art. 48, lettre v (nouvelle teneur)

 lettre w (nouvelle, la lettre w actuelle devenant la lettre x)

 

La séance est levée à 23 h 15.