Séance du jeudi 14 décembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 3e session - 60e séance

PL 8397
20. Projet de loi de Mmes et MM. David Hiler, Fabienne Bugnon, Dominique Hausser, Christine Sayegh, Michel Halpérin, Jacques Béné, John Dupraz, Roger Beer, Walter Spinucci, Marie-Françoise de Tassigny, Jeannine de Haller, Marie-Paule Blanchard-Queloz et Jean Spielmann sur l'intégration. ( )PL8397

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Préambule

Art. 1 But

1 La présente loi a pour but de favoriser des relations harmonieuses entre Suisses, et Etrangers. Elle encourage la recherche et l'application de solutions harmonieuses pour l'intégration des étrangers, et tend à promouvoir l'égalité de droits et de devoirs pour tous les habitants du canton.

2 A cet effet, elle vise notamment à:

Art. 2 Moyens

Il est institué un Bureau de l'intégration (ci après Bureau), une Commission interdépartementale, une Commission d'accompagnement à l'intégration (ci après Commission d'accompagnement) et des Assises de l'intégration (ci-après Assises).

Art. 3  Organisation et rattachement administratif

1 Le bureau est autonome et indépendant.

2 Il est rattaché administrativement au Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, soit pour lui au secrétariat général.

Art. 4  Missions du Bureau

1 Le Bureau est en charge de la réalisation des objectifs de la loi.

2 Il favorise les contacts, la collaboration et la coordination entre partenaires concernés par l'intégration.

3 Il informe régulièrement sur l'ensemble des activités en cours et sur les changements réalisés.

4 Il assure un soutien aux partenaires publics et privés et valorise leurs actions.

5 Il assure un service d'accueil et de consultations polyglotte qui informe sur toute question relative à l'intégration, à l'immigration et à la cohabitation, notamment en matière d'assurances, d'emploi, d'aides sociales, de garde d'enfants, de cours de langues, de logement, de formations professionnelles, de vie associative et culturelle à Genève. Ce service d'accueil oriente ses interlocuteurs vers les associations et institutions adéquates.

6 Il organise et coordonne, en s'appuyant sur les organismes constitués, un réseau de traducteurs assermentés et de médiateurs culturels.

7 Au besoin, il assure des médiations.

8 Il collabore avec le Service de la promotion de l'égalité entre homme et femme pour favoriser la connaissance de leurs droits par les étrangères.

9 Il convoque les Assises, la Commission interdépartementale et la Commission d'accompagnement. Il assure le secrétariat des Assises ainsi que la prise des procès-verbaux des réunions de la Commission interdépartementale et de la Commission d'accompagnement.

10 Il organise la journée annuelle de l'intégration et la soirée d'accueil des nouveaux résidents genevois.

11 Il remet au Grand Conseil un rapport annuel faisant état de ses activités, présentant une évaluation de la situation à Genève et proposant les aménagement législatifs et réglementaires souhaitables. Ce rapport est transmis à la commission des affaires sociales qui se prononce sur les suites à lui donner.

Art. 5 Composition du Bureau

1 Le Bureau de l'intégration est composé du Délégué à l'intégration (ci après Délégué), d'un chargé de communication et d'information, d'un secrétariat administratif, et d'un service d'accueil.

2 Le Délégué est nommé par le Conseil d'Etat.

Art. 6 Compétences du Bureau

1 Le Bureau:

2 Dans la mesure du budget dont il dispose, le Bureau peut accorder des subventions ponctuelles à des associations oeuvrant dans le domaine de l'intégration.

3 Le Bureau a toutes les autres compétences que la loi lui attribue.

Art. 7  Compétences du Délégué

1 Il dirige le Bureau.

2 Il entretient des contacts réguliers avec les associations d'étrangers, les autorités cantonales et communales et les organismes publics ou privés concernés par l'intégration des étrangers.

3 Il préside la commission interdépartementale et la commission d'accompagnement.

4 Il participe aux Assises.

5 Il peut constituer et présider des groupes de travail interdépartementaux ad hoc composés des services compétents.

6 Il peut mandater des institutions privées pour mener à bien certaines missions et atteindre certains objectifs précis.

Art. 8 Commission interdépartementale

1 Il existe une Commission interdépartementale, composée du Délégué et des secrétaires généraux des départements ou de leurs représentants.

2 Elle nomme son rapporteur.

Art. 9  Fonctionnement

1 La commission interdépartementale se réunit au moins une fois l'an sous la présidence du Délégué.

2 Les groupes de travail interdépartementaux ad hoc se réunissent aussi souvent que nécessaire.

Art. 10 Tâches

1 La Commission interdépartementale renforce la coordination administrative interdépartementale afin de permettre l'harmonisation de la législation cantonale et communale avec les objectifs de la loi.

2 Les groupes de travail ad hoc proposent au Bureau toute modification de norme ou de pratique utile à atteindre les objectifs de la loi.

3 Les services concernés par les activités du Bureau doivent apporter leur collaboration aux groupes de travail.

Art. 11  Tâches

1 La Commission d'accompagnement aide et conseille le Bureau. Sur mandat de celui-ci, elle procède à des études approfondies, notamment dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'école, de la santé, des relations interculturelles et de la vie culturelle.

2 Elle rend des rapports écrits au Bureau et propose des mesures concrètes.

Art. 12 Composition

La Commission d'accompagnement est composée d'experts mandatés pour une période de quatre ans renouvelable deux fois, du Délégué et du rapporteur de la Commission interdépartementale.

Art. 13 Fonctionnement

La Commission d'accompagnement se réunit au minimum quatre fois l'an sous la présidence du Délégué.

Art. 14 Saisine et représentation

1 Toute personne s'estimant victime d'une inégalité dans la loi ou devant la loi, directe ou indirecte ou d'une quelconque discrimination fondée sur son statut, ou son origine peut saisir le Bureau de l'intégration.

2 Le dénonciateur peut se faire représenter.

Art. 15 Procédure

1 La dénonciation est faite par écrit dans un délai de six mois à compter de la connaissance de l'acte dénoncé.

2 Le Bureau constate par acte motivé, dans un délai de trois mois, l'existence ou l'inexistence de l'inégalité ou de la discrimination dénoncée.

3 Cette constatation est transmise au dénonciateur et à son mandataire ainsi qu'à la Commission d'accompagnement dans une version expurgée du nom du dénonciateur.

4 Lorsque l'acte dénoncé est susceptible de se reproduire, le Délégué peut émettre des recommandations aux autorités et/ou aux particuliers mis en cause par la dénonciation. Les recommandations sont assorties d'un délai au terme duquel une réponse doit être donnée au Délégué quant à la manière de remédier à l'inégalité constatée.

Art. 16 Autorité compétente

La commission d'évaluation des politiques publiques est chargée d'évaluer la loi, son application et les différentes missions qui y sont décrites deux ans après l'entrée en vigueur de la loi. Par la suite l'évaluation a lieu tous les cinq ans.

Art. 17  Procédure

La commission d'évaluation adresse son rapport et ses recommandations au Grand Conseil et au Département.

Art. 18  Autorité d'exécution

Le Département de l'intérieur et de l'agriculture de l'environnement et de l'énergie est chargé de l'exécution de la loi.

Art. 19 Dispositions d'application

Le Conseil d'Etat édicte les dispositions nécessaires à l'application de la présente loi.

Art. 20 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de la publication de l'arrêté de promulgation.

« Un processus d'apprentissage permanent de la société genevoise et de son fonctionnement qui associe et engage les «Etrangers» et les «Suisses» à participer à un présent et un avenir commun ». C'est avec ces termes que les associations Centre de Contact Suisses-Immigrés et MondialContact, Cultures et Citoyenneté entendent la notion « d'intégration ». Plusieurs pistes de réflexion - et d'action ! - peuvent être dégagées de cette définition.

Premièrement, il convient d'admettre que l'intégration est un « processus permanent » et non un fait, existant ou non. Ce processus est dynamique et souvent spontané, mais ne va pas toujours de soi. Il convient donc de l'orienter, de l'accompagner, voire parfois de l'impulser. Une loi sur l'intégration ne peut donc pas décréter l'intégration, mais plutôt doter l'Etat de Genève d'instruments la favorisant. Une telle politique doit par conséquent s'inscrire de manière continue dans l'action de l'Etat.

Deuxièmement, il importe de considérer l'intégration comme un « processus d'apprentissage ». Celle-ci implique un travail sur les mentalités qui concerne chacun des habitants de notre canton et qui s'inscrit donc sur le long terme. La loi sur l'intégration ne donne pas seulement à l'Etat de rôle de gérer la diversité, mais également celui de proposer à la population genevoise les moyens de « vivre ensemble » et de « faire ensemble ».

Troisièmement, pour progresser, tout processus d'intégration nécessite non seulement l'engagement des allochtones, mais également celui des autochtones. Ainsi, l'affirmation « l'intégration est l'affaire de tous » n'est pas seulement un slogan ; c'est une des clés de la réussite d'une telle politique. C'est pourquoi, si la loi sur l'intégration concerne les Etrangers en premier lieu, elle vise aussi à sensibiliser l'ensemble de la population genevoise aux enjeux d'une société multiculturelle.

Enfin, il est important de reconnaître qu'une réelle volonté politique d'intégration implique d'une part une action visant à supprimer le traitement différencié entre les diverses populations qui résident au sein du canton et d'autre part à favoriser la participation accrue des étrangers à l'espace public. La loi sur l'intégration a donc également pour but d'identifier les dispositions légales et réglementaires induisant un traitement différencié à l'égard des étrangers, afin d'en proposer la modification et de supprimer toutes les inégalités qui découlent de pratiques administratives cantonales ou communales.

Une loi sur l'intégration n'est pas une solution toute prête. Les signataires de la présente entendent avant tout reconnaître la responsabilité de l'Etat à la gestion de la coexistence des multiples cultures qui composent Genève. A cette fin, ils proposent de doter celui-ci d'un dispositif d'intégration afin que le gouvernement dispose de moyens visant à développer une politique efficace et coordonnée en la matière. Cette démarche s'inscrit, par ailleurs, dans la ligne politique des autorités fédérales qui viennent d'instituer une division « intégration » au sein du DFJP et dont les chambres s'apprêtent à voter un montant de 10 millions de francs pour soutenir des projets en matière d'intégration.

Ce projet de loi représente de plus une alternative politique crédible et responsable aux propositions d'exclusion des étrangers, telle que l'initiative des 18 % soutenue notamment par l'Union démocratique du centre. En effet, en terme de discours politique, les partis parlementaires ne peuvent plus se contenter de déclarer qu'ils sont contre la politique anti-étrangers de l'extrême-droite ; il leur faut aussi pouvoir formuler des propositions positives sur ce terrain. La présente loi sur l'intégration représente une excellente opportunité.

Ci-après, vous trouverez un commentaire article par article du projet de loi qui vous permettra de mieux comprendre le dispositif d'intégration proposé. Finalement, il convient de souligner que ce texte législatif s'est essentiellement fondé sur le « Rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève » réalisé en septembre 2000 par le CCSI et MondialContact. Les députés signataires tiennent à remercier ces deux associations pour leur travail indispensable à la réalisation de la présente loi.

La loi sur l'intégration est conçue comme une loi-cadre et évolutive.

L'alinéa 1 de la loi a pour but de générer une évolution de l'état de fait qui prévaut aujourd'hui, s'agissant des relations entre Genevois et étrangers ainsi qu'entre étrangers. La loi vise à développer des conditions de vie en commun fructueuses et harmonieuses, l'intégration se comprenant comme le respect mutuel des cultures. La loi vise à l'instauration d'une égalité des droits et des obligations de chacun-e.

alinéa 2  Cette disposition décrit les buts qui doivent être remplis pour que le processus d'intégration puisse avoir lieu et que s'instaurent les relations prévues à l'alinéa 1. La politique de l'intégration doit ainsi permettre d'identifier, parmi les dispositions légales et réglementaires induisant un traitement différencié à l'égard des étrangers, celles qui doivent être modifiées, à terme, de supprimer toutes les inégalités que ne justifient pas la différence des situations réglementées. Les différences de traitement visées ne sont pas seulement celles qui découleraient d'une disposition légale directement ou indirectement discriminatoire, mais également celles qui proviennent d'applications mécaniques du droit ou de directives, ne tenant pas assez compte de la réalité concrète. Pour être en mesure de modifier des normes ou des pratiques qui ne respectent pas les buts de la loi, il est nécessaire de s'obliger à les identifier (let a). Les pratiques administratives sont particulièrement visées par l'effort de réflexion sur l'égalité qu'impose la loi puisque ces pratiques, qui ne découlent souvent pas d'un texte de loi, ne sont nullement le fruit d'une volonté démocratiquement exprimée (let b).

Cette disposition instaure les moyens d'une politique de l'intégration. L'impulsion de cette politique revient au Délégué à l'intégration (art. 7) ainsi qu'au Bureau de l'intégration, qu'il dirige. Pour accomplir son travail d'intégration, le Bureau met à profit toutes les compétences déjà existantes, qu'elles soient institutionnelles ou qu'elles ressortissent à la société civile. C'est ainsi que la Commission interdépartementale (art. 8; 9;10) consiste dans la réunion annuelle des secrétaires généraux des départements, nécessaire à l'avancement d'une cause qui peut précisément toucher à tous les départements. La Commission d'accompagnement quant à elle, consiste en la réunion d'experts chargés de donner des avis circonstanciés et de proposer des mesures destinées à réaliser les objectifs de la loi.

Les Assises de l'intégration (ci-après Assises), qui sont destinées à devenir l'institution centrale de la politique de l'intégration, dans la mesure où elles regrouperont tous les acteurs de l'intégration et permettront un large débat des mesures prises, ne sont pas décrites dans la loi. Cela permettra au délégué de les concevoir et de les organiser de manière à ce qu'elles soient représentatives de tous les secteurs concernés, qu'il s'agisse des associations d'étrangers ou des organismes intéressés par l'intégration.

alinéa 1  Le Bureau est indépendant et autonome. Il est un interlocuteur des autorités étatiques et ne dépend pas d'elles. Du fait de son indépendance, le Bureau a la latitude nécessaire à l'accomplissement de ses missions, sans être hiérarchiquement attaché à un département. Cela lui permet notamment d'apparaître à ses usagers comme une entité neutre voire bienveillante. Il collabore cependant avec les départements en donnant l'impulsion à l'activité interdépartementale.

alinéa 2  Le rattachement administratif au Département de l'intérieur s'explique par la parenté qu'il y a entre le processus d'intégration et le désir de naturalisation, ressortissant à ce département. Il convient également d'éviter que le Bureau de l'intégration n'évoque, à ses usagers, tout ce qui touche au contrôle de la population étrangère et aux expulsions administratives. Une telle confusion pourrait porter préjudice à l'accomplissement des objectifs de la loi en décourageant les personnes concernées de collaborer avec le Bureau de l'intégration.

Pour réaliser l'objectif d'égalité et d'intégration poursuivis par la loi, le Bureau est chargé d'accomplir des tâches précises qui ne sont pas réalisées par des organismes privés ou qui, réalisées de manière disparate, souffrent d'un manque de coordination.

A cet effet, le Bureau s'appuie sur les connaissances et les compétences déjà acquises par des organismes publics ou privés qui œuvrent en faveur de l'intégration, et il favorise une coordination de leurs actions.

alinéa 2  Le Bureau a un rôle fédérateur permettant à tous les partenaires concernés par l'intégration d'unir leurs efforts sans faire double emploi. La coordination est assurée de manière légère et non directive, notamment par les contacts et par l'information (alinéa 3).

alinéa 3  Dès lors que la loi sur l'intégration est essentiellement évolutive, le Bureau est tenu d'informer régulièrement sur les activités en cours et les changements qui ont eu lieu. Cette information régulière permet une évolution épousant au mieux la réalité mouvante dans laquelle l'action du Bureau se situe. Une information largement dispensée permet l'adaptation dynamique de l'activité de chacun-e aux conditions immédiates.

alinéa 4  La loi sur l'intégration ne visant pas à créer un mammouth administratif mais bien à tirer parti de toutes les connaissances et les compétences qui existent à Genève en la matière, il échoit au Bureau la charge d'utiliser les institutions existantes en soutenant leurs activités d'intégration et en valorisant leurs actions dans ce domaine.

alinéa 5  A l'époque de la vogue du guichet unique, la loi institue un lieu capable de dispenser, dans diverses langues et à l'attention de diverses cultures, toutes les informations nécessaires à la vie quotidienne des étrangers et aux relations qu'ils entretiennent avec leur canton d'accueil et ses habitants. Par souci de rationalisation, la loi prévoit d'orienter les interlocuteurs vers les institutions déjà existantes chaque fois que cela est possible.

alinéas 6 et 7  Ce service de traducteurs assermentés et de médiateurs culturels, permet de remplir le but d'intégration de la loi dans et par le respect des cultures en présence. Ce service offre également une nécessaire sécurité aux migrant-e-s dans leurs relations avec les habitants et les institutions publiques ou privées du canton. Le Bureau se voit attribuer la tâche de faire de l'offre existante en la matière, un service fonctionnel. Le Bureau peut assurer lui-même les médiations, lorsque cela s'avère nécessaire.

alinéa 8 Cette disposition instaure une collaboration entre le Bureau de l'intégration et le Service de promotion de l'égalité entre hommes et femmes. Cette collaboration doit permettre aux étrangères d'acquérir une connaissance utile des droits et des obligations que leur confère la législation suisse, notamment dans les domaines sensibles du droit du travail et du droit de la famille.

alinéa 9  Le Bureau convoque les institutions instaurées par la loi pour réaliser l'intégration, aux rythmes définis aux articles 9 alinéa 1 et 13 s'agissant de la Commission interdépartementale et de la Commission d'accompagnement à l'intégration. Les Assises sont convoquées aussi souvent que nécessaire. Le Bureau a la responsabilité d'assurer le secrétariat des Assises ainsi que la prise des procès-verbaux des réunions des deux commissions.

alinéa 10  L'organisation d'une soirée d'accueil et d'une journée de l'intégration par année se fait à l'initiative du Bureau. Cela permet une mise en confiance des nouveaux résidents du canton de Genève, ainsi qu'un renouvellement des connaissances du Bureau s'agissant des problèmes rencontrés par les nouveaux résidents.

alinéa 11  Une fois par année, le Grand Conseil est informé des activités du Bureau. Le Bureau lui soumet un rapport qui évalue la situation de l'intégration et de l'égalité et qui propose les modifications normatives estimées nécessaires à la pleine réalisation des objectifs de la loi. Sur cette base, le Grand Conseil peut prendre les initiatives qu'il juge opportunes s'agissant notamment de modifications législatives et réglementaires. Les suites à donner au rapport annuel du Bureau sont du ressort de la Commission des affaires sociales.

alinéa 1  Le Bureau est composé de façon à pouvoir fonctionner efficacement et disposer des compétences nécessaires à la mise en œuvre des missions décrites à l'article 4.

alinéa 2  C'est la réglementation d'application qui fixera la durée du mandat du Délégué.

Le Bureau a tous les interlocuteurs nécessaires à l'accomplissement des buts d'intégration et d'égalité de la loi.

alinéa 1, let a  Le Bureau a la faculté d'interpeller les interlocuteurs qu'il tient pour responsables d'une pratique qui contrevient aux objectifs poursuivis par la politique d'intégration et d'égalité. Le Bureau peut ainsi intervenir à tous les niveaux d'application ou d'élaboration d'une loi. Il peut interpeller l'autorité sur une directive n'ayant aucune force normative, sur une note de service non publiée et qui ne saurait faire l'objet d'aucun recours.

alinéa 1, let b  Le Bureau, au bénéfice d'une connaissance appropriée de la réalité sociale, peut proposer des mesures qu'il estime propres à mettre cette réalité en adéquation avec les buts de la loi. Il peut ainsi proposer tant la modification de dispositions légales ou réglementaires existantes que suggérer d'en adopter de nouvelles plus aptes à atteindre le but d'intégration visé, ou destinées à combler une lacune. Le Bureau a un rôle dynamique puisqu'il peut proposer des mesures d'intégration qui viendront s'ajouter à celles qui existent ou modifier les structures d'intégration déjà en place.

alinéa 1, lettre c  Cette compétence du Bureau permet d'éviter l'adoption de toute nouvelle disposition normative qui serait en inadéquation avec les objectifs poursuivis par la loi.

alinéa 1, lettre d  Bénéficiant d'une connaissance circonstanciée de la réalité de l'immigration, le Bureau peut représenter le Conseil d'Etat dans ses relations avec les autorités fédérales, les organisations internationales et les missions des États étrangers, et prendre une position dûment motivée dans les domaines de l'immigration et de l'asile.

alinéa 2  Le Bureau peut mener une politique cohérente de l'intégration en aidant ponctuellement les associations qui œuvrent dans le domaine de l'intégration, participant directement à la réalisation des buts de la loi.

alinéa 3  La liste des compétences de l'article 6 n'est pas exhaustive. Le Bureau a ainsi la compétence de traiter les dénonciations individuelles selon la procédure instituée par les articles 14 et suivants.

Le Délégué participe personnellement à la plupart des institutions mises en place par la loi : Commission interdépartementale (article 9, al. 1), Commission d'accompagnement (article 13), Bureau (article 7, alinéa 1), Assises (article 7, alinéa 1). Il donne l'impulsion à leurs travaux. Le Délégué est une personne de référence pour celles et ceux qui s'adressent à ses services. Il a la visibilité nécessaire à l'accomplissement de ses tâches. Le Délégué a la connaissance de tous les travaux en cours.

alinéa 1  Le Délégué a la compétence de diriger le Bureau. Sa participation obligatoire aux principales institutions mises en place par la loi justifie ce rôle directeur.

alinéa 2  Pour affiner sa connaissance de la réalité sociale et juridique des étrangers à Genève, le Délégué entretient régulièrement des contacts avec tous les organismes concernés par l'intégration, notamment les associations d'étrangers. Il rencontre les autorités communales.

alinéa 3  Le Délégué assure la présidence des deux commissions instituées par la loi. C'est lui qui dirige leurs travaux dans la direction voulue par la réalisation des buts de la loi.

alinéa 4  Le Délégué participe aux Assises. Il n'est pas tenu de les présider.

alinéa 5  Le Délégué peut constituer des groupes de travail interdépartementaux dont les travaux sont dirigés vers un but spécifique, lorsque l'activité interdépartementale ordinaire n'est pas adéquate ou est insuffisante. Le Délégué peut présider ces groupes dont la composition permet de mettre à profit les compétences et connaissances existantes dans les divers services. La constitution de ces groupes ad hoc permet au Délégué de cibler l'activité interdépartementale de façon à ce qu'elle traite efficacement les problèmes auxquels les autres structures mises en place par la loi sont confrontées. Les services des départements sont tenus de collaborer à l'activité des groupes composés par le Délégué, aux termes de l'article 10 alinéa 3.

alinéa 6  Le Délégué a la faculté de mandater des institutions privées aptes à atteindre des objectifs déterminés et à remplir les missions d'intégration qu'il leur confie.

L'activité interdépartementale existe sous deux formes : une commission interdépartementale permanente et des groupes interdépartementaux ad hoc dont le nombre et les tâches ne sont pas limités.

La Commission interdépartementale, composée du Délégué qui la préside ainsi que des secrétaires généraux de tous les départements, existe de façon permanente. Les secrétaires des départements peuvent se faire représenter au sein de la commission. La commission nomme elle-même son rapporteur.

Les groupes de travail interdépartmentaux ad hoc sont constitués par le Délégué, qui leur confie une mission et peut les présider (art. 7, al. 5).

Le Délégué assure la présidence la Commission interdépartementale, puisque c'est lui qui donne l'impulsion à la politique d'intégration.

Convoquée par le Bureau, la commission se réunit au minimum une fois par an sous la présidence du Délégué, alors que les groupes de travail interdépartementaux ad hoc se réunissent autant que nécessaire.

La Commission interdépartementale travaille à l'harmonisation de la législation cantonale et communale avec les buts d'intégration et d'égalité poursuivis par la loi. Elle facilite la communication interdépartementale et coordonne l'activité administrative interdépartementale permettant une évolution harmonieuse et organisée vers l'accomplissement des buts de la loi.

Les groupes de travail interdépartementaux ad hoc, qui œuvrent de manière plus ciblée que la commission, proposent au Bureau des modifications concrètes de lois ou de pratiques administratives permettant de réaliser l'intégration et l'égalité. Ces propositions pourront être transmises au Grand Conseil par le Bureau (article 4, alinéa 11), faire l'objet d'une interpellation du Conseil d'Etat ou des Départements (article 6, alinéa 1 let a), ou encore donner lieu à une proposition de modification législative ou réglementaire (article 6, alinéa 1 let b).

Les services concernés par les activités d'intégration et d'égalité du Bureau sont tenus d'apporter leur collaboration aux groupes de travail interdépartementaux ad hoc. Cette obligation assure l'efficacité de l'activité des groupes interdépartementaux ad hoc et pallie les inconvénients qui pourraient découler de l'absence de pouvoir hiérarchique du Délégué sur les services sollicités.

La Commission d'accompagnement à l'intégration agit sur mandat du Bureau lorsque celui-ci a besoin d'aide, de conseils ou de connaissances approfondies dans certains domaines sociaux décrits de façon non exhaustive. Il s'agit notamment de l'emploi, de la formation, de l'école, de la santé, de la culture et des relations interculturelles.

La Commission d'accompagnement à l'intégration rend ses rapports au Bureau. Elle peut proposer des mesures concrètes touchant à l'intégration et à l'égalité qui seront relayées auprès des autorités législatives, exécutives et administratives par le Bureau, selon les procédés décrits aux articles 4, alinéa 11 et 6, alinéa 1 lettres a et b de la loi.

La Commission d'accompagnement à l'intégration est composée, en plus du Délégué et du rapporteur de la Commission interdépartementale, des experts nécessaires à l'accomplissement du mandat que lui confie le Bureau. Les experts sont choisis pour leurs connaissances dans les domaines cités à l'article 11, alinéa 1 ou dans d'autres domaines dont la connaissance est indispensable à la réalisation des objectifs de la loi.

Le Délégué assure la présidence des réunions de la Commission d'accompagnement à l'intégration. Celle-ci se réunit en tout cas quatre fois l'an. Elle se réunit plus souvent si nécessaire, sur convocation du Bureau (article 4, alinéa 1).

Le droit de dénonciation ne se confond pas avec une procédure formelle. La procédure liée au droit de dénonciation n'entraîne aucune sanction de l'inégalité ou de la discrimination dénoncée ou constatée. Le droit de dénonciation est ainsi un instrument d'appréhension de la réalité sociale dans ceux de ses détails qui échappent au regard scrutateur des experts de la Commission d'accompagnement ainsi qu'à l'expérience des chefs de service de la Commission interdépartementale.

Le droit de dénonciation conféré aux particuliers de toute origine, s'estimant victimes d'une inégalité ou d'un comportement discriminatoire, permet au Bureau d'acquérir une connaissance différenciée de la réalité. Plus particulièrement il permet de mettre à jour des détails significatifs sur les discriminations qui se produisent en dehors de toute activité législative, administrative ou judiciaire. Il y a des discriminations qui ne font jamais l'objet d'une procédure judiciaire ou administrative, soit que les personnes concernées n'aient ni l'envie ni les moyens de saisir les tribunaux, soit que l'acte dénoncé ne corresponde pas à une discrimination au sens que le droit fédéral confère à ce terme. Il peut s'agir par exemple d'une inégalité de traitement dans l'octroi d'un avantage auquel la loi ne confère aucun droit, du refus de contracter avec un étranger, de la rupture d'un contrat pour des motifs culturels, d'une lettre d'avertissement ou d'intimidation signifiée à un contractant locataire ou travailleur, d'une plainte de voisins à un bailleur, etc.

alinéa 2  La faculté de se faire représenter permet une accessibilité de la procédure à des personnes qui ne maîtrisent ni la langue ni les mœurs. La représentation garantit une utilisation rationnelle de cet instrument.

alinéa 1  Le délai de six mois pour dénoncer un acte est plus long que les délais ordinaires de contestation d'une décision formelle, qui sont généralement de 30 jours. Ce temps laissé à disposition du dénonciateur s'explique par le caractère informel de la procédure, et par le but d'une loi visant à faire évoluer la société par la suppression des inégalités de traitement, quand bien même aucune procédure ne serait plus ouverte pour remédier à une discrimination particulière. Ce long délai permet à une personne de solliciter une satisfaction morale par la constatation d'une injustice lorsque, faute de connaître ses droits et les délais stricts qui sont attachés à leur protection, elle n'aura pas pu ou osé saisir l'autorité pour faire valoir son point de vue. La limitation à six mois sert à éviter que soient soumises au Bureau des situations anciennes qui n'ont plus de pertinence dans la perspective évolutive de la loi. L'exigence du caractère écrit de la dénonciation oblige le dénonciateur au minimum d'effort et de sérieux exigible de la part d'une personne qui s'estime atteinte.

alinéa 2  La procédure de dénonciation fait du Bureau un interlocuteur attentif à sa mission d'intégration pour les particuliers qui ont le sentiment que l'intégration n'est pas réalisée. C'est dans cette perspective de dialogue avec les personnes visées par la loi qu'une dénonciation doit avoir des suites. En constatant l'existence ou l'inexistence de la discrimination ou de l'inégalité dénoncée dans un délai d'ordre de trois mois, le Bureau manifeste tant une prise en compte sérieuse des problèmes dénoncés qu'une écoute conséquente des particuliers qui se sentent lésés.

alinéa 3  Les fruits de la procédure de dénonciation sont transmis au dénonciateur. La personne qui s'estime lésée sait ainsi dans quelle mesure on a tenu compte de ses critiques. La constatation peut être transmise à la Commission d'accompagnement dans l'idée que la connaissance de l'inégalité dénoncée est utile au travail dynamique des experts. L'anonymat du dénonciateur est préservé afin de ne pas décourager les étrangers de faire connaître leur sensibilité d'individus à la réalité qu'ils vivent.

alinéa 4  Il appartient au Délégué de décider si un acte dénoncé comme discriminatoire et constaté comme tel, doit faire l'objet d'une action de plus grande envergure parce que, susceptible de se reproduire, il pose un problème social ou politique. Le Délégué peut interpeller tant une autorité étatique, tenue de respecter l'égalité juridique, qu'un particulier qui n'est lié par aucune interdiction de faire des distinctions contraire à l'égalité entre suisses et étrangers.

La loi doit être évaluée afin de remplir ses objectifs et/ou d'évoluer de manière à les remplir. La loi est évaluée en fonction des principes énoncés dans son préambule, ainsi que des objectifs qu'elle promeut et des missions qui y sont décrites. Les objectifs de la loi comprennent les moyens (article 2) mis en œuvre pour accomplir le but d'intégration (article 1, al. 1), lequel passe notamment par l'adaptation de la situation juridique actuelle aux impératifs d'égalité et de non-discrimination posés par l'article 1, al. 2. Ce sont les missions décrites aux articles 4, et 7, alinéa 6, qui sont évaluées par rapport aux objectifs des articles 1 et 2 et du préambule. Deux ans après son adoption, la loi est évaluée pour savoir notamment si le Bureau, les commissions et les Assises ont été en mesure d'identifier et de supprimer les discriminations et d'instaurer ainsi des relations plus harmonieuses entre Suisses et Étrangers.

Mesdames et Messieurs les députés, au vu de ce qui précède, nous vous proposons d'envoyer ce projet de loi en commission des droits politiques pour étude.

Préconsultation

La présidente. Je donne la parole à Mme Guichard.

Mme Nelly Guichard. Mesdames et Messieurs les députés...

La présidente. Je m'excuse, Madame Guichard ! La liste des auteurs de ce projet de loi est impressionnante. Comme vous n'y figurez pas, il me semble préférable de donner d'abord la parole à l'un d'entre eux, en l'occurrence M. Hiler !

M. David Hiler (Ve). Il arrive qu'il faille dépasser les clivages politiques, non pas que les clivages politiques soient inutiles en tant que tels, je pense au contraire que ce sont eux qui font avancer constamment la société. Mais il est des fois où il faut essayer de constater ensemble ce qui peut être bien et rapidement fait, sans chercher, les uns ou les autres, à s'en attribuer le mérite exclusif.

Nous vous présentons ici un projet qui a été largement préparé par deux associations, MondialContact et le Centre de contact Suisses-immigrés. Nous vous présentons aussi un projet qui a été discuté par cinq partis politiques - nous aurions aimé qu'ils soient six - de sorte à nous mettre d'accord sur ce qui peut être fait, vite et bien. Il nous paraît aujourd'hui fondamental que Genève ne vive plus sur l'impression que l'intégration dans cette cité est quelque chose qui va de soi, qui existe à l'état organique, qui ne nécessite pas une intervention et une stratégie. Ce n'est manifestement plus le cas aujourd'hui, si par hasard cela l'a jamais été. Lorsque ce projet a été présenté à la presse, en particulier sur Léman bleu par notre collègue Spinucci, ce fut à mon avis l'intervention la plus déterminante : « Je suis venu comme immigré à Genève et j'aurais bien aimé qu'il y ait à l'époque un bureau de l'intégration et qu'il soit fait quelque chose afin que les choses soient plus faciles et aillent plus vite. »

En commission, nous aurons l'occasion de discuter d'intendance, de modalités et de nous demander si la loi doit être une loi-cadre ou une loi précise. Tout ceci est important, mais moins important, me semble-t-il, que le fait que nous ayons pu nous mettre d'accord aujourd'hui sur la nécessité d'une politique de l'intégration. Pour notre part, nous l'avons dit, cela va dans le même sens qu'accorder des droits politiques aux étrangers. Pour d'autres, ce n'est pas le cas. Nous nous arrêtons donc à un certain niveau. Ce niveau, il faut le savoir, n'est pas le plus important sur le plan symbolique, ni probablement dans une perspective d'avenir. Mais pour la vie au quotidien des Suisses et des étrangers, c'est bien ce projet qui peut l'améliorer et c'est ce projet qui peut nous faire sortir d'une logorrhée où nous nous présentons toujours comme le symbole de l'intégration réussie, pour en venir à une attitude plus humble, où nous essayons, à partir d'un constat, celui de l'existence d'une société multiculturelle à Genève, de faire au quotidien, dans un processus à long terme, tout ce que nous pouvons pour que chaque jour cette société multiculturelle soit la mieux vécue possible par les uns et les autres, qu'ils soient Suisses ou étrangers ! (Applaudissements.) 

Mme Nelly Guichard (PDC). Le PDC, dont les membres ont toujours été très actifs dans le domaine de l'intégration et pour lequel ce domaine a été et demeure une priorité, est satisfait de constater que le canton de Genève sera doté d'une loi sur le sujet, car, comme vient de le dire mon préopinant, l'intégration ne va pas de soi et ne se fait pas toute seule.

A regret cependant, nous devons relever que, les deux associations concernées aujourd'hui, le CCSI et MondialContact, ayant refusé de participer à l'élaboration du projet de loi mandaté par le Conseil d'Etat en juin, toutes les forces n'ont pu être rassemblées pour définir et promouvoir ensemble l'intérêt général. A ce stade, il m'incombe aussi de vous rappeler que la Communauté de travail pour l'intégration des étrangers, dont certains minimisent aujourd'hui l'action, voire la décrient ouvertement, et dont le financement remonte à 1983, a fait un travail remarquable de pionnier et de terrain, avec des moyens limités, mais avec le soutien et un mandat du Conseil d'Etat. Mme Lise Girardin, première conseillère administrative de la Ville d'Onex, en fut la première présidente. C'est Jacqueline Gillet, députée bien connue et estimée de tous, qui lui succéda dans cette fonction jusqu'en 1997. A cette date, le Conseil d'Etat jugea préférable la création d'une fondation, la FINIM.

Après plus de quinze ans d'un travail de terrain basé sur des besoins très pragmatiques et quotidiens, il était temps peut-être de passer à une vitesse supérieure et de voir plus large. Rien ne justifie cependant la réduction progressive et drastique des moyens financiers accordés à la FINIM. Quand on assèche sciemment une institution, c'est un peu facile, et même malhonnête d'ailleurs, d'ironiser sur le peu d'efficacité de ceux que l'on voulait évincer, comme la presse locale n'a pas manqué de le faire, suivant en cela quelques autres intervenants bien sûr. Alors qu'il s'agit d'une mort orchestrée et programmée, c'est assez peu reluisant lorsqu'on prétend défendre l'intérêt général. Mais ce n'est pas rare, n'est-ce pas ? On retrouve souvent ces démarches élégantes dans les milieux de l'entraide. Lorsque l'entraide devient un marché, il faut se placer. C'est comme ailleurs. On pousse un peu pour se faire de la place, pour se faire sa place. D'habitude, c'est plutôt au niveau des aides humanitaires internationales, mais on peut toujours innover, appliquer sur le plan local ce que d'autres savent si bien faire à large échelle ! Alors que l'on maintenait aux deux autres associations leur subvention de 100 000 F chacune, on asséchait, à chaque budget et très progressivement, la FINIM. J'ajouterai même que l'on a fait mieux cette année. On a ajouté une couche supplémentaire de 100 000 F. Pour faire bon poids, j'ajoute aussi que nous n'avons pas encore vu la couleur du rapport de la FINIM, qui a été rédigé au début du mois de septembre, mais dont on retarde, sciemment peut-être, la parution. J'espère que les membres de la commission des droits politiques pourront, eux, en prendre connaissance !

Pour en venir au projet de loi qui nous est proposé ce soir, nous estimons qu'il s'agit d'un projet de loi trop lourd et donc trop détaillé, dont certains articles relèvent carrément d'un règlement, voire d'un cahier des charges. Il y manque tout juste le nom des personnes que l'on imagine dans ces fonctions.

Je voudrais simplement rappeler qu'une loi donne un cadre pour atteindre des objectifs sur lesquels on s'est mis d'accord. Comme nous l'avons annoncé voici deux semaines, nous avons récemment déposé un projet de loi élaboré, à sa demande, à l'intention du Conseil d'Etat, projet qu'il n'a cependant pas jugé bon de déposer. Le projet a été déposé sur son bureau le 10 novembre, je vous le rappelle. C'est à fin juin 2000 que le Conseil d'Etat a décidé de confier à une commission d'experts extraparlementaires la tâche de définir un concept cantonal d'accueil et d'intégration des étrangers et de rédiger à cet effet un projet de loi. L'exécutif cantonal a défini la composition de la commission d'experts et a fixé le calendrier, les membres de la commission représentant la diversité de la société genevoise. Le projet a donc été rédigé par des personnes issues de tendances et d'associations très diverses, allant des milieux syndicaux et patronaux aux associations et représentants d'étrangers, en passant par des représentants de communes et des partis politiques. Dans son travail de rédaction, la commission s'est largement inspirée de l'expérience neuchâteloise et de la loi en vigueur depuis 1997. Grâce à une structure souple et à des bases solides pour la coordination de tous les acteurs concernés, elle devrait permettre d'atteindre des objectifs autour desquels tous s'accordent, soit encourager les relations harmonieuses entre Suisses et étrangers, tout en respectant les diversités culturelles, favoriser la participation de tous aux structures sociales - ces structures se situent essentiellement sur terrain communal - promouvoir l'égalité des chances entre Suisses et étrangers.

Malgré des délais extrêmement restreints, la commission a pu rendre ses travaux aux dates fixées, soit le 22 septembre : remise d'un rapport préliminaire, le 10 novembre : dépôt du projet de loi, enfin le 10 décembre : remise d'un rapport final rédigé suite aux réflexions et débats qui ont eu lieu au sein de la commission. Les propositions qu'il contient recueillent l'avis unanime de tous les commissaires qui y ont participé.

Bien que la décision du Conseil d'Etat ait retardé la date de dépôt du second projet, nous espérons que tous deux pourront être examinés ensemble en commission, afin de trouver une solution souple et adaptable à de nouveaux besoins le cas échéant. Tout cela sans jamais perdre de vue que l'intégration ne se décrète pas, mais qu'elle se vit au quotidien, dans les communes et les quartiers et dans certains quartiers plus que d'autres d'ailleurs. Si l'on veut que l'intégration progresse vraiment, il ne faudra pas seulement donner des moyens à des superstructures bureaucratiques, mais en donner surtout aux communes concernées en vue d'actions précises et ciblées. C'est en tout cas ainsi que nous comprenons l'utilité de la participation fédérale dont pourront prochainement bénéficier les cantons. Sur le plan local, il ne suffit pas de promouvoir une insertion économique, culturelle et sociale de la population étrangère résidente, mais il faut une sensibilisation de l'ensemble des citoyens aux enjeux de l'intégration. C'est ainsi seulement que nous pourrons bénéficier, à Genève, de tous les apports et de toute la richesse qu'offre le tissu multiculturel de notre canton. 

M. Michel Halpérin (L). Le groupe libéral a été heureux de s'associer à la réflexion que suscitait le projet de loi sur l'intégration qui vous est aujourd'hui soumis. Il en a été heureux, parce que c'était à son avis une manière satisfaisante d'aborder une problématique que nous avons beaucoup traitée cette année, d'ailleurs aussi les années précédentes, à savoir la situation d'étranger à Genève. C'était une manière pour nous, députés libéraux, de nous engager dans une démarche que nous croyons utile et positive en faveur de l'intégration des étrangers, là où peut-être nous avons dû nous distancier d'un certain nombre de positions adoptées par la majorité de ce Conseil, par exemple en matière de droit de vote ou d'éligibilité des étrangers.

Nous pensons en somme que le statut d'étranger est pour partie l'élément naturel de chacun d'entre nous lorsqu'il migre, provisoirement ou de manière prolongée. Nous pensons qu'il peut résulter dans la durée d'un choix, celui de rester soi-même au sein d'une société d'adoption. Nous pensons qu'il peut être aussi la résultante d'un choix imposé par la société d'intégration qui, précisément, dans certains pays et à certaines heures, ne souhaite pas offrir à celui qui est en visite chez elle, même durable, les possibilités de participer dans l'égalité aux droits des citoyens. Or, nous savons que la Suisse de ces dernières années se repent un peu de ses habitudes anciennes. Si la durée de séjour pour devenir naturalisé est encore très longue, les procédures se sont un peu simplifiées. Il a été renoncé à l'exigence de l'abandon de la nationalité antérieure, de sorte que ceux des étrangers qui vivent parmi nous pendant longtemps et qui le souhaitent ont désormais la faculté de se naturaliser et, ce faisant, de marquer en quelque sorte leur adhésion au club local, si vous me permettez cette réduction un peu abusive de l'identité nationale.

Nous pensons donc, dans la mesure où le choix existe, qu'il n'est pas anormal qu'il y ait deux statuts, un pour l'étranger et un pour le Suisse. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes récemment trouvés en confrontation les uns et les autres, parce que nous estimions que l'on ne pouvait pas donner des droits politiques à qui ne les a pas demandés par une adhésion complète à la qualité et à la nationalité.

Cela étant, l'intégration, c'est autre chose ! C'est la raison pour laquelle nous pouvons nous en rapprocher, mieux souscrire au texte, simultanément à ses auteurs, parce que l'intégration est un état d'esprit, une manière d'être et une manière d'accueillir, une manière de voir l'autre, une manière de le reconnaître pour être autre tout en étant lui-même égal à son double, à son frère que chacun de nous est au moins éthiquement. Ce qui peut nous permettre d'ouvrir nos portes avec plus de générosité, avec une hospitalité dont notre tempérament n'est pas toujours le garant. C'est une bonne chose ! Le reste relève du détail. Je comprends les préoccupations de Mme Guichard. Peut-être faut-il les partager sur la lourdeur du texte. Il faudra le revoir en commission... Je souhaite comme elle que ce texte ne soit pas l'occasion d'une espèce de prise d'otages involontaire de la bonne volonté de ce Grand Conseil par des gens qui espéreraient en tirer parti. Je n'ai pas eu cette impression jusqu'à maintenant. Les représentants des organisations initiatrices que j'ai rencontrés m'ont fait la meilleure impression du monde

Reste que nous avons effectivement souhaité - nous avons été suivis en cela par les autres auteurs de ce projet - qu'il n'y ait pas de confusion entre l'intégration et les droits civiques. C'est la raison pour laquelle j'ai obtenu avec satisfaction des autres auteurs du projet que ce qui, dans le texte, notamment à l'article premier, donnait à penser qu'il s'agissait d'octroyer aux étrangers les mêmes droits qu'aux Suisses disparaisse du texte. On m'a dit qu'il restait encore des insuffisances ou des ambiguïtés. C'est probable. Mais nous les examinerons en commission, dans l'état d'esprit que je viens de vous décrire, celui d'une meilleure intégration grâce à l'engagement de l'Etat.

M. Robert Cramer. Disons-le d'emblée, ce projet de loi, déposé par des représentants de presque tous les partis siégeant au Grand Conseil, est bienvenu.

Mme Guichard a eu le mérite de rappeler, à tout le moins dans la première partie de son intervention, que la préoccupation d'intégrer le mieux possible les étrangers qui vivent dans notre canton est une préoccupation constante de la part des autorités politiques et du gouvernement. Cette préoccupation, vous l'avez indiqué, Madame Guichard, s'est toujours très largement appuyée sur le monde associatif. Ce sont ces principes que l'on retrouve fondant le projet de loi qui vous est soumis.

Je tiens à relever, pour ma part, que le Conseil d'Etat s'est montré très attentif, depuis le début de la législature, à la question des droits des étrangers vivant à Genève et, de façon générale, à favoriser la coexistence la plus harmonieuse entre les différentes collectivités vivant sur le territoire de notre canton. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a déposé, au début de la législature, un projet de loi, un projet de modification constitutionnelle, visant à permettre aux communes qui le souhaitent d'accorder des droits politiques au niveau communal aux étrangers vivant sur leur territoire. C'est ainsi, plus récemment, que le Conseil d'Etat a exprimé de la façon la plus solennelle son opposition totale et résolue à l'initiative fédérale dite des 18%. C'est ainsi enfin que le Conseil d'Etat a voulu prolonger ces interventions par une réflexion sur l'intégration des étrangers et qu'il a chargé une commission d'experts, réunissant les différents milieux de la société civile, de lui faire rapport sur cet objet et de lui proposer un texte de projet de loi. Dans le même temps, alors que cette commission poursuivait sa réflexion, des associations et un certain nombre de députés du Grand Conseil ont pris l'initiative de rédiger un projet de loi, celui qui vous est soumis. Après tout, ce n'est pas illégitime. Il n'est pas illégitime de voir les députés du Grand Conseil déposer des projets de lois et que cela ne soit pas le fait exclusif d'une démarche du Conseil d'Etat.

Dès lors, le Conseil d'Etat, constatant que ce projet de loi est déposé, n'entend pas se lancer dans des querelles d'auteur. Il ne déposera bien sûr pas un second projet de loi sur le même objet. Au contraire, il se réjouit et se félicite du consensus trouvé au sein du Grand Conseil pour aborder cette question importante qui est celle de l'intégration. C'est de cela que l'on doit à présent parler, plutôt que de se demander qui est l'auteur de ceci ou de cela. Ce projet de loi sera renvoyé en commission. Le Conseil d'Etat remettra alors aux députés tous les documents en sa possession, c'est-à-dire le rapport auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, c'est-à-dire le projet de loi imaginé par la commission qu'il a mise en oeuvre. Il sera peut-être aussi amené à soutenir tel ou tel amendement qu'un groupe souhaiterait déposer ou à en déposer un certain nombre de son côté.

Tout cela relève, Mesdames et Messieurs les députés, de la technique législative. Il serait profondément déplorable que nous trouvions encore le moyen de nous diviser sur une question de cette importance, sur une question où il y a, au-delà des clivages politiques traditionnels, une conscience de tous ceux et de toutes celles qui siègent dans ce Grand Conseil de l'urgence et de la nécessité de légiférer. C'est en applaudissant ce projet de loi, qui relève tout à la fois d'une volonté de dépasser les clivages politiques traditionnels et d'une volonté de voir le monde politique travailler en étroite collaboration avec le monde associatif, que le Conseil d'Etat se réjouit de prolonger avec vous la discussion en commission. 

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.