Séance du vendredi 16 février 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 5e session - 7e séance

R 436
13. Proposition de résolution de Mmes et MM. Nelly Guichard, Luc Barthassat, Hubert Dethurens, Pierre Marti, Etienne Membrez, Catherine Passaplan et Pierre-Louis Portier demandant la transparence et la publication des comptes des assurances-maladie (initiative cantonale). ( )R436

EXPOSÉ DES MOTIFS

La hausse des primes d'assurance-maladie devient indéniablement un problème capital de société, du fait des difficultés croissantes qu'elle entraîne dans une frange toujours plus importante de la population genevoise et helvétique. Au vu de la complexité de la situation relative aux assurances-maladie et aux montants des primes, il serait quelque peu réducteur de vouloir désigner du doigt un seul responsable. Ceci étant, une solution ne pourra être envisagée que lorsque les autorités compétentes auront fait toute la lumière sur l'origine de ces hausses qui paraissent pour le moins démesurées aux yeux de la majorité des assurés. Il apparaît dès lors nécessaire que les assurances-maladie contribuent activement à la compréhension de ce phénomène très préoccupant, notamment en portant à la connaissance des autorités et des assurés la teneur de leurs comptes audités et détaillés.

Concernant cette problématique, les Grand Conseil et Conseil d'Etat genevois ont déjà adressé une initiative cantonale (cf. annexe 1) à l'Assemblée fédérale afin d'introduire notamment dans la LAMal :

l'obligation, pour les assureurs-maladie, de tenir une comptabilité analytique selon une méthode uniforme définie par l'Autorité fédérale ;

l'obligation de présenter, selon une méthode uniforme définie par l'Autorité fédérale, une statistique de leurs coûts annuels (par canton et par prestataire de soins) et des réserves constituées (par canton et par assuré).

Or, le Conseil des Etats a décidé en décembre dernier de ne pas donner suite à cette initiative, suivant ainsi les conclusions de la CSSS, approuvées d'ailleurs par Mme la conseillère fédérale Ruth Dreifuss. Les raisons à l'origine de cette décision soulèvent soit l'inopportunité ou l'inapplicabilité des propositions genevoises, soit les efforts déjà consentis par la Confédération et son administration (pour plus de détails, cf. annexe 2 : Rapport de la CSSS, du 23 octobre 2000, notamment les points 2.2 et 2.3).

Pourtant, la CSSS reconnaît dans son rapport « la nécessité de procéder à certaines améliorations concernant les données dans le domaine de la santé, et prend acte des efforts soutenus déployés en ce sens par l'OFAS ». Toujours à ce propos, Mme Dreifuss ajoutait en session du Conseil des Etats (le 11 décembre 2000) : « Nous avons fait de grands progrès dans la collaboration avec les cantons. D'été en été, les informations et les données se précisent. Elles permettent d'avoir une meilleure image, mais je ne crois pas que nous soyons déjà arrivés à une solution satisfaisante à tous les points de vue. A certains groupes réclamant un audit complémentaire ou des instruments de ce genre-là pour établir la confiance dans le système, j'aimerais dire que nous sommes tout à fait ouverts à de telles propositions, mais qu'il n'y a pas péril en la demeure. Les instruments s'affinent et je ne crois pas qu'il faille donner suite à l'initiative du canton de Genève. Comme je l'ai déjà dit, cela ne signifie pas que les choses sont totalement satisfaisantes - et pour toujours - en l'état actuel. Là aussi, je partage absolument l'analyse faite par votre commission. »

Cf. Bulletin officiel de l'Assemblée fédérale, Session d'hiver 2000, Conseil des Etats, séance no 9 du 11.12.2000, point 99.305.

Il semble donc que les législatif et exécutif fédéraux constatent effectivement la situation insatisfaisante quant aux données dans le domaine de la santé ; Mme la conseillère fédérale Ruth Dreifuss affirme d'ailleurs son ouverture à des propositions visant à mettre en place « un audit complémentaire ou des instruments de ce genre-là », mais considère curieusement qu'il ne s'agit assurément pas d'une question urgente ou prioritaire.

Néanmoins, la population exprime quant à elle le besoin toujours plus perceptible et urgent de se voir rendre des comptes par les assurances en ce qui concerne l'utilisation ou la destination des montants perçus par le biais des primes.

Par ailleurs, rappelons que les caisses et mutuelles remplissent ces tâches d'intérêt public par délégation des autorités. Or, s'agissant de tâches d'intérêt public, la transparence des comptes est pleinement légitime, à l'image des comptes détaillés de la Confédération qui sont publiés chaque année, permettant ainsi au peuple d'effectuer un ultime contrôle.

D'autre part, en l'état actuel de la législation, la Confédération a vraisemblablement tout intérêt à ce que les réserves et provisions soient aussi élevées que possible ; en voulant de cette manière prévenir d'éventuels déficits, elle favorise la constitution de réserves et provisions excessives.

Il s'agit donc d'obtenir, au moyen d'un audit externe annuel et complet des comptes de chaque assureur-maladie, puis de leur publication, la transparence des comptes afin de pouvoir identifier le montant des réserves et provisions disponibles et leur évolution dans le temps. Si, le cas échéant, il apparaissait que les réserves et/ou provisions sont excessives, il appartiendrait aux citoyens et aux instances politiques d'intervenir de manière adéquate. Aussi convient-il de ne pas tomber dans le piège qui consiste à prévoir dans la loi un taux maximum de réserves et/ou provisions, celles-ci étant constituées en fonction d'une multitude de facteurs et, partant, ne pouvant être limitées de manière rigide et réductrice.

En guise de conclusion, relevons simplement que la transparence et la publicité des comptes annuels n'ont jamais porté atteinte au fonctionnement d'organismes chargés d'assumer des tâches d'intérêt public, mais ont avant tout permis d'établir la confiance de la population dans les systèmes en question.

Au vu de ces explications, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à cette proposition de résolution.

ANNEXE 1

page 6789101112131415161718ANNEXE 2

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Débat

Mme Nelly Guichard (PDC). Augmentation de la consommation dans le domaine de la santé : débouche vers une hausse des coûts de la santé : égale hausse des primes d'assurance...

C'est ce genre d'équation que l'on nous sert, année après année, pour faire passer à la caisse les assurés, clients potentiels, malades éventuels, mais payeurs invariablement invités à s'acquitter d'une prime qui ne cesse de grimper, prime qui grève lourdement le budget des familles modestes, bien sûr, mais aussi des familles dites «moyennes» ! Et, invariablement, la balle est renvoyée des uns aux autres, à l'offre trop abondante, à son corollaire : une consommation excessive, au client qui fait du tourisme médical, à un hôpital universitaire qui coûte cher à la collectivité publique, mais aussi aux clients, par le truchement de primes devenues exorbitantes.

Pas plus tard que la semaine dernière on a entendu et on a pu lire dans les journaux : «Les assurances-maladie prédisent 10% de hausse ! Les caisses devront rembourser toutes les prestations médicales des EMS !».

Je vous cite une partie de cet article : «L'Office fédéral des assurances sociales veut que les caisses remboursent, à l'avenir, la totalité des prestations médicales, comme le prévoit la loi sur l'assurance-maladie LAMal. Le Concordat des assureurs maladie suisses conteste vivement ce projet. Les caisses craignent de devoir débourser le double de ce qu'elles payent actuellement, soit 2,4 milliards au lieu de 1,2, a expliqué M. Marc-André Giger, directeur du CAMS. Si cette ordonnance est appliquée, déclare M. Giger, il prévoit une augmentation d'au moins 10% des primes d'assurance-maladie. Pour l'OFAS, c'est exagéré : personne ne connaît aujourd'hui les coûts réels couverts par la LAMal dans les EMS, explique M. Haraldson, son porte-parole.»

Comme le mentionne l'exposé des motifs, plusieurs initiatives cantonales ont été adressées par ce parlement et le Conseil d'Etat aux Chambres fédérales pour demander une plus grande transparence, une comptabilité analytique, donc une justification des primes prohibitives, sans grand succès d'ailleurs, puisqu'en octobre 2000 - pour prendre le dernier exemple en date - la commission santé-social du Conseil national préavisait négativement notre demande, suivie par le Conseil des Etats, bien entendu. Et, le 11 décembre, Mme Ruth Dreifuss emboîtait le pas, en faisant cependant une timide ouverture, je cite : «Nous avons fait de grands progrès dans la collaboration avec les cantons. D'été en été, les informations et les données se précisent. Elles permettent d'avoir une meilleure image, mais je ne crois pas que nous soyons arrivés à une solution satisfaisante à tous les points de vue.»

A certains groupes réclamant un audit supplémentaire ou des instruments de ce genre pour établir la confiance dans le système, j'aimerais dire que nous sommes tout à fait ouverts à de telles propositions. Forts de cette ouverture, nous avons rédigé la présente résolution qui demande à l'Assemblée fédérale de modifier la loi fédérale sur la LAMal du 18 mars 1994, afin de garantir un audit externe annuel et complet des comptes, bilans et comptes d'exploitation de chaque assurance-maladie; l'accessibilité à ces comptes pour chaque citoyen désireux de prendre connaissance de la réalité économique et financière des assurances-maladie, sous la forme d'une publication de leurs comptes audités et détaillés; la publication de l'état de leurs réserves et provisions pour les trois derniers exercices courants, sous la forme d'un décompte séparé, audité et détaillé.

Par ailleurs, rappelons que les caisses et mutuelles remplissent des tâches d'intérêt public par délégation des autorités. Or, s'agissant de tâches d'intérêt public, la transparence des comptes est pleinement légitime, à l'image des comptes détaillés de la Confédération qui sont publiés chaque année, permettant ainsi au peuple d'effectuer un ultime contrôle.

En guise de conclusion, relevons simplement que la transparence et la publication des comptes annuels n'ont jamais porté atteinte au fonctionnement d'organismes chargés d'assumer des tâches d'intérêt public, mais ont avant tout permis d'établir la confiance de la population dans les systèmes en question.

Nous vous demandons, chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre notre proposition : de soutenir notre résolution et d'adresser cette initiative cantonale aux Chambres fédérales. Je vous remercie de votre attention. 

M. Dominique Hausser (S). Comme Mme Guichard l'a rappelé, nous en sommes à la troisième résolution sur le même sujet... Il y a quelques années, M. Segond avait ouvert les feux en présentant la proposition du Conseil d'Etat, j'avais suivi et Mme Guichard avait terminé... Cette fois, nous nous exprimons aussi, mais dans un ordre différent...

Oui, Mesdames et Messieurs les députés, il y a véritablement un problème avec la loi sur l'assurance-maladie, comme il y a d'ailleurs un problème avec de nombreux autres sujets sociaux, que ce soit l'AVS, l'AI, la formation. De manière générale, il y a bel et bien, au niveau du Conseil fédéral, un problème avec le service public. En effet, le Conseil fédéral mène une politique de plus en plus affligeante. Chaque jour, nous entendons des nouvelles qui, visiblement, vont à l'encontre de l'intérêt de la population, par une privatisation, par un démantèlement général des services, par une volonté de maintenir l'opacité dans la plupart des structures, en particulier de l'assurance-maladie.

Le Conseil des Etats a refusé d'entrer en matière sur la précédente résolution et la proposition de modifications de la LAMal. A ma connaissance, la majorité du Conseil des Etats est largement représentée par des démocrates-chrétiens et des radicaux. Il y a, si je sais compter, six socialistes, pour autant qu'ils soient tous des socialistes qui défendent l'idéologie socialiste telle que nous la concevons au parti socialiste genevois.

Cela étant, nous soutiendrons le renvoi de cette résolution aux autorités fédérales, car plus nous insistons plus nous aurons des chances d'obtenir gain de cause.

En conclusion, j'aimerais faire trois remarques :

1. Mesdames et Messieurs de l'Entente, vous êtes les premiers à nous reprocher d'envoyer des résolutions à répétition aux autorités fédérales. Pour une fois, vous êtes d'accord avec nous qu'il est parfois nécessaire de planter le clou et de taper de plus en plus fort.

2. Je vous rappelle que nous avons déposé, il y a quelques mois, une proposition de caisse publique d'assurance-maladie de manière à démontrer qu'il est possible, puisque nous aurons la maîtrise de cette caisse publique, d'en connaître les coûts et de pouvoir faire un certain nombre d'extrapolations - avant d'arriver à avoir une totale transparence de l'ensemble des caisses - qui nous permettront de comprendre pourquoi certaines caisses ont des cotisations aussi élevées.

3. Encore une fois, je souhaite rappeler l'excellente initiative du parti socialiste suisse «La santé à un prix abordable», qui aura l'avantage d'établir des règles uniques et uniformes pour l'ensemble du pays, pour l'ensemble des caisses-maladie. Cela permettra peut-être d'avoir enfin un véritable instrument pour maîtriser ces comptables qui dirigent les caisses et qui, visiblement, ne travaillent pas pour l'intérêt de la population ni des malades... 

M. Gilles Godinat (AdG). Beaucoup de choses ont été dites : Mme Guichard a notamment bien brossé le tableau de la situation et M. Hausser a donné quelques perspectives politiques effectivement intéressantes.

Pour ma part et brièvement, j'aimerais exprimer un doute par rapport à l'efficacité d'une telle mesure, étant donné, comme vient de le souligner M. Hausser, que nous en sommes à la troisième répétition d'un scénario bien rôdé...

Je doute en effet de l'efficacité de cette mesure, suite à la visite de la délégation genevoise à Berne. Nous avons effectivement été informés des démarches entreprises par nos représentants de l'Exécutif en ce qui concerne des points troublants, comme cela figure dans le document «Balises» que j'ai sous les yeux, à savoir le manque de transparence sur les effectifs des assurés, avec des chiffres qui ne correspondent pas. Le taux de compensation des risques n'est pas non plus d'une grande transparence, c'est plutôt l'opacité la plus totale : en effet des transferts de charges tantôt figurent au bilan tantôt sont plutôt masqués. Les établissements médico-sociaux - Mme Guichard vient d'en parler - justifieraient aujourd'hui une hausse des primes de 10% : en l'absence d'une transparence des coûts réels pour les caisses maladie, c'est totalement inadmissible ! Enfin, les fiabilités statistiques en général sont très, très lacunaires dans ce pays, on se tue à le répéter depuis bientôt vingt ans dans ce parlement, tous groupes politiques confondus !

Evidemment, nous soutiendrons cette démarche, qui est bienvenue, même si nous avons quelques doutes sur son efficacité. Et nous espérons effectivement que nos amis politiques à Berne suivront cette démarche.

M. Pierre Froidevaux (R). M. Godinat a certainement raison, nous pouvons douter quelque peu de l'efficacité d'une telle démarche.

J'en suis d'autant plus persuadé que la résolution 350 avait été rédigée par le groupe radical en 1997 et que le sort qui lui avait été donné vous est connu : la Commission fédérale en matière de santé a estimé que toutes les mesures avaient déjà été prises quant à la transparence des comptes...

Je crains donc en fait que cette résolution si importante pour Genève ne reçoive pas l'accueil que nous attendons tous ici, au sein de cette assemblée. Aussi, je me demande si un mode de faire un peu différent ne serait pas opportun... Ne devrions-nous pas plutôt renvoyer cette résolution à la commission des affaires sociales et y auditionner M. Piller pour avoir une explication claire sur les comptes ? Je vous signale que la loi fédérale sur l'assurance-maladie, dans son article 21, prévoit une surveillance des assurances-maladie avec un soin particulièrement élaboré, stipulant en son alinéa 3 notamment que tout document utile à l'élaboration des comptes doit être fourni à l'OFAS.

Il est donc certain que l'OFAS peut et même doit savoir quels sont les flux financiers au sein de toutes les assurances. Et grâce à l'initiative genevoise, l'article 21 est doublé de l'article 21A qui prévoit en fait que les autorités des cantons ont les mêmes prérogatives, strictement les mêmes, que l'autorité fédérale... Il y a donc un défaut : nous n'avons pas, nous, représentants du peuple, les informations nécessaires pour savoir quels sont en réalité les flux financiers qui sont à l'origine de l'augmentation des primes !

Je crains qu'en envoyant cette résolution avec toutes nos bonnes intentions directement à Berne, celle-ci ne soit traitée au pas de sénateur habituel et que nous ayons une réponse - positive ou négative - d'ici quelques années... Il est donc urgent d'avoir des comptes. Et la seule façon de les avoir, de manière raisonnable et sûre, c'est de les demander directement à l'OFAS à travers la commission des affaires sociales genevoise, puisque l'OFAS doit le faire selon l'article 21A de la LAMal.

Aussi, pour soutenir la démarche des PDC qui ont déposé cette résolution, je vous encourage tous à faire ce travail en commission des affaires sociales et à rendre compte, devant le parlement genevois, des flux financiers des assureurs. 

Mme Janine Hagmann (L). Il est évident que, sans soutenir l'idéologie socialiste développée par M. Hausser, le groupe libéral se joint à l'argumentaire de Mme Guichard. Cet argumentaire ayant été très bien développé, cela m'évite de faire l'intervention que j'avais longuement préparée.

Nous sommes de fait confrontés à un gros problème. Qui ose encore manquer de transparence dans ses comptes ? La transparence, que je sache, n'est pas synonyme de mauvais fonctionnement ! Lorsqu'on remplit des tâches d'intérêt public, il est tout à fait normal de rendre des comptes... Je me vois mal personnellement cacher les comptes de ma commune ! Tout le monde sait que la hausse des coûts des assurances devient une angoisse pour les familles, car elle grève leur budget. La population est lasse. Le canton de Genève, lui, n'agit heureusement pas comme cela. Si c'était le cas, nous ne pourrions, nous députés, nous en prendre qu'à nous-mêmes...

La proposition que vient de faire M. Froidevaux est intéressante. Je reconnais que nous n'y avons pas pensé avant. Je souhaite simplement bonne chance à M. Froidevaux s'il demande l'audition de M. Piller... En effet, vous le savez, nous avions déjà demandé cette audition avant que je ne préside la commission de la santé, et nous ne sommes jamais arrivés à l'obtenir. M. Piller nous avait envoyé quelqu'un - c'est vrai - dont la langue de bois était telle que la transparence n'était pas au rendez-vous, loin s'en faut !

Le groupe libéral soutient, bien sûr, la proposition de M. Froidevaux de renvoyer cette résolution - ne devrait-elle pas même être transformée en motion ? - à la commission des affaires sociales, et en même temps, puisqu'il faut taper sur le clou, envoyons-la aussi à Berne. 

M. Guy-Olivier Segond. Jamais deux sans trois !

Nous avons déjà, sur proposition du Conseil d'Etat ou sur proposition des députés, envoyé deux initiatives du canton de Genève à l'autorité fédérale sur ces questions.

La première initiative cantonale, votée par le Grand Conseil le 11 octobre 1996, demandait une modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, afin de permettre au canton de participer au contrôle des caisses. Et, contrairement à ce que certains d'entre vous pensent, cette initiative - M. Froidevaux l'a relevé - a eu son effet : elle a provoqué une modification de la législation fédérale. Je vous l'ai dit à l'époque : il y a eu une délégation de hauts fonctionnaires genevois qui se sont rendus à la séance organisée par l'OFAS. Il n'a pas été difficile d'obtenir les comptes : ce sont les éléments de base qui faisaient défaut !

Je vous rappelle - et cela avait du reste choqué certains d'entre vous - que la délégation genevoise avait constaté une différence de quatre-vingt mille assurés entre les effectifs d'assurés connus du canton, qui doit vérifier l'obligation d'assurance, et les effectifs d'assurés annoncés par les caisses maladie ! Les chiffres annoncés par les caisses maladie étaient donc largement inférieurs à la réalité de la population. Et nous n'avons jamais eu une vraie explication à ce sujet !

Je vous rappelle également - nous en avions parlé dans cette enceinte - que ce contrôle avait montré que la compensation des risques, qui devait s'équilibrer - dans l'idéal sur une année, dans les faits sur deux ou trois ans -s'était traduite en réalité, pour le seul canton de Genève, par une compensation totale acquise aux caisses de 86 millions de francs. Ce n'est donc pas seulement le contrôle des flux financiers qui n'a jamais pu être réellement effectué, mais aussi des paramètres tels que le nombre d'assurés ou le système de compensation qui ne jouaient pas.

La deuxième initiative cantonale genevoise est toujours en cours de traitement à l'Assemblée fédérale. De même que la LAMal exige une comptabilité analytique pour les hôpitaux universitaires, ce qui est une condition satisfaite à Genève - les HUG sont les premiers hôpitaux universitaires de notre pays qui ont une comptabilité analytique - cette initiative demandait qu'on introduise également une comptabilité analytique pour les caisses maladie et aussi un système de présentation des comptes et de statistiques des coûts par prestataire et par canton. Il y a un lobby des assureurs maladie, qui est extrêmement bien organisé et qui compte de nombreux parlementaires fédéraux !

Je vous l'ai dit en introduction : jamais deux sans trois ! On peut, sans problème, envoyer une troisième initiative. Elle sera traitée au rythme de l'autorité fédérale qui garantit un examen minutieux de toutes les propositions... Mais peut-être que, dans deux ou trois ans, les caisses maladie devront faire auditer leurs comptes et que ceux-ci seront accessibles, non seulement aux gouvernements cantonaux et aux délégations de hauts fonctionnaires, mais à l'ensemble des citoyens !

Un dernier mot au sujet du renvoi de cette résolution à la commission des affaires sociales : comme Mme Hagmann l'a rappelé, la commission des affaires sociales a déjà tenté à deux reprises d'obtenir une audition de M. Piller. Pour des raisons que vous comprendrez aisément, l'autorité fédérale décline ces auditions dans des commissions parlementaires cantonales : si le procédé venait à se généraliser, il devrait se faire entendre par vingt-six commissions parlementaires de vingt-six cantons ! Ce ne serait probablement pas une organisation rationnelle du travail!

Ces initiatives sont traitées lentement, mais elles le sont. Sachant que nous avons obtenu la modification de la LAMal exigée par la première initiative, que nous obtiendrons bientôt la modification demandée par la deuxième initiative, j'imagine que nous obtiendrons un jour la modification demandée par la troisième initiative. 

M. Pierre Froidevaux (R). Monsieur Segond, nous souhaitons vous aider et vous soutenir...

Vous dites que vous avez de la peine à obtenir les chiffres, à pouvoir nous expliquer quels sont les flux financiers. Or, je puis lire à l'article 21A - il s'agit de la modification de la loi fédérale : «Les cantons peuvent obtenir auprès des assureurs les documents officiels sur lesquels se fonde l'autorité fédérale pour approuver les tarifs de primes. Ils peuvent les utiliser uniquement pour élaborer un avis, conformément à l'article 61 4e alinéa, ou pour justifier auprès des assurés les primes approuvées.» Théoriquement, vous avez donc pu obtenir à Berne tous les documents essentiels qui permettent de fonder la qualité de ces primes. Nous souhaiterions, nous aussi, pouvoir lire ces documents ou, dans le cas où vous n'auriez pas pu les obtenir, vous soutenir pour que vous les obteniez.

Nous avions effectivement essayé d'avancer sur ce dossier très épineux, très sensible, puisqu'il touche surtout la population la plus fragile sur le plan économique et que l'assurance-maladie est une taxe qui n'est pas liée aux revenus. Aussi... (L'orateur éternue.) Excusez-moi, c'est le vent !

M. Claude Blanc. C'est un collapsus !

M. Pierre Froidevaux. Oui, c'est un collapsus ! Absolument !

Le sujet est donc extrêmement épineux, et nous avions souhaité, à la commission des affaires sociales et à celle de la santé, pouvoir auditionner M. Otto Piller. Effectivement, M. Otto Piller ne s'est pas présenté, car il était malade le jour de l'audition, mais, au dernier moment, deux représentants fédéraux nous ont tant bien que mal parlé de l'application de l'assurance-maladie sur le plan cantonal.

Lorsque nous avons traité de la résolution 350 aux affaires sociales, nous avions demandé l'audition de M. Piller, mais, le jour de l'audition, nous avons appris que notre lettre ne lui serait jamais parvenue... Nous n'avons donc jamais eu de réponse, négative ou positive, de M. Piller par rapport à ces auditions en commission. Forts de ce fait, nous avons pris notre bâton de pèlerin et nous avons écrit une longue lettre à M. Piller pour réclamer les chiffres en question. Nous avons appris par la suite que cette lettre n'était jamais parvenue à M. Piller, et la résolution 350 a eu le sort que vous connaissez...

Je vous encourage donc à être infiniment plus fermes aujourd'hui : renvoyons cette résolution en commission et exigeons de M. Piller et de l'OFAS tous les éclaircissements nécessaires quant à ces flux financiers qui, de toute évidence, doivent se trouver sur des documents, comme le stipule la LAMal !  

M. Albert Rodrik (S). Je crois que nous avons dépassé depuis longtemps les bonnes intentions de M. Froidevaux... Si ce genre d'audition pouvait apporter quelque chose, nous l'aurions faite depuis longtemps ! Ce dernier nous a fait la longue liste des rendez-vous manqués...

Maintenant, il y a un rapport de force : ou ce pays est mis en coupe réglée par les assureurs maladie, ou une majorité politique peut s'y opposer ! Point final ! Au printemps de l'année prochaine, nous voterons sur l'initiative socialiste. Alors, maintenant, arrêtons ces palinodies, renvoyons ce troisième «truc» aux Chambres fédérales sans nous faire d'illusions et stoppons là !

Une voix. Bravo ! 

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission de cette résolution. Je vous soumets cette proposition.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de résolution en commission est rejetée.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée à l'Assemblée fédérale.

Elle est ainsi conçue :

Résolution

(436)

demandant la transparence et la publication des comptes des assurances-maladie (initiative cantonale)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvevu :