Séance du jeudi 30 novembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 56e séance

PL 8346
11. a) Projet de loi constitutionnelle de Mme et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Alberto Velasco, Dominique Hausser et Albert Rodrik modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (limitant les durées de mandats politiques, promouvant l'égalité et favorisant le renouvellement politique). ( )PL8346
PL 8347
b) Projet de loi de Mme et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Alberto Velasco, Dominique Hausser et Albert Rodrik modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05) (limitant les durées de mandats politiques, promouvant l'égalité et favorisant le renouvellement politique). ( )PL8347

PL 8346

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 50, al. 3 (nouvelle teneur)

 al. 4 et 5 (nouveaux, les al. 4 et 5 anciens devenant les

al. 6 et 7)

3 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.

4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.

5 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

Art. 71, al. 3 et 4  (nouveaux)

3 Nul ne peut être candidat pour un quatrième mandat consécutif.

4 Un mandat est considéré comme rempli, au sens de la limitation, dès qu'il a été assumé pour au moins la moitié de sa durée normale.

Art. 102, al. 4 et 5 (nouveaux)

4 Nul ne peut être candidat pour un quatrième mandat consécutif.

5 Un mandat est considéré comme rempli, au sens de la limitation, dès qu'il a été assumé pour au moins la moitié de sa durée normale.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :

Art. 99, al. 2 et 3  (nouvelle teneur)

 al. 4  (nouveau)

2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.

3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.

4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

Art. 163, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

  al. 4  (nouveau)

2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.

3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.

4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

Art. 176, al. 2 (nouvelle teneur)

 al. 3 (nouveau), l'al. 3 ancien devenant l'al. 4 (nouvelle teneur)

 al. 4 et 5 anciens devenant les al. 5 et 6

2 En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.

3 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.

4 En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le monde politique a de la peine à se renouveler et en conséquence la démocratie ne se régénère pas suffisamment. Ainsi, notre démocratie directe s'essouffle et l'abstentionnisme est souvent nettement majoritaire. Le monde politique doit mener son autocritique et tenter de se réformer en profondeur.

Cette réinvention de la politique passe par de nombreux changements. Du développement de la transparence de la gestion publique à la limitation de la durée des mandats, de la réforme des institutions au développement de l'égalité des sexes au sein des fonctions politiques, de l'attribution des droits politiques aux personnes étrangères établies dans notre pays depuis plusieurs années à l'optimisation des processus de décision politique, les chantiers ne manquent pas. Restent à trouver des majorités pour concrétiser ces améliorations.

Actuellement, les hommes continuent à monopoliser les sièges malgré les légères avancées de l'égalité des sexes qui se sont déroulées lors du siècle écoulé et certains élus « s'accrochent » à leur siège même lorsque la démotivation et l'usure du pouvoir sont là.

Quelques rares partis ont décidé d'inscrire dans leurs statuts des limitations de mandat sans dérogation possible. Malheureusement, ces partis qui favorisent le renouvellement politique sont péjorés par leur choix, pourtant juste. Obligés de profiler de nombreuses personnes afin de bénéficier du « personnel » politique suffisant pour respecter ces limites de durée de mandat et permettre ce renouvellement, ces partis manquent souvent de « vedettes » et donc d'audience médiatique, par rapport aux partis qui se contentent de profiler quelques leaders durant plusieurs décennies.

Or cette concentration de pouvoir, durant des décennies, dans les mains de quelques élus et cette non-limitation de durée de mandat « polluent » assurément les institutions. Cette occupation longue durée de sièges condamne les nouveaux, les jeunes et souvent les femmes à attendre désespérément leur tour, créant démotivation et désintéressement de la vie publique. La citoyenneté est une valeur trop importante pour ne pas tenter de mieux la défendre.

C'est pourquoi ce projet de loi propose deux axes de modernisation institutionnelle :

La limitation, sans dérogation possible, des mandats de député-e-s et de conseiller-ère-s d'Etat à 3 mandats consécutifs.

En cas d'égalité des suffrages entre deux candidatures d'une même liste, ce n'est plus l'âge le plus élevé qui serait déterminant, mais le sexe le moins représenté dans l'organe concerné ; puis si l'égalité persiste, la candidature d'âge le plus jeune.

Pour une limitation de la durée des mandats

Douze ans consécutifs est une durée maximale de mandat qui nous semble opportune. Une telle durée permet à un-e député-e d'acquérir une solide expérience et d'agir sur le long terme sans perdre sa motivation. Cette durée permet aussi au monde politique de mettre en place, au sein des partis, des structures préparant ces renouvellements. Au-delà de cette durée, la plupart des gens plongent dans l'habitude, la passivité ou l'ennui. Evidemment, il y a quelques exceptions. Mais la durée des mandats doit être pensée sur une base générale et non s'adapter à de rares exceptions.

Les personnes hostiles à cette limitation arguent généralement que la limitation des mandats prive la politique de certaines personnes de valeur. Nous nous élevons en faux contre cette affirmation. Si une personne de grande valeur arrive au terme de son mandat, elle peut être utile dans d'autres organes, chambres ou institutions. Ces personnes d'expérience peuvent faire bénéficier de leur savoir-faire à d'autres secteurs. Ceci améliorera la mobilité du monde politique. De plus, si une personne en a envie, elle peut se représenter à l'élection de l'organe où elle a atteint sa limite de mandat après une pause d'une législature, 4 ans, qui lui permettra de se régénérer et d'assumer d'autres engagements enrichissants.

La limitation des mandats permet donc :

de renforcer le renouvellement du monde politique et ainsi de dynamiser la démocratie ;

d'éviter la démotivation et la routine des élu-e-s « longue durée » ;

d'accroître la mobilité des politicien-ne-s de valeur.

Article constitutionnel actuel :

Art. 71  Election et durée du mandat

1  Le Grand Conseil est renouvelé intégralement tous les 4 ans.

2  Ses membres sont immédiatement rééligibles.

Article constitutionnel proposé :

Art. 71  Election et durée du mandat  (nouvelle teneur)

1  Le Grand Conseil est renouvelé intégralement tous les 4 ans.

2  Ses membres sont immédiatement rééligibles.

3  Nul ne peut être candidat pour un quatrième mandat consécutif.

4  Un mandat est considéré comme rempli, au sens de la limitation, dès qu'il a été assumé pour au moins la moitié de sa durée normale.

Article constitutionnel actuel :

Art. 102  Mode d'élection et durée du mandat

1  Le Conseil d'Etat est élu par le Conseil général en un seul collège, selon le système majoritaire.

2  Le Conseil d'Etat est renouvelé intégralement tous les 4 ans.

3  Les conseillers d'Etat sortant de charge sont immédiatement rééligibles.

Article constitutionnel proposé :

Art. 102 Mode d'élection et durée du mandat  (nouvelle teneur)

1  Le Conseil d'Etat est élu par le Conseil général en un seul collège, selon le système majoritaire.

2  Le Conseil d'Etat est renouvelé intégralement tous les 4 ans.

3  Les conseillers d'Etat sortant de charge sont immédiatement rééligibles.

4  Nul ne peut être candidat pour un quatrième mandat consécutif.

5  Un mandat est considéré comme rempli, au sens de la limitation, dès qu'il a été assumé pour au moins la moitié de sa durée normale.

En cas d'égalité entre deux candidatures

Actuellement, lorsque deux candidatures terminent à égalité sur la même liste lors d'une élection, la personne la plus âgée est élue.

Même si les cas d'égalité sont relativement rares, cette disposition désavantage assurément le renouvellement du monde politique.

Pour encourager le changement, favoriser l'égalité des sexes et moderniser nos institutions, nous vous proposons, en cas d'égalité lors d'une élection, de favoriser les candidatures du sexe le moins représenté dans l'organe concerné et, si l'égalité persiste, de privilégier la jeunesse.

Bien que cet axe du projet de loi ne modifie pas sensiblement la structure politique, il est néanmoins fortement symbolique. Il favorise particulièrement le rajeunissement des instances politiques et l'égalité des sexes, et donc les femmes qui sont actuellement fortement sous-représentées dans le monde politique.

Article 50 actuel de la Constitution :

Art. 50(56)  Candidats élus

1  Dans toutes les élections à système majoritaire, sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité relative des suffrages, pourvu que cette majorité ne soit pas inférieure au tiers des bulletins valables.

2  Si un second tour de scrutin est nécessaire pour compléter l'élection, il a lieu à la majorité relative.

3  En cas d'égalité de suffrages, le candidat le plus âgé est élu. S'il y a égalité de suffrages entre candidats du même âge, c'est le sort qui décide.

Article 50 proposé :

Art. 50, al. 3 (nouvelle teneur)

1  Dans toutes les élections à système majoritaire, sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité relative des suffrages, pourvu que cette majorité ne soit pas inférieure au tiers des bulletins valables.

2  Si un second tour de scrutin est nécessaire pour compléter l'élection, il a lieu à la majorité relative.

3  En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.

4  En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.

5  En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

Article 99 actuel de la loi sur l'exercice des droits politiques :

1  En cas d'absence de liste, les citoyens éligibles qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages sont déclarés élus.

 Egalité des suffrages

2  En cas d'égalité des suffrages, le citoyen éligible le plus âgé est élu.

 Candidats de même âge

3  En cas d'égalité des suffrages entre candidats du même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

Article 99 proposé :

1  En cas d'absence de liste, les citoyens éligibles qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages sont déclarés élus.

 Egalité des suffrages

2  En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.

 Candidatures de même sexe

3  En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.

 Candidatures de même âge

4  En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

Article 163 actuel de la loi sur l'exercice des droits politiques :

Art. 163 Elus

1  Lorsque le nombre de sièges auquel chaque liste a droit est connu, les candidats de cette liste qui ont réuni le plus grand nombre de suffrages sont proclamés élus.

2  En cas d'égalité de suffrages entre candidats d'une même liste, le candidat le plus âgé est élu.

3  En cas d'égalité de suffrages entre candidats du même âge, il est procédé à un tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

Article 163 proposé :

1  Lorsque le nombre de sièges auquel chaque liste a droit est connu, les candidats de cette liste qui ont réuni le plus grand nombre de suffrages sont proclamés élus.

2  En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.

3  En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.

4  En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

Article 176 actuel de la loi sur l'exercice des droits politiques :

Art. 176 Détermination du candidat élu en cas d'incompatibilité

1  Si des candidats se trouvent dans un cas d'incompatibilité prévu à l'ar-ticle 175, est élu celui qui obtient le plus grand nombre de suffrages nominatifs.

2  En cas d'égalité des suffrages, le candidat le plus âgé est élu.

3  En cas d'égalité des suffrages entre candidats du même âge, il est procédé à un tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

4  Les candidats non élus prennent rang parmi les remplaçants éventuels.

5  Si un cas d'incompatibilité se présente en dehors d'une élection générale entre membres du Conseil municipal et un remplaçant éventuel, ce dernier ne peut pas être élu.

Article 176 proposé :

Art. 176 Détermination du candidat élu en cas d'incompatibilité (nouvelle teneur)

1  Si des candidats se trouvent dans un cas d'incompatibilité prévu à l'ar-ticle 175, est élu celui qui obtient le plus grand nombre de suffrages nominatifs.

2  En cas d'égalité des suffrages, la candidate ou le candidat du sexe le moins représenté dans l'organe concerné est élu-e.

3  En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe, la personne la plus jeune est élue.

4  En cas d'égalité des suffrages entre candidatures de même sexe et de même âge, il est procédé au tirage au sort par les soins de la Chancellerie d'Etat.

5  Les candidats non élus prennent rang parmi les remplaçants éventuels.

6  Si un cas d'incompatibilité se présente en dehors d'une élection générale entre membres du Conseil municipal et un remplaçant éventuel, ce dernier ne peut pas être élu.

Considérant que la limitation de la durée des mandats politiques, la promotion de l'égalité et la promotion de la jeunesse peuvent permettre de redynamiser un peu notre démocratie, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les député-e-s, à soutenir ce projet de loi.

Préconsultation

M. Christian Brunier (S). Je crois que nous partageons toutes et tous un même constat, c'est celui que notre démocratie est fatiguée et qu'elle a besoin d'un électrochoc et d'une cure de rajeunissement. Le devoir du monde politique est donc de faire son autocritique et d'essayer d'imaginer des solutions pour redynamiser cette démocratie.

Les remèdes sont multiples et divers. Il y a bien sûr le développement de la démocratie locale, que nous essayons de promouvoir au maximum ; le développement de l'éducation citoyenne ; la réforme des institutions ; l'élargissement de l'électorat, par rapport aux étrangers - un projet va bientôt être soumis au peuple - et par rapport aux plus jeunes aussi. Il y a également le renforcement de l'égalité des sexes, mais aussi la modernisation du statut politique, notamment en empêchant le cumul des mandats et en limitant la durée des mandats politiques.

Le parti socialiste a décidé de soumettre un certain nombre de ces sujets aux débats du parlement. Aujourd'hui, nous vous présentons un projet visant à limiter la durée des mandats politiques à trois législatures consécutives. Qu'apporte cette limitation de la durée des mandats ? Premièrement, un renouvellement du monde politique et un certain vent de fraîcheur pour les institutions. Quelques rares partis ont déjà intégré dans leurs statuts le principe de la limitation de la durée des mandats sans dérogation. Ces partis ont certainement choisi l'innovation et l'audace et si aujourd'hui, dans ce parlement, sur les bancs des Verts et du parti socialiste, il y a un grand nombre de personnes de moins de 40 ans et un grand nombre de femmes, ce n'est certainement pas un hasard. Ces partis ont assurément favorisé l'émergence des jeunes, des nouveaux et des femmes. Il faut donc rendre contagieuse cette limitation de la durée des mandats à trois mandats consécutifs. Cette limitation permet d'éviter une certaine démotivation et une certaine routine au sein de ce parlement. Elle permet aussi d'accroître la mobilité des politiciens et des politiciennes qui, arrivés au terme de ces douze ans, pourront bien sûr faire profiter de leur savoir-faire, de leurs talents, d'autres organes politiques ou d'autres institutions. Et puis, ceux qui n'arrivent pas à se passer de siéger au gouvernement ou au parlement pourront faire une pause de quatre ans pour se ressourcer ou faire d'autres choses.

L'autre aspect de ce projet de loi est éminemment symbolique, mais les symboles comptent ! Actuellement, lorsqu'il y a égalité de suffrages dans une élection, c'est la personne la plus âgée qui est élue : nous proposons dans notre projet de loi que soit élue la personne du sexe le moins représenté dans l'institution politique concernée - actuellement ce sont les femmes et le but est donc de favoriser les femmes... (Commentaires.) Et, en cas d'égalité persistante, il s'agira de favoriser la personne la plus jeune.

Nous vous incitons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ces projets en commission pour en débattre, pour discuter ensemble de ces propositions.

Mme Micheline Spoerri (L). Vous prenez beaucoup de risques, Monsieur Brunier, quand vous avancez ces statistiques !

Ce double projet qui appelle de ses voeux un changement de la constitution genevoise appelle, de notre point de vue, deux remarques de fond. En ce qui concerne précisément la limitation du nombre des mandats des élus, l'idée n'est sans doute pas dénuée de fondement, car elle éviterait que certains carriéristes, femmes ou hommes d'ailleurs, ne s'incrustent dans la République aux dépens du bon peuple et de ses intérêts prépondérants.

Cela étant, s'il s'agit, comme vous le dites, de régénérer la démocratie, nous pensons, quant à nous, que c'est précisément en privilégiant le choix et le droit de chacun à pouvoir orienter sa vie librement que nous y parviendrons. Au fond, à vouloir toujours dicter des règles du jeu - qui sont valables aujourd'hui, semble-t-il, chez les socialistes et chez les Verts - vous grignotez lentement et sûrement le sens des responsabilités des individus et c'est en même temps, à notre sens, grignoter gentiment la démocratie.

Outre les craintes que nous inspire cette démarche et que je viens d'évoquer, votre exposé des motifs ne manque pas d'air, si j'ose dire, ne manque pas de prétention. Je lis : «Le monde politique a de la peine à se renouveler et en conséquence la démocratie ne se régénère pas suffisamment.» Monsieur le député, pardonnez-moi de vous dire qu'heureusement ce n'est pas le monde politique qui régénère la démocratie, c'est le peuple !

Maintenant, venons-en aux critères de choix en cas d'égalité de suffrages. Vous revendiquez sans sourciller et sans cesse la défense des personnes âgées. Par contre, vous n'hésitez pas, dans ce cas, à «sortir» ces gens-là des mandats politiques, sous prétexte qu'ils sont moins jeunes que les autres ! Outre ce que cela a d'un peu choquant, permettez-moi de vous dire que cela me paraît aller totalement à contre-courant du profil de la démographie de la société de demain. Je n'ai pas besoin de développer : tout le monde connaît l'espérance de vie actuelle.

Je trouve donc un peu curieux qu'en tant qu'élu socialiste vous teniez ce langage. Quant à nous, nous pensons sincèrement que ce n'est pas le rôle du parlement de distribuer les petits pains aux uns et aux autres, en tout cas pas sur ces critères-là. Chaque âge, pour la femme comme pour l'homme, a ses propres valeurs. Nous considérons qu'il faudra en tenir compte et balayer ces solutions un peu simplistes et réductrices.

Enfin, pour nous réconcilier à un moment donné ou à un autre, je vous concède volontiers, Monsieur, que nous avons une bonne dose d'autocritique à administrer au monde politique. Nous nous réjouissons de le faire en votre compagnie lors des travaux de commission.

M. Roger Beer (R). Ce projet de loi est relativement simple et, quand j'en ai pris connaissance, j'ai trouvé que c'était effectivement une bonne idée. En revanche, je dois vous avouer, Monsieur Brunier, qu'après vous avoir entendu, je n'ai plus rien compris... (Exclamations.) ...cela devenait soudain très compliqué.

Le parti radical a déjà instauré le couperet des douze ans, après lesquels il demande aux députés de faire une pause. Il est évidemment intéressant de voir qu'aujourd'hui, alors que vous êtes dans la majorité, vous proposez d'inscrire ce principe dans la loi et de l'instaurer pour le Grand Conseil et le Conseil d'Etat. Mais, dans notre groupe, nous pensons que cette problématique concerne les partis et que ce sont eux qui doivent édicter les règles.

Cela dit, à titre tout à fait personnel, je ne suis pas opposé à cette règle des douze ans. En effet, cela permet de renouveler les élus et cela permet aussi à certains partis qui ont des gens qui s'incrustent de les forcer à se retirer... (Exclamations.) ...avec les problèmes que cela peut poser. Et de ce côté-là, Monsieur Brunier, c'est plutôt dans vos rangs qu'il y a ce genre de problème !

Quant à votre article concernant l'égalité de suffrages et votre proposition de choisir le sexe le moins représenté, je ne vois pas tellement comment il s'appliquera. Mais enfin, renvoyons ces projets à la commission des droits politiques, nous verrons bien ce que vous réussirez, ou ce que la commission réussira à en tirer !

M. Pierre Marti (PDC). Voilà un projet qui nous est très sympathique ! Passer du droit d'aînesse au droit de jeunesse, cela me plaît beaucoup, je l'avoue, mais c'est accessoire pour un rajeunissement de notre parlement, les cas d'égalité de suffrages étant très rares. Avec le sourire, nous devrons également prendre en compte le problème des sexes. Pour de ce qui est des cas d'égalité des suffrages entre personnes du même sexe et du même âge, les probabilités sont quasiment nulles, mais enfin, il faut bien prévoir l'impossible et vous avez raison : il faut tout prévoir dans un projet de loi.

Pour le second volet de cette loi, qui ne laisse rien au hasard, en ce qui concerne la limitation des mandats, nous sommes un peu moins enthousiastes, car c'est faire fi du droit souverain de l'électeur, qui peut à chaque élection réélire ou renvoyer à la maison les personnes élues, après une certaine période. Un certain nombre de partis ont décidé d'inscrire dans leurs statuts des limitations de mandat sans dérogation possible. Mais on constate, dans l'exposé des motifs, que ces partis jouent l'arroseur arrosé et voudraient que tous les autres en fassent de même.

Permettez-moi de lire un extrait de cet exposé des motifs : «Malheureusement, ces partis qui favorisent le renouvellement politique sont péjorés par leur choix - vous reconnaissez, Mesdames et Messieurs, que c'est votre choix ! - pourtant juste - vous avez raison de vous justifier ! -. Obligés de profiler de nombreuses personnes afin de bénéficier du «personnel» politique suffisant pour respecter ces limites de durée de mandat et permettre ce renouvellement, ces partis manquent souvent de «vedettes» et donc d'audience médiatique, par rapport aux partis qui se contentent de profiler quelques leaders durant plusieurs décennies.» Bravo, et merci pour les députés qui sont dans cette enceinte depuis quelques années !

Vous continuez : «Or cette concentration de pouvoir, durant des décennies, dans les mains de quelques élus et cette non-limitation de durée de mandat «polluent» - polluent, vous avez bien entendu ! - assurément les institutions.» Certaines personnes dans cette enceinte que l'on qualifie quelquefois avec gentillesse de dinosaures apprécieront !

Quoi qu'il en soit, nous discuterons de tout cela en commission.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre constitution est riche de nos diversités, mais il ne faut pas exagérer : la proposition de nos collègues socialistes de déranger le peuple à plusieurs reprises sur des questions qui relèvent, à notre sens, des règles internes aux partis, ne nous semble pas acceptable. Nous ne sommes pas d'avis qu'il soit utile de légiférer pour tout.

Je suis particulièrement à l'aise dans ce débat, puisque les Verts ont été les premiers à prendre la sage décision de limiter la durée des mandats. Ils ont également pris la décision de mettre des quotas dans les listes. C'est donc un principe de renouvellement auquel nous tenons, mais nous n'entendons pas l'imposer aux autres. En relisant l'exposé des motifs, je soulignerai un autre paragraphe que mon collègue Marti. Mesdames et Messieurs, vous dites à un moment : «Actuellement, les hommes continuent à monopoliser les sièges malgré les légères avancées de l'égalité des sexes...» Je suis heureuse de relever une fois de plus que la représentation des Verts compte 70% de femmes. Nous ne nous sentons donc pas tellement concernés par cet article !

Ensuite, vous parlez de «certains élus qui s'accrochent à leurs sièges, même lorsque la démotivation et l'usure du pouvoir sont là». Croyez-en une des plus anciennes de ce parlement, puisque je m'arrêterai au bout de treize ans : je ne me sens ni usée ni démotivée. Je crois que ce sont vraiment des questions très personnelles et relevant, encore une fois, de règles internes. En ce qui nous concerne, nous ne soutiendrons pas ce projet, mais nous n'allons pas nous opposer à son renvoi en commission.

M. Pierre Vanek (AdG). Je rejoins très largement ce que vient de dire Fabienne Bugnon. L'Alliance de gauche n'est pas d'accord d'imposer cette règle dans notre constitution et dans nos dispositions légales. Je suis à l'aise pour le dire, puisque, sans faire dans l'autosatisfaction, c'est notre groupe qui a apporté l'un des renouvellements les plus marqués dans ce Grand Conseil, en y apportant une large fraction politique à la gauche du parti socialiste, comportant des personnes qui étaient tout à fait extérieures à la politique parlementaire et qui s'étaient profilées - c'est une réponse sérieuse à ce qui est écrit dans l'exposé des motifs - non pas dans la perspective d'un parti qui devait renouveler son personnel politique, mais dans la lutte et l'activité sociale, syndicale, associative.

Prenez mon collègue Rémy Pagani derrière moi : c'est un tout jeune député, qui n'a même pas fait une législature, et pourtant il est assez profilé... (Commentaires et exclamations.) On peut certes ne pas aimer son profil, mais il est assez profilé et nous sommes quelques-uns dans ce cas-là. S'agissant de renouvellement, je parle au nom d'un groupe dont quinze élus sur dix-neuf, c'est-à-dire plus des trois quarts, ont fait moins de deux législatures, un groupe qui comporte de tout jeunes députés, comme Rémy Pagani, comme moi, comme mon camarade Christian Grobet... (Exclamations et rires.) ...qui est un jeune député dans cette enceinte et qui n'a pas eu besoin de siéger pendant des années sur les bancs de ce Grand Conseil pour avoir le profil politique nécessaire pour être élu en 1993, au moment de la formation de l'Alliance de gauche !

Sérieusement, je pense, comme Mme Bugnon, qu'il faut un renouvellement des députés, c'est important, mais cela ne peut se faire par des règles administratives. D'une part, nous avons aussi besoin de députés - je pense à certains de nos collègues ici, comme Pierre Meyll, Jean Spielmann, ou d'autres - qui ont une expérience, dans la durée, des travaux de ce parlement. D'autre part, c'est aux partis, aux groupes politiques de gérer ces questions et, en dernière instance, c'est évidemment aux citoyens de décider s'ils estiment que tel «dinosaure» ne doit pas être réélu. Cela passe par la démocratie, et non par des ukases ou des interdits de cette Chambre, qui créerait ainsi une nouvelle catégorie de citoyens - modeste en nombre, je vous l'accorde - qui auraient le droit de vote, mais seraient inéligibles. En l'occurrence, vous m'avez déjà entendu le dire à l'occasion de tel ou tel autre débat : nous sommes contre la séparation du droit de vote et du droit d'éligibilité. (Applaudissements.)

Ces projets sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.