Séance du vendredi 17 novembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 1re session - 54e séance

P 1216-A
8. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la pétition : «Non à la destruction des poumons de verdure». ( -) P1216
Rapport de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), commission d'aménagement du canton

La Commission d'aménagement a examiné la pétition 1216 lors de ses séances des 9 février et 1er mars 2000 sous la présidence de M. Rémy Pagani, puis de M. Olivier Vaucher, vice-président, en présence de M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat et avec l'assistance de MM. Georges Gainon, chef de la Division de l'information du territoire, de Jean-Charles Pauli, juriste et de J. Moglia, chef du Service des études et plans d'affectation. Les procès-verbaux ont été pris par Mme Jacqueline Meyer. Qu'elle en soit remerciée.

La pétition, déposée le 15 septembre 1998, a la teneur suivante :

Pétition(1216)

"; Non à la destruction des poumons de verdure "

Mesdames etMessieurs les députés,

L'Etat veut détruire les villas et abattre les arbres du chemin des Ouches ainsi qu'une partie de l'avenue Henri-Golay.

Un projet, dressé par le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, prévoit la construction de 6 immeubles (4 étages sur rez), comprenant 120 logements à caractères sociaux.

L'Etat a la volonté politique de densifier l'ensemble du quartier, ce qui signifie la disparition des zones villas et de la verdure.

Nous vivons dans un quartier déjà suffisamment densifié (Henri-Golay, Camille-Martin, Promenade de l'Europe, Sports, Libellules, Tours du Lignon).

Seule la zone du chemin des Ouches, une partie de la rue Camille-Martin, l'avenue Henri-Bordier et le chemin de l'Essor reste un poumon de verdure indispensable à notre équilibre. Ce périmètre demeure un espace qui favorise les rapports humains.

Genève est connue pour être la ville la plus dense de Suisse

Il est impossible de maintenir une certaine qualité de vie tout en voulant densifier la ville.

L'argument de la pénurie de logements sociaux est hypocrite. Il existe à Genève plus de 2 000 appartements non loués que l'Etat devrait subventionner plutôt que de laisser vides. Il existe également 320 000 m2 de locaux commerciaux inoccupés, alors que la loi permet de transformer des bureaux en logements. De plus, les loyers des logements sociaux sont souvent trop élevés pour les personnes qui en auraient véritablement besoin.

L'aspect paisible du quartier risque de disparaître. La circulation va s'accroître, alors que les voies d'accès ne s'y prêtent pas ; les enfants ne pourraient plus jouer en toute sécurité dans le quartier, comme ils le font à présent et les nuisances iront en augmentant.

Non au bétonnage, luttons pendant qu'il est encore temps.

1. Présentation du projet concerné par la pétition

G. Gainon expose le problème du quartier des Ouches. Celui-ci est partiellement construit en villas et en immeubles, conformément aux normes de la troisième zone. Le plan de quartier prévoit une densité de 1,25 et ce projet correspond aux normes du plan directeur actuel, préconisant 1,2 au minimum et au concept en discussion. Sur le site, il n'y a pas d'édifice digne de protection et les terrains sont propriété de l'Etat à l'exception d'une parcelle privée. Les immeubles projetés regrouperont 120 logements. Deux bâtiments seront construits de façon à tenir compte des nuisances du chemin de fer. Lors de la mise à l'enquête publique, le PLQ n'a fait l'objet que d'une observation de l'ASPIC et les problèmes soulevés ont été résolus. En outre, le Conseil municipal de la Ville de Genève a donné un préavis favorable à ce projet. Lors de la procédure d'opposition, une seule opposition s'est manifestée, émanant de la Fédération des associations de quartiers et d'habitants et de l'Association des Ouches.

Le Conseil d'Etat a approuvé le PLQ et rejeté l'opposition le 1er juillet 1998. Le PLQ est donc en force.

2. Audition de l'Association de la vallée des Ouches

Les représentants de l'association sont Mmes F. Astie Delaude, V. Ducret, E. Bartels et MM. L. Jaques et J.-P Asper.

Mme Mme V. Ducret indique que l'Association de la vallée des Ouches a été créée en 1998 dans le but d'animer le quartier et de veiller à sa qualité de vie. Les habitants sont locataires et non propriétaires des maisons où ils demeurent.

Les pétitionnaires ont fait opposition au PLQ en avril 1998 mais elle a été rejetée par le Conseil d'Etat. Ils invoquent comme argument à l'appui de leur pétition qu'il n'y a pas de réflexion globale sur l'aménagement du quartier et que le PLQ ne prévoit notamment pas de commerces. Ils ajoutent que ce périmètre étant situé entre deux quartiers déjà fortement densifiés, il est important de maintenir un poumon de verdure. Ils craignent aussi la disparition de certaines essences d'arbres et ils souhaitent que la qualité de vie dans leur quartier soit préservée. Enfin, selon eux, la présence de logements sociaux posera un certain nombre de problèmes. Ne peut-on pas trouver d'autres solutions pour construire des logements à caractère social, par la réaffectation de logements vides ou de locaux commerciaux ?

3. Audition de MM. Manuel Tornare et Christian Ferrazino, conseillers administratifs

M. Tornare rappelle les décisions du Conseil administratif depuis le 1er juin 1999, à savoir qu'il a renoncé pour différentes raisons à déplacer un pavillon scolaire de Budé pour l'établir ici. En revanche, étant donné l'augmentation importante d'élèves, il est impératif de construire une nouvelle école dans le quartier des Ouches. C'est pourquoi le Conseil administratif a réactivé le projet prévoyant l'implantation d'un groupe scolaire plus modeste qui devra être opérationnel pour la rentrée 2005.

M. M. Ch. Ferrazino indique que s'agissant des immeubles, le PLQ a fait l'objet d'un préavis favorable du Conseil municipal en date du 11 février 1998. La procédure d'opposition n'a donné lieu à aucune observation et aucun référendum n'a été lancé. La démarche des habitants vient donc très tard et il relève l'importance d'un projet prévoyant la construction de logements sociaux qui font cruellement défaut. Il a d'ailleurs reçu les pétitionnaires pour leur exposer ces faits.

4. Discussion

Un commissaire se demande s'il y a urgence à développer ce quartier. N'a-t-on pas songé à un moratoire pour ce projet, étant donné l'opposition des habitants ?

Au sujet du groupe scolaire, un autre commissaire demande s'il est envisageable de mettre dans les conditions du concours qu'il faut maintenir une arborisation et éventuellement enterrer la salle de gymnastique. On lui rappelle qu'en général, on tient compte de l'avis des habitants dans la mise en place d'un programme.

M. M. L. Moutinot relève que sur l'un des périmètres, la Ville va construire une école : la pétition adressée au Conseil municipal demandant la mise en place d'un plan de site pour empêcher cette construction a été classée. En ce qui concerne le périmètre visé par le PLQ, les terrains ont été acquis par l'Etat et les droits à bâtir ont été répartis pour moitié à une fondation et pour l'autre à une société coopérative. Il s'agit d'un dossier exemplaire montrant la cohérence d'une politique d'acquisition foncière pour du logement social en regard de besoins avérés. Une entrée en matière positive sur cette pétition marquerait un grave désaveu de la politique de l'Etat en matière de construction de logements sociaux. De plus, la situation est tout a fait favorable car le périmètre concerné est proche de l'agglomération et des transports publics. En conséquence, il propose le classement de cette pétition.

Une commissaire souhaiterait plutôt son dépôt sur le bureau du Grand Conseil tout en adhérant, sur le fond, aux arguments du chef du département. La commission a en effet procédé à des auditions et a consacré deux séances à cette pétition, montrant ainsi sa préoccupation pour l'ensemble de la problématique.

M. M. L. Moutinot se rallie à cette proposition et retire sa demande de classement. La majorité de la commission accepte le dépôt de la pétition par 8 voix (2 S, 1 AdG, 1 DC, 1 R, 3 L) et 3 abstentions (1 S, 2 AdG).

Je vous engage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les mêmes conclusions.

Mises aux voix, les conclusions de la commission d'aménagement du canton (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.