Séance du vendredi 1 décembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 59e séance

M 1314-A
13. a) Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Marie-Françoise de Tassigny, Philippe Glatz, Nelly Guichard, Roger Beer, Mariane Grobet-Wellner, Alexandra Gobet, Véronique Pürro et Myriam Sormanni-Lonfat concernant les structures d'accueil des enfants de 3 à 4 ans à titre de soutien à la famille et au travail des femmes. ( -) M1314
Mémorial 2000 : Développée, 728. Renvoi en commission, 738.
Rapport de M. Gilles Godinat (AG), commission des affaires sociales
M 1365
b) Proposition de motion de la commission des affaires sociales concernant les structures d'accueil des enfants de 0 à 4 ans à titre de soutien à la famille et au travail des femmes. ( )M1365

Sous la présidence de M. Pierre Marti, la Commission des affaires sociales a reçu la proposition de motion 1314 à sa séance du 15 février 2000, au début des travaux concernant le RD 341 (rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la politique familiale). Les commissaires ont choisi de travailler dans un même élan le RD 341 et la motion 1314, en organisant les travaux des séances des 29 février, 7 et 28 mars, 4, 11 et 18 avril, 2, 9, 16 et 23 mai. Ils ont également choisi de traiter le RD 341 comme cadre général et, dans la foulée, la motion 1314 comme cas particulier, ce qui aboutit à deux rapports séparés mais complémentaires.

Le présent rapport rend donc compte évidement des travaux sur la motion 1314, mais dans le cadre du travail plus général sur la politique familiale dont Mme Marie-Françoise de Tassigny a fait la synthèse dans son rapport sur le RD 341. Afin d'éviter les redites, le présent rapport, comme il ne constitue qu'un volet particulier de la politique familiale, renvoie donc le lecteur au rapport sur le RD 341. Seuls sont rapportés ici les éléments des auditions et des débats concernant la motion 1314.

Auditions.

1. Audition de MM. Jean- Paul Bari, consultant en gestion publique, et François Cuenoud, expert en politique sociale

Le rapport « Jalons pour une politique familiale à Genève » ayant fait l'objet de plusieurs critiques émises par les députés avant le renvoi en commission du RD 341, MM. Bari et Cuenoud, auteurs du document en question, ont en particulier souligné la dispersion de l'offre et la nécessité de renforcer le dispositif. En insistant sur les risques nouveaux, les auteurs relèvent les inégalités entre les femmes elles-mêmes, en particulier la précarité des familles monoparentales. Il faut développer l'information et agir à l'interface du travail, de l'école et de la vie familiale. Enfin, après une étude descriptive d'ensemble, il faut approfondir par des études ciblées de type qualitatif en ce qui concerne les mesures de soutien.

2. Audition de M. Guy- Olivier Segond, chef du Département de l'action sociale et de la santé

Reconnaissant la politique familiale comme parent pauvre de la politique sociale, tant au niveau national que cantonal, les mesures concernant la problématique de la petite enfance doivent avant tout être coordonnées entre le niveau communal et cantonal. Traditionnellement de compétence plutôt communale, les institutions de la petite enfance sont aujourd'hui également l'objet d'interventions cantonales, en particulier du DIP. Des normes de construction, des réglementations, les interventions sanitaires du Service santé de la jeunesse illustrent cette évolution. Le président rappelle que le Conseil d'Etat considère que ce secteur relève principalement de l'initiative privée, soit des entreprises, du milieu associatif et des communes, qui doivent soutenir et développer des lieux d'accueil diversifiés et souples pour les enfants entre 0 et 5 ans. Les formes actuelles doivent être assouplies, voire moins institutionnalisées et moins coûteuses. Le Conseil d'Etat a entre autres évoqué des pistes telles que l'aide de proximité, les mamans de jour, les réseaux de quartier, etc. L'organisation actuelle ne satisfait pas la demande de placement mais le Conseil d'Etat veut rester très prudent dans ce domaine, car les communes sont très attachées au principe de proximité. La discussion est indispensable, en particulier pour éviter les doublons.

En ce qui concerne l'organisation de l'Etat, M Segond souligne que son département, avec les HUG, a la responsabilité de 58 % de la dépense publique genevoise. Le chef du DASS voit mal qu'on lui confie encore la gestion et l'administration de la politique familiale, de la jeunesse, de la politique d'intégration des étrangers, etc., ce qui augmenterait la part du DASS aux 2/3 du budget de l'Etat. M. Segond milite pour un dispositif avec délégation du Conseil d'Etat de type transdépartemental, dans lequel la responsabilité du DIP et de l'économie jouerait un rôle essentiel dans la relation avec les partenaires sociaux.

3. Audition de M. Manuel Tornare, conseiller administratif, chef du département municipal des affaires sociales, des écoles et de l'environnement, et de Mme Marie-Françoise de Tassigny, déléguée à la petite enfance

En dix ans, sous l'impulsion de son prédécesseur, M. Michel Rossetti, les crèches en ville de Genève sont passées de trois à quarante-six ! Cela a entraîné une surcharge de travail dans ce secteur. La Ville va prochainement ouvrir en partenariat avec l'Etat à l'Hôtel des finances une nouvelle crèche.

Suite aux mutations au sein des familles, liées à l'évolution de la société, la demande ne cesse de croître. Le désir des femmes d'avoir une activité professionnelle est le facteur principal, selon le magistrat, et non pas les ruptures familiales. La crèche est un lieu et un outil de socialisation bien vécu par les enfants. La professionnalisation a permis d'aider les familles en difficulté.

L'estimation des besoins encore non satisfaits est de l'ordre des deux tiers des demandes, selon M. Tornare.

Un autre problème est lié au statut des crèches subventionnées à 80 % par la Ville, mais gérées de façon autonome par des comités de crèche dont les décisions ne correspondent pas toujours avec la volonté de son département ni à celle de la déléguée à la petite enfance.

En ce qui concerne la motion 1314, M. Tornare a demandé à la délégation une projection estimant les coûts liés à la concrétisation de cette motion. A l'évidence, un effort financier doit être consenti, au regard des 44 millions de subvention au Grand Théâtre. Selon les estimations effectuées auprès de la CAP (caisse de prévoyance), la révision du statut du personnel et l'augmentation des postes pour les 46 crèches existantes entraînerait une dépense de 3,5 millions de francs. Il faut faire ce choix plutôt que de suivre la voie tessinoise avec une scolarisation dès trois ans.

Pour Mme de Tassigny, l'évolution du mode de garde est significatif : alors qu'il y a dix ans, les enfants fréquentaient les crèches en majorité à plein temps, aujourd'hui la proportion s'est inversée avec une majorité de temps partiels. La déléguée confirme la croissance exponentielle de la demande et considère l'accès aux institutions diversifiées de la petite enfance comme un droit qui doit respecter l'égalité dans les conditions d'accueil. En matière d'application de l'ordonnance fédérale de 1977 confiant la charge de la petite enfance aux cantons, Mme de Tassigny cite l'exemple vaudois pour la participation cantonale à l'effort financier dans ce domaine, encourageant les mesures d'encadrement et de formation continue.

A Genève, la Ville compte 4'600 enfants âgés de trois ans, dont 1'380, soit 30 %, fréquentent les institutions de la Ville, auxquels s'ajoutent 20 % en famille d'accueil. Un taux de 65 % semble réaliste car toutes les familles ne vont pas utiliser les crèches. En calculant sur une base de 2'990 enfants avec un coût par enfant qui s'élève à 20'000 F, on atteint 29,9 millions pour la part de la Ville, avec une fréquentation à mi-temps, coût global y compris les 15 % d'augmentation des places liés à la motion. Cette estimation doit être comprise dans le cadre plus général du développement des structures d'accueil dont l'institutionnel constitue la plate-forme d'un réseau plus large. L'engagement de l'Etat permettrait de développer des systèmes parallèles. Pour l'heure, le partenariat avec les entreprises reste décevant. Sur le plan de la collaboration intercommunale, M. Tornare pense que celle-ci doit s'intensifier. La prise en charge financière des communes doit respecter la réciprocité, en fonction des critères choisis par les parents : proximité du domicile ou du lieu de travail. Il faut davantage de souplesse, y compris dans les normes parfois trop contraignantes ou trop exigeantes dans la construction. Par contre, la formation continue doit être développée. Enfin, une harmonisation des tarifs est en cours.

En conclusion, il faut augmenter les capacités d'accueil dans une optique de complémentarité et non de concurrence, en respectant la volonté des différentes familles sans entrer dans la voie de la préscolarisation, mais en n'oubliant pas les effets pervers des demandes insatisfaites.

4. Audition de MM. Patrice Plojoux et Michel Hug, respectivement président et secrétaire général de l'Association des communes genevoises

Au nom de l'ACG, M. Plojoux souligne l'intérêt porté à la problématique soulevée par la motion 1314. Une étude demandée par le DIP sur les enfants de la naissance à 4 ans doit être réalisée, qui permettra d'obtenir des données chiffrées. En partenariat avec le DIP, la Ville et la FAS'e, l'ACG a participé à la mise sur pied de l'Observatoire genevois de l'enfance et de ses institutions. Les normes en vigueur dans le domaine de la petite enfance sont critiquées par l'ACG, laquelle privilégie une approche pragmatique. Selon la taille des communes, les besoins et les réponses sont différents. Dans les petites communes, les familles d'accueil ont la préférence, alors que dans les communes suburbaines, les institutions doivent être adaptées aux réalités communales. La commune de Vernier par exemple présente une structure en quatre bourgs distincts, lesquels ont chacun besoin de structures d'accueil spécifiques. De plus, la mobilité entre le domicile et le lieu de travail pose problème. La masse critique pour l'ouverture de crèches n'est pas toujours atteinte dans les petites communes. La concertation par domaine et par réseau doit être encouragée. Un coup de pouce cantonal financier serait le bienvenu.

5. Audition de Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, responsable du DIP, de Mme Eliane Perrin, directrice générale de l'enseignement primaire, de Mme Horneffer-Colquhoun, directrice du Service de la protection de la jeunesse, et de M. Norberto Bottani, directeur du Service de la recherche en éducation (SRED)

Mme Brunschwig Graf informe la commission des démarches entreprises dans le domaine de la petite enfance, domaine concernant son département, en particulier des travaux menés par le SRED en lien avec l'ACG et souligne la volonté des autorités cantonales de se doter d'une vision globale et claire de la situation. Le document du SRED sur « La garde et l'éducation des jeunes enfants dans le canton de Genève » (cf. annexes) illustre cette démarche de synthèse.

En préambule, la présidente du DIP voit deux approches des questions soulevées par la motion 1314 : l'une de type social, l'autre de type éducative. Dans ce sens, il faut savoir que 98 % des enfants du canton fréquentent l'école non obligatoire dès l'âge de 4 ans, ce qui place notre canton en position de pionnier en la matière. Faut-il pour autant aller dans le sens d'une école maternelle dès trois ans ?. La proposition de la motion dans sa première invite laisse entendre qu'une institutionnalisation pour chaque enfant dès trois ans est souhaitable. On risque alors de se rapprocher d'une politique de l'école maternelle dans la logique du préscolaire.

M. Bottani précise d'emblée que différents travaux de recherche confirment la haute valeur éducative des institutions de la petite enfance lorsqu'elles sont adéquates. Le bénéfice pour le développement global de l'enfant est indéniable. Dans le prolongement des travaux de Piaget, la recherche a démontré les aptitudes sociales très précoces de l'enfant, déjà avant 6 mois. En 10 ans, la population des crèches à Genève a doublé, soit 15 % en moyenne des enfants de 0 à 3 ans à la fin de ce siècle. Les études confirment que 80 % des enfants de 3 ans fréquentent régulièrement une institution de garde et d'éducation (crèche, garderie, jardin d'enfants). Par contre, les informations sur les modes de garde sauvage manquent.

Avec 70 % des femmes actives professionnellement sur l'ensemble des femmes en âge de procréer, Genève connaît le taux le plus élevé d'Europe. Ces chiffres expliquent la croissance de la demande insatisfaite, à savoir deux tiers des demandes dans les crèches. Mais les demandes sont loin d'être uniformes : l'âge toujours plus précoce et le temps partiel ont augmenté dans une large proportion. De plus, le profil socioprofessionnel des parents a radicalement changé, processus observé au niveau mondial. Alors que les enfants du milieu ouvrier étaient sur-représentés dans les crèches dans les années soixante, aujourd'hui toutes les catégories sociales s'y retrouvent, ce qui a entraîné une culture différente des crèches.

Mme Horneffer-Colquhoun précise qu'à Genève, 700 mamans de jour sont répertoriées, accueillant chacune 2 à 3 enfants à plein temps. Plus du 10 % des enfants de moins de 5 ans sont accueillis dans ces familles, sur les 23'000 enfants de moins de 5 ans à Genève. Le recrutement des familles d'accueil est actuellement difficile. Une évaluation des prestations est en cours.

M. Bottani plaide pour un assouplissement des structures et Mme Brunschwig Graf pour un rôle de pilotage au plan cantonal dans l'ensemble du dispositif en développant la diversification, mais en ne cherchant pas à rallonger la période de scolarisation.

6. Audition de Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat chargée du Département des finances et de M. Georges Adamina, directeur à l'administration fiscale.

Convaincue de l'insuffisance des structures d'accueil, Mme Calmy-Rey invite à développer davantage les structures ad hoc de concert avec les entreprises, citant l'exemple de l'Hôtel des finances. Cette nouvelle crèche d'entreprise est ouverte aux enfants du quartier, dans une proportion de 50 %. Cette ouverture favorise la socialisation des enfants en dehors du seul cadre professionnel de leurs parents.

En matière fiscale, la présidente précise le régime de déduction pour charge d'enfant, tout en reconnaissant que les déductions pour frais de garde en tant que telles n'existent pas. Le reste de l'audition concerne la politique fiscale et la politique familiale sur un plan plus général. (cf. rapport sur le RD 341).

Discussion

Les travaux de la commission peuvent être synthétisés dans les grandes lignes de la façon suivante :

La majorité des commissaires estime qu'il faut préciser les invites de la motion après les différentes auditions.

Les auteurs de la proposition en discussion ne souhaitaient pas se fixer sur le préscolaire mais étendre la réflexion à l'ensemble de la politique familiale. Cependant, l'urgence liée à la situation de détresse de certains parents a justifié le dépôt de cette motion. L'idée d'une nouvelle rédaction des invites afin d'aboutir à une motion propre de la commission semble convenir à une majorité de commissaires.

Les Verts auraient voulu traiter simultanément le RD 341 et la motion 1314, dans un même rapport. Ils n'étaient pas favorables à la délimitation des 3 à 4 ans, mais pour l'ensemble de la petite enfance. Il faut pouvoir mieux préciser les besoins. Les invites de la motion en l'état ne peuvent être acceptées.

Les libéraux en appellent à une réflexion élargie, mais ils restent inquiets de la préscolarisation à 3 ans et des passerelles avec les classes enfantines. D'autres structures d'accueil moins coûteuses existent et doivent être développées, en particulier les structures privées. Il faut des moyens incitatifs pour encourager les partenaires à collaborer. Les normes et les réglementations qui rendent les crèches trop luxueuses doivent être allégées. Enfin, il faut rendre attractive par des incitations financières la solidarité de quartier et intergénérationnelle, sans un trop haut niveau de professionnalisation.

Les socialistes veulent améliorer la concertation entre le canton et les communes. Une politique en faveur de l'émancipation féminine doit être clairement affirmée et une amélioration des conditions matérielles des familles monoparentales sérieusement envisagée. Il faut élargir à l'ensemble de la petite enfance.

L'AdG soutient le même point de vue. Les structures d'accueil doivent être développées afin de satisfaire la demande des familles. La collaboration entre le canton et les communes doit être renforcée. Des structures de qualité doivent être proposées sans aller obligatoirement dans le sens d'une école maternelle. Dans ce sens, la limitation à la seule tranche d'âge de 3 à 4 ans est discutable. Comme les socialistes et les Verts, l'AdG souhaite la rédaction d'une motion émanant de la commission afin de faire pression pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance.

Les commissaires DC sont d'une part préoccupés par les conséquences financières et d'autre part souhaitent que l'on tienne aussi compte des familles qui ne veulent pas forcément un appui institutionnel. Ils sollicitent également une meilleure coordination entre les communes et le canton.

Enfin, les députés radicaux, à l'origine de la motion, demandent que, pour l'essentiel, l'idée de l'urgence d'une réponse concrète pour mieux satisfaire les attentes de la population dans le développement des différentes modalités d'accueil, et en particulier des crèches, soit soutenue par la commission. Si le message passe, les auteurs de la motion sont prêts à toute nouvelle version des invites qui respecte la volonté de base, à savoir donner un sérieux coup de pouce dans le domaine des institutions de la petite enfance, avec une meilleure information et orientation des familles.

La majorité de la commission a donc cherché à rédiger les invites d'une motion intégrant les différentes critiques résumées ci-dessus. Sans revenir sur le détail des modalités de rédaction, le rôle de Pro Juventute doit être reconnu dans son activité avec les familles d'accueil, les CASS doivent faire le relais mais ne pas se substituer au travail déjà effectué par diverses associations, sans imposer forcément un guichet unique en la matière. Finalement, seuls les principes généraux sont retenus dans la nouvelle version qui figure à la fin du présent rapport. Les trois nouvelles invites sont acceptées à l'unanimité de la commission. Les auteurs de la motion 1314 acceptent de la retirer au bénéfice de la nouvelle motion de la commission. Dans ce sens, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à bien vouloir suivre les travaux de la commission et à soutenir la nouvelle proposition de motion.

Proposition de motion(1314)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

l'importance des apprentissages pour ce groupe d'âge (3 ans) dans un environnement spécifique et différent de celui de la famille ;

l'application de la convention des droits des enfants stipulant le droit pour tous de bénéficier d'un environnement favorisant l'épanouissement de sa personnalité, de ses dons et de ses aptitudes ;

l'apport bénéfique de la vie en collectivité pour le jeune enfant ;

la contribution de cet accueil permettant une véritable possibilité de concilier vie familiale et professionnelle ;

invite le Conseil d'Etat

à considérer l'éducation des enfants de 3 ans dans une institution de la petite enfance comme un processus éducatif et préventif nécessaire au bon développement de l'enfant ;

à prendre toutes les mesures nécessaires en matière financière en collaboration avec les communes ou autres structures afin d'assurer ce droit à tous les enfants de 3 à 4 ans ;

à étudier les modes d'accueil propres à cette tranche d'âge, ceci en lien avec celle de la 1re enfantine.

Préambule

Nous proposons, après avoir étudié la motion nationale déposée dans tous les cantons promouvant les structures de garde des enfants durant la journée à titre de soutien à la famille aux degrés préscolaires I et II, selon le modèle scolaire tessinois, une alternative genevoise.

A Genève, la prise en charge préscolaire à l'extérieur de la famille est possible dès la première enfantine, dans le cadre du Département de l'instruction publique ; l'enfant est alors âgé de 4 ans. Cette mesure a fait de notre canton un précurseur en la matière à l'instar d'un pédagogue comme Piaget. Actuellement, plus de 90 % de la population enfantine de cet âge bénéficient de l'école élémentaire.

Dans notre canton majoritairement urbain, les familles sont de plus en plus monoparentales ou recomposées. Par ailleurs, elles ne bénéficient plus aujourd'hui de l'entourage familial dont le rôle, autrefois, était de veiller sur les jeunes enfants pendant les absences professionnelles des parents. Or, environ 70 % des femmes à Genève occupent une activité professionnelle ou suivent une formation, à temps complet ou partiel. Cette réalité occasionne une forte et constante pression sur les différentes formes d'accueil qui ne peuvent plus faire face à la demande.

De plus, la situation économique et l'organisation du temps de travail obligent les familles à mettre en place des solutions « de relais » pour la garde à temps partiel des enfants. Actuellement, on relève que les institutions de la petite enfance et les modes de gardes complémentaires sont insuffisants. Cet état de fait occasionne beaucoup de situations difficiles pour les familles genevoises.

Par ailleurs, les situations d'urgence sont de plus en plus fréquentes et prétéritent les enfants des familles défavorisés.

Le but de cette démarche ne veut pas se substituer à l'apport fondamental de l'éducation familiale mais offrir un véritable choix aux familles désireuses de faire garder leur jeune enfant.

Le but de cette motion est également d'offrir aux familles et aux enfants des modes de garde de qualité, de sécurité, en nombre et en genre suffisants.

L'objectif est aussi d'étudier une logistique qui permettrait une meilleure orientation et information aux familles sur les modes de garde existant dans le canton.

Cette proposition de motion repose sur des offres existantes proposées par des collectivités publiques ou autres, mais a pour objectif supplémentaire de renforcer son accessibilité. De plus, elle a pour mission de soutenir les communes dans leur mandat d'application de l'ordonnance fédérale de 1977 et sur la loi genevoise sur le placement des mineurs hors du milieu familial du 13 décembre 1963. (J.8.7)

Cette motion permettra une organisation plus cohérente de la prise en charge du jeune enfant à Genève, harmonisant les pratiques entre les communes dans une vision cantonale.

En espérant que vous ferez bon accueil à cette motion qui détermine l'avenir de notre société, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

ANNEXE

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Débat

M. Gilles Godinat (AdG), rapporteur. J'aimerais d'abord souligner que les travaux en commission sur ce sujet ont été effectués parallèlement à ceux sur le rapport concernant la politique familiale. Les problématiques sur la petite enfance et la politique familiale sont évidemment très intriquées et il a été difficile de les «désintriquer», d'où la difficulté de rédiger ce rapport, puisqu'il renvoie, en fait, au rapport de Mme de Tassigny. Mais pour revenir sur l'essentiel de ce qui nous concerne ce soir, à savoir la politique concernant la petite enfance, j'aimerais rappeler quelques éléments très rapidement pour situer à nouveau la démarche de la commission et comprendre pourquoi la commission a modifié les invites initiales.

Pour l'essentiel, il faut savoir que le cadre général dans lequel nous travaillons est la convention relative aux droits de l'enfant. Convention adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies en novembre 1989 et qui est entrée en vigueur en 1990. Et cette convention précise au chapitre de l'éducation, à son article 28, que l'enfant a droit à l'éducation et, à son article 29, que les objectifs de l'éducation sont les suivants : «L'éducation doit viser à favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'enfant, le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques dans toute la mesure de ses potentialités.» Voilà le cadre fixé.

Une conférence internationale qui a eu lieu à Copenhague, en 1998, pour l'organisation mondiale pour l'éducation préscolaire donne également quelques pistes utiles pour notre réflexion, en soulignant, par exemple, l'importance pour le développement de l'enfant du rôle de la famille, mais, également, l'importance du soutien professionnel à apporter aux familles qui en ont besoin ou qui le demandent.

En ce qui concerne la situation genevoise, nous avons eu la chance d'auditionner un des responsables de l'étude sur la garde et l'éducation des jeunes enfants dans le canton de Genève, qui nous a effectivement donné de précieuses informations utiles à notre réflexion.

Je ne vais pas résumer le rapport, je me bornerai à rappeler quelques notions fondamentales, notamment que pour cent enfants de moins de 5 ans résidant dans le canton de Genève on recense vingt places dans les institutions de la petite enfance en 1999 contre quatre en 1960, donc trente ans plus tôt. Qu'un tiers des enfants de 5 ans fréquentent d'une manière régulière les institutions de la petite enfance. Qu'en ce qui concerne les enfants de 3 ans, 80% d'entre eux aujourd'hui fréquentent de manière régulière une institution de la petite enfance. Qu'enfin, cadre qui permet de comprendre l'évolution, le travail des femmes, l'émancipation féminine - que nous soutenons et que nous voulons développer - nécessite effectivement un soutien pour les femmes ou les familles qui le souhaitent.

Et c'est la raison pour laquelle, compte tenu du fait que 70% des femmes en âge de procréer aujourd'hui à Genève exercent une activité professionnelle, la demande d'appui institutionnalisé, sous des formes variables, a augmenté de manière significative ces dernières années.

Je ne vais pas m'étendre sur les chiffres qui figurent dans le rapport. Nous avons été confrontés au problème suivant en commission : fallait-il considérer, comme le disait la motion radicale, qu'au fond il y avait une nécessité institutionnelle de prise en charge pour les enfants de 3 ans dans une institution de la petite enfance ? C'est la première invite. Cette nécessité effectivement, prise au pied de la lettre, pose problème.

Enfin, fallait-il limiter les mesures à prendre pour la petite enfance à cette catégorie d'âge seulement et - problème soulevé par la motion - envisager l'idée sous-jacente éventuelle d'une pré-scolarisation, un peu à la française, à savoir un passage vers une école maternelle obligatoire ?

Ces différentes interrogations ont évidemment modulé l'approche en commission. Et afin de garder l'essentiel - c'est tout le mérite de la motion radicale, il faut le reconnaître et je tiens à le souligner ici : elle a voulu renforcer la politique de notre Conseil d'Etat dans le domaine de la petite enfance - la commission a été unanime à soutenir la deuxième motion qui dit pour l'essentiel, dans les invites que je vous rappelle rapidement, qu'il faut :

- assurer une possibilité d'accueil de qualité à tous les enfants concernés entre 0 et 4 ans - ce qui signifie non pas un modèle, mais une palette de modèles, tels qu'ils existent déjà, qui doivent encore être développés;

- que ces structures d'accueil soient développées en collaboration entre le canton et les communes - autre point évidemment très important;

- et, enfin, que les moyens financiers soient mis en oeuvre pour réaliser ces voeux. 

M. Albert Rodrik (S). Qu'il me soit permis d'abord de remercier tant le président M. Marti que le rapporteur M. Godinat qui nous ont permis de conduire nos travaux convenablement et, surtout, d'aboutir à une synthèse qui, nous l'espérons, sera utile.

Mesdames et Messieurs, la prise en charge de la petite enfance est traditionnellement en Suisse de compétence communale, et il n'y a aucune raison de changer cet état de fait. L'Etat cantonal joue un rôle régulateur. Il édicte des normes et veille à leur respect. Ça non plus, il n'y a pas de raison de le changer.

Le problème, c'est que, dans un domaine qui touche la vie privée des gens, les collectivités publiques doivent avancer sur la pointe des pieds, parce qu'on ne peut pas imposer aux parents, aux couples, des modèles tout faits, homogénéisés et standards, par rapport aux aspirations qu'ils ont pour leurs enfants. Mais, néanmoins, la prise en charge de la petite enfance reste une énorme tâche des collectivités publiques. C'est ce double dilemme qui rend ce problème complexe.

Et dire que c'est une tâche communale et que ça doit le demeurer, dire que le rôle de l'Etat cantonal est clair, qu'il ne doit pas être remis en cause et que nous devons pouvoir respecter et accompagner l'aspiration des parents, ne signifie pas que tous ces protagonistes sont seuls, seuls face à leurs problèmes, seuls face à la complexité de ces choses et que chaque commune doit pouvoir se débrouiller toute seule face à une entreprise aussi difficile.

Les conclusions claires de la commission consistent à dire que la prise en charge de la petite enfance de 0 à 4 ans est une tâche suffisamment lourde, suffisamment complexe et délicate à manier pour qu'elle soit considérée comme la tâche commune de l'ensemble des collectivités publiques de ce canton, mon éternel dada du «faire ensemble»...

Ce qui doit changer, c'est que nous devons envoyer le message que chaque commune n'est pas seule, que l'Etat n'est pas une espèce de minaret lointain du haut duquel un muezzin fixe des normes sans se préoccuper des réalités du terrain de chaque commune. Les grandes et les petites communes ne sont pas en concurrence pour avoir des rapports, des expériences à elles, leurs propres services ou expériences individuelles. Tout ceci, dans le respect de chaque compétence, est à mettre ensemble.

Il n'y en a pas de trop, de rapports ! Il n'y en a pas de trop, d'expériences ! Et, surtout, il n'y en a pas de trop, d'argent, Mesdames et Messieurs les députés ! Et il est temps que, dans la petite enfance comme dans la culture et dans d'autres domaines, le «faire ensemble» devienne la règle de conduite des collectivités publiques genevoises; incidemment qu'on réponde à la motion 1216 qui attend une réponse depuis deux ans, et surtout que rentre dans les moeurs le fait qu'Etat et communes doivent oeuvrer ensemble dans les problèmes difficiles et complexes ! On ne doit pas inaugurer les chrysanthèmes tout seul : on doit «faire ensemble» ! 

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Cette motion originelle 1314 a atteint son objectif : faire avancer la cause de la petite enfance. Cette motion, pour rappel, était conçue et inspirée d'une large démarche au niveau national pour soutenir la famille et le travail des femmes. Sa forme n'a pas convaincu totalement les commissaires de la commission sociale. Par ailleurs, toute la commission était persuadée qu'il fallait donner un nouvel élan et une officialisation de ce secteur de la prise en charge du jeune enfant. Autour de ce consensus, les motionnaires ont rédigé une nouvelle motion tenant compte des sensibilités exprimées et des spécificités locales.

Nous proposons donc de retirer la motion 1314 et d'approuver largement la motion 1365, qui permettra de mettre en oeuvre une véritable politique de la petite enfance au niveau cantonal, et ce dans la diversité. Vous répondrez ainsi aux besoins criants de la population et aux attentes des professionnels et services officiels qui mettront ainsi leurs efforts en commun pour que le jeune enfant trouve sa juste place dans notre canton. 

Mme Martine Brunschwig Graf. J'aimerais tout d'abord remercier la commission des affaires sociales in corpore pour sa proposition de motion. Elle a, vous l'avez rappelé les uns et les autres, permis de réfléchir ensemble, d'écouter aussi, et je peux dire que je me retrouve dans toutes les invites que vous proposez, par rapport à la politique dont j'ai eu l'occasion de débattre avec vous lors de mon audition.

Ces invites sont donc les bienvenues et le Conseil d'Etat accepte volontiers cette motion. Mais je tiens à vous dire que nous avons d'ores et déjà, comme nous vous l'avions d'ailleurs annoncé, anticipé un certain nombre de problématiques. Nous allons donc - c'est déjà en cours de préparation - réactiver, mais sous une forme complétée et enrichie, ce qui s'appelait jusqu'ici la commission de la petite enfance, pour pouvoir réunir plus concrètement tous les partenaires intéressés, y compris d'ailleurs notre service de la recherche en éducation, qui vous a permis d'avoir une vision relativement complète de la situation de la petite enfance et de l'accueil qui lui est fait dans notre canton.

Nous allons par ailleurs et sans attendre, puisque c'est déjà en préparation, avec l'accord, je le pense, de la Ville de Genève, mettre sur pied une cellule conseil - protection de la jeunesse et service de la petite enfance - qui permettra à celles et ceux qui ne sont pas des collectivités publiques, mais qui souhaitent créer des structures de garde sous quelque forme que ce soit, d'obtenir des conseils et un accompagnement, ce qui faisait défaut jusqu'à présent.

Nous allons, avec l'aide de la commission dont je parlais tout à l'heure, élaborer un programme de développement du réseau des modes de garde sous toutes ses formes, et cela d'entente avec la Ville de Genève et les communes. Nous allons aussi aligner nos normes d'encadrement sur les normes européennes, ce qui, dans la plupart des cas, correspond au haut niveau que nous connaissons aujourd'hui dans tous les domaines, mais ce qui nous laisse aussi une certaine marge de manoeuvre pour les enfants entre 3 et 4 ans. Alléger les normes d'encadrement, tout en veillant au maintien du niveau de qualité qui est le nôtre, permettrait le développement de structures.

Enfin, vous le savez, pour le budget 2001, nous avons, d'ores et déjà et avec votre appui, inscrit les montants nécessaires pour que les structures de coordination, notamment dans le domaine des familles d'accueil, puissent remplir encore davantage leur mission et constituer un appui solide et compétent dans le réseau que nous souhaitons.

Pour le reste, nous devrons discuter plus largement de ce que vous avez pudiquement appelé «les moyens financiers indispensables pour favoriser le développement des différentes structures d'accueil». Cela signifie que les auditions et vos réflexions rejoignent la politique du Conseil d'Etat inscrite en quelques lignes dans le rapport sur la politique familiale, mais qui est davantage explicitée dans mes propos, et qui le sera encore plus dans la réponse que nous ferons à votre motion. Celle-ci ne devrait pas tarder, puisque tous les éléments que j'évoque ici sont des éléments concrets d'une mise en oeuvre dans laquelle j'estime qu'il faudra aussi fixer des objectifs quantitatifs, les communiquer et voir de quelle façon, chaque année, nous pouvons contribuer les uns et les autres à les atteindre.

Vous avez raison, Mesdames et Messieurs les députés, notre société attend actuellement une prise en charge diversifiée dans ce domaine, attend des formes d'encouragement à l'activité des femmes lorsque c'est souhaité, et attend surtout que l'on n'impose pas des structures mais que l'on permette aux familles, suivant leur mode de vie, selon leur volonté, de trouver la solution qui leur convient le mieux. 

M 1365

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1365)concernant les structures d'accueil des enfants de 0 à 4 ans à titre de soutien à la famille et au travail des femmes

M 1314-A

La présidente. Si j'ai bien compris, Madame de Tassigny, la motion 1314 est retirée ? Bien !

Le Grand Conseil prend acte du retrait de la motion 1314-A.