Séance du
vendredi 17 novembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
1re
session -
52e
séance
RD 378
Lors de sa séance du 9 juin 2000, le Grand Conseil a adopté la résolution 426 concernant les déclarations de M. François Nordmann, ambassadeur de Suisse près les Organisations internationales.
Les déclarations de M. Nordmann, relatives au Sommet social de l'ONU à Genève, avaient été rapportées notamment par la "; Tribune de Genève " dans son édition du 9 juin 2000.
Donnant suite à cette résolution, le bureau a reçu M. Nordmann, pour un entretien qui s'est déroulé le 15 août 2000. M. Nordmann s'est exprimé comme suit.
M. Nordmann rappelle que son prédécesseur, M. l'Ambassadeur Walter Gyger, avait déjà rencontré les représentants du Parlement pour des entretiens, et il trouve normal de répondre par courtoisie à cette invitation, conformément aux instructions du DFAE.
M. Nordmann vient parler du problème général du soutien de Genève aux Organisations internationales. Il précise que le rôle des Organisations non gouvernementales (ONG) est croissant et que ce rôle est généralement bien reconnu. Il ajoute que la Confédération accorde un soutien politique aux ONG. En outre, le rôle important des bons offices de la Suisse est universellement apprécié.
M. Nordmann précise que la Suisse a l'honneur d'être un hôte important d'OI et que ce rôle est vital pour notre pays, absent des grands centres de décision. Il ajoute que l'OMC joue un rôle fondamental et que la perte du siège de cette organisation à Genève risquerait de provoquer un choc important.
M. Nordmann relève que cette présence a pu être assurée grâce à une étroite collaboration entre la Confédération, le canton et le secteur privé. Ainsi la politique d'accueil a pu être améliorée, notamment par rapport à l'OMC. Il s'inquiète de la remise en cause des arrangements faits à l'OMC. En outre, il précise que la Confédération ne se prononce pas sur les orientations que prennent les OI. L'Etat de Genève est un partenaire important et cette action conjointe doit être préservée.
M. Nordmann se dit frappé par le climat hostile à l'OMC pour le motif qu'elle est le symbole d'une politique contestable. Comme Etat hôte, nous avons des devoirs à remplir à l'égard de cette organisation. M. Nordmann pense qu'il est faux de remettre en cause la mise à disposition de surfaces en faveur de l'OMC. Il est dans l'intérêt de la Confédération, de l'Etat de Genève et du secteur privé de poursuivre une politique de partenariat. A force de taper sur le clou, on risque de fatiguer le Parlement fédéral qui pourrait se montrer moins généreux pour l'octroi de crédits en faveur de la Genève internationale. Tout ceci sans remettre en cause, bien évidemment, la liberté d'expression de chacun.
M. Nordmann a eu des craintes lors de la préparation du Sommet social de l'ONU du mois de juin, notamment en raison des appels lancés pour un "; nouveau Seattle " et par rapport à ce qui s'est passé lors de l'Assemblée générale de l'OMC en 1998 à Genève. M. Nordmann ne voulait pas, avec ses déclarations, remettre en cause le droit de réunion des ONG. Ses craintes concernaient l'implication des pouvoirs publics pour l'organisation de la manifestation, qui paraissait à l'époque peu contrôlée. Il y a heureusement eu par la suite des réunions de coordination avec les ONG en question, ce qui a permis un bon déroulement du Sommet social
M. Nordmann ajoute que la venue à Genève de sociétés multinationales, grâce à des offres d'infrastructure, à une politique fiscale favorable et à une bonne conjoncture, ne doit pas nous amener à négliger l'importance des OI à Genève. Car, en période de basse conjoncture, les OI représentent un élément stable, ce qui est important pour la vie locale et cantonale. Ces considérations doivent dicter notre conduite et exigent une discipline d'esprit.
En réponse aux déclarations de M. Nordmann, le bureau a relevé l'émergence d'une société civile face au système international, société civile qui peut être capable de s'organiser dans ses actions. Cette société civile jouit d'une richesse et d'une force importante par le fait qu'elle dispose de la liberté de prendre des positions qui peuvent être contraires à celles du gouvernement. Cette société civile devient de plus en plus souvent une interlocutrice crédible, mais n'est pas encore prête à jouer ce nouveau rôle.
Le Bureau a exprimé sa préoccupation face au risque de décalage entre les gouvernements, les OI et la population. Cette dernière a l'impression de ne pas toujours être défendue dans les grandes organisations. En invitant un représentant des OI et un représentant des ONG à venir s'exprimer en son sein, la majorité du Grand Conseil a voulu démontrer l'importance qu'elle attachait, non seulement au rôle des OI, mais aussi à celui des ONG. Considérant que Genève est un lieu où l'expression démocratique doit être privilégiée, le Parlement a ainsi entendu attester concrètement de ce souci et offrir aux deux tendances une possibilité de s'exprimer.
Tout en relevant l'importance de défendre la Genève internationale, où de grands enjeux de société sont discutés, le Bureau a cependant estimé qu'il fallait éviter de donner l'impression de ne se soucier que de celle-ci, car un sentiment d'inégalité pourrait être ressenti. Le souci du Parlement est de permettre et d'agir de manière à ce que ces deux Genève puissent cohabiter le mieux possible.
En conclusion, le Bureau se réjouit des échanges fructueux que cet entretien a permis de développer, et, au bénéfice de ce qui précède, vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte de ce rapport qui fait office de réponse à la résolution 426.
Annexes : résolution R 426
lettre de M. l'Ambassadeur François Nordmann du 15 juin 2000
Proposition présentée par les députés:Mmes et MM. Bernard Annen, Anne Briol, Erica Deuber Ziegler, Jean Spielmann, Nelly Guichard et John Dupraz
Date de dépôt: 9 juin 2000Papier
Proposition de résolutionconcernant les déclarations du M. François Nordmann, ambassadeur de Suisse près les Organisations internationales
Le Grand Conseil s'inquiète des déclarations de M. François Nordmann, ambassadeur de Suisse près les Organisations internationales, largement rapportées par la Tribune de Genève ce vendredi 9 juin 2000.
M. Nordmann relève la contradiction qu'il y aurait, selon lui, de la part des pouvoirs publics, d'appeler de leurs voeux la présence d'organisations internationales telles que l'OMC à Genève, et, en même temps, de soutenir des mouvements sociaux qui les contestent.
Le Grand Conseil identifie les ONG et les mouvements sociaux qu'ils représentent comme des acteurs indispensables à l'exercice d'une véritable démocratie, à l'échelle locale et nationale comme à l'échelle mondiale.
Il estime que l'ensemble des peuples représentés aux Nations Unies ont tout à gagner de l'apport des ONG aux débats onusiens. Il se félicite, à cet égard, non seulement de la tenue du Sommet social de l'ONU à Genève, mais encore de la mise sur pied du Forum social "; Geneva 2000 ", ainsi que de l'invitation à débattre lancée à cette occasion par l'Appel de Bangkok.
Le Grand Conseil décide de mandater son Bureau pour rencontrer M. François Nordmann, ambassadeur de Suisse près les Organisations internationales afin de lui faire part de son désaveu et lui demander de participer activement à l'intégration des ONG à la Genève internationale.
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Débat
Mme Christine Sayegh (S). J'ai lu avec intérêt le rapport du Bureau du Grand Conseil et je le remercie de son travail et des détails tout à fait pertinents dans lesquels il est allé pour sa recherche.
Si l'OMC se trouve à Genève et qu'il y a eu des réactions contre l'OMC, il est bien évident que ces réactions n'étaient pas dirigées contre le siège lui-même de cette organisation, mais contre sa politique. Nous ne sommes pas d'accord avec la politique concrétisée par l'OMC. Elle a des buts bien définis qui n'étaient, à notre avis, pas respectés.
Il est heureux de constater dans ce rapport que M. l'ambassadeur Nordmann accepte de dire que tous les reproches qu'il a pu formuler envers les différentes manifestations qui se sont déroulées et la crainte qu'il y en ait de nouvelles ne remettaient bien évidemment pas en cause la liberté d'expression de chacun. C'est bien un privilège, parce que cela devient malheureusement un privilège dans notre pays, d'avoir encore une liberté d'expression.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.