Séance du
jeudi 16 novembre 2000 à
17h
54e
législature -
4e
année -
1re
session -
50e
séance
GR 273-1 et objet(s) lié(s)
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Pour la deuxième fois, M. B. D., de nationalité algérienne, âgé de 27 ans, sollicite une grâce partielle pour obtenir la levée d'expulsion judiciaire ou le sursis à l'exécution de celle-ci, afin de pouvoir séjourner régulièrement en Suisse.
Condamné par deux fois en 1995 et en 1999 pour utilisation de cartes de crédit volées et de franchissement de la frontière helvétique sans autorisation, M. B. D. fait l'objet actuellement d'une nouvelle procédure pénale et a été condamné en septembre 2000 à une peine ferme pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur.
C'est en 1994 que M. B. D. a demandé l'asile politique. Il s'est marié une première fois avec une Suissesse en 1997, mariage qui n'a duré que dix mois, puis une deuxième fois, également avec une Suissesse, mère d'un enfant de 7 ans, qui est élevé par le père de cet enfant. L'actuelle Mme B. a toutes ses attaches à Genève. Quant à son mari, il n'a plus de famille proche en Algérie où il ne sent pas en sécurité, d'où une deuxième demande d'asile politique en 1998, qui a été refusée, mais contre laquelle il recourt.
La commission a estimé à l'unanimité qu'elle ne pouvait entrer en matière sur cette demande de grâce et vous propose donc de la refuser.
M. Pierre-Louis Portier (PDC), rapporteur. Mme S. M. est née le 10 août 1979 à Mogadiscio en Somalie, pays dont elle est une des victimes de la guerre.
Je vous résume très brièvement l'épopée qu'elle a vécue : sa maison a été attaquée, une de ses grands-mères a été tuée pendant cette attaque, un bébé est mort de ses blessures, une grande partie de la famille a fui au Kenya et elle-même a été blessée à la jambe au cours de cette attaque; quelques semaines plus tard, elle a dû être amputée pour éviter que la gangrène ne se propage. Bref, en passant par le Kenya et par l'Italie, Mme S. M. s'est retrouvée dans notre pays avec le statut de réfugiée.
Evidemment, vous pouvez imaginer aisément qu'après avoir connu une telle aventure et de telles souffrances son psychisme a été atteint et son comportement est devenu quelque peu irascible. Lors d'une intervention de la gendarmerie genevoise, elle s'est notamment permis d'insulter un agent des forces de l'ordre et de mettre à mal les installations d'un poste de gendarmerie, tout cela à cause d'une banale contravention.
Elle a donc été condamnée pour ces faits à une peine de vingt jours de prison moins un jour de détention préventive, cela avec sursis. Il y a quelques semaines Mme S. M. avait déjà déposé une demande en grâce, laquelle avait été refusée à l'époque par une courte majorité de la commission, qui désirait lui montrer qu'on ne pouvait pas insulter les gens sans subir un certain nombre de sanctions. Ce refus a été semble-t-il mal accepté par Mme S. M., mais la leçon paraît néanmoins avoir porté.
Aujourd'hui, Mme S. M. dépose une nouvelle demande en grâce car elle n'a pas de passeport et qu'elle est donc sans identité.
Entre-temps, elle a appris le décès d'un de ses frères qui était déjà intervenu il y a fort longtemps mais dont elle n'a eu connaissance que tout récemment par un autre de ses frères, qui vit aux Etats-Unis. Ses parents étant décédés, comme je vous le disais, Mme S. M. n'a plus aucune famille, ni en Afrique et encore moins en Somalie. Les seuls familiers qui lui restent sont un frère qui vit au Canada et deux autres aux Etats-Unis. Elle n'a donc plus de raison de retourner en Somalie ni ailleurs en Afrique, ses seules attaches étant désormais à Genève.
Elle souhaite donc déposer une demande de naturalisation, pour envisager plus sereinement son avenir en Suisse et continuer son intégration dans notre pays, cela constituant pour elle, à coup sûr, une revanche sur son destin tragique.
La commission de grâce, sur la base de ces éléments, vous recommande, à une très large majorité cette fois-ci, d'accepter cette demande en grâce.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. M. A. S. a déposé une demande de grâce portant sur des peines d'expulsion du territoire Suisse qui ont été prononcées contre lui.
Il faut savoir que M. A. S. a fait l'objet de deux condamnations successives pour une infraction à la loi sur les stupéfiants, à savoir de la vente de haschich. La première fois, il a été condamné par le juge d'instruction à six mois d'emprisonnement avec sursis et sept ans d'expulsion du territoire de la Confédération et, la deuxième fois, à un mois d'emprisonnement seulement avec sursis et cinq ans d'expulsion du territoire de la Confédération.
Le Tribunal de police, dans la deuxième affaire, a visiblement peu minimisé ces infractions qui portaient sur une drogue légère. Ces condamnations remontent à l'année 1997.
Entre-temps, M. A. S. a fait la connaissance d'une jeune compatriote et, de cette relation, est né un enfant, le 16 juillet 1999. Il y a lieu de préciser que M. A. S. et sa compagne font ménage commun et que ce dernier, bien qu'il ne soit pas au bénéfice d'un permis en bonne et due forme, a quand même réussi à trouver un travail d'aide-cuisinier, ce qui lui permet de subvenir aux besoins du ménage. Il a déposé, il y a près d'une année, une demande de grâce portant sur les deux mesures d'expulsion. Il faut préciser que M. A. S. n'avait pas été expulsé en raison des événements en Algérie et du fait qu'il était venu en Suisse, précisément parce qu'il se sentait menacé, même s'il n'était pas directement impliqué dans ces événements, aussi bien par les forces gouvernementales que par les forces islamistes.
Lorsque cette demande de grâce est parvenue à la commission en décembre de l'année dernière, nous avons pensé qu'il était souhaitable de laisser passer un peu de temps pour voir si cette «union» entre M. A. S. et la mère de son enfant avait un caractère stable et durable. Nous avons donc repris l'examen du dossier après les vacances d'été. Nous avions reçu des lettres envoyées par les parents de l'amie de M. A. S., qui insistent sur toutes les qualités qu'ils voient en ce jeune homme : travailleur, affectueux, s'occupant bien de l'enfant, et qui souhaitent sincèrement que la mesure d'expulsion puisse être levée.
J'ai pu vérifier, tant auprès de l'avocat qui a déposé la demande de grâce qu'auprès du père de la compagne M. A. S., un de nos compatriotes qui a vécu ses premières vingt années en Afrique du Nord et qui connaît bien les spécificités de cette région, que M. A. S. avait su tourner la page et qu'il n'a plus de démêlés avec la police. Il a insisté sur le sérieux de sa relation avec sa fille et de l'intention de ces deux jeunes de se marier.
En raison de l'évolution de la situation, des bons renseignements qui ont été recueillis et du fait que de toute façon M. A. S. ne pourrait pas être expulsé en Algérie, la commission de grâce, à l'unanimité, vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de prononcer la grâce pour les deux mesures d'expulsion dont l'intéressé a fait l'objet.