Séance du
vendredi 15 décembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
3e
session -
65e
séance
IUE 5
Question de M. Jean Spielmann
Le 31 août dernier, le Grand Conseil a voté deux crédits respectivement de Fr. 1'936'300.-- et Fr. 1'284'000.-- accordés par la majorité du Grand Conseil à titre de participation de notre canton à Expo.02.
Nous avons exprimé nos très fortes réserves à l'égard de l'exposition nationale dont le concept et la gestion suscitent de plus en plus de scepticisme dans la population et notre refus de cautionner ce gouffre financier pour les deniers publics, alors que des besoins sociaux élémentaires ne sont pas satisfaits.
A cela s'ajoute la course aux sponsors avec toute l'ambiguïté qui résulte de cette forme de financement de projets publics et les dérapages qui peuvent en résulter.
L'exemple du projet genevois est la meilleure illustration de ce non-sens. En effet, ce projet est très nébuleux et s'inscrit dans le cadre de gestes dits créatifs difficilement compréhensibles pour le grand public, tout en étant sans lendemain, sans parler du caractère totalement ambigu de la réalisation de celui-ci qui comporte un caractère officiel indiscutable, mais qui est réalisé par deux sociétés privées dont on ignore totalement la nature des relations avec l'Etat.
Le Conseil d'Etat n'a donné aucune explication dans son projet de loi sur la manière dont l'Etat le maîtriserait. Il a délégué ses compétences à une association sans que l'on ne sache quel est le contrôle de l'Etat sur la réalisation de ce projet.
Qui est finalement le responsable de celui-ci ? Qui a pris les décisions ? Où en est sa mise au point et son financement ? L'Etat devra-t-il verser une rallonge ? Qui a sollicité les sponsors ? Comment le choix de ceux-ci a-t-il été effectué ? Quelles sont les contreparties escomptées par les sponsors ? Comment le Conseil d'Etat s'est-il mis dans la position de demander qu'un sponsor, retenu pour le projet, soit écarté et que la manifestation prévue pour le lancement du projet soit abruptement annulée !
Cette dernière affaire, pour laquelle la “ raison d'Etat ” a été invoquée par le Conseil d'Etat, a été largement évoquée par la presse. Elle met en évidence l'extrême légèreté avec laquelle le Conseil d'Etat a suivi cette affaire. Le sponsoring par une entreprise est déjà une opération délicate. Recourir à une personne privée, qui soit véritablement désintéressée, l'est encore davantage, surtout s'il s'agit de sommes importantes comme cela semble être le cas en l'espèce. Il y a déjà eu assez de cas de “ généreux donateurs ” dans notre République qui se sont autoproclamés mécènes et dont la situation n'était pas nette notamment sur le plan fiscal ou qui étaient engagés dans des opérations spéculatives.
Nous le disons clairement: des règles éthiques très nettes doivent être établies en matière de sponsoring et il faut renoncer à des dons de sociétés ou de personnes qui sollicitent des autorisations ou des commandes de l'Etat.
Lors de leur audition par la commission des finances, les deux commanditaires du projet ont souligné que le sponsoring correspondait à des “ centres de profit ” et qu' “ un sponsor doit être considéré à la fois comme donateur et comme une entité qui attend quelque chose en retour. ” Cela paraît évident, mais le Conseil d'Etat ne semble pas l'avoir compris et le choix d'un sponsor concerné par une procédure de naturalisation qui a conduit à une décision de refus de sa part est d'une maladresse insigne, indépendamment du fait de savoir si les griefs formulés à l'égard de l'intéressé dans le cadre de cette procédure sont fondés ou pas.
La façon lamentable dont le projet cantonal pour Expo.02 est mené par le Conseil d'Etat, le manque total de transparence de son financement (qui sont les sponsors retenus et le montant des engagements financiers pris par ces derniers dont celui du sponsor contesté ?) ainsi que les échéances à respecter en fonction de l'ouverture de l'exposition nationale m'amènent à demander au Conseil d'Etat de répondre à nos questions, d'indiquer les dépenses déjà engagées et de renoncer à ce projet, dont les radeaux laissés à la dérive après le désistement du Conseil d'Etat laissent présumer de son avenir pour le moins douteux.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Laurent Moutinot. M. Spielmann a posé de nombreuses questions sur le projet genevois à l'Expo 02 dans le cadre limité d'une interpellation urgente. Voici ce que je peux lui indiquer.
L'association Médi@muros est mandatée pour concevoir et réaliser le projet du canton de Genève dans le cadre des manifestations liées à la journée genevoise à l'Expo 02 ainsi que pour rechercher des sponsors privés. Ce projet bénéficie d'une subvention votée par votre Grand Conseil de 1,284 million. Le reste du financement acquis à ce jour est une subvention de la Loterie Romande de 720 000 F et une subvention de l'Association des communes genevoises de 140 000 F. Reste à trouver pour que le projet soit complet, 500 000 F de sponsoring privé. Au cas où l'apport des sponsors privés serait inférieur à ce montant, le projet serait redimensionné, mais aucune rallonge ne serait demandée au canton. Il s'agit, en effet, d'une subvention d'investissement et non pas d'un crédit d'investissement.
Un comité de pilotage a pour tâche de cadrer et de surveiller la mise en oeuvre de ce projet. Le contrôle de l'Etat sur ce projet se fait donc par ce comité, présidé à l'heure actuelle par Mme Serdaly du service des affaires culturelles du DIP. Il est composé de représentants de divers départements DIP, DIAE, DAEL, de l'Association des communes genevoises, de la Banque cantonale et des communautés étrangères du canton. L'association présente au comité un rapport mensuel sur ses activités. Elle est chargée de contacter et de négocier avec les sponsors privés. En contrepartie d'un financement privé, le sponsor a le droit de faire figurer son nom comme soutien à la manifestation. D'éventuelles autres demandes de contrepartie sont soumises au comité. Toutes les décisions importantes, y compris la liste des sponsors, sont soumises au comité. Le nom du sponsor litigieux figurait expressément sur la liste des sponsors soumise au comité. Il n'a pas eu de réaction. Il a manqué de vigilance. Le Conseil d'Etat n'a donc pas été informé des sponsors qui soutiennent le projet genevois à ce moment et ce n'est qu'à réception du carton d'invitation à la manifestation prévue qu'il a découvert ce soutien. Afin d'éviter toute ambiguïté, il a préféré ne pas participer à cette manifestation, puis demander son annulation en raison de la procédure de naturalisation en cours. Pour éviter qu'un tel événement ne se répète, il est d'ores et déjà décidé que la liste des sponsors du projet genevois soit soumise à la Chancellerie pour visa.
Cette interpellation urgente écrite est close.