Séance du
jeudi 26 octobre 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
11e
session -
45e
séance
IU 925
Mme Jacqueline Cogne (S). Mon interpellation s'adresse à Mme Martine Brunschwig Graf, en charge du département de l'instruction publique.
Vous avez, sans doute, tous lu, Mesdames et Messieurs, l'article paru dans le «Temps» du jeudi 12 octobre dernier, concernant l'histoire de la famille Gomes. Vous avez pu vous rendre compte, Madame, qu'un enfant a été enlevé à ses parents pendant deux jours par un de vos services, d'une façon ressentie comme extrêmement brutale, cela surtout par manque de dialogue. Je pense inutile de vous rappeler les faits.
Cela dit, j'en viens à cette interpellation d'un député portugais à son gouvernement à Lisbonne, faite ces jours-ci, dont je vais vous citer un court extrait, car j'en ai reçu le fax. Je vous préviens, il est très dur avec nous. Il dit entre autres : «Une étude du Fonds national suisse montre que la forte augmentation du nombre d'enfants étrangers dans les classes spécialisées durant les vingt dernières années ne se justifie pas seulement par l'augmentation de l'émigration, par les insuffisances linguistiques, par les différences culturelles ou par les faiblesses individuelles. Selon ladite étude du FNS, elle s'explique aussi par le fait que les enfants d'émigrés, avec le même niveau de capacité et d'intelligence que les enfants suisses, sont en général sous-évalués par de nombreux professeurs, ce qui a une influence négative sur leurs résultats scolaires.»
Ce député dit aussi : «Selon Manuel de Melo, en 1999, dans le canton de Genève, parmi les mille enfants fréquentant les classes spécialisées, 18% étaient Portugais. Dans son communiqué, le conseiller du Conseil des communautés portugaises en Suisse souligne que, dans la majorité des cas, il s'agit d'enfants possédant les capacités requises pour fréquenter des écoles normales, mais qui sont en train d'être détruits par les services médico-pédagogiques suisses, lesquels prennent des décisions arbitraires et utilisent ces enfants en tant que cobayes pour des expériences de pédagogie compensatoire au caractère douteux.»
Après d'autres observations que je ne vous citerai pas, ce député conclut : «Aussi, à l'abri des dispositions légales et réglementaires, je sollicite du gouvernement, par l'intermédiaire du Ministère de l'éducation, les éclaircissements suivants :
»Premièrement, est-ce que le Ministère de l'éducation a connaissance de cette situation ?
»Deuxièmement, quelles mesures va-t-il prendre pour colmater ces situations ?» Et c'est signé : «Le député Carlos Luis».
A la suite de cette interpellation et de la prise de conscience de Manuel de Melo - qui, en plus d'être membre du Conseil des communautés portugaises, travaille au consulat du Portugal ici, à Genève - vos services vont être sollicités, ou le sont peut-être déjà, pour rencontrer des représentants du consulat, ceci afin d'avoir des éclaircissements sur cette affaire. Par ailleurs, la télévision portugaise s'est déjà saisie de l'affaire.
Mes questions sont les suivantes : sachant qu'un dialogue doit absolument être instauré avec la communauté portugaise, entre autres, qui de votre département les rencontrera ? Pouvons-nous en être tenus informés officiellement ?
J'ai également sous les yeux un article de la «Tribune» ...
Le président. Désolé, Madame, il faut poser votre question, car vous avez épuisé votre temps de parole !
Mme Jacqueline Cogne. Je fais vite ! En janvier 1996, à la suite d'une triste affaire, vous avez déclaré, Madame la présidente, attendre les conclusions du rapport que vous aviez demandé sur le fonctionnement et les besoins de deux services : protection de la jeunesse et tuteur général. Pouvons-nous avoir connaissance de ce rapport ? J'ai une autre question sur le même sujet, à laquelle je n'ai pas trouvé la réponse, car cela date de la précédente législature : quid de la commission d'éthique qui devait être mise sur pied à l'époque ?
Enfin, je terminerai par ce qui est à la fois une constatation et une question toute personnelle. Vous connaissez mon attachement au principe de la médiation. La journaliste du «Temps» l'a parfaitement souligné : pourquoi n'envisageriez-vous pas d'engager un médiateur culturel, qui ferait le lien entre ces familles modestes ne parlant pas notre langue, souvent analphabètes, et vos services ? Nous éviterions ainsi bien des souffrances inutiles et des drames, tel que celui qui s'est passé avec la famille Gomes. De plus, nous y gagnerions en notoriété auprès de pays qui voient la Suisse, je cite, «comme un pays ségrégationniste qui veut exclure les étrangers de la formation de haut niveau pour en faire de la main-d'oeuvre bon marché» !