Séance du vendredi 16 février 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 5e session - 7e séance

PL 7750-A
5. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05) (Médiation pénale). ( -) PL7750
Mémorial 1997 : Projet, 9044. Renvoi en commission, 9050.
Rapport de Mme Juliette Buffat (L), commission judiciaire

La Commission judiciaire a travaillé pendant 5 séances, en date des 7, 23 et 30 mars, 6 avril et 4 mai 2000, sous la très diligente et efficace présidence de M. Michel Balestra, sur ce projet de loi déposé le 22 octobre 1997 par le Conseil d'Etat. Nos travaux ont été assistés et suivis par M. Bernard Duport, secrétaire adjoint au DJPT, et retranscrits par Mme Pauline Schaefer dans d'excellents procès-verbaux. Nous les remercions tous deux pour leur précieuse participation.

Le processus de médiation est de plus en plus en vogue ces dernières années et il se développe dans des domaines très variés, permettant de gérer et de résoudre des situations de conflits fort diverses comme, par exemple, les conflits entre époux, entre voisins, entre patron et employé, ou encore, dans le cas qui nous intéresse, entre victime et délinquant ou entre plaignant et accusé. La médiation pénale s'est développée progressivement dans toute l'Europe, d'abord sous la forme de projets ou d'expériences pilotes, et elle a fait ses preuves en matière d'utilité publique et d'efficacité judiciaire. C'est ainsi que le Conseil de l'Europe a adopté en septembre 1999 une recommandation (No 19) sur la médiation en matière pénale qui vise à promouvoir son développement, à en définir le fondement juridique et à spécifier ses modalités de fonctionnement ainsi que les qualifications requises pour sa pratique.

La médiation pénale est définie comme « un processus permettant à la victime et au délinquant de participer activement, s'ils y consentent librement, à la solution des difficultés résultant du délit, avec l'aide d'un tiers indépendant nommé médiateur, dont l'intervention consiste à trouver un compromis entre les parties ». Cette intervention dans un conflit opposant diverses parties vise à chercher un accord qui prenne en compte l'ensemble des circonstances juridiques, économiques, personnelles et sociales des individus concernés. Sa particularité réside dans le fait que les parties élaborent volontairement, et sous leur propre responsabilité, une solution équitable qui les lie juridiquement, et ceci avec l'aide d'un médiateur, neutre et indépendant. Le médiateur veille à ce que les parties concluent une entente libre et réfléchie qui tienne compte de leurs intérêts respectifs. Les solutions « à l'amiable » vont de l'excuse à la réconciliation, en passant par l'indemnisation, et sont rédigées sous forme d'une convention écrite qui peut ensuite être présentée à l'autorité judiciaire.

La médiation permet à la victime ou au plaignant d'entrer en relation directe avec la personne avec laquelle elle est en litige, grâce à la présence d'un tiers neutre et bienveillant, ce qui va lui permettre d'exprimer sa souffrance et son vécu liés au délit subi. Une fois entendue et comprise, la victime pourra, suite à la reconnaissance des faits et de la responsabilité de l'acte commis par l'accusé, instaurer un dialogue avec lui, se réapproprier le conflit et participer activement à sa gestion. Quant à la participation volontaire du délinquant au processus de médiation, elle lui permettra de s'engager dans une stratégie de conciliation, de reconnaître ses torts, puis de chercher une solution commune et acceptable au conflit. Ces rencontres organisées et animées par un médiateur lui offriront la possibilité de prendre conscience de la réalité des troubles causés à sa victime et à la communauté, et de la dimension affective et sociale du conflit. En offrant réparation pour les dommages causés et en présentant ses excuses à la victime devant un tiers neutre, le délinquant peut comprendre la valeur symbolique de la loi mieux que si elle lui est imposée par la force.

Cette démarche novatrice permet de diminuer les conséquences négatives des conflits chez les plaignants, et de prévenir ou d'atténuer les processus de victimisation qui peuvent conduire jusqu'à la sinistrose, atteinte qui constitue un handicap lourd et coûteux, tant sur le plan médical que professionnel et social. La médiation pénale permet d'autre part de responsabiliser les délinquants et leur offre des occasions concrètes de s'amender, ce qui favorise le processus de réinsertion et de réhabilitation sociale tout en prévenant les récidives ultérieures, souvent provoquées par un profond sentiment d'injustice et le goût de la revanche issus d'une grande incompréhension.

La médiation représente un formidable défi pour la justice pénale qui, en intégrant la notion de « justice négociée », peut apporter une réponse plus restauratrice que punitive à un certain nombre de conflits, ceci dans l'esprit de rendre une justice plus rapide, plus crédible car plus proche de la réalité des citoyens, plus constructive et moins répressive, et aussi plus économique et plus pédagogique. Elle permettrait de soulager les tribunaux surchargés d'affaires mineures comme par exemple les injures ou les conflits de voisinage.

Si la médiation s'est développée en Suisse dans de nombreux domaines, dans lesquels elle s'est montrée fort utile, familial, conjugal, scolaire, commercial, communautaire, professionnel, etc., il n'existe à ce jour aucun programme de médiation en lien avec la justice pénale, à l'exception de quelques expériences empiriques avec les mineurs. Plusieurs cantons s'y intéressent et envisagent d'introduire cette méthode dans leur pratique judiciaire. Genève est le premier canton prêt à légiférer en matière de médiation pénale et fait donc, une fois encore, office de pionnier.

Un projet-pilote intitulé « Travail personnel sur le délit et réparation des torts » est proposé depuis novembre 2000 aux détenus des prisons du canton de Berne. C'est un projet de médiation en milieu carcéral qui vise à permettre aux délinquants d'entrer en contact avec leurs victimes, de faire le lien entre leur délit et la peine infligée, de réfléchir aux crimes commis et aux conséquences sur ses victimes, puis de trouver grâce à l'aide d'un médiateur un moyen de réparer ses torts. Ce projet pionnier cherche à prévenir les récidives et à favoriser la réinsertion sociale des détenus à leur sortie de prison. Il tente d'appliquer concrètement la nouvelle loi sur l'aide aux victimes ou LAVI qui impose une action éducative lors de l'emprisonnement, une réparation du tort causé au lésé et une préparation au retour à la vie libre.

La commission a commencé par procéder aux auditions des principales parties concernées par le projet et des personnes qui avaient activement participé à son élaboration.

La Maison genevoise des médiations (ci-après MGM) existe à Genève (40, rue du Stand, tél. 320.59.94) depuis 1996 et a reçu le Prix du Service public 1998-1999. Elle offre ses services à toute la population genevoise, soit la possibilité aux personnes en litige de trouver des solutions constructives aux conflits qui les opposent, par le dialogue et dans un esprit de partage des responsabilités. La médiation permet d'apaiser les conflits et de prendre en compte tous les aspects du problème : c'est une démarche volontaire qui demande à chaque participant-e une collaboration active et qui peut être demandée lors de conflits avec ses voisins, son employeur, un collègue de travail, son conjoint, ses amis, un membre de sa famille, ou encore sa régie, un commerçant, un automobiliste, ou dans toute autre situation litigieuse. Lors d'un premier entretien individuel, chacune des personnes en litige est reçue par les médiateurs qui leur expliquent en quoi consiste la médiation. Les médiateurs s'assurent que les parties en conflit acceptent librement de venir en médiation. Au cours d'une rencontre commune, chacun peut exprimer ses sentiments et faire part des problèmes engendrés par le conflit. Avec la collaboration des médiateurs, les parties concernées sont amenées à établir, d'un commun accord et dans un cadre légal, un projet d'accord mutuellement acceptable. Les médiateurs et médiatrices sont formés aux techniques de communication et de médiation et connaissent les aspects juridiques, psychologiques et émotionnels des conflits. Ils garantissent impartialité et confidentialité, ils respectent les choix de chacun sans juger ni arbitrer, et ils aident à chercher un accord équitable dans un cadre neutre et conciliant.

Mme Salberg précise que la médiation est une profession à part entière exigeant un large éventail de compétences spécifiques. L'activité de médiateur familial existe de fait et ne peut s'exercer qu'après une formation d'environ 200 à 300 heures, dispensée par le CEFOC (Institut d'études sociales (IES)) et l'Institut de formation systémique à Fribourg (IFS). Cette formation est reconnue par l'Association suisse de médiation (ASM) et donne accès au titre de médiateur familial ASM. Mme Salberg précise encore que l'Association suisse des infirmières (ASI) organise une formation dans le domaine de la santé. La Maison genevoise des médiations propose aussi des ateliers et des stages de sensibilisation. La juriste signale encore l'exigence de formation continue et de supervision. Pour ce qui a trait à la pratique, Mme Salberg cite, à Genève, l'Association de médiation familiale, l'Office protestant de consultations conjugales et familiales, l'Ecole des parents, l'Association de médiation de quartier et les médiateurs indépendants. En matière de médiation commerciale, Mme Salberg signale que quelques études d'avocats en font (ou prétendent en faire) et elle ajoute qu'il existe aussi des médiations scolaires. Il s'agit alors d'une activité particulière où l'on forme les élèves eux-mêmes pour gérer leurs problèmes dans les préaux.

Mme Chenou explique que la médiation est un processus qui se déroule devant un tiers neutre et impartial permettant aux deux parties de trouver une solution à leurs difficultés. A la base de ce concept, explicite l'avocate, se trouve l'idée que les protagonistes en conflit sont les personnes les mieux placées pour résoudre leur problème et trouver les meilleures solutions. Dans le cas d'un arrachage de sac d'une personne âgée, exemplifie Mme Chenou, on sait que les dommages personnels peuvent être considérables, tant chez la victime que l'agresseur. Si ce dernier réalise le tort qu'il a causé, il est possible que son acte prenne alors une tout autre portée.

En avril 1996, rapporte Mme Chenou, le Groupe pro-médiation (GPM) et l'Association romande contre le racisme (ACOR) ont rencontré M. Bernard Bertossa, procureur général, et lui ont fourni des documents relatifs à la médiation pénale. A l'époque, le magistrat leur avait signifié qu'on ne pouvait pas se passer de base légale. Fort de cette remarque, GPM a planché sur le projet qui a donné naissance au projet de loi 7750 du Conseil d'Etat en octobre 1997. Dans ce contexte, Mme Chenou souligne que le GPM, qu'elle représente, est donc à l'origine de ce mouvement et qu'il bénéficie de l'appui de M. Ramseyer et du Conseil d'Etat in corpore.

La médiatrice insiste sur le fait qu'on parle de médiation déléguée, dans la mesure où elle n'intervient pas au sein même du Pouvoir judiciaire qui transmet le cas à l'Association de médiation avec laquelle il a conclu un accord. Dans ce contexte, il revient à l'association de convoquer les parties en litige, en insistant particulièrement sur le caractère volontaire que revêt la démarche de médiation. Cet aspect apparaît fondamental, dès lors qu'il n'est pas envisageable d'imposer aux acteurs de vouloir se mettre d'accord pour régler le conflit qui les oppose. L'association jouit alors d'un délai de trois mois, poursuit Mme Chenou, pour mettre en oeuvre la médiation, laps de temps durant lequel elle informe régulièrement le procureur général ou le Parquet de l'état de la procédure en cours. Il va sans dire, ajoute l'avocate, que le procureur général peut, en tout temps, demander si le dossier est suivi ou rappeler à lui la procédure. Au terme de sa mission, le médiateur est tenu d'en informer le procureur général. Outre le caractère primordial de volonté, la médiation s'articule aussi autour du respect de la confidentialité. Dans ces conditions, le médiateur ne pourra transmettre que les termes de l'accord, s'il est intervenu.

Reprenant l'exemple du sac arraché, Mme Chenou explique qu'on pourra indiquer si l'agresseur a restitué un montant et présenté ses excuses. A contrario, si la médiation n'a pas abouti, on se contentera de le signaler, sans apporter d'information particulière sur les modalités du refus. Dans le projet de loi 7750, Mme Chenou pointe encore le serment prévu à l'article 157 (nouveau) et elle indique qu'il s'inspire des principales règles déontologiques du médiateur : compétence, indépendance et formation idoine.

Il est évident qu'un tel professionnel n'est pas habilité à exercer une quelconque pression sur les parties aux fins de les obliger à conclure un accord. D'une manière générale, observe la médiatrice, il n'est d'ailleurs pas autorisé à se forger une idée préconçue de la solution à trouver, sachant que « la solution qui est trouvée appartient aux personnes ». En revanche, module Mme Chenou, le médiateur endosse la responsabilité de ne pas cautionner un accord non conforme à l'ordre juridique. Au final, l'intervenante précise que le médiateur n'intervient jamais dans la suite de la procédure et qu'il ne peut pas être appelé à témoigner. En conclusion, Mme Chenou communique que le procureur général accorde une attention toute particulière à l'article 159 (nouveau) Obligation de garder le secret.

Mme Salberg pense qu'il est important que le procureur général fasse la délégation. La juriste rappelle également qu'une victime peut aussi s'adresser à la LAVI. Quoiqu'il en soit, la médiatrice affirme qu'il est nécessaire que le plaignant soit reconnu en sa qualité de victime. On peut même supposer qu'il puisse en arriver à renoncer à adopter une attitude répressive à l'égard du délinquant. On court, a contrario, le risque d'aller à fin contraire. Mme Salberg pense que le procureur général peut faire office de pression et sa présence permet d'établir clairement le statut de la victime. Une telle reconnaissance se doit d'être définie, aux fins de permettre à la médiation de dépasser cette opposition de victime et d'agresseur pour tenter de résoudre le litige.

Un commissaire revient sur une remarque formulée en son temps par un député qui recommandait d'informer les justiciables sur l'existence des médiations. On lui avait alors répondu que tout le monde en connaissait l'existence. Le député fait pourtant savoir qu'il n'en est pas totalement convaincu, notamment dans le cadre d'affaires de famille. Il serait, par conséquent, favorable d'indiquer aux parties en cause qu'une telle issue est envisageable car il s'agit là de cas typiques pour lesquels la médiation porterait ses fruits. Quant à la médiation pénale, le commissaire laisse entendre qu'il en est un fervent partisan, mais il ne faut pas nier que, si les protagonistes concluent un accord, un tel processus n'enterre pas forcément l'action pénale, à moins qu'il s'agisse d'un délit punissable sur plainte (exemples : diffamation, injures). Dans les affaires poursuivables d'office, le procureur général peut accepter, en cas d'arrangement, de tourner la page, mais il n'y est pas obligé. Ainsi, la procédure de médiation sert à atténuer les choses, mais on sait toutefois que notre système autorise le procureur général à prendre une sanction sans que les intéressés doivent forcément passer devant une juridiction. Dans ces circonstances, il est indispensable d'entendre la position du procureur général. Une personne du GPM a d'ailleurs fait remarquer que, selon la nature du litige, la médiation n'aboutit pas à l'extinction de l'action pénale, si bien que d'aucuns pourraient être surpris de découvrir l'existence d'une sanction pénale, alors même qu'une médiation est intervenue. Au surplus, certaines affaires pénales revêtent aussi un caractère civil lorsqu'un individu se constitue partie civile en cas de préjudice économique. On peut dès lors imaginer qu'une médiation permette de résoudre le litige. S'il y a abus de confiance, ajoute l'intervenant, le procureur général ne pourra pas tourner la page, raison pour laquelle ce commissaire invite à l'instauration de règles du jeu claires dès le départ.

Un autre commissaire pensait que les avocats devraient jouer le rôle que les médiateurs exercent désormais et demande comment l'ordre des avocats perçoit cette tendance.

Mme Chenou lui rappelle qu'elle est personnellement membre de l'OdA et elle affirme que ses collègues sont intéressés par la question. Il appert que la Commission de médiation de la FSA s'est préoccupée de la concurrence au départ, mais Mme Chenou confirme que son attitude s'est beaucoup assouplie comparativement à l'époque. Cette médiatrice soutient même que les avocats peuvent fonctionner comme pilotes dans l'évolution à laquelle on assiste à l'heure actuelle en regard des professions de la médiation. Dans ce contexte, Mme Chenou juge que le rôle de pilote prime sur la crainte de concurrence.

M. Piccot insiste à son tour sur la méfiance qui a régné au départ dans les milieux concernés, mais un important partenariat pluridisciplinaire s'est développé et l'on parle même aujourd'hui de comédiation : « On apprend à connaître nos langages différents », se réjouit M. Piccot. Il en veut pour preuve le nombre croissant d'avocats s'adressant à l'Association pour qu'elle se charge d'une affaire dans laquelle ils ne se sentent pas toujours suffisamment armés pour gérer les aspects émotionnels et affectifs trop lourds d'un conflit.

Une commissaire suggère que la médiation peut également s'entendre en qualité de debriefing, en ce sens qu'elle tente de « dégonfler » les conflits. Il lui paraît important que les plaignants puissent s'exprimer et que l'on tende ainsi de calmer le jeu.

M. Piccot lui répond qu'elle a mis le doigt sur un aspect essentiel du processus de médiation. On cherche à mieux cerner ce qui peut rendre la résolution d'un conflit possible et parfois les parties n'arrivent pas à se mettre d'accord, un constat que l'on rencontre autant dans le domaine des conflits de couple que de travail. Il faut bien voir que si le médiateur n'est pas expressément formé pour recevoir toutes ces émotions, les protagonistes ne s'ouvriront pas davantage à la démarche qu'on leur propose. M. Piccot insiste dès lors sur le développement de l'empathie au niveau de l'écoute car celle-ci permet d'aller à la rencontre de l'autre. « C'est la force de la médiation qui permet d'introduire cette dimension ».

Une autre commissaire, s'adressant au département, suppose que ce projet de loi aura un coût : l'Etat va-t-il payer la note ?

M. Duport avoue que cette question n'a pas été abordée en détail. Dans l'esprit du DJPT, l'économie se situe surtout au niveau d'une certaine décharge des juridictions, dans la mesure où la médiation atteint ses objectifs. Par ce biais, explicite le secrétaire adjoint, on pense éviter, en cas de non classement d'une plainte par le procureur général, des recours et des procès qui mobilisent les juges.

Mme Chenou, s'appuyant sur l'exemple français, pense que la subvention à la prestation serait la formule la plus adéquate. Elle ajoute que, dans le cadre d'une médiation déléguée par le procureur général ou le juge d'instruction, on peut déposer plainte sans débourser un centime. En revanche, quand on demande une médiation en le voulant et en le sachant, on fait payer.

M. Duport revient à la question du financement. Dans le système de procédure pénale, la justice n'est pas gratuite. L'Etat développe une certaine activité et les frais en sont supportés par la partie qui succombe. Le secrétaire adjoint du DJPT ajoute que, lorsqu'on a affaire à un plaignant dont la plainte est classée, il est possible de demander des émoluments. M. Duport signale qu'il ne lui apparaît pas aisé de vouloir reproduire un tel schéma dans le cadre de la médiation qui s'y prête mal. A ses yeux, la question devrait être résolue par le biais d'un subventionnement.

Le professeur Nils-Robert signale d'emblée que son appréciation est subjective, dans la mesure où ce texte émane de son département à la Faculté de droit. Sous sa houlette, il a été rédigé par une équipe de collaborateurs qui travaillent sur la médiation en général. C'est dire que professeur Nils-Robert est donc favorable au projet de loi 7750. Cela étant précisé, l'intervenant estime que le calendrier de la commission est particulièrement adapté aux circonstances, sachant qu'une consultation sur la transaction pénale s'est terminée il y a quelques semaines. Selon le professeur, la médiation s'inscrit dans un mouvement général qui développe des solutions novatrices dans le système de la justice pénale.

Si le professeur Nils-Robert a accepté de venir ce soir, ce n'est pas tant pour débattre sur des questions de procédure, que pour insister sur des aspects essentiels en matière de politique pénale. Depuis une quinzaine d'années, explicite l'orateur, on assiste à une insatisfaction croissante relativement à la justice pénale en général, non seulement à Genève, mais en Belgique, aux Etats-Unis, en France et au Royaume-Uni. Dans ce contexte, on voit dès lors s'esquisser des propositions alternatives aux solutions traditionnelles aux conflits entre individus et/ou collectivités relatifs au droit pénal : atteintes à la propriété, dégâts en tous genres, problèmes de voisinage, vols, lésions corporelles, infractions contre l'honneur, etc. Le professeur Nils-Robert précise qu'on souhaiterait que ce type de litiges puisse se résoudre par une autre voie que celle de la justice pénale, notamment pour éviter le débat public.

A la volonté d'apporter des réponses nouvelles, s'ajoute le terreau dans lequel s'enracine la médiation, soit le courant visant à prendre en considération les victimes. La LAVI - le professeur Nils-Robert rappelle que la réflexion s'est esquissée au début des années 1990 chez nous - en témoigne, mais la Suisse n'a rien inventé et n'a fait que suivre une tendance générale sur ce point. A l'heure actuelle, on reconnaît désormais l'insatisfaction des victimes et on leur montre qu'on s'intéresse à leur sort. Ainsi, résume le professeur Nils-Robert, la médiation s'alimente-t-elle à une appréhension différente de la politique pénale qui consiste à proposer des solutions plus civiques et communautaires en matière de justice pénale. Via ces démarches innovantes, explicite le professeur Nils-Robert, on cherche à prendre de la distance vis-à-vis d'un certain formalisme ambiant.

Le professeur Nils-Robert révèle que la médiation s'est développée de façon transdisciplinaire et elle occupe maintenant une place dans toutes les disciplines du droit. Au départ, cette approche a été conçue pour gérer les problèmes familiaux et l'Association suisse des médiateurs familiaux est la plus ancienne association suisse de médiation. Outre le droit civil, cette technique s'inscrit aussi dans les droits pénal, commercial, public, etc. - le professeur Nils-Robert cite le cas français du médiateur de la République dont le rôle est important. Dans ce pays et en Belgique, on pratique déjà la médiation dans toutes les situations conflictuelles où l'on peut faire appel au droit : environnement, consommation, assurance, travail, etc. Le professeur Nils-Robert fait observer qu'on avait voulu introduire la notion de médiateur dans la nouvelle loi sur le divorce, mais que le Conseil des Etats y a renoncé sous prétexte que cela coûtait trop cher, mais il estime que c'est très regrettable. A ses yeux, le rôle de la médiation peut, au contraire, s'avérer extrêmement précieux pour aborder les positions des conjoints et aider les parties à communiquer entre elles.

En sa qualité d'enseignant à la Faculté de droit, le professeur Nils-Robert cherche à sensibiliser les futurs juristes à la médiation dans toutes les disciplines qui y sont enseignées et à ne pas focaliser uniquement sur le pénal. Comme les modèles les plus formalisés, soit en Belgique et en France, consistent en des maisons de justice ou justice de proximité dans le domaine de la médiation pénale, voilà pourquoi le projet de loi en question s'est engagé dans cette voie pour commencer. Le professeur Nils-Robert, invitant à légiférer en la matière tant que les cantons en ont encore la compétence, fait savoir qu'il est prévu d'élargir la réflexion à d'autres domaines.

Sur le plan de la formation, le professeur Nils-Robert fait remarquer qu'on se dirige vers un regroupement des organisations. Pour ce qui a trait à la sensibilisation aux avocats, il rappelle que la Fédération suisse des avocats (FSA) organise des cours à l'intention des avocats.

Une commissaire demande si le but consiste à former le plus d'avocats possibles à la médiation ? Doit-on supposer qu'une telle perspective signifierait qu'on remplacerait le médiateur en tant qu'intermédiaire ? A contrario, est-ce plutôt pour que les avocats acquièrent un maximum de compétences dans ce domaine, ce qui n'empêcherait pas les médiateurs de poursuivre leur activité parallèlement à celle des avocats ?

Le professeur Nils-Robert lui répond que le projet de développer la médiation ne constitue nullement une quelconque contestation de la spécificité technique de l'avocat, quel que soit son domaine professionnel. Il faut bien voir que le médiateur n'a pas la prétention de connaître à fond le droit, même s'il est vivement recommandé d'avoir de bonnes notions juridiques à son actif. Si l'on souhaite qu'un médiateur soit bien informé, il n'est toutefois pas question de remplacer les avocats par les médiateurs. Le professeur Nils-Robert expose que nous évoluons dans une société où l'on observe une « juridicisation » constante de notre vie quotidienne, partiellement provoquée par une surabondance de professionnels techniques, par ailleurs pas toujours sensibilisés à la dimension psychique des conflits, alors que les médiateurs le sont. Chez nous, on enregistre déjà plusieurs dizaines de médiateurs formés à la médiation familiale et le professeur souligne que la médiation familiale est d'ailleurs citée dans le nouveau droit du divorce (cf. article 139). Il précise toutefois qu'un médiateur ne peut pas témoigner.

Un commissaire constate que le professeur Nils-Robert souhaite un meilleur fonctionnement de la justice. Si l'on raisonne maintenant en termes d'impact, le commissaire se demande si, via ce projet, on peut affirmer que les causes seraient mieux gérées (surtout celles « abandonnées » par le procureur général) ou que certaines d'entre elles n'auraient plus à passer par un système judiciaire lourd, étant donné que la médiation les solutionnerait avantageusement. Quel serait l'effet global de ce projet de loi sur le fonctionnement de la justice ?

Le professeur Nils-Robert admet que ce projet de loi s'adosse sur une spécificité de la procédure genevoise, soit le classement en opportunité. Selon lui, il est vrai de dire que la médiation devrait, en grande partie, intervenir dans le créneau du classement, notamment pour donner satisfaction à la victime, mais aussi à l'auteur d'une infraction, quant à la nature du conflit et de sa résolution, et ne pas déboucher a contrario sur « rien du tout ». On sait que le classement n'est même pas toujours signalé aux parties, un état de fait qui constitue un facteur de mécontentement considérable. L'insécurité naît de l'insatisfaction du travail de la justice, indique le professeur Nils-Robert. Au surplus, le professeur invite les commissaires à demander à M. Bernard Bertossa s'il transmet encore certains dossiers à la Justice de paix pour conciliation, mais il insiste sur le fait que conciliation et médiation sont deux choses différentes. Evoquant encore l'ordonnance pénale qui implique désormais la participation de l'accusé, le professeur Nils-Robert avance qu'elle permet actuellement la résolution de la majorité des procédures pénales. Il n'est donc pas exagéré de dire que Genève se situe déjà dans la mouvance consistant à discuter avec les intéressés pour voir s'ils sont d'accord avec la solution proposée. Cette attitude s'inscrit dans ce vaste mouvement de reconnaissance de la victime dont le professeur a parlé plus haut.

Une commissaire pense que cette solution alternative dont parlait le professeur Nils-Robert au début de son intervention est intéressante à plus d'un titre. A-t-on des comparaisons avec d'autres pays démontrant que les cas sont traités plus rapidement par le biais de la médiation que par la voie des tribunaux ?

Le professeur Nils-Robert le lui confirme et ajoute que c'est aussi moins cher, si bien que le système de la médiation est profitable à long terme. Si l'on consulte les recherches menées sur les victimes après les avoir interrogées, on constate qu'elles sont toujours insatisfaites du traitement de la justice. Le professeur insiste sur la portée d'une solution civique et communautaire. La médiation de quartier s'avère utile, en ce sens qu'elle peut permettre à un quartier de fonctionner même s'il est le fruit de multiples conflits. Or, force est d'admettre qu'aujourd'hui il y a des conflits partout et qu'il faut vivre avec. Le choix d'un collègue à Turin, ayant finalement baptisé son association « Maison des conflits » exprime d'ailleurs bien cette nouvelle réalité à laquelle est confrontée la société. Dans ce contexte, il appert que la médiation offre une communication de qualité entre les individus et un outil intéressant pour vivre ensemble harmonieusement.

Cette commissaire voudrait savoir si l'on connaît le pourcentage de réussite de la médiation dans les pays européens ?

Le professeur Nils-Robert lui indique que la Belgique et la France ont mené des études sur la question, mais il ne faut pas nier que ces appréciations soient surtout d'ordre qualitatif. En tous les cas, le professeur affirme que les résultats sont extrêmement positifs, tant pour les acteurs concernés par la médiation que pour les médiateurs eux-mêmes. Le professeur Nils-Robert pense qu'il faudrait interroger une médiatrice familiale, mais il sait que le procédé est économique en termes de temps et d'énergie. Il ne faut pas oublier qu'un classement pénal peut traîner entre six mois et deux ans, obligeant ainsi les protagonistes à se rendre au Parquet pour connaître l'avancement de leur dossier. Il n'est donc pas difficile d'imaginer le sentiment qui habite la victime et l'auteur.

Le professeur Nils-Robert explique que l'Etat de Genève a nommé quatre médiateurs il y a deux ans, que cela ne suffit déjà plus et qu'on envisage de renforcer les effectifs. Il révèle, en outre, que les inspecteurs du travail l'ont déjà approché et que ces professionnels sont convaincus qu'ils devraient être formés à la médiation pour résoudre des problèmes relevant du contrat de travail, des conditions de travail, etc. Dans ce contexte, souligne le professeur, on peut dire que l'appréciation en termes économiques a déjà été faite et que le jeu en vaut la chandelle.

Une autre commissaire se demande si la conciliation ne doit pas être considérée comme « l'ancêtre » de la médiation ou doit-on supposer qu'elles visent chacune une autre cible ?

Le professeur Nils-Robert lui signale qu'il a distingué les deux tantôt, sachant que la conciliation est instituée a priori dans une organisation judiciaire et qu'elle préexiste aux conflits. Il est important de relever que la médiation se démarque du modèle hiérarchique (vertical) de la conciliation. A contrario, insiste l'orateur, la médiation est une structure de type horizontal. S'il est vrai de dire que le rôle du juge conciliateur s'y apparentait, il n'empêche qu'il est tombé en jachère, alors même que cela ne répond pas au voeu du justiciable.

Le président, ayant siégé quatorze ans durant comme juge prud'homme, a apprécié lorsque le professeur Nils-Robert a souligné que ce tribunal donnait dans la médiation. Il constate cependant que le système s'est heurté à passablement d'opposition car il n'entrait pas dans la vision classique des choses, à telle enseigne que deux réformes sont venues contrer cette pratique. Ne doit-on pas en déduire que la position du professeur est atypique ? En clair, lance le président : « Quels sont vos ennemis » ?

Le professeur Nils-Robert répond qu'il ne doute pas qu'il ait des ennemis, mais il avoue toutefois qu'il se sent parfaitement confortable avec la médiation, non sans préciser qu'il a siégé longtemps comme greffier aux Prud'hommes, raison pour laquelle il en connaît bien le fonctionnement. Il estime être en bonne compagnie, notamment en France, avec les maisons de médiation, la justice de proximité ou encore le courant de « community control » en Grande-Bretagne. Cela étant, il est évident que les avocats n'ont pas tellement intérêt à reconnaître qu'un problème puisse se régler au tarif de 80 F/heure par un médiateur quand ils en réclament 600 F/heure. Il ne faut pas se leurrer : on a toujours affaire à des querelles de clientèle, un état de fait qui pousse le professeur Nils-Robert à admettre qu'il y aura forcément des opposants à la médiation. C'est pourquoi il a entendu avec satisfaction le témoignage d'une commissaire, qui dans sa pratique professionnelle a constaté les nombreux dommages provoqués par un divorce mal géré et mal digéré. On sait aussi que certains conflits peuvent parfois être activés par des avocats peu sensibilisés aux problèmes psychologiques. Ces considérations amènent le professeur Nils-Robert à vouloir intensifier la collaboration avec la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation (FAPSE) parce que les juristes sont sous-cultivés dans ce domaine. A l'heure actuelle, il propose déjà un enseignement commun destiné aux psychologues et aux juristes.

M. Bertossa rappelle que le projet de loi en question a été établi en concertation avec le Ministère public et que les initiants lui avaient demandé son accord de principe sur la médiation pénale. A l'époque, rapporte le procureur général, ils souhaitaient mettre en oeuvre leur projet sans autre formalité, mais il leur a objecté qu'une telle solution n'était pas envisageable sans se doter d'une base légale. M. Bertossa évoque ici le problème du secret de fonction pour signaler qu'il ne pourrait pas transmettre un dossier à des tiers non fonctionnaires ou auxiliaires de justice. Cela étant précisé, le procureur général indique que le contenu du projet de loi le satisfait et qu'il y est favorable sur le principe.

D'après les informations qu'on lui a fournies, notamment en France, M. Bertossa a constaté que la médiation démontre son efficacité et son utilité. Dans les procédures en vigueur, précise toutefois l'intervenant, il existe déjà passablement d'ouvertures pour négocier et transiger devant le juge d'instruction ou d'autres autorités, dont le Tribunal de police. M. Bertossa souligne aussitôt que la médiation apporte un plus, dans la mesure où elle représente une forme un peu spécialisée de négociation. « Nous ne sommes pas formés à la médiation. Ce sont des techniques particulières qui semblent avoir fait leurs preuves », constate le procureur général. Il appert ainsi que, pour certaines catégories d'infractions, la médiation pourrait constituer un instrument supplémentaire à l'endroit du justiciable aux fins d'éviter de mettre en oeuvre l'action publique, mais aussi, a contrario, de ne pas la mettre en route.

Un commissaire revient sur les modèles de lettres que le GPM a fournis aux députés lors de leur audition. Celles-ci seraient adressées par le Parquet aux personnes en cause, une démarche qui lui paraît tout à fait juste, étant donné qu'il lui apparaîtrait inadéquat que l'Association en soit l'expéditeur. A ce stade, il croit savoir que la rédaction résulterait d'une collaboration entre le Parquet et le Groupement pro-médiation. Or, l'article 115b (nouveau) Médiation, en son alinéa 2, prévoit que « L'association de médiation pénale convoque les personnes en litige, (…) ». Il n'est donc pas exclu que des justiciables soient étonnés de recevoir un courrier d'une tierce personne les invitant à participer à une séance de médiation. Le commissaire souligne, en conséquence, l'impact de la première lettre qui définit le cadre dans lequel s'inscrit la médiation, d'où la nécessité qu'elle soit dotée d'un caractère officiel pour éviter toute ambiguïté.

Au surplus, il observe que les choses sont assez simples pour ce qui a trait aux affaires poursuivies uniquement sur plainte. En revanche, module le député, on sait que, en matière de délit poursuivi d'office, alors même qu'un arrangement intervient sur le plan civil, le Parquet peut continuer à poursuivre selon la nature de l'affaire. Il arrive, certes, que le procureur général, dans sa grande bienveillance, classe un dossier ou opte pour une amende, mais il voudrait savoir si M. Bertossa envisage de limiter la médiation - ce qui serait dommage au demeurant - à des cas sur plainte ou de l'étendre plutôt à des affaires qui peuvent se poursuivre d'office, quitte à réserver sa position en fonction du résultat de la médiation ? A ses yeux, il ne serait pas impossible d'envisager la médiation sur les aspects civils d'un litige. On voit bien, dans les affaires pénales, que les individus sont davantage préoccupés par les conséquences du délit que par la sanction. Il estime que si, malgré la médiation, on envisageait une suite pénale, il faudrait alors que les protagonistes sachent qu'elle ne va pas forcément mettre fin à la procédure pénale.

M. Bertossa précise qu'il ne reconnaît pas son style dans les projets de lettre, à plus forte raison lorsqu'il voit qu'on stipule les date et heure de la convocation… Quoiqu'il en soit, il rejoint le commissaire sur le fait que les parties devraient être informées via le Ministère public de l'envoi de leur cause à un médiateur. En revanche, le procureur général pense qu'il est plus logique et approprié que le médiateur convoque les intéressés plutôt que lui.

Il fait ensuite savoir au député que c'est à dessein qu'on n'a pas limité le cadre des infractions pouvant faire l'objet d'un envoi à la médiation. Si l'on devait toutefois établir une frontière, M. Bertossa pense qu'on irait au-delà des affaires sur plainte, mais qu'on en resterait quand même aux affaires personnelles, avec un auteur et une victime à la clef. On voit mal, en effet, qu'on puisse actionner la médiation dans le cadre d'atteintes à la défense nationale ou à l'administration de la justice. Cela étant, M. Bertossa se rallie à la position déplorant qu'on s'arrête aux infractions sur plaintes. Il n'est néanmoins pas concevable d'imaginer que le médiateur soit mis en oeuvre pour des dossiers trop importants car il y a fort à parier qu'il ne s'y retrouverait pas. Quant aux promesses faites aux gens, le procureur général laisse entendre qu'on ne peut pas les tenir légalement, mais dans la pratique, il apparaît évident que, si le Ministère public accepte d'envoyer une cause au médiateur, c'est qu'il n'a pas l'intention de la poursuivre. M. Bertossa ne se montre toutefois pas opposé à ce qu'on stipule aux parties qu'en cas de succès de la médiation, on retirera la plainte.

M. Roten fait savoir qu'il trouve ce projet intéressant, ce d'autant qu'il s'inscrit dans le cadre des recommandations du Conseil de l'Europe sur la question. Selon le président du Tribunal de la jeunesse, une telle réflexion permettra d'apporter une réponse plus restauratrice que punitive. M. Roten pense que la médiation peut constituer une solution supplémentaire bienvenue pour la justice. L'intervenant confirme qu'il n'a pas de réserve par rapport au bien-fondé de ce projet de loi.

Pour ce qui a trait au droit pénal des mineurs, M. Roten explique que, dans son essence même, il comporte une orientation à caractère essentiellement éducatif. S'il prévoit des sanctions, elles doivent être proférées dans un esprit pédagogique et s'avérer bénéfiques dans le cadre du développement du mineur qui a commis une infraction. Telle est la différence entre le droit pénal des majeurs et des mineurs, résume M. Roten. A ses yeux, la médiation représente le travail quotidien des juges des mineurs, bien qu'elle ne se pratique certainement pas avec le formalisme qu'on perçoit dans le projet de loi 7750. Il n'est d'ailleurs pas rare que des juges, voire des travailleurs sociaux mandatés par le Tribunal, participent aux négociations concernant des mesures éducatives provisoires avant le jugement au fond. Il est vrai de dire qu'on n'envoie pas de lettres comme le stipule le projet de loi dont on parle. Bien que ces acteurs ne soient pas indépendants comme peut l'être un médiateur, M. Roten constate que le système fonctionne à satisfaction sur le plan général.

M. Roten voit pourtant quelques points assez délicats si l'on décidait d'élargir la médiation aux mineurs. L'aspect de la réparation ne représente, en effet, qu'un volet d'une prise en charge plus globale. Il ne suffit donc pas qu'un jeune répare le dommage qu'il a causé pour qu'on soit alors autorisé à se désintéresser de son sort, sachant qu'il présente peut-être une problématique complexe aux niveaux scolaire et familial. Aussi, soutient M. Roten, le simple fait de ne plus s'occuper d'un cas sous le couvert qu'une réparation est intervenue, conduirait à admettre que le Tribunal n'aurait répondu que partiellement à la mission qui lui est confiée. Il apparaît nécessaire que le juge se fasse une idée de la situation du mineur aux fins de se rendre compte si une simple réparation pourrait suffire ou non. Au surplus, et évoquant la notion de repentir sincère, M. Roten signale que le Tribunal peut renoncer à toute mesure considérant que le jeune a été suffisamment puni ou a tout mis en oeuvre pour réparer son dommage.

M. Roten anticipe encore un autre problème, que la médiation intervienne d'ailleurs entre mineurs ou entre un majeur et un mineur. Si, d'aventure, on confiait ce type de mission à une association de médiation, il serait indispensable qu'elle puisse alors envoyer des médiateurs spécialisés et rompus à une problématique qu'il qualifie de très spéciale.

M. Roten estime, en outre, que la médiation est une technique déjà reconnue et pratiquée par la justice des mineurs, bien avant qu'on y pense pour les majeurs au demeurant. Cet état de fait se retrouve dans la plupart des pays européens, précise le président du Tribunal de la jeunesse, quoi qu'elle fonctionne dans des conditions un peu différentes de celles qu'on peut imaginer pour les adultes. Est-ce indispensable de légiférer en la matière, s'interroge M. Roten ? Il ne le pense pas vraiment, sachant qu'on dispose de ressources dans ce domaine. Il n'est toutefois pas exclu, module l'intervenant, qu'on imagine un article dans la loi sur les juridictions pour enfants et adolescents (pendant du CPP) qui prévoirait que le Tribunal soit habilité à recourir aux services d'associations de médiation comme pour le procureur général. M. Roten répète que cette opportunité dépendrait de la qualité de ces associations et de leur spécialisation. Dans ce contexte, la médiation, insiste-t-il, doit être vue comme une solution supplémentaire, mais sous une autre forme que celle prévue dans le projet de loi 7750. Ainsi, insiste M. Roten, la formule d'une lettre ne lui apparaît pas judicieuse pour les mineurs.

M. Roten explique que le Tribunal est aussi confronté à la question de la confidentialité et la loi prévoit que les débats et l'instruction se déroulent à huis clos, avec interdiction de fournir des pièces ou des résultats de la procédure à l'extérieur, à l'exception des personnes habilitées. La loi autorise, à cet égard, « toute personne ayant un intérêt légitime ». On pourrait donc imaginer qu'il soit possible de communiquer certaines informations si l'on estime qu'elles servent les intérêts du mineur. M. Roten n'y serait pas opposé s'il s'agit de faits qui pourraient faire l'objet d'une négociation entre les parties. Au passage, l'intervenant précise que le Tribunal ne connaît pas la qualité de partie civile, mais qu'il n'y a que des plaignants et des auteurs d'infractions.

A l'heure actuelle, M. Roten estime que le Tribunal de la jeunesse est privilégié par rapport aux adultes, dans la mesure où il peut quand même s'appuyer sur des services efficaces (exemples : Office de la jeunesse, animateurs de rue, conseillers des CO). L'ensemble de ces groupements a la capacité d'intervenir au sens d'une médiation pour éviter qu'un dossier ne parvienne jusqu'à la justice. Sur ce point, M. Roten explicite qu'un groupe s'est constitué en Champagne, réunissant îlotier, conseillers administratifs et municipaux, pasteur, etc. Son objectif vise à élaborer des solutions inventives dans l'instauration de travaux organisés sur place, notamment pour des déprédations commises par des jeunes, afin qu'ils puissent réparer les dégâts et éviter le dépôt d'une plainte. Il est à noter que ce type de démarche offre une ouverture intéressante vers les familles. Le Point, qui dépend de la direction générale de l'Office de la jeunesse envisage, de son côté, de mettre sur pied un système semblable dans le cadre scolaire et l'on forme des enseignants à la technique de la médiation pour qu'ils puissent intervenir dans les conflits entre mineurs (exemple : racket). M. Roten souligne le bien-fondé de telles actions au sein d'une société où l'on peine à communiquer. Dans ce contexte, il arrive que les citoyens déposent très rapidement des plaintes car ils ne cherchent même plus à s'entendre et à arranger les choses. Il est intéressant de constater qu'on développe des projets de prise en charge collective, notamment en regard du phénomène des bandes de mineurs. Cherchant à mieux connaître l'origine de tels mouvements, M. Roten explique que le but consiste à profiter de la potentialité qu'offrent ces bandes pour les empêcher de commettre des actes délictueux. Au chapitre des structures existantes, l'orateur cite encore le rôle des ateliers de prise en charge des jeunes qui n'arrivent pas à s'intégrer dans le milieu professionnel.

Vote : adopté à l'unanimité (1 AdG, 1 DC, 2 L, 1 R, 1 S, 2 Ve).

Alors que le projet de loi s'en remettait aux associations de médiation pénale pour le choix et la mise en oeuvre du médiateur, il apparaît à la commission que l'introduction de la médiation pénale dans notre législation n'aura de sens que pour autant que l'on définisse clairement le profil et les limites de l'action du médiateur, à l'aide de règles de sélection et de fonctionnement rigoureuses.

C'est pourquoi, les commissaires optent pour une autre systématique que celle proposée par le Conseil d'Etat. Ils décident que le procureur général pourra s'adresser directement à un médiateur qui devra répondre à un certain nombre de conditions et être agréé par le Conseil d'Etat, lequel tiendra un tableau ad hoc. Cela étant, il n'est plus fait explicitement référence aux « associations de médiation pénale » dans la loi.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 2 R, 3 S).

La médiation étant conçue, pour l'instant, non pas comme un métier mais comme une fonction occasionnelle, elle pourra être exercée par des personnes venant d'horizons différents - psychologues, avocats, anciens magistrats, assistants sociaux, etc. - qui auront été agréées par le Conseil d'Etat et auxquelles le procureur général pourra recourir selon la nature du problème à régler.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 2 R, 3 S).

Lettre a) : il est relevé qu'il est important d'avoir une certaine expérience personnelle et d'avoir été confronté aux réalités de la vie pour pratiquer la médiation, d'où un âge minimum de 30 ans. Un commissaire est d'avis que la limite d'âge pourrait être fixée à 25 ans.

Vote : adopté par 9 oui (1 DC, 3 L, 2 R, 3 S), 1 non (AdG) et une abstention (AdG).

Lettre b) : une proposition consistant à exiger une licence en droit est jugée trop restrictive. Néanmoins, un accord se dégage sur l'importance d'une formation universitaire; que ce soit, par exemple, en droit, en médecine ou en psychologie. Une telle formation constituera en effet un atout pour la personne appelée à mettre sur pied un accord entre la victime et l'auteur de l'infraction. Cela étant, les commissaires tombent d'accord sur le fait que le procureur général devrait pouvoir choisir la personne paraissant le mieux adaptée au type de médiation envisagée et qu'il convient par conséquent de recourir à une rédaction ne fermant pas la porte à une personne ne possédant pas de titre universitaire mais une vaste expérience professionnelle dans le champ concerné. C'est pourquoi la lettre b) est complétée par la référence à une « formation jugée adéquate ». Cette dernière devrait permettre, par exemple, de recourir aux services d'un assistant social pour régler un conflit de voisinage, pour autant, bien entendu, que cette personne satisfasse aux conditions énoncées aux autres lettres de l'alinéa 3.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 2 R, 3 S).

Lettre c) : cette lettre souligne l'importance d'une bonne formation et d'une certaine expérience pratique professionnelle dont doit bénéficier le médiateur.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 2 R, 3 S).

Lettre d) : une proposition exigeant des connaissances « approfondies » en droit pénal et en procédure pénale est jugée excessive. L'importance de l'expérience, du vécu est derechef rappelée.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 2 R, 3 S).

Lettre e) : une formation spécifique et reconnue dans le domaine de la médiation est vivement souhaitée par les commissaires. Les conditions figurant sous cette lettre s'ajoutent à celles énoncées aux lettres précédentes.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 2 R, 3 S).

Lettre f) : il s'agit ici de la reprise d'une condition usuelle pour les personnes appelées à exercer des tâches d'intérêt public.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 2 R, 3 S).

Alinéa 4

La commission souhaite que l'on puisse reconnaître des spécificités à certains médiateurs ou médiatrices en fonction de leurs formation et expérience professionnelles antérieures. Elle tient à ce que les médiateurs désignés ou délégués soient correctement formés à la médiation et capables de gérer des situations de conflits particulièrement difficiles tant sur le plan émotionnel que psychologique. La commission renonce dans cet alinéa à une référence aux mineurs, la médiation conçue pour les adultes ne pouvant être transposée telle quelle dans le contexte particulier de la loi sur la juridiction des enfants et adolescents. Dans le cadre de cette dernière, en effet, il n'y a ni procureur ni partie civile et le juge joue déjà un rôle de médiateur. De plus, la médiation suppose une autonomie de la volonté des deux protagonistes et il faut éviter de confronter un mineur et un majeur.

Comme on introduit une législation expérimentale, il convient de lui laisser le temps de faire ses preuves, quitte à revenir ultérieurement sur la question au cas où le besoin d'une médiation spécifique aux mineurs se ferait sentir.

Vote : adopté à l'unanimité (1 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Les médiateur étant agréés par le Conseil d'Etat, il est logique que ce dernier en tienne le tableau qui devrait aussi contenir des informations ou des indications concernant les spécificités particulières des médiateurs concernés.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Les médiateur prêteront serment devant le Conseil d'Etat et non devant le procureur général, comme le prévoyait le projet de loi (art. 157).

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Cette disposition reprend l'article 158 du projet de loi, à l'exception de l'alinéa 3 qui faisait référence à l'association de médiation pénale, la loi ne conférant pas de rôle spécifique à cette dernière. Cet article souligne le caractère neutre, bienveillant et impartial du médiateur.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Cet article correspond à l'article 159, alinéa 1 du projet du Conseil d'Etat. L'alinéa 2, qui faisait référence aux organes et au personnel de l'Association de médiation pénale n'est pas repris, pour la même raison que ci-dessus. Les commissaires jugent superflue la réserve de l'article 11 du Code de procédure pénale qui figurait à l'article 159, alinéa 3 du projet de loi : il va de soi que cet article s'appliquera aussi au médiateur. Cet article souligne l'importance du secret de fonction, secret qui est d'ailleurs souvent déjà pratiqué et respecté dans les professions exercées par les médiateurs (médecins, juristes, travailleurs sociaux).

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Cet article correspond à l'article 160 du projet de loi. Le médiateur exerce son activité en dehors de la procédure judiciaire, ce qui garantit sa neutralité et son impartialité. Tout ce qui est dit lors du processus de médiation reste donc secret et, seul l'accord final signé par les deux parties, sera transmis à la justice, et ceci sans le détail des faits et propos qui ont conduit à sa négociation.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Cet alinéa est complété afin que les droits garantis par la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI) soient respectés si la victime d'une infraction visée par la LAVI accepte une médiation pénale, soit le fait de pouvoir se faire accompagner d'une personne de confiance lors de la procédure d'interrogation.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Alinéa 1

Cet alinéa prescrit que le procureur général peut faire appel à un médiateur pénal (et non à une association de médiation), conformément aux modifications apportées à l'article 156 de la loi sur l'organisation judiciaire. Il est complété, à la suggestion d'un commissaire, par l'obligation explicite faite au procureur d'en informer par écrit les parties en cause de sa décision de recourir à un médiateur et de préciser la portée de la médiation. La majorité des commissaires (1 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S contre 2 Ve) se rallie également à un amendement proposé par un autre commissaire et consistant à mentionner les conseils des parties. Il importe en effet de ne pas donner le sentiment que la médiation pourrait se passer à l'insu des conseils des parties si elles en ont un. Par ailleurs, comme à ce stade de la procédure, il n'y a pas encore eu d'inculpation, il n'est pas inutile de faire expressément référence aux conseils des parties.

Vote : adopté par 8 oui (1 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S) contre 2 non (2 Ve).

Alinéa 2

Il est précisé que seule une copie du dossier est transmise au médiateur, et non pas la procédure. Il paraît important à l'ensemble de la commission que le procureur général reste le maître de l'action pénale pendant tout le processus de médiation, à moins, bien entendu, que le plaignant ne retire sa plainte s'il s'agit d'une infraction poursuivable en plainte. L'idée d'impartir un délai au médiateur pour accomplir sa tâche, pendant lequel la procédure serait suspendue, n'est pas retenue car jugée trop contraignante et contraire à l'esprit même de la médiation. Il est souligné que, quand bien même le procureur général ne mettra en oeuvre une médiation que s'il pense qu'elle peut aboutir, il doit rester libre par ailleurs d'engager les actes d'instruction qui lui paraissent nécessaires.

Vote : adopté à l'unanimité (3 AdG, 1 DC, 3 L, 2 S, 2 Ve).

Alinéa 3

Cet alinéa correspond à l'article 115 B, alinéa 2 du projet, avec la mention du médiateur en lieu et place de l'Association de médiation, et insiste sur le caractère volontaire qui est indispensable à la bonne marche du processus. La précision que les personnes en litige peuvent, si elles le désirent, se faire assister de leur conseil, est soutenue par certains commissaires qui sont d'avis que la présence d'avocats lors de la médiation ne pourra être que bénéfique, et qui font référence aux expériences positives vécues par les juges prud'hommes à cet égard.

Vote : adopté à l'unanimité (3 AdG, 1 DC, 1 R, 3 L, 2 S, 2 Ve).

Alinéa 4

Cet alinéa remplace l'article 115 B, alinéa 3 du projet, qui laisse à penser que le médiateur doit faire un compte-rendu au procureur général ce qui n'est pas souhaitable. Cependant, il est important que le procureur général puisse savoir où en est le processus de médiation et de quelle manière il évolue.

Vote : adopté à l'unanimité (3 AdG, 1 DC, 1 R, 3 L, 2 S, 2 Ve).

Alinéa 5

Par rapport à l'article 115 B, alinéa 5 du projet de loi, cet alinéa précise que le médiateur pénal porte à la connaissance du procureur général le résultat final de la médiation et non son contenu détaillé. Il ne lui transmet pas la procédure, puisque le procureur général ne s'en est jamais dessaisi. Il est rappelé que le procureur général n'est pas tenu d'attendre l'issue de la médiation pour décider du sort de l'action publique et qu'il est important qu'il conserve sa liberté d'action.

Vote : adopté à l'unanimité (2 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 3 S).

Alinéa 6

Reprise sans changement de l'article 115 B, alinéa 6 du projet de loi. « Procédure » est ici utilisée dans l'acception de « dossier ». Cet article précise que le médiateur n'a pas de rôle à jouer directement dans la procédure pénale, mais qu'il est un acteur marginal qui peut faciliter le processus judiciaire et en réduire les coûts tant sur le plan économique que personnel en trouvant des solutions conclues « à l'amiable » entre les deux parties.

Vote : adopté à l'unanimité (1 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Alinéa 7

Reprise sans changement de l'article 115 B, alinéa 7 du projet de loi. Cet article insiste une fois encore sur le caractère de discrétion indispensable au bon fonctionnement du processus de médiation. Ce processus doit être libre de toute entrave et chaque partie doit pouvoir s'exprimer sans risque ni contrainte aucun.

Vote : adopté à l'unanimité (1 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Alinéa 1

Le texte de cet alinéa est calqué sur celui de l'article 115 B, alinéa 1. Il offre au procureur général la faculté de recourir à une médiation pénale au terme de l'instruction préparatoire conduite par le juge d'instruction.

Vote : adopté à l'unanimité (1 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Alinéa 2

Reprise sans changement de l'article 197 A, alinéa 2 du projet de loi.

Vote : adopté à l'unanimité (1 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Vote : adopté à l'unanimité (1 AdG, 1 DC, 3 L, 1 R, 2 S).

Au bénéfice des explications qui précèdent, la Commission judiciaire unanime vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter ce projet de loi avec les amendements qui lui ont été apportés. Elle se réjouit d'offrir une innovation dans la législation genevoise et d'en voir les résultats. La Commission judiciaire émet aussi le souhait de voir ces progrès s'étendre à d'autres juridictions si les fruits recueillis par la médiation s'avèrent utiles et bénéfiques à tous.

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition du Conseil d'Etat

Dépôt: 22 octobre 1997

PL 7750

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur l'organisation judiciaire

(E 2 05)(Médiation pénale)

Article 1

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:

TITRE IX (nouveau)

Médiateurs pénaux

Art. 156 (nouveau)

Le procureur général conclut, avec une ou plusieurs associations se consacrant statutairement à la médiation pénale, un accord aux termes duquel il peut charger une telle association de mettre en oeuvre un médiateur pénal, afin de rechercher une solution librement négociée entre des personnes en litige pour des faits susceptibles de constituer une infraction pénale.

Art. 157 (nouveau)

Avant d'entrer en fonction, le médiateur pénal prête devant le procureur général le serment suivant:

«Je jure ou je promets solennellement:

d'exercer ma mission dans le respect des lois, avec honneur, compétence et humanité,

de sauvegarder l'indépendance inhérente à ma mission,

de n'exercer aucune pression sur les personnes en litige afin d'obtenir leur adhésion à une entente qui ne serait pas librement négociée,

de veiller à ce que les personnes en litige concluent une entente libre et réfléchie,

de ne plus intervenir d'aucune manière dans la procédure une fois ma mission achevée,

de préserver le caractère secret de la médiation.»

Art. 158 (nouveau)

1 Le médiateur pénal exerce ses fonctions en toute indépendance et impartialité, sans exercer sur les personnes en litige une quelconque pression destinée à obtenir leur adhésion à une entente qui ne serait pas librement consentie.

2 Il doit se récuser dès lors que l'une des causes prévues aux articles 84 à 91 est réalisée.

3 L'association de médiation pénale veille au respect du présent article et désigne le cas échéant un nouveau médiateur pénal.

Art. 159 (nouveau)

1 Le médiateur pénal est tenu de garder le secret sur les faits dont il a acquis la connaissance dans l'exercice de ses fonctions et sur les opérations auxquelles il a procédé, participé ou assisté.

2 Il en va de même pour les organes et le personnel de l'association de médiation pénale.

3 L'article 11 du code de procédure pénale demeure réservé.

Art. 160 (nouveau)

1 Le médiateur pénal ne peut être entendu à quelque titre que ce soit sur les faits dont il a acquis la connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou sur les opérations auxquelles il a procédé, participé ou assisté.

2 Le dossier du médiateur pénal est insaisissable.

Art. 2

Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit:

Art. 115B (nouveau)

1 Le procureur général peut requérir une médiation en faisant appel à une association de médiation pénale.

2 L'association de médiation pénale convoque les personnes en litige, en mentionnant le caractère volontaire de leur participation. Une copie du présent article est en outre jointe à la convocation.

3 Le médiateur pénal mis en oeuvre par l'association fait périodiquement rapport de son activité au procureur général.

4 Le procureur général peut en tout temps demander à connaître l'évolution de la médiation et rappeler au besoin la procédure à lui.

5 Lorsqu'il estime que sa mission est achevée, le médiateur pénal transmet la procédure au procureur général. Si la médiation a abouti, il lui communique les termes de l'accord intervenu entre les personnes en litige et lui remet le cas échéant les preuves de son exécution. Dans le cas contraire, il se borne à constater l'échec de la médiation.

6 Il n'y a pas de retour de la procédure au médiateur pénal.

7 Quelle que soit l'issue de la médiation, nul ne peut ultérieurement se prévaloir devant une autorité pénale de ce qui a été déclaré devant le médiateur pénal.

Art. 197A (nouveau)

1 Le procureur général peut requérir une médiation en faisant appel à une association de médiation pénale.

2 L'article 115B, alinéas 2 à 7, est applicable.

Art. 3

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

 Certifié conforme Le chancelier d'Etat: Robert HENSLER

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Premier débat

Mme Juliette Buffat (L), rapporteuse. La médiation représente un formidable défi pour la justice pénale qui, en intégrant la notion de justice négociée, peut apporter une réponse plus restauratrice que punitive à un certain nombre de conflits. Elle s'inscrit bien dans la problématique genevoise, en particulier sur une de nos spécificités, le classement en opportunité. La médiation devrait permettre d'intervenir dans ces cas précis et de donner satisfaction autant à la victime qu'à l'auteur de l'infraction, quant à la nature du conflit et de sa résolution au lieu de déboucher sur rien, ce qui constitue un facteur de mécontentement considérable.

Les auditions au cours des travaux nous ont montré que la plupart des personnes directement concernées sont intéressées par ce projet de loi, en particulier notre procureur général. Et la commission judiciaire vous recommande à l'unanimité d'accepter ce projet. 

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, 2 et 3 (soulignés).

La présidente. Le Bureau unanime décide de procéder au troisième débat. (La présidente est interpellée par M. Blanc.) Le Bureau unanime peut demander le troisième débat, Monsieur Blanc ! (Exclamations.)

Une voix. Et le Conseil d'Etat ?

La présidente. Deux des membres du Conseil d'Etat sont en délégation dans une salle du même bâtiment. Les autres conseillers d'Etat assistent peut-être à d'autres réunions...

M. Claude Blanc. La sieste !

La présidente. C'est cela, ils font la sieste !

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7750)

modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05)(Médiation pénale)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit :

Art. 156 Médiateur pénal (nouveau)

1 Le procureur général peut charger un médiateur pénal (ci-après : médiateur) de rechercher une solution librement négociée entre des personnes en litige pour des faits susceptibles de constituer une infraction pénale.

2 Les médiateurs sont agréés par le Conseil d'Etat.

3 Pour être médiateur il faut :

4 Le médiateur peut en outre avoir bénéficié de formations spéciales concernant en particulier la médiation touchant des personnes socialement ou psychologiquement fragiles.

Art. 157 Tableau des médiateurs (nouveau)

Le Conseil d'Etat tient un tableau des médiateurs faisant, le cas échéant, référence à leur qualification particulière au sens de l'article 156, alinéa 4.

Art. 158 Serment (nouveau)

Avant d'entrer en fonction, le médiateur pénal prête devant le Conseil d'Etat le serment suivant :

Art. 159 Indépendance et impartialité (nouveau)

1 Le médiateur pénal exerce ses fonctions en toute indépendance et impartialité, sans exercer sur les personnes en litige une quelconque pression destinée à obtenir leur adhésion à une entente qui ne serait pas librement consentie.

2 Il doit se récuser dès lors que l'une des causes prévues aux articles 84 à 91 est réalisée.

Art. 160 Obligation de garder le secret (nouveau)

Le médiateur pénal est tenu de garder le secret sur les faits dont il a acquis la connaissance dans l'exercice de ses fonctions et sur les opérations auxquelles il a procédé, participé ou assisté.

Art. 161 Témoignage et dossier (nouveau)

1 Le médiateur pénal ne peut être entendu à quelque titre que ce soit sur les faits dont il a acquis la connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou sur les opérations auxquelles il a procédé, participé ou assisté.

2 Le dossier du médiateur pénal est insaisissable.

Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977, est modifié comme suit :

Art. 48A, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Elle peut toujours se faire accompagner d'une personne de confiance lorsqu'elle est interrogée en tant que témoin, personne appelée à fournir des renseignements ou dans le cadre d'une médiation pénale.

Art. 115B Médiation (nouveau)

1 Le procureur général peut requérir une médiation en faisant appel à un médiateur pénal au sens des articles 156 et suivants de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941. Il en informe les parties en cause ou leur conseil par écrit, en précisant la portée de la médiation.

2 Le procureur général transmet au médiateur pénal une copie du dossier. Pendant la médiation, il reste maître de l'action pénale.

3 Le médiateur pénal convoque les personnes en litige, en rappelant le caractère volontaire de leur participation. Elles peuvent, si elles le désirent, se faire assister de leur conseil. Une copie du présent article est en outre jointe à la convocation.

4 Le procureur général peut en tout temps s'enquérir de l'état d'avancement de la médiation.

5 Lorsqu'il estime que sa mission est achevée, le médiateur pénal porte à la connaissance du procureur général le résultat de la médiation. Si celle-ci a abouti, il lui communique les termes de l'accord intervenu entre les personnes en litige et lui remet, le cas échéant, les preuves de son exécution. Dans le cas contraire, il se borne à en constater l'échec.

6 Il n'y a pas de retour de la procédure au médiateur pénal.

7 Quelle que soit l'issue de la médiation, nul ne peut ultérieurement se prévaloir devant une autorité pénale de ce qui a été déclaré devant le médiateur pénal.

Art. 197A Médiation pénale (nouveau)

1 Le procureur général peut requérir une médiation en faisant appel à un médiateur pénal au sens des articles 156 et suivants de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941. Il en informe les parties en cause ou leur conseil par écrit, en précisant la portée de la médiation.

2 L'article 115B, alinéas 2 à 7, est applicable.

Article 3 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.