Séance du
jeudi 26 octobre 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
11e
session -
45e
séance
PL 8361
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1
1 Le plan N° 29012-511, dressé par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, le 1er septembre 1998, modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (création d'une zone 4B protégée avec abrogation de la zone de développement 3 à la rue de Chêne-Bougeries) est approuvé.
2 Les plans des zones annexées à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
1 Les bâtiments situés dans le périmètre de la zone 4B protégée et construits avant 1920 doivent être maintenus et ne peuvent être démolis que si leur coût de rénovation est totalement disproportionné par rapport au coût d'une reconstruction à neuf. Vu leur intérêt historique, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement peut ordonner l'exécution de travaux de restauration et accorder, le cas échéant, des subventions à travers le Fonds cantonal des monuments, de la nature et des sites.
2 En cas de reconstruction d'un bâtiment, celle-ci doit être réalisée dans l'alignement des bâtiments existants, avec un gabarit et un nombre de niveaux identiques au bâtiment démoli.
Art. 3
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre du plan visé à l'article 1.
Art. 4
Un exemplaire du plan N° 29012-511 susvisé, certifié conforme par le président du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
Le présent projet de modification des limites de zones concerne le périmètre situé au nord de la rue de Chêne-Bougeries entre le chemin De-La- Montagne, le chemin du Pont-de-Ville et la place des Trois-Martyrs (feuille N° 14 du cadastre de la commune de Chêne-Bougeries).
Il fait suite à la motion 1174 déposée par le Grand Conseil en vertu de l'article 15A de la loi d'application de la fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (ci-après : LaLAT) et à la modification récente de l'article 16 de celle-ci.
Un projet de loi et un exposé des motifs étaient annexés à la motion 1174. Sous réserve de modifications rédactionnelles mineures, c'est textuellement ce projet de loi qui est présenté avec son exposé des motifs, à savoir :
« Le 8 février 1991, le Grand Conseil approuvait une loi modifiant le régime des zones de construction de la commune de Chêne-Bougeries dans le but de préserver les immeubles bordant le côté sud de la rue de Chêne-Bougeries par l'abrogation de la zone de développement 3 qui était applicable à cet ensemble de bâtiments et en soumettant ceux-ci aux normes de la zone 4B protégée.
Malheureusement, cette décision bienvenue de protection du patrimoine, dont le bien-fondé peut être constaté sur place depuis qu'une grande partie des immeubles en cause a été rénovée, n'a pas été complétée d'une mesure identique pour les immeubles situés sur le côté nord de cette rue qui sont d'une qualité en tout point comparable à celle de leurs vis-à-vis. La plus grande partie de ces immeubles ont été construits à la même époque, c'est-à-dire au XVIIIe siècle et durant la première moitié du XIXe siècle. Il s'agit d'un ensemble d'immeubles cohérent, d'une grande qualité, comparable au Vieux-Carouge, et qui forment le dernier village-rue de notre canton encore préservé des atteintes apportées à d'autres ensembles comparables, tels que ceux de Versoix ou de Plan-les-Ouates.
Ces immeubles sont situés sur l'une des plus anciennes pénétrantes de Genève et il importe d'étendre la zone 4B protégée, créée en 1991, aux immeubles bordant le côté nord de la rue de Chêne-Bougeries situés à l'intérieur de l'îlot formé avec le chemin du Pont-de-Ville, afin de préserver cet ensemble bâti de grande qualité. La destruction d'un côté de la rue de Chêne-Bougeries dans le cadre d'un urbanistique passéiste des années soixante aurait la même conséquence dramatique que l'élargissement de la rue de Genève sur le territoire de la commune de Chêne-Bourg, où les bâtiments d'époque situés sur le côté sud de cette artère ont perdu toute leur signification avec la destruction des bâtiments qui leur faisaient vis-à-vis au profit d'une route aux dimensions monumentales bordées de grands buildings contemporains.
Il est d'autant plus urgent de procéder à l'adoption d'une mesure de protection des immeubles en cause que certains propriétaires continuent à tenter d'en démolir certains de manière illégale, après les avoir laissés volontairement à l'abandon dans le but de provoquer leur démolition. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit une véritable mesure de protection en spécifiant que les immeubles protégés ne peuvent être démolis que si leur coût de rénovation est totalement disproportionné par rapport au coût d'une reconstruction à neuf.
A noter que les structures verticales des immeubles délaissés, qui sont construites en pierre de taille, sont d'une parfaite solidité et seules les toitures et certaines structures horizontales en bois doivent être remplacées, ce qui peut se faire selon une technique qui a été parfaitement maîtrisée pour certains immeubles à Genève (comme dans d'autres villes), dont l'intérieur a même été totalement vidé en vue de procéder à la construction de plusieurs niveaux en sous-sol (voir immeubles place de Cornavin, immeuble Camoletti à la rue de la Corraterie, Hôtel de la Cigogne à la place Longemalle, certains immeubles au quai des Bergues, etc.). C'est dire que les immeubles en cause non seulement peuvent être sauvés, mais doivent l''être pour que la rue conserve son caractère homogène.
L'élargissement de la rue de Chêne-Bougeries, qui est une route cantonale, coûterait très cher et ne répond à aucun besoin, puisque le plan de circulation des Trois-Chênes a pour objectif de donner la priorité aux transports publics à la route de Chêne et son prolongement à travers Chêne-Bougeries et Chêne-Bourg, en déviant la circulation automobile sur la route Blanche et la route de Malagnou. Grâce à la mise en place de feux préférentiels, le tram 12 ne connaît plus d'entraves importantes et le maintien du gabarit routier actuel de la traversée de Chêne-Bougeries évitera, d'une part un accroissement de circulation dans cette agglomération et permettra, d'autre part, d'éviter une dégradation de la qualité de vie et des entraves au bon fonctionnement des transports publics ».
Position du Conseil d'Etat
Priorité aux transports publics
L'aménagement du goulet de Chêne-Bougeries, tout comme celui de Chêne-Bourg, révèle des intérêts opposés, à savoir : l'intérêt public à la sauvegarde du patrimoine et l'intérêt également public à l'amélioration de la circulation et au développement d'un réseau de transports publics efficace. Le Conseil d'Etat s'est prononcé en faveur d'un élargissement de la rue de Chêne-Bougeries, permettant la création de deux voies de tram en site protégé.
En effet, la qualité architecturale des bâtiments du côté nord de la rue n'a pas été jugée comme étant particulièrement digne de protection par les organismes consultés. De plus, les bâtiments du goulet ont déjà fait l'objet de modifications importantes car l'alignement des façades, qui constituent le côté sud de la rue, a été reculé vers 1876 afin de ménager les emprises nécessaires à la création, à l'époque, de la ligne de tramway. Enfin, lors de la votation municipale du 22 septembre 1996, la population de la commune de Chêne-Bourg a accepté l'élargissement du goulet de Chêne-Bourg, permettant ainsi la réalisation de deux voies de tram en site protégé à cet endroit. Le Conseil d'Etat entend maintenant terminer l'amélioration du réseau de tram sur les communes chênoises. Les bâtiments du côté nord de la rue, au classement duquel le Conseil d'Etat a d'ailleurs renoncé par arrêté du 4 novembre 1998, ne pourront donc pas être maintenus.
Un aménagement de qualité pour les futures constructions
Pour déterminer le futur aménagement du côté nord de la rue de Chêne-Bougeries, l'Etat de Genève et la commune de Chêne-Bougeries ont organisé un concours en 1996. Le projet qui en est issu est réalisable par étapes et reconnaît les tracés historiques ainsi que la volumétrie compatible avec les immeubles anciens. Sur cette base et à l'initiative de la commune, un projet de plan localisé de quartier a été élaboré accompagné d'un projet d'aménagement de la rue de Chêne-Bougeries au niveau du goulet. Le Conseil administratif a transmis au Conseil d'Etat une résolution du Conseil municipal, prise en date du 18 juin 1998, demandant la mise à l'enquête publique du projet de plan localisé de quartier.
Malgré ces démarches, le Grand Conseil a demandé au Conseil d'Etat, le 5 décembre 1997, par voie de motion, d'ouvrir une procédure en vue de la création d'une zone 4B protégée. Le 5 novembre 1998, le Grand Conseil a pris acte du rapport du Conseil d'Etat (M 1174 - A) sur cette motion.
Par ailleurs, en date du 13 juin 1997, l'association Action Patrimoine Vivant a adressé au Conseil d'Etat un courrier demandant le classement de l'ensemble des bâtiments construits avant 1920, situés de part et d'autre de la rue de Chêne-Bougeries et de la rue du Vieux-Chêne, entre la place du Colonel-Audéoud et la Seymaz.
Favoriser une vision d'ensemble et un débat démocratique clair
Pour la clarté du débat démocratique, les différentes options d'aménagement souhaitées par la commune ou par le Grand Conseil ont fait l'objet d'une présentation et d'une enquête publique simultanées.
C'est pourquoi l'enquête publique relative à la création d'une zone 4B protégée avec abrogation de la zone de développement 3, plan No 29012-511, a été ouverte simultanément à celles relatives au projet de plan localisé de quartier No 28985-511 et à l'aménagement de la rue de Chêne-Bougeries (R.C. 2), tronçon chemin De-La-Montagne, place des Trois-Martyrs et création d'un site protégé pour le tram, plan No 02-602-A. Ce dernier projet était accompagné du rapport d'enquête préliminaire d'impact sur l'environnement. Ces enquêtes ont eu lieu du 16 novembre au 16 décembre 1998.
Simultanément à l'ouverture des enquêtes publiques, le Conseil d'Etat a publié son arrêté rejetant la demande de classement des bâtiments situés de part et d'autre de la rue de Chêne-Bougeries et de la rue du Vieux-Chêne, entre la place Audéoud et la Seymaz. Le Tribunal administratif a été saisi le 4 novembre 1998 d'un recours formé par Action Patrimoine Vivant contre l'arrêté du Conseil d'Etat.
Dans le cadre de l'enquête publique relative à l'avant-projet de loi de création d'une zone 4B protégée, trois propriétaires ainsi que les associations suivantes ont émis des observations : la Fondation communale pour l'aménagement de Chêne-Bougeries, l'Association des habitants des Trois-Chêne, l'Association Pro-Ermitage, l'Association des promoteurs constructeurs genevois, Association de sauvegarde du Vieux-Carouge (Le Boulet), ATE-Genève, ASPIC, l'Action Patrimoine Vivant et l'Association Stop Smog. Le Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL) a répondu à toutes les observations reçues.
Le DAEL a, conformément à l'article 15A, alinéa 2, de la LaLAT, soumis l'avant projet de loi à la Commission cantonale d'urbanisme.
La Commission d'urbanisme a conclu au rejet de l'avant projet de loi en estimant qu'il est inapproprié par rapport au but poursuivi, mais surtout que le caractère de cet ensemble de bâtiments est essentiellement urbain et non villageois. Elle apporte son soutien au projet de plan localisé de quartier initié par la commune et issu du concours, tant au niveau de la reconnaissance des tracés historiques que de la volumétrie compatible avec les immeubles anciens.
Elle signale à ce sujet que l'alignement des façades qui constituent le côté sud du goulet a été reculé vers 1876 afin de ménager les emprises nécessaires à la création de la ligne du tramway et estime que le projet de plan localisé de quartier s'inscrit dans le même type d'intervention territoriale.
Elle approuve par ailleurs les principes du projet d'aménagement routier qui permet d'améliorer considérablement la qualité des transports publics et de maintenir la mixité des modes de déplacement dans la rue de Chêne-Bougeries, renforçant ainsi son rôle dans son contexte urbain en plus de sa fonction d'artère importante reliant Genève à Annemasse.
Dès l'ouverture de l'enquête publique, le DAEL a transmis le projet à la commune de Chêne-Bougeries pour qu'il soit porté à l'ordre du jour du conseil municipal. Les observations reçues ont été transmises à la commune à l'issue de l'enquête publique.
La Commission d'aménagement du conseil municipal a émis un préavis défavorable à ce projet de loi après avoir examiné toutes les observations et oppositions reçues ainsi que les réponses formulées, et après avoir reçu les groupements qui l'avaient demandé. Lors de sa séance du 25 mars 1999 et sur proposition du Conseil administratif, le conseil municipal a préavisé défavorablement ce projet par 14 oui, 4 non et 2 abstentions.
Au vu du préavis défavorable de la commune qui rejoint le préavis, également défavorable, de la Commission cantonale d'urbanisme et en vertu de l'article 16, alinéa 4 LaLAT, le Conseil d'Etat a auditionné le Conseil administratif de la commune. Celui-ci manifeste son opposition au présent projet de loi et rappelle qu'il sollicite l'ouverture de la procédure d'adoption du plan localisé de quartier issu du concours d'aménagement, conformément à l'article 5A, alinéa 2 de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 (LGZD).
Le présent projet de loi, en vue de la création d'une zone 4B protégée avec abrogation de la zone de développement 3, est déposé au Grand Conseil simultanément au projet de loi approuvant l'aménagement de la rue de Chêne-Bougeries (R.C. 2) destiné à la création d'un site protégé pour le tram et déclarant d'utilité publique cet aménagement. Ce dernier est étroitement lié à la réalisation du projet de plan localisé de quartier N° 28985-511, initié par la commune de Chêne-Bougeries. Or, cet aménagement du goulet de Chêne-Bougeries, souhaité par la commune et le Conseil d'Etat et préavisé favorablement par la Commission cantonale d'urbanisme, ne pourrait se réaliser que si le Grand Conseil refuse le présent projet de loi.
En conséquence et au vu de ces explications, le Conseil d'Etat vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton sans débat de préconsultation.