Séance du
vendredi 17 novembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
1re
session -
53e
séance
M 1210-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur : M. Pierre Ducrest
La Commission du logement du Grand Conseil, sous la présidence de M. Olivier Lorenzini, de Mme Alexandra Gobet, vice-présidente et de M. Bénédict Fontanet a étudié ce projet de motion au cours des séances allant du 30 novembre 1998 au 8 mars 1999.
Assistaient à ces séances, M. Moutinot, président du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ainsi que M. Georges Albert, directeur de l'Office du logement.
Préambule
A Genève, la pratique de l'Etat en matière de fixation des loyers est le système dit à la pièce. Les compétences de l'Etat sont basées principalement sur les deux lois que sont la LDTR (loi en faveur des locataires et de l'emploi) et la LGL (loi générale sur le logement).
L'expérience a montré les limites de cette pratique dans le cas d'appartements ayant le même nombre de pièces mais des surfaces nettement différentes. Il y a là une inégalité qu'il convient d'effacer afin d'être plus équitable dans la fixation des prix de loyers.
C'est l'objet des invites de la présente motion.
Auditions
Rassemblement pour une politique sociale du logement (M. Sommaruga)
Le Rassemblement est d'accord d'entrer en matière sur l'utilisation des mètres carrés comme base de référence dans le calcul des loyers. Il relève toutefois que la motion pose un problème. En effet, il y aurait lieu d'utiliser un critère de détermination du bâti habitable, critère qui doit être objectif, que ce soit le m2, la pièce ou autre. Si la notion de m2 est retenue, celle-ci ne doit pas permettre de remettre en question les principes énoncés dans la loi, à savoir des loyers qui répondent aux besoins prépondérants de la population.
Quant à la meilleure définition du m2, le Rassemblement suggère la création d'une commission extra-parlementaire où seraient représentés les différents milieux intéressés afin de se mettre d'accord sur le critère à retenir. Le Rassemblement se dit prêt à participer à cette réflexion.
CIA (MM. Lateo, Gremion et Piguet)
La CIA utilise déjà le m2 comme base de référence des loyers. La différence entre des appartements ayant un nombre de pièces équivalent et les surfaces peut être telle qu'il y a là une distorsion qui peut prétériter un locataire par rapport à un autre sur le plan du loyer. Il n'y a pas de critère plus arbitraire que le prix à la pièce. Le système admis par la CIA pour la fixation des loyers comprend quatre coefficients, soit 30 critères, de même que l'on ajoute l'obsolescence observée lors de la visite des appartements. Auparavant, la CIA utilisait le prix à la pièce dont une analyse a démontré qu'il était aberrant. Ainsi, progressivement depuis 1990, l'application du m2 a été retenue en adaptant les loyers en concertation avec les locataires.
Sociétés des ingénieurs et architectes (SIA) (Mme Payeras et M. Vuille)
La SIA est favorable au système du m2 pour la fixation des loyers et soutient la proposition de motion. Il est rappelé que lors d'une audition antérieure, celle-ci avait fait des propositions allant dans le même sens que la motion. En effet, la proposition était de fixer les prix des loyers en fonction de la surface plancher en utilisant la norme SIA416 qui donne des définitions claires et nettes des types de surfaces. Des documents ont d'ailleurs été établis à l'occasion de l'étude d'autres projets de loi tels que les projets de loi 7752 (LTDR), 7119 et 7253. Ceux-ci peuvent servir de base de réflexion. La SIA, à travers l'Interassar, se tient à disposition pour participer à un groupe de travail réunissant l'ensemble des partenaires concernés.
Société des régisseurs de Genève (SRG), Chambre genevoise immobilière (CGI)
La CGI tout comme la SRG sont favorables au passage d'une référence à la pièce à celle au m2 en matière de logements subventionnés et dans le cadre de la LDTR. La première raison est que cela permettrait une égalité de traitement entre les propriétaires. Actuellement la pratique imposée par la législation considère de la même façon les grandes et les petites pièces, tout en imposant, par le biais de la LDTR, un loyer maximum. Cette façon de faire est critiquable et la motion permet d'y remédier. La seconde raison est que la référence au m2 donne la possibilité de pouvoir comparer la pratique genevoise avec celle des autres cantons. Le fait que Genève soit le seul canton à utiliser le prix à la pièce comme base ne permet de statistiques comparatives dans le prix des loyers. La CGI ainsi que la SRG sont prêtes à participer à une réflexion concernant la référence au m2.
Office fédéral du logement (M. Ribaux)
M. Ribaux tient à expliquer la pratique de l'Office fédéral du logement en matière de fixation des loyers. L'appréciation de la qualité d'un logement se fait par le biais du SEL (système d'évaluation des logements). C'est en fonction de l'habitabilité qu'un barème est défini par rapport au coût de construction et au prix du terrain. Le tout est multiplié par un coefficient permettant de déterminer un loyer initial, sachant que la surface a aussi une influence sur la qualité du logement. Ainsi, il est difficile de donner une recette, en tout cas pas selon le seul critère du m2. L'appréciation tient compte aussi du marché, composante dont on a moins à tenir compte à Genève dans un marché relativement homogène et restreint. Donc les deux éléments primordiaux sont le coût de revient du logement, qui permet de déterminer le loyer, et le contrôle par rapport aux besoins du marché. De fait, il est difficile de dire que l'OFL travaille avec les m2 puisque cette notion ne joue pas automatiquement dans tous les cas.
Travaux de la commission
Il ressort des différentes interventions des commissaires que le fait de changer la pratique pour passer du prix à la pièce au prix au m2 touche les lois LDTR et LGL.
Si des questions peuvent être posées sur l'application générale ou pas d'un système au m2, une concertation entre les milieux intéressés devrait pouvoir dégager des critères d'application qui permettraient d'englober la totalité des appartements concernés, qu'ils soient anciens ou nouveaux. De même, dans le cadre des rénovations, une réflexion sensée devrait arriver à une solution de prix de loyer au m2.
L'Office cantonal du logement tient certes déjà compte d'une méthode de calcul tenant compte des surfaces, mais il y aurait lieu de codifier avec d'autres critères retenus une pratique générale des prix de loyers au m2.
Si dans toute la Suisse ainsi qu'à Genève la CIA pratique ce système, il est temps que Genève se mette au diapason et pratique enfin des critères qui ont fait leur preuve en matière d'évaluation de loyer.
C'est dans ce sens que la majorité de la commission a terminé ses travaux.
Conclusion
La Commission du logement, par une majorité de 8 voix pour (3 L, 2 R, 2 DC, 1 Ve), 4 non (3 AdG, 1 S) et 1 abstention (S), vous recommande d'accepter la motion 1210.
Proposition de motion(1210)
pour la fixation des loyers et des prix de locaux d'habitation en fonction de leur surface
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- que de nombreuses lois genevoises confèrent, dans diverses circonstances, la compétence à l'autorité de fixer le prix d'acquisition d'un logement ou le loyer admissible de celui-ci ;
- que les prix et les loyers en question sont généralement fixés par pièce habitable ;
- que la notion de pièce habitable est sujette à interprétation et à contestation, la surface d'une pièce pouvant se situer entre 9 et 40 m2, voire plus ;
- que Genève est le seul canton suisse à fixer les prix et les loyers à la pièce ;
- que, de surcroît, Genève est le seul canton suisse à compter la cuisine comme une pièce ;
- que cette situation rend difficile, voire impossible, la comparaison entre les statistiques genevoises et les statistiques des autres cantons suisses sur les loyers et les prix pratiqués pour les logements ;
- que, pour la première fois, la loi sur l'aide à la propriété individuelle adoptée par le Grand Conseil en 1997 se réfère expressément à un prix au m2 ;
- que l'ensemble des services étatiques chargés de fixer, à un titre ou à un autre, des loyers ou des prix de logements, ont été réunis au sein d'un même département ;
- enfin que la Commission du logement du Grand Conseil, dans le cadre de l'examen du projet de loi 7752, étudie actuellement la problématique de la fixation des loyers ;
invite le Conseil d'Etat
- à adopter la référence du mètre carré pour fixer les prix et les loyers de logements lorsqu'il est appelé à le faire ;
- à adopter la même référence pour déterminer le montant des aides au logement ;
- à effectuer les modifications réglementaires éventuellement nécessaires pour répondre à la présente motion ;
- à déterminer, après concertation avec les milieux intéressés, les prix et les loyers applicables.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur : M. Alberto Velasco
Introduction
On ne peut aborder la question du référentiel spatial des appartements sans, au préalable, indiquer que la notion afférente à cette question, les m2 ou les pièces, n'est pas compliquée mais quelque peu complexe dans son application. Donc avant d'aborder mon plaidoyer, il me semble judicieux de faire certains rappels.
Nous avons deux lois (générales) qui sont affectées par ce nouveau référentiel : la LGL (loi générale du logement et protection des locataires) et la LDTR (loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi)). Dans la LDTR, pratiquement toutes les dispositions et la jurisprudence sont référencées au nombre de pièces alors que la LGL fait appel aux notions, soit nombre de pièces, soit aux m2.
Mais concernant la surface, plusieurs définitions cohabitent, et c'est ainsi que nous avons :
La surface nette OCL (Office cantonal du logement). Elle résulte du règlement de la LGL et comprend la surface intérieure des pièces habitables, elle ne comprend ni les murs, ni la circulation, ni les espaces de rangement et qu'elle indique le minimum d'habitabilité. Un des objectifs de cette notion est de pouvoir procéder à l'homologation du logement. La LGL prévoit qu'aucune pièce ne peut être inférieure à 9m2 et les pièces complémentaires doivent avoir une somme déterminée de surface.
La surface locative OCL est la notion la plus importante. Elle correspond à la surface balayable et comprend en plus de la surface nette OCL la circulation, les salles d'eau et les espaces de rangement. Mais elle ne comprend ni les murs, ni les conduites. Cette surface est celle prise en considération de manière centrale et permet le calcul des loyers. Ainsi, lorsqu'on établit l'état locatif d'un immeuble, on tient compte des surfaces locatives. Cette surface est aussi utilisée par l'Office fédéral du logement (OFL), ainsi que par l'ensemble des cantons, ce qui permet de faire des liens de comparaison.
La surface brute de plancher (SIA) est celle utilisée dans la détermination des droits à bâtir. Il s'agit d'un instrument de planification et de contrôle.
On constate que la LGL n'est pas exsangue de références au m2, mais que cette référence est modulée en fonction des objets à quantifier.
Auditions
Il est apparu, lors de l'audition des organismes et associations, que l'applicabilité du critère des m2 n'est pas si évidente que cela, et que dans la plupart des cas il est pondéré par d'autres paramètres. C'est ainsi que pour l'OFL « il est difficile de dire que l'OFL travaille avec les m2 puisque cette notion joue dans certains cas, mais pas automatiquement. Ainsi, il est difficile de donner une recette, en tout cas pas selon le seul critère du m2 ».
Pour le Rassemblement, qui est d'accord d'entrer en matière sur l'utilisation des m2, la motion, telle que soumise, pose un problème. Il souhaite que l'on puisse utiliser un critère de détermination du bâti habitable, critère qui doit être objectif, que ce soit le m2, la pièce ou autre. Un critère ou tout le monde peut s'y retrouver. Pour la CIA, une analyse ayant démontré que l'utilisation du prix à la pièce était aberrante, la CIA a choisi d'utiliser le m2. La Société des régisseurs de Genève estime que le changement de référence n'a de sens que s'il permet d'affiner l'appréciation. Ainsi, le passage à la référence au m2 a pour conséquence de lourdes modifications non seulement pour la législation, mais également pour la pratique. Enfin, pour le SRG, le projet n'est pas fondamentalement politique, il est techniquement complexe à mettre en place. La CGI estime que dans les baux, les pièces et les m2 pourraient cohabiter, les pièces pouvant servir de référence secondaire.
Réponse aux invites
Par rapport aux références utilisées dans d'autres cantons, il se trouve que ceux-ci utilisent le critère de la surface locative OCL, qui est le critère standard des cantons et de la Confédération et que l'OCL utilise également.
Les critères pris en considération pour évaluer un projet sous l'angle prix/loyer est :
le prix de location selon la fourchette admise ;
le prix au m2 ;
le coût du m3 SIA ;
la surface moyenne locative est inférieure.
Ces critères figurent sur une fiche dite de synthèse utilisée par le département pour déterminer le rapport qualité/prix des loyers. La première invite de cette motion est satisfaite par la pratique actuelle du département.
Au sujet de la deuxième invite, qui se réfère à l'aide au logement, les aides au logement sont accordées en fonction du nombre de pièces par rapport à l'occupation du logement. Cette disposition, qui figure dans la LGL, compare donc la taille du ménage par rapport au nombre de pièces. Le nombre de pièces permet de déterminer le pourcentage du barème.
Mais il n'y a pas de référence à une notion de surface en tant que telle, si ce ne sont les 9 m2 minimaux par pièce et les critères utilisés pour financer le logement. Indirectement donc, le critère des m2 est pris en compte puisqu'il a servi de critère à sa construction, ainsi on peut dire que ce critère des m2 est sous-jacent.
Donc, considérant d'une part que le critère du nombre de pièces s'impose pour ce type d'aide, et le critère des m2 est sous-jacent puisqu'il a servi de critère au financement et la construction des logements, il n'y a pas lieu de répondre a cette invite.
S'agissant de la référence aux autres cantons, où les auteurs de la motion signalent Genève comme seul canton à ne pas pratiquer la référence des m2, le département précise que le paradoxe est que ce sont en réalité les autres cantons qui sont attentifs à la pratique genevoise. Ayant basé leur aide au logement sur celle de la Confédération, et la Confédération envisageant d'arrêter son aide au logement pour le transférer aux cantons, la pratique genevoise semble inspirer les autres cantons, l'aide étant personnalisée. Mais encore, est-ce parce que les autres cantons ont une référence différente qu'a priori elle doit s'imposer par simple critère usuel de majorité ?
Quant à la troisième invite, qui demande d'effectuer les modifications réglementaires pour répondre à la présente motion, elle découle de la première. Mesdames et Messieurs les député-es, je vous rappelle la démonstration faite au sujet de la première invite, où il vous a été démontré que la pratique administrative tient compte du paramètre de surface, cet élément étant même primordial dans l'application de la LGL. Il n'apparaît, du moins pour l'instant, pas indispensable ni judicieux de procéder à des modifications des dispositions réglementaires. Ceci en ce qui concerne la LGL, mais il en va de même pour la LDTR, qui est d'ailleurs principalement visée par cette motion selon les dires des auteurs de la motion. Dans la LDTR, la notion de surface est déjà intégrée pour permettre au département de ne pas être lié.
Enfin, n'oublions pas, comme l'a signalé un commissaire, qu'en termes de surface, seuls des minima ont été introduits dans la loi et qu'on a perdu de vue qu'il s'agissait de chiffres planchers. Si la notion de m2 devait être introduite, il faudrait envisager un système de points pour déterminer la qualité de la surface.
S'agissant de la quatrième invite, puisque cette motion, comme il a été démontré et confirmé par les auteurs, s'adresse ou s'adressait à la LDTR, alors en étude dans notre commission, rappelons que le but de la LDTR est de répondre aux besoins prépondérants de la population et non de fixer le juste prix de la rénovation. Concernant les constructions nouvelles, la pratique de l'OCL y répond déjà. Maintenant.
Conséquences
Si l'on passe à la notion de surface, l'administration devra accomplir un travail colossal pour recontrôler tout un parc immobilier, car malheureusement, dans le bail, les informations ne sont pas suffisantes. Cela pourra aussi affecter 30 à 40 000 situations individuelles.
Dans le cas de la LDTR, les prix pourraient s'avérer soit trop élevés, ne répondant de ce fait plus aux besoins prépondérants de la population, soit relativement bas, et dans ce cas les appartements avec de petites pièces deviendraient intransformables.
Les loyers d'anciens immeubles - en général construits avec des pièces spacieuses - par comparaison avec des immeubles plus récents, soit nombre de pièces équivalentes mais surfaces différentes verraient leur prix augmenter.
Conclusion
Mis à part l'intérêt de saisir mieux la réalité des locations à partir de données statistiques comparables et de prendre en compte des éléments pertinents tels que l'étage et l'orientation, qui se pratique à l'heure actuelle, on voit mal quel est l'intérêt social majeur de cette réforme.
Il ressort de la plupart des interventions que si d'aventure le critère des m2 devait être retenu, on n'évitera pas que celui-ci soit modulé avec celui des pièces vu la pertinence de ce dernier. D'ailleurs, vous avez pu vous rendre compte qu'aujourd'hui la notion de pièces est modulée par la prise en compte de la surface.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les député-es, considérant qu'en matière d'immeubles bâtis et rénovés, l'intérêt social majeur de cette réforme ne s'impose pas, l'envoi au Conseil d'Etat de cette motion, dès lors, ne s'impose pas non plus.
Excepté si une concertation ou un groupe de travail, où seraient représentés les différents milieux, était mis sur pied afin de travailler sur le critère à prendre en considération, les prix et les loyers applicables. Car si l'on veut déterminer un critère unique, il vaudrait mieux, dans ce cas, que les différents intervenants se mettent d'accord.
Proposition d'amendement de la part du rapporteur, au cas où cette motion serait envoyée au Conseil d'Etat :
Nouvelle invite :
« A prévoir, avant toute modification des dispositions actuelles, une étude d'impact sur les conséquences de la prise en compte de la notion des m2, notamment sur les loyers. »
Débat
M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. Voilà une motion qui est tout à fait logique, qui vient à propos et qui n'est pas trop compliquée. En fait, il s'agit de supprimer une Genferei, comme il en existe plusieurs à Genève, notamment dans le domaine du logement. Au lieu que le prix des loyers soit fixé à la pièce - sachant que la cuisine compte comme pièce à Genève - il s'agit de s'aligner sur tous les autres cantons de notre petit pays qui, eux, ont déjà choisi le système du mètre carré, système qui est plus logique, puisque chacun sait qu'une pièce est une unité, mais qu'elle peut être de dimension très différente. En commission, nous avons entendu les divers milieux nous dire ce qu'ils pensaient de cette motion. Tous ont été assez positifs et ont en tout cas demandé qu'il y ait une concertation, que l'Etat réunisse tous les partenaires autour d'une table pour trouver un modus vivendi et arriver à fixer le prix du loyer au mètre carré.
Certes, il est assez compliqué de changer les méthodes dont on a l'habitude, mais, d'après les renseignements que nous avons reçus de l'office cantonal du logement, cela ne devrait pas poser de grands problèmes. D'ailleurs et pour conclure, je vous dirai que la CIA, caisse de retraite des fonctionnaires, utilise déjà ce mode de faire. Je vous conseille donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cette motion telle quelle et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai un peu de silence. On a l'impression que la sono ne marche pas bien, mais c'est parce que vous faites beaucoup de bruit !
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Pour ma part, je tiens à dire qu'en suivant les travaux de la commission j'ai constaté que pratiquement toutes les invites de cette motion sont satisfaites par le département. En tout cas, la première invite est satisfaite, puisque c'est la pratique actuelle du département. La deuxième, qui se réfère à l'aide au logement, est contenue dans les dispositions de la LGL. Quant à la troisième, elle découle de la première. Reste la quatrième invite. Pour ma part, j'estime donc que cette motion a très peu de raison d'être actuellement.
Néanmoins, la question des mètres carrés est un sujet complexe et, dans l'espoir de nous mettre d'accord et de pouvoir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, je proposerai un amendement qui consiste en la nouvelle invite suivante : «à prévoir, avant toute modification des dispositions actuelles, une étude d'impact sur les conséquences de la prise en compte de la notion des mètres carrés, notamment sur les loyers». Voilà ! Si cette invite pouvait être acceptée par mon collègue rapporteur de majorité, je serais alors tout à fait d'accord d'accepter le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Thomas Büchi (R). Nous allons prendre ce soir une mesure salutaire que nous attendions depuis longtemps. Nous allons enfin faire comme les autres cantons suisses, nous mettre au diapason de la Confédération et calculer les loyers au mètre carré et non plus à la pièce, abandonnant un système dépassé qui ne nous permet pas de faire des comparaisons avec les autres cantons suisses. Le nouveau système proposé est naturellement plus juste et objectif et s'appliquera pour la LGL et pour la LDTR. Il est clair qu'il faudra modifier un certain nombre d'articles de loi, mais ce travail sera à faire ultérieurement.
Nous avons été surpris d'apprendre, lors des auditions menées en commission, que la CIA calcule depuis très longtemps tous ses projets avec des prix au mètre carré, parce que même la CIA juge totalement obsolète, dépassé et inapplicable le calcul du loyer à la pièce. L'Office fédéral du logement est également venu nous expliquer les avantages et les bienfaits du système du calcul au mètre carré et nous a convaincus du bien-fondé de notre démarche. Une multitude de systèmes d'évaluation et de barèmes pourront être ainsi mis au diapason de ceux de la Confédération. C'est pourquoi nous allons naturellement voter cette motion, même si elle engendrera un travail important de la part de l'administration pour modifier la loi. Les bienfaits que nous allons retirer de l'application de ce nouveau système d'évaluation en valent la peine et nous pourrons tous travailler de façon plus pragmatique et plus juste.
M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de majorité. En réponse à M. Velasco, rapporteur de minorité, je dirai que l'étude d'impact figure déjà pratiquement dans la quatrième invite, puisque celle-ci parle nommément de «déterminer, après concertation avec les milieux intéressés, les prix et les loyers applicables». L'Etat devrait réunir tous les milieux intéressés pour qu'ils discutent du bien-fondé de l'application d'une telle motion et c'est là une forme d'étude d'impact. De ces travaux sortiront les côtés positifs et les petits inconvénients peut-être de ce système, mais assurément aussi des solutions, parce que lorsqu'on se met tous ensemble autour d'une table on trouve des solutions. Cet amendement n'apporte donc pas grand-chose, il ne va rien changer à la quatrième invite et, à mon sens, il faudrait voter cette motion telle quelle.
M. Christian Ferrazino (AdG). M. Velasco demandait une étude d'impact pour voir les conséquences que pourrait engendrer sur les loyers une telle modification du système. En général, Monsieur Ducrest, vous êtes le premier à demander des études d'impact pour voir les conséquences économiques de telle ou telle proposition. Il est vrai que vous le faites surtout lorsqu'il s'agit du chiffre d'affaires des commerçants, et un peu moins lorsqu'il s'agit du loyer des locataires !
Tout cela n'est pas innocent, Monsieur Ducrest. Puisque, dans votre esprit, cette étude est déjà prévue dans la quatrième invite - mais on a de la peine à l'y retrouver - vous ne verrez certainement pas d'objections à le dire plus clairement, comme le suggère M. Velasco, de façon qu'il n'y ait aucune confusion. M. Büchi faisait allusion tout à l'heure à la CIA. La CIA utilise bien entendu le critère du mètre carré dans le cadre des projets de construction, ce qui est parfaitement légitime, mais dans le cadre des adaptations de loyers de logements existants c'est tout autre chose. Que va-t-il se passer si nous abandonnons le système à la pièce que nous connaissons bien et qui a fait ses preuves, notamment dans la LDTR ? - comme l'a relevé à juste titre M. Velasco, pour la LGL, le département actuellement tient déjà compte de cette notion de surface et de mètres carrés. Eh bien, si nous devions passer du prix à la pièce à celui au mètre carré, nous ne verrions aucune réduction de loyers en fonction des petites pièces, mais nous verrions les augmentations de loyers se multiplier pour tous les logements qui auraient des grandes pièces.
En clair, ce qu'on nous propose ici, c'est de donner un moyen supplémentaire aux bailleurs pour augmenter les loyers des grands appartements, en sachant pertinemment que nous n'aurions aucun moyen pour contraindre ces mêmes bailleurs à réduire les loyers des appartements qui auraient des pièces en dessous de la moyenne standard. Par conséquent, nous ne pouvons que souscrire aux arguments développés par M. le député Velasco et nous opposer à cette proposition. Nous soutiendrons en tout cas l'amendement, parce que, pour aller au bout de votre raisonnement, il nous semble effectivement judicieux de mieux cerner l'impact d'une telle proposition sur les loyers.
M. Thomas Büchi (R). Monsieur Ferrazino, vous avez tort quand vous dites que la CIA applique le système du prix au mètre carré uniquement aux projets neufs. Mais vous êtes moins présent en commission qu'auparavant et vous n'étiez peut-être pas là le jour de l'audition de la CIA... La CIA, c'est écrit en page 2 du rapport, «utilise déjà le mètre carré comme base de référence des loyers. La différence entre des appartements ayant un nombre de pièces équivalent et les surfaces peut être telle qu'il y a là une distorsion qui peut prétériter un locataire par rapport à un autre sur le plan du loyer.» La CIA applique donc ce système aussi bien aux rénovations qu'aux appartements neufs ; elle a totalement raison et elle nous a démontré que ce système marche très bien et permet surtout de mieux cibler les prix réels des loyers.
Quant à l'étude d'impact demandée, vous pouvez la demander aux cantons de Vaud, d'Uri ou de Schwyz : ils appliquent le prix au mètre carré depuis longtemps et ils seront certainement ravis de nous donner les informations dont nous avons besoin. Nous gagnerons ainsi du temps, au lieu de mener une étude d'impact supplémentaire et inutile.
M. René Koechlin (L). Je comprends les préoccupations de M. le député Ferrazino, qui n'écoute pas... Vos préoccupations, Monsieur, sont tout à fait légitimes, mais elles sont, excusez l'expression, à côté de la plaque ! En effet, l'invite consiste à demander au Conseil d'Etat «d'adopter la référence du mètre carré pour fixer - c'est lui qui fixe ! - les prix et les loyers de logements lorsqu'il est appelé à le faire», soit dans tous les cas de contrôle des loyers par l'Etat. Or, je ne vois pas le Conseil d'Etat procéder autrement qu'en menant une sorte d'étude d'impact lorsqu'il devra fixer les loyers, autrement il ne pourra jamais les fixer. Il devra nécessairement apprécier la valeur du mètre carré en fonction de la dimension des pièces et nous savons que celle-ci varie entre 25 à 30% selon les appartements. Certains appartements de cinq pièces, par exemple, mesurent environ 110 m2 et d'autres mesurent jusqu'à 140, voire 150 m2. Le Conseil d'Etat, lorsqu'il devra fixer le prix au mètre carré, devra évidemment tenir compte de cette différence.
C'est le b.a.-ba, c'est tellement évident qu'il n'est pas nécessaire d'introduire un amendement demandant une étude d'impact. D'autant que le terme «étude d'impact» est utilisé à de toutes autres fins dans notre canton et je crains qu'ici il prête à confusion. C'est la raison pour laquelle je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cet amendement, qui ne correspond pas au but de cette motion et qui ne sert à rien, puisque le Conseil d'Etat sera bien obligé de faire la part des choses lorsqu'il fixera le prix des appartements.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Je tiens à rappeler que cette motion n'a pas été déposée pour répondre au problème des mètres carrés dans la LGL, puisque celle-ci contient déjà cette notion de façon explicite. L'administration nous l'a d'ailleurs démontré quand elle a été auditionnée. Cette motion a été déposée principalement pour s'attaquer à la LDTR et il est donc juste que nous voulions nous en prévaloir. Comme je l'ai dit, le but de la LDTR est de répondre aux besoins prépondérants de la population et non pas de commencer à fixer des paramètres concernant le juste prix d'une rénovation ou d'un loyer. Comme l'a très bien démontré le député Ferrazino, introduire le système du prix au mètre carré pourrait, j'utilise le conditionnel, avoir des effets pervers et conduire à des augmentations de loyers. C'est pourquoi, avant de prendre une décision définitive sur un thème qui peut être éminemment délicat, surtout à l'heure où une grave pénurie de logements s'annonce, il est important de savoir quel en sera l'impact. Je maintiens donc mon amendement. J'espère que la majorité pourra nous rejoindre et que nous pourrons tous voter cette merveilleuse motion !
M. René Koechlin (L), rapporteur de minorité. M. le rapporteur de minorité se fourvoie ! Il n'est pas question uniquement de la LDTR ; les cas qui se rapportent à la LDTR sont très largement minoritaires. Je rappelle que c'est dans les zones de développement, où se construisent 80% des logements à Genève, que le Conseil d'Etat est invité à fixer les prix. C'est surtout dans ces cas-là que cette notion sera applicable. S'agissant de la LDTR, ce ne seront qu'une petite minorité des cas et des cas mineurs. Alors, ne confondons pas ! Enfin, je répète que le terme «étude d'impact» signifie tout autre chose et qu'il me paraît inopportun dans le cas particulier.
M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Koechlin, il faut qu'on sache ce qu'on vote ! La distinction faite par M. Velasco, peut-être de manière un peu réductrice entre deux lois, la LGL et la LDTR, peut être élargie à dessein. Dans le cadre de lois comme la LGL ou la loi sur les zones de développement, qui permettent au Conseil d'Etat une certaine intervention au niveau de la fixation des loyers, le Conseil d'Etat applique déjà ce que les motionnaires souhaitent. C'est-à-dire qu'il prend en compte la notion de mètre carré, de surface brute de plancher, en plus de la notion de pièces. C'est un élément qui permet de pondérer le calcul et, s'agissant de ces lois, il est déjà répondu à cette demande.
Par contre, s'agissant de la LDTR, si vous aviez exclu cette méthode pour la LDTR, nous aurions une autre attitude. En l'occurrence, pourquoi nous méfions-nous ? Vous savez pertinemment que la LDTR ne vise pas à fixer le loyer le plus juste d'un point de vue financier : la LDTR vise à faire en sorte que les loyers répondent aux besoins prépondérants de la population. Or, pourquoi vouloir trouver la méthode la plus exacte, au centime près, pour définir un loyer, alors que, déjà aujourd'hui, si ce loyer dépasse la fourchette admise - qui maintenant figure dans la loi - il doit être baissé ? Si, par hypothèse, vous arrivez à un loyer de 3 850 F la pièce, vous devez le ramener à 3 225 F. Alors, à quoi bon appliquer une méthode encore plus précise, permettant de définir un loyer de 3 872,50 F, par exemple, sachant qu'il devra être ramené à 3 225 F la pièce ?
Voilà pourquoi nous nous méfions de votre démarche. Notre attitude serait différente si la LDTR n'était pas visée par cette nouvelle méthode que vous souhaitez introduire dans l'ensemble de la législation cantonale.
La présidente. Mesdames et Messieurs, plusieurs députés ont encore demandé la parole. Nous arrêtons là nos travaux et les reprendrons à 20 h 30.
La séance est levée à 19 h 5.