Séance du
jeudi 30 novembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
2e
session -
55e
séance
M 876-A
La motion 876 de la Commission des affaires sociales, concernant la médecine dentaire publique, a été renvoyée au Conseil d'Etat le 8 octobre 1993. Elle est ainsi conçue :
Cette motion faisait suite à l'étude par la Commission des affaires sociales d'une pétition (P 990) munie de 1404 signatures : « Pour une médecine dentaire plus juste », demandant l'accès à la policlinique de médecine dentaire aux personnes économiquement faibles et non seulement aux personnes « assistées » comme cela avait été annoncé.
Préambule :
Avant de répondre précisément aux invites de la motion, il nous paraît utile de décrire brièvement le modèle de soins médico-dentaires en vigueur à Genève et en Suisse.
Ce modèle, bien que soumis aux différentes lois et ordonnances cantonales, est fédéral dans le principe et dans les faits. En effet, les lois et ordonnances qui régissent l'exercice des professions médicales et celles concernant les assurances sociales et maladies sont élaborées à Berne et échappent ainsi au contrôle des législateurs et autorités cantonales.
Genève, de ce fait, ne détient pas l'autorité de modifier ni de remettre en question le mode de fonctionnement général du modèle suisse de soins médico-dentaires.
Le modèle suisse et genevois de soins médico-dentaires :
Selon le modèle suisse, les soins médico-dentaires sont, en règle générale, assurés par des médecins-dentistes indépendants, sur un mode libéral et sans système d'assurance obligatoire. Ce modèle repose sur la constatation, scientifiquement établie, que la carie dentaire et les maladies de la gencive sont des affections le plus souvent évitables. Pour les affections bucco-dentaires non évitables, en revanche, ce modèle prévoit leurs prises en charge par l'assurance maladie obligatoire (LAMal).
Il découle de ce mode de fonctionnement que, en Suisse, la santé bucco-dentaire dépend principalement de la prise de conscience et de la responsabilité individuelle de chaque individu.
Ce modèle paraît efficace puisqu'il incite à une attitude préventive vis-à-vis des maladies bucco-dentaires. Il paraît économique puisqu'il oblige à des traitements d'importance et de coût directement contrôlés par les patients (par opposition à un système d'assurance collective qui peut déresponsabiliser les différents intervenants vis-à-vis notamment de l'aspect économique des soins). Il est économique également en terme de dépenses publiques, puisqu'il exige moins de structures et de personnel soignant (par exemple pas d'hôpitaux dentaires, moins d'étudiants en médecine dentaire dans les facultés universitaires, etc.). Enfin, dans la mesure de sa responsabilité et de ses priorités, chaque personne devrait avoir accès à des soins adaptés et suffisants chez le médecin-dentiste de son choix.
Ce modèle n'est pas pour autant idéal. Avec ce modèle, l'aspect économique des soins prime souvent sur l'aspect santé. Certaines populations sont dès lors exclues des meilleurs soins et, parfois même, des soins de base indispensables.
En outre, ce modèle fonctionne mal avec les groupes de personnes chez qui responsabilisation et motivation sont difficiles à obtenir. Les jeunes enfants font bien évidemment partie de ce groupe, ainsi que certaines personnes marginalisées.
Pour pallier ces défauts intrinsèques, la collectivité, l'Etat en l'occurrence, intervient par différents moyens pour assurer à chacun un accès à des soins dentaires de base et de qualité :
pour les enfants et les jeunes, en assurant directement certaines tâches de prévention et en apportant des soins par des structures (cantonales) de médecine dentaire scolaire ;
pour les personnes à revenus modestes, défavorisées, marginalisées ou migrantes, en apportant des soins par des structures (cantonales) de médecine dentaire sociale ;
pour ce même groupe de personnes, en subventionnant les soins par divers organismes (cantonaux ou fédéraux) d'action sociale.
A Genève, l'Etat a depuis longtemps développé de tels structures et services. Ces structures et ces aides restent peu connues du public ; la motion dont il est fait rapport ici a soulevé ce défaut et invité l'autorité, dans une première demande, à mieux faire connaître les différents services publics prestataires de soins médico-dentaires et les différents tarifs qu'ils appliquent.
Première invite : informer clairement la population sur les prestations fournies et sur les tarifs appliqués par les services publics de la médecine dentaire, et par les médecins-dentistes privés.
A Genève, diverses personnes peuvent être traitées dans les services de médecine dentaire publique ou bénéficier de soutiens financiers pour se faire soigner chez le médecin-dentiste privé de leur choix. Ces personnes doivent en principe résider de façon permanente dans le canton. Elles font partie des populations suivantes :
Populations bénéficiaires de services ou de subventionnement de soins dentaires à Genève :
Enfants et jeunes jusqu'à l'âge de 18 ans.
Adultes bénéficiaires de prestations de l'OCPA, du RMCAS.
Personnes assistées par divers organismes d'aide, cantonaux ou fédéraux (Hospice général, foyers AGECAS et autres associations caritatives reconnues).
Personnes avec des affections bucco-dentaires et des traitements susceptibles de présenter de l'intérêt didactique ou scientifique.
Personnes confinées (en milieux hospitalier et carcéral).
Adultes marginalisés, non assistés, en situation précaire (s.d.f.).
Ces personnes sont susceptibles d'être prises en charge par quatre structures de soins, les médecins-dentistes privés, la Clinique dentaire de la jeunesse, l'Unité d'action sociale et la Section de médecine dentaire (Ecole dentaire) qui ont chacune des vocations particulières. Celles-ci sont résumées ci-dessous; les différentes structures sont, quant à elles, résumées dans le tableau annexé « Système de soins dentaires à Genève » (annexe 1).
La médecine dentaire privée s'adresse principalement aux couches moyennes et aisées de la population ; les médecins-dentistes privés de la ville assurent ainsi le gros des soins à la plus grande partie de la population.
La Clinique dentaire de la jeunesse, en plus de sa mission essentielle d'assurer la prévention des maladies bucco-dentaires à Genève, traite la jeune population de condition modeste ou défavorisée.
L'Unité d'action sociale prend en charge avec des soins simples toutes les personnes défavorisées, assistées, marginalisées et confinées.
L'Ecole dentaire, enfin, permet à certaines personnes motivées de recevoir les soins maximum qu'elles désirent et que leurs modestes moyens ne permettraient pas de rembourser ailleurs. Actuellement, vu la paupérisation de certaines couches de la population, elle joue de plus en plus un rôle social.
Information et soutien financier :
Les bénéficiaires potentiels de l'aide financière sont informés de la manière suivante :
Enfants et jeunes jusqu'à l'âge de 18 ans :
La Clinique dentaire de la jeunesse effectue des visites prophylactiques régulières dès l'école enfantine. Les enfants, comme leurs parents, reçoivent donc une information sur la Clinique dentaire de la jeunesse, sur son accessibilité et ses tarifs.
Bénéficiaires de l'Office cantonal des personnes âgées (OCPA) :
L'OCPA rembourse à ses bénéficiaires les contrôles ou petits travaux dentaires. Pour des travaux d'une certaine importance, un devis est nécessaire étant entendu que seuls seront acceptés les traitements « simples, économiques et adéquats ».
Requérants d'asile :
Selon une directive de l'Office fédéral des réfugiés, une garantie de 2 000 F par an et par personne peut être établie pour les soins urgents et anti-douleurs. Cette garantie est établie par l'AGECAS sur préavis du médecin dentiste conseil lorsque la somme est supérieure à 500 F. Les bénéficiaires en sont informés dans les foyers où ils résident ou par leur répondant de l'AGECAS.
Bénéficiaires de l'assistance ou RMCAS :
Les traitements dentaires sont pris en charge directement par l'Hospice général pour autant qu'un devis conforme aux normes et au tarif CNA ait préalablement été présenté et accepté par le conseiller social de l'Hospice, par le médecin dentiste conseil lorsqu'il s'agit d'une somme de plus de 500 F. Les suppléments « de luxe » sont exclus.
Les bénéficiaires de l'assistance ou du RMCAS sont informés de ces possibilités comme ils le sont - de manière générale - des autres prestations auxquelles ils ont droit.
Les autres personnes qui peuvent bénéficier de l'aide financière de l'Etat, telles les personnes hospitalisées, incarcérées ou en grande détresse, sont informées, selon les cas, par les professionnels à qui ils expriment leur besoin de soins dentaires.
Deuxième invite : simplifier l'organisation en tenant compte des vocations respectives de chaque service.
Cette invite a été formulée en 1993. Depuis cette date, diverses décisions et actions ont été prises et menées dans le sens demandé.
En 1994, une tentative de regroupement des activités médico-dentaires de la Clinique dentaire de la jeunesse (CDJ), de la PUMD (ancien nom de l'Unité d'action sociale) et de l'Ecole dentaire en une seule entité, l'Ecole dentaire, et sous une même direction a été faite. Avec ce regroupement, l'Ecole dentaire était désignée pour jouer un rôle fédérateur. Du même coup elle devait bénéficier de l'apport de patients et de cas des deux autres institutions, l'enseignement des soins manquant occasionnellement de sujets adéquats.
Pendant les étapes de mise en place, il est pourtant apparu que la mission de la CDJ, sociale, et celle de l'Ecole dentaire, académique, étaient incompatibles et que les services devaient continuer en entités séparées avec une collaboration accrue. En revanche, la PUMD fut intégrée à l'Ecole dentaire en tant que structure non académique, au même titre que les services communs. Cette intégration n'a pas fonctionné de la façon espérée, pour diverses raisons dont la plus fondamentale fut celle de l'incompatibilité des missions des deux structures. En 1998, une démarche d'autonomisation administrative de l'Unité d'action sociale a été lancée.
Les démarches accomplies pour regrouper les services dentaires publics sous une seule et même administration n'ont pas pu aboutir. Cela provient du fait que les services concernés par ce regroupement ont des vocations respectives très différentes et fonctionnent ainsi très différemment. L'Ecole dentaire existe pour les futurs médecins-dentistes et fonctionne avec des patients alors que l'UAS existe pour les patients et fonctionne avec des médecins-dentistes. La CDJ, elle, aborde les jeunes par des activités tant prophylactiques que de traitement en milieu scolaire.
Ces démarches ont néanmoins permis aux trois entités de mieux définir les tâches et missions respectives et de trouver un mode de collaboration, d'information réciproque et de formation commune efficace. Les patients, quant à eux, n'ont pas de peine à trouver leur entrée dans l'entité désirée.
Troisième invite : étudier l'ouverture de la policlinique dentaire selon les mêmes modalités que les policliniques hospitalières.
La policlinique (universitaire de médecine) dentaire n'a jamais assuré de gardes nocturnes ni pendant les jours fériés. Une réflexion a été menée sur la faisabilité de recevoir les urgences nocturnes dans le cabinet disponible à l'hôpital cantonal. Toutefois, la demande en soins d'urgence nocturne s'est avérée être faible. Comme les patients pouvaient, pour la plupart, être soulagés efficacement par le service médical d'urgence de l'hôpital, il a été rapidement décidé de renoncer à cette organisation.
Depuis son intégration dans l'Ecole dentaire, la PUMD (devenue Unité d'action sociale) ne fonctionne plus qu'aux horaires de cette école. Compte tenu de la modestie de la demande et des coûts en personnel relativement élevés qu'une garde d'urgence entraînerait (présence d'un accueil/secrétariat, fonctionnements du service de radiologie et du service technique), il n'est pas envisageable d'ouvrir l'Unité d'action sociale en dehors des heures d'ouverture de l'école, sur les mêmes modalités notamment que les policliniques hospitalières.
Pour rappel, les soins dentaires d'urgence à Genève sont assurés efficacement par les autres intervenants du système :
Pour le compte des médecins-dentistes privés du canton, l'Association des médecins-dentistes de Genève (AMDG), principalement, et l'Association suisse des médecins-dentistes indépendants (ASMDI), accessoirement, organisent des gardes de jours ouvrables et fériés. Une liste des médecins-dentistes de garde AMDG est publiée régulièrement dans les médias.
La Clinique dentaire de la jeunesse assure, pour les enfants et jeunes de moins de 18 ans, des gardes le samedi matin et pendant les jours ouvrables des vacances scolaires.
L'Ecole dentaire n'assure pas de garde pendant le week-end, en dehors d'un groupe spécialisé pour les traumatismes chez les enfants. Ce groupe intervient sur demande, en principe, de l'Hôpital des Enfants. En revanche, la policlinique de chirurgie et de stomatologie assure les urgences entre Noël et Nouvel-An, bien que l'école soit fermée pendant cette période.
Quatrième invite : veiller à ce que le personnel indispensable à l'exécution des buts fixés dans la loi soit maintenu.
Cette invite a été formulée à l'époque où l'existence même de la Clinique dentaire de la jeunesse (CDJ) et de la Policlinique universitaire de médecine dentaire (PUMD) était mise en question. Elle concerne donc principalement ces deux services.
La CDJ a vécu d'importants changements depuis 1992. A cette époque, la CDJ comptait 65 postes (dont 20 de médecins-dentistes) et occupait 15 cabinets autour d'une centrale administrative et clinique (330 m2 loués, aux Acacias). Depuis, cette centrale a été délocalisée et les locaux abandonnés. La plupart des activités qui s'y développaient ont été distribuées dans des locaux disponibles, au Service de santé de la jeunesse et ailleurs.
La restructuration et la relocalisation des activités ont permis des économies en personnel ; celui-ci est aujourd'hui de 55 postes (dont 19 de médecins-dentistes). Cette diminution n'a pour autant pas entraîné de diminution des prestations générales de la clinique, à l'exception des soins d'orthodontie. En effet, la nouvelle clinique d'orthodontie de la CDJ comporte moins d'installations et donc moins de personnel.
La PUMD a subi de plus profonds changements encore, puisqu'elle a été supprimée en tant que service dentaire autonome (contrôlé par le Département de l'action sociale et de la santé d'abord et le Département de l'instruction publique ensuite). Le service a été localisé et mis sous tutelle de la Section de médecine dentaire (Université) sous le nom d'Unité d'action sociale (UAS). Cette unité compte actuellement 13,4 postes (dont 5,5 de médecins-dentistes) et dispose de 3 fauteuils dans l'Ecole dentaire, en plus des cabinets installés dans les hôpitaux et la prison.
A l'époque de son autonomie physique et administrative, la PUMD occupait un cabinet qui jouait aussi le rôle de centrale administrative (200 m2 loués aux Eaux-Vives). Le service comptait alors 19,4 postes (dont 7,3 de médecins-dentistes). Une première diminution de personnel a été dictée par un changement d'affectation de la PUMD ; en effet, la policlinique s'est vu retirer la charge de traiter les personnes non assistées pour ne conserver que celle de traiter les personnes assistées, marginalisées, hospitalisées et confinées. La relocalisation de la policlinique dans l'Ecole dentaire en 1994 s'est accompagnée d'une diminution supplémentaire de personnel, soignant notamment, et de deux postes de technicien-dentiste dont un a été englobé dans les structures de la section de médecine dentaire.
Dès 1998, l'Unité d'action sociale s'est engagée dans une démarche d'autonomisation ; le service a pu ainsi immédiatement réaugmenter son personnel soignant de façon à rétablir sa quantité de prestations.
Nous pensons aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, avoir apporté à la médecine dentaire publique les aménagements nécessaires à son bon fonctionnement au service de la population qui en a le plus besoin. Nous vous prions donc de bien vouloir adopter le présent rapport.
Page 10
page 11
12
13
14
15
16
17
18
19
page 20
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.