Séance du vendredi 27 octobre 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 11e session - 47e séance

P 1289-A
18. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour une rémunération des étudiants de l'Ecole de laborantins médicaux de Genève lors des stages de 3e année. ( -)P1289
Rapport de Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S), commission des pétitions

Dans ses séances des 4 avril et 29 mai 2000, la Commission des pétitions a étudié la pétition 1289, sous la présidence de Mme Louiza Mottaz, assistée dans ses travaux par l'excellente procès-verbaliste, Mme Pauline Schaeffer.

Mesdames etMessieurs les députés,

Nous sommes étudiants à l'Ecole de Laborantin(e)s médicaux de Genève et effectuons dans le cadre de notre formation continue sur trois ans, dont les deux premières années sont théoriques, deux stages à plein temps de six mois non rémunérés ne permettant aucune autre activité lucrative.

Cependant, rapidement et grâce aux responsables de stage, nous acquérons de l'autonomie, devenons fonctionnels au même titre qu'un laborantin diplômé et qualifié, mettons en pratique nos connaissances et fournissons un travail pour lequel une rémunération serait justifiée. Celle-ci permettrait de couvrir les frais de transport et de nourriture inhérents à notre formation.

Bien que notre statut ne soit pas celui des apprentis dans la même branche que la nôtre, nous estimons que nous pourrions être rémunérés au même titre que les étudiants de l'Ecole de Laborantin(e)s médicaux de Lausanne, lesquels perçoivent une allocation mensuelle.

Audition des pétitionnaires Mmes Cristina Costa, Sophie Coudurier-Boeuf, Emanuela Reo et Christelle Vaucher, et M. Jérôme Lavatelli

Pour commencer, ils remettent un document aux députés dont voici la teneur :

Nous sommes étudiants à l'Ecole de laborantin(e)s médicaux de Genève et effectuons dans le cadre de notre formation continue sur trois ans, dont les deux premières années sont théoriques, deux stages à plein temps de six mois non rémunérés ne permettant aucune autre activité lucrative.

Cependant, rapidement et grâce aux responsables de stage, nous acquérons de l'autonomie, devenons fonctionnels au même titre qu'un laborantin diplômé et qualifié, mettons en pratique nos connaissances et fournissons un travail pour lequel une rémunération serait justifiée, rémunération d'ailleurs approuvée par tous les maîtres de stage. Celle-ci permettrait de couvrir les frais de transport et de nourriture inhérents à notre formation.

Bien que notre statut ne soit pas celui des apprentis dans la même branche que la nôtre, nous estimons que nous pourrions être rémunérés au même titre que les étudiants des Ecoles de laborantin(e)s médicaux de tous les cantons romands, lesquels perçoivent une allocation mensuelle fixée par la convention collective intercantonale. Le canton de Genève est le seul à ne pas appliquer les règles de la convention susmentionnée, qu'il a pourtant signée.

D'autre part, l'argument avancé lors de l'audition de 1996 (P 1091-A) concernant le statut d'étudiant nous paraît quelque peu injustifié. En effet, le Grand Conseil de Genève estime que notre statut d'étudiant ne nous permet pas de percevoir une rémunération. Or, les étudiants en médecine et en pharmacie y ont droit bien qu'ayant le même statut que le nôtre.

Au même titre, il est vrai que les formations reconnues comme HES ne sont pas rétribuées. Cependant, notre école, ainsi que celles de pédicure, d'éducateurs de la petite enfance et celle d'hygiénistes dentaires ont été récemment exclues de ce statut.

En conclusion, nous possédons un statut n'empêchant en rien notre rémunération. D'autant plus que cette dernière reçoit l'approbation des maîtres de stage qui considèrent que le travail fourni mérite compensation.

En complément et en réponse aux questions des commissaires :

Mme Vaucher explique que, au bout de trois mois, sur une période de stage qui dure six mois, les étudiants sont opérationnels et effectuent un travail identique à celui d'un laborantin qualifié diplômé. Elle précise qu'ils travaillent naturellement sous la houlette d'un responsable de stage. Ces derniers estiment d'ailleurs qu'il serait parfaitement justifié de rémunérer l'activité des étudiants. Comme les employeurs dépendent toutefois de l'Etat qui a pris la décision de ne pas rémunérer les étudiants laborantins, ceux-ci ne reçoivent donc aucun salaire.

Mme Vaucher précise que beaucoup des étudiants laborantins sont indépendants financièrement et que l'argument brandi en 1996 consistait à dire qu'ils pouvaient solliciter une allocation. On sait que cette aide est calculée sur un barème et qu'il est fréquent que les étudiants, en fonction du statut de leurs parents, n'y aient pas droit. Il avait été affirmé que les parents doivent subvenir aux besoins de leurs enfants en scolarité jusqu'à l'âge de 25 ans. Or, un certain nombre de gens ignorent cette réalité, si bien que la pétitionnaire juge délicat de se mettre en porte-à-faux avec ses parents.

M. Lavatelli est étudiant de première année, mais il est venu pour soutenir la démarche de ses collègues. Il peut témoigner que plusieurs élèves doivent effectivement chercher du travail en dehors de l'école. Cette situation pose un problème sérieux, dans la mesure où il n'est pas aisé d'exercer une activité lucrative en plus du stage.

Mme Coudurier-Boeuf rapporte que le stage représente un plein temps. Comme un des stages se déroule en été, il n'est, par conséquent, pas possible de chercher du travail à ce moment. La pétitionnaire avoue qu'il est difficile de gagner de l'argent, sachant que l'Ecole de laborantins médicaux a un programme bien chargé.

Mme Costa reconnaît que, durant les deux premières années, la situation n'est pas aussi problématique, mais en troisième, les élèves sont occupés huit heures par jour. Dans ces conditions, il ne reste plus que le week-end de disponible et il n'est pas facile de trouver un emploi dans cette tranche horaire. A cela s'ajoute le fait qu'il faut réserver du temps pour étudier durant le week-end.

La situation des étudiants de l'Ecole de laborantins de Lausanne est différente : la durée des études s'échelonne sur quatre ans, avec six mois de cours, six mois de stage approximativement. Lors de la première année, les étudiants suivent huit mois de cours et quatre mois de stage et Mme Vaucher explique qu'ils sont rémunérés dès leur premier stage, 300 francs par mois. Le diplôme décerné est reconnu par la Croix-Rouge.

S'agissant de la formation en apprentissage, Mme Reo voit une petite différence entre ces deux formations, dans la mesure où l'apprentissage cible davantage une branche en particulier, tandis que les étudiants sont à même de se spécialiser dans plusieurs branches.

Les apprentis sont payés tout au long de leur formation, qu'ils soient à l'école ou en laboratoire.

M. Lavatelli fait remarquer que le diplôme de l'Ecole est nettement mieux reconnu.

Concernant leur prétention salariale, en réponse à une question, ils articulent un montant de 500 francs par mois, uniquement pour le stage de dernière année.

Audition de M. Daniel Pilly, directeur de l'Ecole de laborantins-laborantines médicaux-ales

M. Pilly, en préambule, précise que l'Ecole des laborantins a été exclue du projet HES pour le moment, mais il souligne qu'il est en constante évolution et que rien ne change pour les laborantins. Pour l'heure, l'école est toujours soumise aux directives de la Croix-Rouge suisse qui donne les indications, les programmes, afin d'être conforme à ses obligations.

Pour ce qui a trait à la pétition des étudiants de 3e année de son école, M. Pilly n'a pas été surpris, sachant qu'une autre pétition avait déjà été déposée à l'époque où les indemnités avaient été supprimées. Ces jeunes remettent donc l'ouvrage sur le métier. Sur le chapitre des stages, il indique que le programme actuel comprend deux ans à l'école et une année de stage à plein temps. Pour l'heure, il s'agit de deux stages de six mois chacun, mais une modification interviendra à partir de l'année prochaine, soit deux stages de trois mois et un stage de six mois. Dans le contexte actuel, toute la question réside dans le fait de se demander ce qu'apporte un stagiaire au laboratoire qui l'engage. Le paysage est loin d'être homogène. Dans certains laboratoires, les stagiaires font pratiquement le travail d'un laborantin diplômé après un mois. D'autres stages, plus complexes, nécessitent une adaptation de deux à trois mois. Si l'on s'en réfère à la durée du stage (six mois), M. Pilly relève que les étudiants ne sont alors rentables que lors des derniers mois. De plus, il faut tenir compte d'une évolution en cours d'année, en admettant que les premiers stages ne génèrent pas un rendement similaire à celui pratiqué à la fin de la dernière année. A l'issue de leur stage, certains stagiaires exécutent quasiment des remplacements et certains maîtres de stage les rémunèrent d'ailleurs en tant que tels.

Sur le plan de la revendication des élèves, M. Pilly fait savoir qu'ils entendent être traités un peu de la même manière que leurs collègues des autres écoles suisses romandes. A ce propos, il évoque une « Convention intercantonale concernant la formation aux professions de la santé (professions médicales exceptées) et son financement, du 4 mars 1996 ». Ce document fixe toute une série d'accords pour le paiement des frais scolaires, notamment lorsqu'un étudiant d'un certain canton étudie dans un autre canton. Les conditions financières offertes aux étudiants figurent à l'annexe II à la Convention intercantonale. On peut notamment y lire que les cantons de Berne, Fribourg, Jura, Neuchâtel, Valais et Vaud paient une indemnité de stage de Fr. 4'800/an et ce pendant toute la durée des études. Les étudiants bernois peuvent recevoir en plus une indemnité complémentaire au titre d'aide à la formation. Dans cette annexe, on peut constater que Genève ne verse pas d'indemnité de stage et que le Tessin applique un régime d'indemnité différent. M. Pilly précise encore que les maîtres de stage se voient facturer leurs stages 40 F/jour.

Les étudiants genevois, contrairement aux cantons cités ci-dessus, ne veulent être payés que pendant qu'ils sont effectivement en stage. Le problème réside néanmoins dans le fait que, si l'on entre en matière pour une école du Centre d'Enseignement des Professions de la Santé et de la Petite Enfance (CEPSPE), cela signifie qu'il faudra entrer en matière pour les autres, ce qui entraînera des frais beaucoup plus considérables. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le DASS avait renoncé, en période de grande disette dans le canton, au paiement de l'ensemble de ces stages et non pas seulement pour les écoles du CEPSPE. Cela fut également valable pour l'Ecole d'infirmières et de sages-femmes. M. Pilly, évoquant le rapport de gestion 1999 du Conseil d'Etat, p. 123, indique les chiffres suivants pour l'année scolaire 1998/1999, toutes professions confondues au CEPSPE  :

1re année : 233 élèves  ; 2e année : 178 ; 3e année : 158 ; 4e année : 134, soit un total de 703 étudiants. Si l'on multiplie ce chiffre par Fr. 400/mois, constate M. Pilly, force est d'admettre que cela fait beaucoup d'argent. Dans l'hypothèse d'une indemnité, et rappelant le tarif de 40 F/jour demandé aux maîtres de stage, il conviendrait donc de prévoir, pour l'Ecole de laborantins, 205 jours de stage à 40 F/jour, soit une somme totale de Fr. 8'200 par étudiant, à redistribuer par l'école aux étudiants, par exemple à partir de la moitié de la deuxième année (ce point restant à définir toutefois).

Au titre de comparaison, M. Pilly indique les rémunérations mensuelles offertes en 3e année dans les cantons suivants :

Lucerne : F 800 ; Tessin : F 1'100 ; Bâle-Ville : F 2'100 ; Berne : F 1'500 ; Zurich: quasiment similaire à Berne.

Dans tous ces cantons, ce sont les maîtres de stage qui paient.

Ce type d'indemnité contrebalance une prestation de l'Etat sur le lieu de stage de l'étudiant.

Dans la mesure où 80 % des lieux de stage se passent à l'hôpital ou au CMU, la revendication des étudiants représenterait une dépense pour l'Etat. Dans le cas des laborantins, il s'agirait de débourser 20 fois 4'800 francs pour la volée concernée à ce jour.

Pourtant, il précise que les assistantes de médecin suivent des stages rétribués par les médecins privés, au tarif de 500 F/mois. Lorsque le DASS avait pris la décision de supprimer les indemnités, les médecins privés ont refusé de s'aligner et ont continué à payer ladite somme mensuellement, ce pendant toute l'année où l'assistante médicale fait son stage.

Bien que le statut d'étudiant soit reconnu, cela n'empêche pas les cantons romands de donner des indemnités de stage, et notamment aux infirmières. M. Pilly rappelle que les cantons romands s'étaient ralliés à l'avis du canton de Genève de ne plus verser d'indemnité. Or, une manifestation s'est déroulée sous les fenêtres de M. Pidoux, si bien qu'il a battu en retraite, sauf à Genève !

M. Pilly souligne que les personnes travaillant dans le social sont au bénéfice d'indemnités de stage. A ce propos il ne voit pas que le passage dans un statut HES soit forcément compromettant pour l'obtention d'indemnités.

Répondant à la question d'une députée, il explique que tous les apprentissages sont régis par l'Office Fédéral de Formation et du Travail (OFFT) et qu'il en existe dans le domaine du laboratoire (biologie, chimie et physique). Genève a élargi le champ d'apprentissage en autorisant quelques maîtres d'apprentissage dans des laboratoires d'analyses médicales (Hôpital ou privés), de sorte qu'on a un peu débordé du domaine traditionnel régi par l'OFFT pour se diriger dans le secteur médical ressortissant à la Croix-Rouge suisse. Ces professions sont un peu parallèles et concurrentes. L'apprentissage comprend moins de branches que le diplôme Croix-Rouge qui forme des étudiants parfaitement polyvalents. Avec un CFC, les laborantins ne peuvent exercer que dans les deux branches qu'ils ont apprises. Sur ce chapitre, certains cantons ont mis de l'ordre et des cantons comme Neuchâtel et Vaud ont supprimé l'apprentissage de laborantin en biologie. Genève ne les a pas suivis étant donné que notre canton possède une clientèle pour les deux domaines, un état de fait auquel il ne voit aucun obstacle. Il ne nie toutefois pas que cela pose un petit problème de concurrence.

Discussion de la commission

Pour la minorité des députés de la commission, il n'est pas question de revenir sur une décision récente sous peine de passer pour des girouettes, ce à quoi la majorité rétorque que la décision n'était pas bonne !

Pour ces derniers, tout comme en 1996, ils persistent à penser que les étudiants de dernière année sont rentables pour les laboratoires qui les engagent et qu'une légère indemnité serait une reconnaissance du travail accompli.

D'autre part, au vu de ce qui se pratique dans les autres cantons romands, la situation genevoise paraît misérable.

Quand bien même seuls les étudiants de l'Ecole de laborantins-laborantines se soient manifestés, il est évident, pour la majorité, d'étendre cette indemnité à tous les étudiants en stage de dernière année des écoles Bon Secours et CEPSPE.

Pour faire le calcul d'une indemnité, on peut considérer globalement qu'il y aurait environ 150 étudiants de dernière année concernés au CEPSPE et 100 au Bon Secours, soit 250 en tout.

A 4800 F par étudiant, on arrive ainsi à un budget de 1'200'000 F, dont la plus grande partie (environ 80 %) serait refacturée au DASS et le reste à des institutions privées ou d'autres cantons.

C'est pourquoi la majorité de la commission (2 AdG ; 2 S ; 2 Ve, contre 2 L et une abstention, DC) vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S), rapporteuse. Il y a exactement quatre ans, en octobre 1996, notre assemblée débattait de deux pétitions, l'une provenant de l'Ecole de laborantins, l'autre des diététiciens. Ce débat avait été précédé de bien d'autres, suite à la décision de la Conférence romande des chefs des affaires sanitaires et sociales de supprimer, dès la rentrée 1994, les indemnités de stages.

Depuis, seul notre canton se distingue en appliquant cette décision, qui avait été prise dans un contexte de crise économique. Aujourd'hui, les finances de l'Etat se portent mieux, et il serait normal d'en faire profiter celles et ceux qui, lors de leur dernière année de formation, mettent leur savoir au service d'employeurs, lesquels bénéficient ainsi d'un personnel pratiquement bénévole. Bien sûr, ces jeunes ont reçu le statut d'étudiants et certains auront accès aux HES, mais comment justifier que d'autres jeunes, soit universitaires comme les étudiants en médecine soit ceux fréquentant l'IES, sont indemnisés pendant leur stage ?

Sachant que tous les cantons suisses versent des indemnités aux étudiants de troisième année et que certains le font même durant toute leur formation, la demande des pétitionnaires n'est certes pas excessive.

En conséquence, je vous remercie de bien vouloir suivre les conclusions de la majorité de la commission. 

Mme Janine Hagmann (L). Edgar Faure a dit, si j'ai bonne mémoire : «Ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent qui change de direction !»...

Alors, le vent ayant effectivement changé, une pétition, traitée en juin 1996, exactement sur le même sujet, revient devant vous, Mesdames et Messieurs les députés, mais, cette fois, la majorité ayant changé les rapports se croisent par rapport à 1996.

D'autre part, je vous rappelle que l'attention du Grand Conseil a déjà été retenue à quatre reprises depuis 1993, depuis que le DASS a décidé de supprimer la rétribution concernant l'ensemble des stages de la profession de la santé, tout cela dans un but d'harmonisation.

Chez nous le système de formation scolaire fonctionne sans présalaire. La formation des écoles de santé, dont la répartition entre la théorie et la pratique donne entièrement satisfaction, suit cet axiome. Le problème réside dans le fait, Madame la rapporteuse, qu'en créant un précédent on ouvre une brèche et qu'il faudra alors revenir sur le statut de nombreuses formations concernées, je pense par exemple aux infirmières, aux sages-femmes et à bien d'autres encore !

Je pense aussi à tous les changements qui sont intervenus ces derniers temps, comme, par exemple, dans la formation des enseignants. Vous savez très bien que la rémunération des stages des futurs enseignants primaires et secondaires a été supprimée, alors que la longueur des stages, elle, a été allongée. En devenant étudiants, les futurs enseignants ont perdu leurs droits aux indemnités de stage !

Actuellement, le niveau de la formation des étudiants de l'Ecole de laborantins médicaux est de type tertiaire. Les étudiants sont considérés, c'est une évidence, comme des sujets en formation et non comme des forces de travail. Les avantages d'une formation d'étudiant, à long terme, sont incomparables, me semble-t-il, ne serait-ce que pour une question de reconnaissance euro-compatible des équivalences auxquelles chacun tient.

Votre rapport, Madame la rapporteuse, dit que la décision prise en 1996 n'était pas bonne : c'est vraiment un peu léger comme argumentaire ! Moi je vous demande de réfléchir autrement qu'à court terme et de ne pas oublier, Mesdames et Messieurs les députés, que les accès aux bourses et aux allocations d'études qui existent ne sont pas épuisés.

C'est pourquoi le groupe libéral préconisera le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. 

Mme Nelly Guichard (PDC). La problématique des rémunérations de stages a déjà occupé à plusieurs reprises ce parlement comme Mme Hagmann vous l'a déjà précisé et, plus particulièrement, la commission de l'enseignement supérieur, où il aurait du reste peut-être été judicieux de renvoyer cette pétition pour qu'elle soit reprise dans ce même contexte.

Sur le fond, je comprends parfaitement cette revendication et je la soutiens. Mais ce qui pose problème, c'est le statut d'étudiant, comme cela a aussi été dit.

Dans le cas particulier, il y a une formation sous forme de CFC pour les laborantins, qui suit naturellement toutes les règles de l'apprentissage, et il y a une formation en école : celle dont il est question ici, et, là, nous avons affaire à des étudiants. Ces étudiants reçoivent en principe une formation plus théorique, plus approfondie, plus académique aussi. C'est en tout cas les explications qui nous ont été données au sujet des infirmières et des sages-femmes à l'époque. Je trouve un peu curieux qu'un sujet aussi complexe soit traité sans même auditionner les départements concernés, je veux parler du département de l'instruction publique et du département de l'action sociale et de la santé... Curieux aussi qu'à partir d'une pétition des étudiants de l'Ecole des laborantins médicaux la commission propose une rémunération pour le Bon Secours sans avoir entendu les arguments de la direction de cette école...

Alors que nous nous acheminons vers la création d'une HES «social et santé» romande, les disparités d'un canton à l'autre sont encore plus choquantes que précédemment et, sur ce plan-là, nous pouvons vous rejoindre. Mais il faudra impérativement, dans ce contexte intercantonal trouver une voie commune, même si elle nécessite une rémunération des stages à Genève.

Notre groupe sera donc très attentif à ce que cette affaire soit bien suivie, lors des futures propositions au niveau intercantonal. Et, comme nous ne sommes pas d'accord, à la faveur de cette pétition, d'englober une entité à laquelle on n'a pas demandé son avis et que nous estimons que le problème doit impérativement être traité à la lumière de la future HES «social et santé», nous proposons également, comme le groupe libéral, le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre d'information, et nous nous opposerons à son renvoi au Conseil d'Etat.  

M. Jean-François Courvoisier (S). Il me semble relever du plus élémentaire bon sens d'accorder une rémunération à celles et ceux qui par leur travail rendent service à la communauté.

Or, il serait difficile sinon impossible aujourd'hui de se passer du travail effectué par les étudiants et étudiantes laborantins et laborantines de troisième année. Leur travail est généralement aussi efficace que celui de leurs collègues diplômés, et ils et elles méritent donc une indemnité. En troisième année ces étudiants et étudiantes travaillent huit heures par jour et les week-ends sont consacrés à la préparation de leurs cours. Il est donc difficile dans ces conditions d'effectuer un travail supplémentaire pour gagner de l'argent sans nuire à sa formation.

Bien que certains collègues pensent que si elle était acceptée cette revendication risquerait de s'étendre à d'autres professions de la santé, c'est pour nous une affaire de justice, même indépendamment de ce qui se passe dans les autres cantons pour les étudiants et étudiantes qui sont généralement mieux lotis.

C'est pourquoi, nous vous demandons de suivre l'avis de la majorité de la commission et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. 

M. Bernard Lescaze (R). Comme il n'y avait pas de radicaux le jour du vote en commission, nous tenons ici formellement à déclarer que le groupe radical suit les conclusions de la minorité, c'est-à-dire le dépôt de la pétition, pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées.

Il ne s'agit pas d'un problème de justice : tout le monde sait ce que sont des stages professionnels; il s'agit, en l'occurrence, de stages qui sont effectués durant la formation.

Il y a quatre ans, je siégeais à la commission lorsque ce problème a longuement été évoqué et de nombreuses auditions ont été effectuées. Et, en réalité, la lecture de ce rapport montre que les choses n'ont pas évolué : les arguments de part et d'autre sont les mêmes.

Cependant, un fait nouveau est apparu : c'est que la HES «social et santé», qui paraissait très éloignée il y a quatre ans, s'est singulièrement rapprochée maintenant, puisque l'on peut estimer raisonnablement qu'elle sera opérationnelle pour les professions de la santé d'ici deux ou trois ans, le rapport devant être déposé avant deux ans.

En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, il nous paraît nécessaire d'attendre et de ne pas décider de telles rémunérations qui, comme le dit très justement la rapporteuse, devraient ensuite être étendues à d'autres professions. Il s'agit tout de même de montants importants, et je rappelle que les étudiants et les étudiantes qui en ont réellement besoin ont accès aux allocations d'études. Le système de ces allocations est autrement plus généreux à Genève que dans les cantons de Vaud, du Jura et de Neuchâtel, qui sont cités dans cette pétition à propos des rémunérations de stages. Il n'y a donc pas de raisons objectives ni subjectives de changer d'avis par rapport à la décision qui a été prise il y a quatre ans.

De toute façon, le Conseil d'Etat sera libre de faire ce qu'il veut de cette pétition, lui qui dort sur un tas de motions, de résolutions et de pétitions, tel un pacha oriental sur ses coussins : cela ne fera qu'un coussin de plus ! Et je ne crois pas que cela empêchera les choses d'en rester là...

Ceux qui défendent ces étudiantes et ces étudiants feraient beaucoup mieux de demander l'accélération du projet de HES «social et santé» ! 

M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Derrière la pétition des étudiants de l'Ecole de laborantins médicaux, il y a quatre problèmes :

1) leur statut : certains sont des apprentis, d'autres sont des étudiants. Les élèves en question sont des étudiants : si aux allocations d'étude qui sont servies à certains d'entre eux, vous ajoutez des indemnités de stages, vous finirez par provoquer la demande du présalaire pour l'ensemble des étudiants;

2) le champ d'application : on ne peut pas limiter le débat aux étudiants de l'Ecole de laborantins médicaux. Il faut prendre en considération toute une série de formations pour toute une série de professions;

3) la coordination romande : elle a été mise en évidence par plusieurs d'entre vous. Elle est d'autant plus nécessaire que la HES «social et santé» va être mise en service prochainement;

4) les coûts : même si cette question a perdu un peu d'acuité, je dois vous rappeler que rétablir les indemnités de stages pour les seuls stagiaires des professions de la santé, c'est une dépense annuelle de 7 à 8 millions pour les Hôpitaux universitaires de Genève. 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais opposer les deux propositions qui ont été faites, à savoir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat ou son dépôt.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.