Séance du
jeudi 14 décembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
3e
session -
60e
séance
M 1373
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'optimisme de certains milieux concernant la reprise économique fait qu'aujourd'hui le taux de chômage en Suisse est considéré comme étant structurel. Cependant Genève, avec un taux de 4,2 %, se trouve à la dernière place du classement des cantons suisses.
La stratégie choisie par le Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, pour mettre en place les Mesures du Marché du Travail (MMT), notamment le nombre de Programmes d'Emplois Temporaires Fédéraux (PETF), nous préoccupe particulièrement. Cette stratégie limite le nombre de programmes (PETF), en imposant un nombre important de postes de travail pour chacun d'eux.
Par exemple, dans l'appel d'offre des PETF Ateliers divers -04, il est stipulé que le programme devra offrir 60 postes à plein temps et être organisé pour fonctionner en continu, en tout temps, en prenant compte les changements (arrivées et départs) de participants. A notre connaissance, aucun programme actuellement en place à Genève ne répond à ce critère. Textura, par exemple, propose des postes de ramassage et tri de textiles, manutention, couture, entretien, vente, imprimerie et secrétariat. Ce programme a un accord avec l'OCE en 2000 pour 20 postes, mais ce dernier arrive tout juste à placer le nombre de participants prévus. Comment Textura pourrait-il passer à 60 postes ? Nous nous interrogeons sur les critères utilisés par l'OCE pour établir le nombre de participants par PETF.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons obtenir une statistique démontrant le bien-fondé de cette stratégie.
L'établissement d'une base légale fixant le nombre de postes à offrir dans un programme correspond à un minimum de garantie offerte aux responsables des programmes (PETF).
Les financements de ces programmes sont basés uniquement sur le nombre de participants. Ce nombre varie durant l'année, il est très difficile aux responsables des programmes de travailler dans ces conditions, où les financements des programmes ne sont pas assurés du 1er janvier au 31 décembre de l'année en cours. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que ces financements soient revus, afin qu'ils prennent en compte avant tout les natures des projets.
Débat
M. Alain Charbonnier (S). En date du 1er septembre 2000, l'office cantonal de l'emploi faisait paraître dans la «Feuille d'avis officielle» un avis de soumission publique de réorganisation des programmes d'occupations temporaires fédéraux ou PETF. Cet appel d'offres explique que l'OCE, en exécution de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire, la LACI, est amené à proposer des mesures de perfectionnement ou de reconversion professionnelle des assurés dont le placement est impossible ou difficile pour des raisons inhérentes au marché de l'emploi. A ce titre, l'OCE souhaite réorganiser les PETF. Cette réorganisation sera effective dans le cours du premier trimestre 2001. Pour cela, l'OCE a décidé de regrouper les programmes en quatre marchés. Premièrement, les programmes «infographie-multimédia», deuxièmement les programmes «santé-social», troisièmement les programmes «tertiaire» et quatrièmement les programmes «ateliers divers». Les soumissionnaires peuvent présenter des offres pour un ou plusieurs marchés. Il est précisé le nombre de demandeurs d'emploi que chaque programme devra accueillir : douze demandeurs d'emploi pour les programmes «infographie-multimédia» et «santé-social», trente demandeurs d'emploi pour les programmes «tertiaire» et soixante demandeurs d'emploi pour les programmes «ateliers divers».
Le dossier d'appel d'offres de l'OCE, constitué d'une quarantaine de pages, a demandé, en raison de sa complexité, un travail considérable aux différents soumissionnaires afin d'y répondre. Certains ont même dû engager du personnel pour en venir à bout. Pour beaucoup, le problème principal est le nombre très important de demandeurs d'emploi à accueillir. Dans notre exposé des motifs, nous donnons l'exemple du marché « ateliers divers », qui doit pouvoir offrir soixante places de travail. Dans ce domaine, aucun problème actuel ne répond, à notre connaissance, à cette exigence. Si le chômage a fortement diminué en Suisse, Genève garde malheureusement le taux le plus élevé du pays, avec, pour le mois de septembre 2000, 4,2% contre 1,7% pour la moyenne suisse. Dans les autres cantons romands, on apprend, cité dans la presse par la bouche d'un conseiller en placement neuchâtelois, que l'on est passé d'une simple gestion à une activité qualitative qui prend aujourd'hui une dimension de partenariat social et économique, ou, par le répondant de l'ORP de Martigny, que les cantons sont confrontés à des situations toujours plus complexes qui demandent un accompagnement plus pointu et plus personnalisé.
A Genève, plusieurs programmes existent dans chaque PETF demandé par l'office cantonal de l'emploi. Si je prends le cas des « ateliers divers », nous avons cité l'exemple, dans notre exposé des motifs, de l'entreprise Textura qui s'occupe du recyclage de textile et développe l'appui à la réalisation de projets écologiques et sociaux en partenariat avec des associations menant des actions concrètes sur le terrain. Cette entreprise propose chaque année des places de travail de formation à plusieurs dizaines de chômeurs. Cela permet à des chômeurs de développer des aptitudes en vue d'acquérir ou améliorer des qualifications dans les domaines suivants : connaissance du recyclage et des circuits de transformation dans les textiles, connaissance des transports professionnels dans la région, remise en état de vêtements pour les recycler, connaissance des textiles, connaissance de tous travaux de couture, vente dans le secteur de la confection seconde main. Avec les nouvelles directives que l'OCE propose, cette entreprise devrait purement et simplement fermer ses portes, car elle ne pourra jamais offrir soixante places de travail à des demandeurs d'emploi.
Comment l'OCE genevois peut-il justifier sa stratégie pour cette nouvelle organisation des PETF et plus particulièrement en ce qui concerne ce nombre minimum de demandeurs d'emploi par programme ? Je rappelle qu'il n'existe aucune base légale relative au nombre de demandeurs d'emploi par programme. C'est la raison pour laquelle nous demandons que soit établie une statistique socio-professionnelle des demandeurs d'emploi, afin que les mesures proposées correspondent au marché du travail genevois, et que soit établie sur la base de celle-ci une base légale concernant le nombre de demandeurs d'emploi de chaque programme d'emplois temporaires fédéraux. Nous demandons aussi que le financement de ces programmes soit effectué en fonction de la nature de chaque programme. Actuellement, il est effectué selon le nombre de participants. Ce nombre varie évidemment pendant l'année, ce qui rend très difficile l'organisation des programmes par les responsables. Nous vous remercions du bon accueil que vous ferez à cette motion en l'envoyant au Conseil d'Etat.
M. Christian Brunier (S). Je ne vais pas me lancer dans une longue argumentation politique, mais j'aimerais revenir sur l'exemple cité par mon collègue et ami Alain Charbonnier, c'est-à-dire l'exemple de Textura, parce qu'il est révélateur d'une situation. Il faut prendre la mesure du scandale et du gâchis que l'OCE est en train d'accomplir !
Textura, Alain Charbonnier l'a dit, est un programme de lutte contre le chômage. C'est aussi une entreprise, une entreprise que la plupart des députés connaissent, une entreprise qui fait de la récupération de vieux habits, de la vente de deuxième main, qui a un atelier de couture, qui reconvertit d'anciens tissus en nouveaux habits, une entreprise qui participe même à des défilés de mode. Cette entreprise emploie et forme des couturières et des stylistes, des gestionnaires. Mais surtout, c'est une expérience qui valorise les êtres humains. Ce projet est une réussite. Si nous appliquons aujourd'hui les programmes d'emplois temporaires définis par l'office cantonal de l'emploi, nous allons tout simplement mettre fin à cette expérience et une vingtaine de chômeurs se retrouveront à la rue. Nous risquons véritablement de transformer cette expérience positive en véritable gâchis. Forcer Textura à trouver aujourd'hui soixante employés dans le domaine du textile et de la couture, c'est forcer Textura à fermer ses portes. Il faut en être conscient !
On va ainsi casser une expérience qui s'avère être un succès - nous sommes plusieurs à le reconnaître ici - on va casser une expérience permettant à un groupe d'une vingtaine de personnes au chômage d'avoir une occupation, de se former, de se perfectionner, souvent de trouver un job, mais surtout de retrouver leur dignité.
Nous ne pouvons pas accepter ceci. C'est pour cela que nous vous recommandons de soutenir, j'espère à l'unanimité, cette motion qui nous paraît être une véritable évidence.
M. Daniel Ducommun (R). Pour nous, cette motion ne nous paraît pas être tout à fait une évidence. Nous sommes en revanche aussi préoccupés par les problèmes liés à l'emploi et à la diminution du chômage. Sur cette base-là, nous partageons les considérants de cette motion que nous proposent nos collègues socialistes. En revanche, les remèdes proposés sont insipides. Bref, pour être plus direct, les invites de la motion sont à notre avis totalement inutiles. S'agissant de la première invite relative aux statistiques, nous avons connaissance de ces statistiques, l'administration nous les fournit. Elles correspondent au marché du travail. Nous n'avons jamais ressenti un manque à ce sujet-là. Quant à la deuxième invite, quoi de plus faux, voire d'aberrant, que de figer dans une base légale un nombre de postes par programme d'emplois temporaires. Car par nature - la première invite y fait référence au niveau des statistiques - les besoins évoluent constamment. Si nous indiquons aujourd'hui cent postes, nous aurons peut-être besoin de cinquante postes dans deux mois, ou alors de deux cents dans quatre mois ! Où se trouve le bon sens dans cette proposition ? Enfin, la troisième invite concernant le financement ne me paraît pas pertinente si l'on considère que les compétences de financement des programmes d'emplois temporaires fédéraux relèvent justement pour l'essentiel du domaine fédéral.
En conclusion, le groupe radical est très perplexe devant cette motion. La première invite nous paraît inutile, la seconde aberrante et la troisième sans fondement ! Ce n'est pas terrible ! Peut-être les motionnaires manquent-ils d'informations ? Nous ne serons donc pas opposés au renvoi de cette motion à la commission de l'économie, où ils pourront apprendre beaucoup de choses !
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
La présidente. Il y a un Père Noël dans la salle depuis quelques minutes. Comme je ne sais pas s'il s'agit d'un député, je n'ai pas osé le faire sortir ! C'est peut-être M. Balestra... c'est peut-être M. Grobet, ou M. Dupraz...
Une voix. Ce n'est pas M. Ramseyer !
La présidente. Voilà pourquoi il a pu assister à nos travaux ! Je vous propose d'arrêter là nos débats et de les reprendre à 20 h 30.