Séance du
jeudi 22 mars 2001 à
17h
54e
législature -
4e
année -
6e
session -
10e
séance
IU 1044
Mme Salika Wenger (AdG). Ma seconde interpellation s'adresse toujours à M. Ramseyer, excusez-moi, Monsieur Ramseyer...
Cette fois-ci, c'est au titre de citoyenne que j'en appelle à vous, ce soir. Jusqu'à très récemment, je croyais vivre dans une République laïque et démocratique dans laquelle chacun respectait le choix de l'autre. Mais aujourd'hui, je n'en peux plus, car, non contents d'envahir mon e-mail personnel, mon e-mail de députée, mon fax, mon téléphone et ma boîte aux lettres, ils ont aussi envahi l'espace public : je veux parler des membres du soi-disant groupe chinois du Falun Gong.
Pour toutes les pratiques religieuses, il existe des espaces dans lesquels chacun peut se recueillir et prier qui bon lui semble, mais au nom de la liberté d'expression, qu'un groupe religieux envahisse Genève et se livre à des pratiques devant l'université, le Musée d'histoire naturelle, sur la place des Nations, le pont de la Machine, et j'en passe, a de quoi interpeller tout un chacun.
Lors de l'affaire du Temple solaire, tout le monde était d'accord pour dire qu'il existait des limites aux pratiques religieuses, au-delà desquelles elles s'apparentent à des sectes, dangereuses pour les individus qui les pratiquent et pour les autres aussi.
Comment donc nommer autrement un groupe de fidèles dont certains sont assez conditionnés pour s'immoler par le feu en public ? Les manipulations auxquelles se livre le Falun Gong à Genève en nous persécutant de sa propagande ne sont en tout cas pas de nature à créer la confiance.
Je ne connais quant à moi aucun club de gymnastique, fût-elle très douce, qui ait recours à autre chose qu'une bonne campagne de publicité dans les journaux pour convaincre le public de sa nécessité.
Ma question est la suivante :
Est-il légitime que les lieux publics soient le théâtre de cultes religieux quels qu'ils soient, et ces actes ne seraient-ils pas de nature à remettre en cause la laïcité et la séparation de l'Eglise et de l'Etat qui caractérisent notre République ?
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît, un peu de silence!
Réponse du Conseil d'Etat
M. Gérard Ramseyer. Madame la députée, je répondrai demain à votre première interpellation, puisque vos questions ne peuvent appeler de réponse sur-le-champ.
Concernant votre seconde interpellation, j'ai bien pensé que quelqu'un allait parler de Falun Gong ce soir et je m'y suis donc préparé. Ce qui me permet de vous répondre avec beaucoup de précision. J'aimerais cependant vous avouer ma surprise que ce soit vous, Madame la députée, qui contestiez le droit de manifester, de s'exprimer dans ce canton...
Cela dit, je vous donne la réponse suivante. Falun Gong s'est toujours présenté - il a distribué des tracts dans ce Grand Conseil - comme un mouvement totalement pacifique, qui s'exprime non seulement en Chine, mais aussi ici, en Suisse. Puis ce mouvement nous a informés, à l'aide de différents tracts, sur la répression dont il est l'objet, paraît-il, en Chine, avec photos à l'appui, y compris une liste impressionnante de morts qui auraient été victimes des sévices du gouvernement chinois.
A l'occasion de la 57e session de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, Falun Gong a donc demandé à pouvoir manifester. Comme ce mouvement était relativement gourmand en demandes de ce type, j'ai donné à mes services pour instruction d'être extrêmement stricts sur le nombre de manifestations, les dates, les lieux, les heures et la durée. Nous avons ainsi accordé trois demi-journées de manifestation à Falun Gong et quatre stands d'information. Nous avons refusé toute autre manifestation, en particulier tout cortège, et nous avons interdit toute manifestation ailleurs que sur les emplacements prévus. Je vais du reste vous remettre à l'instant le tableau des autorisations accordées.
A peine était-ce fait que j'ai reçu la visite de M. l'ambassadeur de la République de Chine à Berne, venu aux nouvelles et venu expliquer, à son tour, qui était, selon lui, Falun Gong, à savoir une secte dangereuse, antigouvernementale, politisée, responsable de plusieurs centaines de morts en Chine. Des arguments que je ne pouvais qu'enregistrer avec respect, mais que bien sûr nous étions dans la totale incapacité de contrôler dans le laps de temps qui nous était réservé. Puis M. l'ambassadeur, avec beaucoup de courtoisie, m'a informé de l'arrivée à Genève d'un groupe d'étudiants venus, à leur tour, manifester contre Falun Gong à l'occasion de la 57e session de la Commission des droits de l'homme de l'ONU.
J'ai alors répondu à M. l'ambassadeur, sans aucune équivoque, que Genève est une terre de dialogue, qu'il est possible de s'y exprimer, et Dieu sait si personne ne s'en prive ! C'est un endroit où on a le droit de manifester, mais cela passe par des règles qui sont claires et que je fixe.
J'ai donc donné aux étudiants chinois rigoureusement le même temps d'expression qu'à Falun Gong, sur des sites précis, à des dates et heures et pour des durées déterminées. Ma conclusion à l'intention de M. l'ambassadeur a été sans équivoque, à savoir qu'il n'y aurait pas d'occasion autorisée de confrontation entre ces deux mouvements et qu'en cas de désobéissance la police interviendrait, ce qu'elle a fait hier matin. Un stand avait été dressé, en même temps qu'une manifestation : on a pu évacuer le stand et il n'y a pas eu d'ennui, tout s'est déroulé normalement. J'ai eu, encore une fois, un entretien téléphonique avec M. l'ambassadeur. Nous avons d'ailleurs reçu une douzaine d'appels téléphoniques plus deux ou trois visites personnelles de ces divers milieux.
Je vais donc vous transmettre le tableau récapitulatif de ce que j'ai autorisé. Dans ce dossier, il y a eu une bévue de la part de la Ville de Genève, qui a envoyé une lettre, puis une seconde, en oubliant qu'elle pouvait se prononcer sur les sites, puisqu'elle en est propriétaire, mais pas sur les heures ni sur l'autorisation de manifester en tant que telle. Ceci a été réglé par la suite par M. Hediger et cela ne pose plus de problème.
En conclusion, Madame, je vous remercie de votre intervention, en précisant que je n'ai pas à juger qui est Falun Gong et que je n'ai pas le moyen de vérifier si ce qui m'est dit est vrai. La seule chose que je sais, c'est que chaque fois que nous avons eu des demandes, nous y avons donné suite sans état d'âme de caractère politique, religieux ou quel qu'il soit.. Si les Tibétains veulent manifester, ils le peuvent. Si les Chinois veulent manifester contre le Tibet, ils le peuvent. Simplement, il y a des règles à respecter et elles l'ont toujours été.
Voilà ce que je peux dire. Je répète, Madame, que je ne porte aucun jugement sur qui que ce soit dans ce dossier. Notre travail a été fait rigoureusement, avec beaucoup de précision, pour éviter tout affrontement. Pour l'instant, les choses se passent bien, mais je rappelle que cette session n'est pas terminée et que, la semaine prochaine, ce sont les étudiants chinois qui manifesteront ici à Genève. Comme d'habitude, nous prendrons les mesures nécessaires pour que tout se passe normalement. Je tiens à votre disposition copie du tableau récapitulatif des autorisations; vous serez ainsi renseignée plus que dans le détail.
Cette interpellation urgente est close.