Séance du vendredi 27 octobre 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 11e session - 47e séance

PL 8021-A
21. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10) (Sanctions, résiliation pour motif objectivement fondé et suppression de l'exigence de la nationalité suisse à l'engagement). ( -) PL8021
Mémorial 1999 : Projet, 2071. Renvoi en commission, 2090.
Rapport de M. Bernard Lescaze (R), commission des finances

Plan du rapport

La Commission des finances a consacré deux séances, les 9 et 23 juin 1999, sous la présidence de M. David Hiler, à l'étude du projet de loi du Conseil d'Etat PL 8021. Les notes de séances on été tenues par Mme Eliane Monnin.

I. Introduction et but du projet de loi

Les modifications légales proposées par le Conseil d'Etat concernent le corps enseignant primaire et secondaire et portent sur trois points :

les sanctions disciplinaires ;

la résiliation des rapports de services pour motif objectivement fondé ;

la suppression à l'engagement de l'exigence de la nationalité suisse.

Elles visent à créer les bases légales formelles pour les sanctions les plus légères, soit l'avertissement et le blâme. D'une façon générale, elles tendent à harmoniser les dispositions de la loi sur l'instruction publique, applicables aux membres du corps enseignant, avec celles de la nouvelle loi relative au personnel de l'Administration cantonale, du 4 décembre 1997 (B 5 05).

II. Contexte du projet de loi

Les sanctions disciplinaires et la résiliation pour motif objectivement fondé ont fait l'objet d'une refonte dans la loi applicable au personnel de l'Administration cantonale (B 5 05), en 1987. Des modifications sont intervenues dans le cadre de la nouvelle loi adoptée par le Grand Conseil le 4 décembre 1997. Le projet de loi d'harmonisation du Conseil d'Etat intègre donc les éléments essentiels issus de ces deux refontes légales.

Les spécificités du corps enseignant ont été cependant soit maintenues soit transférées du statut du corps enseignant primaire et secondaire - un règlement du Conseil d'Etat - dans la loi, en particulier :

La révocation, à titre de sanction la plus sévère marquant la gravité d'une conduite incompatible avec la responsabilité d'enseignante et d'enseignant.

Le licenciement disciplinaire, avec la possibilité de démissionner, appliqué aux situations relatives à des fautes professionnelles tout en ne justifiant pas la révocation.

La Commission paritaire du statut du personnel enseignant primaire et secondaire a donné son accord aux modifications proposées.

III.  Discussion parlementaire

Mme Marie-Laure François, secrétaire générale du Département de l'instruction publique, et Mme Verena Schmid, secrétaire adjointe, ont assisté aux séances de la commission.

Après avoir rappelé le contenu essentiel et le but de la loi, la représentante du département précise que les dispositions relatives aux sanctions disciplinaires et à la résiliation pour motif objectivement fondé, ont également été actualisées s'agissant de la terminologie. Par exemple, le terme de « licenciement » remplace celui datant des années 1940 de « congé ».

La suppression de l'exigence de la nationalité suisse à l'engagement (art. 120 du projet) a suscité quelques réserves. En effet, durant les périodes de pénurie d'enseignantes et d'enseignants, cette exigence n'a pas toujours été appliquée. Cependant, quand il y a eu pléthore de demandes de postes, alors que ces derniers se raréfiaient, cette exigence a pu rendre service. Comme le département invoque l'obligation d'engager de nombreux enseignantes et enseignants en raison de l'âge de la retraite qui s'annonce pour beaucoup, il paraît opportun d'introduire maintenant cette modification. En tout état de cause, cette question se poserait différemment si les accords bilatéraux avec l'Union européenne entraient en vigueur prochainement.

Toutefois, un député constate que, durant plusieurs années, l'accès à l'emploi et donc aux études pédagogiques, a été fermé à de nombreux licenciés ès sciences ou ès lettres qui ont dû choisir une autre orientation professionnelle. Il tient à s'assurer que la suppression de l'exigence de la nationalité suisse à l'engagement ne porterait pas préjudice aux personnes qui n'ont pu entrer aux études pédagogiques ces dernières années, ont dû trouver un autre emploi, et éprouveraient des difficultés à reprendre, sur le tard, des études pédagogiques. Ces licenciés d'origine suisse se trouveraient défavorisés par rapport à de jeunes enseignants de nationalité étrangère.

Selon le département, la suppression de l'exigence de la nationalité suisse à l'engagement répond à l'objectif prioritaire d'harmonisation avec la loi applicable au personnel de l'Administration centrale.

Il est vrai que des dispositions dérogatoires à cette exigence ont permis, pendant les périodes de pénurie d'enseignants, d'engager des maîtresses et maîtres étrangers, mais encore fallait-il qu'ils résident dans le canton depuis longtemps. Les étrangers doivent, en effet, indépendamment des exigences liées à leurs qualifications professionnelles, répondre aux exigences d'autorisations de séjour et de travail (en principe permis C).

Si des licenciés suisses ou étrangers n'ont pu entrer aux études pédagogiques ces dernières années, c'est en raison du contexte du marché de l'emploi. Ils pourront entrer dans l'enseignement au cours des années à venir. Il n'y a cependant pas de raison d'exiger des enseignants ce que l'on ne demande pas au reste de la fonction publique, l'harmonisation entre les deux statuts paraît donc nécessaire.

Il faut noter, par ailleurs, qu'un projet de loi sur la formation initiale en emploi des enseignants secondaires a été voté par le Grand Conseil le 13 avril 2000 et entré en vigueur le 10 juin 2000. Cette loi vise à éviter les listes d'attente à l'entrée de la formation pédagogique. En outre, l'âge n'est pas le critère déterminant pour entrer en formation initiale en emploi. Cette loi répond donc partiellement aux critiques formulées ci-dessus.

Quelques députés s'inquiètent du fait que le terme de « licenciement » a été préféré à celui de « congé » pour éviter la confusion avec les congés accordés au personnel, tel le « congé de maternité ».

Le délai ordinaire de résiliation des rapports de services est celui figurant dans la loi B 5 05 avec laquelle la LIP est harmonisée et non avec le Code des obligations.

S'agissant de la différence entre « insuffisance » et « inadéquation », le département estime que l'insuffisance des prestations relève davantage d'une appréciation personnelle, alors que l'inadéquation des prestations peut plus facilement être démontrée.

Après que l'entrée en matière du projet de loi 8021 a été votée à l'unanimité, la commission examinant le texte article par article, a notamment estimé qu'il n'y avait pas lieu d'amender le projet présenté puisque les représentants du personnel enseignant avaient donné leur accord aux modifications proposées.

La commission a reçu l'assurance que les modifications proposées ne porteraient pas préjudice aux membres du corps enseignant atteints dans leur santé, dont la situation est protégée tant par le statut que par loi (cf. en particulier l'art. 3, al. 3, et art. 59 du statut B 5 10.04).

De même, les députés ont souhaité être rassuré quant au fait que l'emploi du terme « inadéquation » n'aura pas de conséquences juridiques défavorables pour les membres du corps enseignant, par opposition à l'ancienne utilisation du terme « insuffisance ». Il s'agit au contraire d'une clarification juridique qui n'entraîne pas de connotation péjorative.

Les dispositions du projet de loi ont été adoptées sans opposition et le vote final sur l'ensemble de la loi a eu lieu à l'unanimité des treize membres présents.

IV. Conclusions

Le projet de loi harmonise, clarifie et précise les dispositions applicables aux membres du corps enseignant primaire et secondaire relatives aux sanctions, résiliation pour motif objectivement fondé, ainsi que suppression de la nationalité suisse à l'engagement, pour faciliter aussi le recrutement d'enseignantes et d'enseignants durant de nouvelles périodes de pénurie.

Au vu de ce qui précède, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les conclusions unanimes de la commission et d'adopter le projet de loi tel que présenté.

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Pour ceux qui n'auraient pas lu ce rapport, celui-ci constitue un simple alignement sur ce qui s'est passé pour les autres emplois de la fonction publique. Toutefois, la suppression de l'exigence de la nationalité suisse à l'engagement est peut-être quelque chose de plus particulier, parce que les enseignants y sont parfois assez sensibles.

Au vu des échéances européennes qui nous attendent et, surtout, de la pénurie d'enseignants qui menace, c'est une disposition tout à fait nécessaire, c'est en tout cas l'avis unanime de la commission, à l'exception d'une abstention, celle du rapporteur... Mais elle n'avait d'autre but que de souligner l'importance de ce point, car je n'y suis en réalité pas du tout opposé. 

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8021)

modifiant la loi sur l'instruction publique (C 1 10)

(Sanctions, résiliation pour motif objectivement fondé et suppression de l'exigence de la nationalité suisse à l'engagement)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit :

Art. 120, al. 3 à 5 (abrogés)

Art. 129A Résiliation des rapports de service pour motif objectivement fondé (nouveau)

1 Le Conseil d'Etat peut, pour motif objectivement fondé, mettre fin aux rapports de service d'un fonctionnaire ou d'une fonctionnaire.

2 Est considéré comme objectivement fondé, tout motif dûment constaté démontrant que la poursuite des rapports de service est rendue difficile en raison :

3 Le délai de résiliation est de 3 mois pour la fin d'un mois.

4 Cette mesure est précédée d'une enquête interne au département. Les dispositions de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, sont applicables, en particulier celles relatives à l'établissement des faits (art. 18 et suivants).

5 Lorsque l'intérêt des élèves l'exige, le département peut prendre des mesures provisoires. Une mesure provisoire d'éloignement de la classe doit être confirmée par le Conseil d'Etat dans les meilleurs délais. Ces mesures ne peuvent entraîner une diminution de traitement de l'intéressé.

Art. 130 Mesures disciplinaires (nouvelle teneur)

1 Les membres du personnel enseignant qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l'objet des sanctions suivantes dans l'ordre croissant de gravité :

2 Ces mesures sont précédées d'une enquête interne au département dans les cas cités à l'alinéa 1, lettres a, b et c et d'une enquête administrative ouverte par le Conseil d'Etat dans les cas cités à l'alinéa 1, lettre d.

Art. 130A  Suspension provisoire pour enquête (nouveau)

1 Dans l'attente du résultat d'une enquête administrative ou d'une information pénale, le Conseil d'Etat peut, de son propre chef ou à la demande de l'intéressé, suspendre provisoirement le membre du personnel auquel une faute, de nature à compromettre la confiance ou l'autorité qu'implique l'exercice de sa fonction, est reprochée.

2 Cette décision est notifiée par lettre motivée.

3 La suspension provisoire peut entraîner la suppression de toute prestation à la charge de l'Etat.

4 A l'issue de l'enquête administrative, il est veillé à ce que l'intéressé ne subisse aucun préjudice réel autre que celui qui découle de la décision finale. La révocation peut cependant agir rétroactivement au jour d'ouverture de l'enquête administrative; le licenciement disciplinaire ou la démission peuvent également agir rétroactivement jusqu'au terme du délai de trois mois pour la fin d'un mois à compter de l'ouverture de l'enquête.

Art. 131, al. 1, 1re phrase (nouvelle teneur)

 al. 5 (nouveau)

1 Dans les cas prévus par les articles 128, 129, 129 A, 130, alinéa 1, lettres c et d et 130 A, le ou la fonctionnaire intéressé a le droit de recourir dans les 30 jours contre la décision prise à son égard auprès d'une commission de 5 membres composée comme suit :

5 Le membre du personnel qui fait l'objet d'un avertissement ou d'un blâme peut porter l'affaire, dans un délai de 10 jours, devant le conseiller ou la conseillère d'Etat chargé du département, qui statue définitivement.