Séance du
vendredi 1 décembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
2e
session -
59e
séance
I 2025
M. Alain Charbonnier (S). Je m'adresse à vous, Madame Brunschwig Graf, puisque vous remplacez M. Segond.
Depuis quelques mois le département de gériatrie des hôpitaux universitaires de Genève distribue une lettre de bienvenue aux patients qui entrent dans ses services. Après quelques phrases d'accueil, cette lettre prend rapidement une tournure beaucoup plus austère, je cite : «Quand ces soins ou traitements médicaux n'exigeront plus votre séjour à l'hôpital, le médecin hospitalier vous informera de cet état de fait et facilitera votre sortie vers votre domicile ou vers un établissement médico-social, ou EMS, dans les meilleurs délais. Vous recevrez alors une lettre personnalisée vous expliquant que, conformément aux dispositions de l'article 49, al. 3 de la LAMal et aux décisions du Tribunal fédéral, votre assureur va suspendre le payement de votre prise en charge hospitalière. Dans ce cas, seule une somme équivalant au forfait des EMS vous serait remboursée. La différence des coûts journaliers entre hôpital et EMS serait alors totalement à votre charge.»
Dois-je le rappeler ? cette lettre s'adresse à des personnes âgées qui viennent se faire hospitaliser, qui ne sont donc pas en pleine possession de leur intégrité physique ou psychique. Faire appel à des articles de lois et à des menaces dans ces situations de souffrance me laisse songeur quant au respect élémentaire des règles d'éthique.
La suite n'est pas plus glorieuse : les menaces sont mises à exécution... En effet, après quelques mois de traitement, un patient reçoit une lettre d'un chef de clinique. Cette lettre le prévient que son état de santé ne nécessite plus de traitement ni de soins en milieu hospitalier et que sa sortie, ou son transfert en établissement EMS, doit s'organiser dans les meilleurs délais. Cette lettre fait à nouveau référence aux articles de loi en question et prévient que, dorénavant, la différence entre tarif hospitalier et tarif EMS est à la charge du patient. Le patient recevra donc une facture qu'il devra adresser à son assurance-maladie, laquelle, évidemment, ne la remboursera que sur la base du tarif EMS. La personne âgée se retrouvera donc avec une différence à payer pouvant aller jusqu'à 100 F par jour.
Les raisons qui font qu'un patient dépasse le temps de soins ou de traitement hospitalier avant sa sortie ou son transfert en EMS peuvent être multiples, mais, dans la plupart des cas, il n'est pas responsable de cette latence, et il est scandaleux qu'il doive en supporter les conséquences financières, auxquelles il ne peut souvent pas faire face. Depuis la mise en pratique de cette façon de procéder, le contentieux augmente, évidemment, très rapidement.
J'ajoute que le département de gériatrie n'est pas un cas isolé et que d'autres départements des HUG pratiquent de même.
Madame la conseillère d'Etat, à ce stade de ma réflexion, je désire vous poser trois questions :
1. Cautionnez-vous - et le département de M. Segond cautionne-t-il - la lettre de menaces du département de gériatrie dont vous avez reçu une copie ?
2. Tous les départements des HUG utilisent-ils les mêmes méthodes de menaces et de sanctions envers leurs patients ?
3. Quelles solutions peuvent-elles être trouvées rapidement, afin que les patients n'aient plus à payer de leur poche les conséquences financières de ce mode de faire ?
Mme Martine Brunschwig Graf. Guy-Olivier Segond). Ces questions, en effet, ne relèvent pas de mon département, mais de celui du département de l'action sociale et de la santé, et je représente ici mon collègue Guy-Olivier Segond, qui a eu l'amabilité de m'informer préalablement de la problématique traitée par M. Charbonnier, qui, lui, avait par ailleurs eu l'amabilité de nous transmettre les différents courriers...
M. Claude Blanc. Ah !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Nous sommes en fin de soirée, Monsieur Blanc, et l'amabilité est de rigueur, comme elle devrait d'ailleurs l'être tout au long de nos débats !
En fait d'amabilité, je crois que le département est prêt à reconnaître qu'au-delà des explications que je vais donner la formulation de la lettre envoyée aux patients n'est pas particulièrement heureuse, pour les raisons que vous avez évoquées tout à l'heure, s'agissant de patients qui entrent pour se faire hospitaliser. Mais, comme vous le savez, il y a une problématique qui échappe et à l'hôpital et au département de l'action sociale et de la santé : le principe des négociations inscrit dans la LAMal et la convention tarifaire passée entre les hôpitaux et la Fédération genevoise des assureurs-maladie.
Comme vous le savez, il s'agit en l'occurrence pour l'assureur-maladie de ne pas procéder au remboursement, dès lors qu'il s'agit d'une hospitalisation qui n'est plus reconnue comme une nécessité. C'est là la base du litige. Cela signifie que l'assureur réduit ou supprime alors ses prestations, et il est convenu aussi que les HUG doivent évidemment, une fois établi que l'hospitalisation n'est pas appropriée, le communiquer. Et ils disposent de quinze jours pour organiser la sortie du patient. Tels sont les principes qui découlent eux-mêmes de la LAMal.
Les hôpitaux, quant à eux, ont l'obligation de facturer leurs prestations selon les tarifs en vigueur approuvés par le Conseil d'Etat. La relation entre l'assureur et l'assuré est indépendante des hôpitaux et, jusqu'à présent, tant que le médecin dit qu'il est nécessaire que le patient séjourne à l'hôpital, le principe du tiers payant s'applique et les HUG sont directement remboursés par les assureurs-maladie. Ce n'est qu'en cas de suppression de la prise en charge du malade, c'est-à-dire lorsque le médecin juge que le séjour du patient en hôpital n'est plus nécessaire, que celui-ci devient le débiteur de l'hôpital.
A ce propos, comme vous le rappelez, il existe un contentieux. Cela montre que les hôpitaux ne prennent pas toujours les mesures qu'ils pourraient prendre pour recouvrer leurs honoraires lorsque les patients ont une situation financière difficile.
Il est très délicat de savoir à quel moment le patient doit être informé de la situation dans laquelle il peut se trouver lorsque l'assureur cesse de prendre en charge l'intégralité des factures d'hospitalisation, compte tenu, justement, de la convention passée et des réglementations de la loi fédérale. Il n'est pas possible de prendre, dans tous les cas, les mesures nécessaires de façon rapide, mais, vous le savez aussi, il y a, à l'hôpital cantonal et dans les hôpitaux de gériatrie, la volonté d'accompagner les patients par le biais de l'assistante sociale qui est présente, et il est aussi fait référence à cela dans la lettre. Il y a donc toujours un accompagnement des services sociaux pour essayer de trouver une solution, que ce soit une rentrée à domicile ou que ce soit une intégration dans un EMS.
Monsieur le député, en l'état et selon les informations dont nous disposons, il ne s'agit pas d'une pratique récente. Mais, en revanche, ce qui est récent, c'est l'information au patient, et c'est cela qui vous a alerté. La convention avec les hôpitaux, les pratiques des assureurs et la loi fédérale s'exercent en effet depuis longtemps. Ici, c'est finalement l'effort de transparence qui est reproché, mais cet effort de transparence a été voulu afin de donner davantage de temps au patient pour se préparer.
Je le répète, la formulation de cette lettre - le directeur des hôpitaux le reconnaît volontiers - n'est pas heureuse. Devant une telle situation, qui pourrait devenir un problème, mais qui est indépendante de la volonté des hôpitaux et du département, il faut examiner une meilleure manière d'accompagner le patient et dans l'information et dans la recherche de solutions. J'insiste, cette situation est due à la législation et à la convention et non aux hôpitaux, car, une fois le temps nécessaire de l'hospitalisation passé, les assureurs ne payent qu'une partie de ce qu'ils payaient auparavant en termes d'indemnisation pour hospitalisation.
Voilà quelle est la problématique. Les hôpitaux vont réexaminer leur politique d'information et d'accompagnement. Vous avez soulevé un problème réel sur la forme, mais il existait déjà sur le fond, puisque cette pratique, je le rappelle, n'est pas récente.
Cette interpellation est close.