Séance du vendredi 22 septembre 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 10e session - 44e séance

PL 7913-A
7. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (faculté donnée aux communes d'accorder le droit de vote aux étrangers). ( -) PL7913
Mémorial 1998 : Projet, 6496. Renvoi en commission, 6525.
Rapport de majorité de M. Antonio Hodgers (Ve), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de première minorité de M. Jacques Béné (L), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil
Rapport de seconde minorité de M. Pierre Marti (DC), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur: M. Antonio Hodgers

La Commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil s'est réunie les 25 novembre 1998, 2 décembre 1998, 9 décembre 1998, 16 décembre 1998, 6 janvier 1999, 13 janvier 1999, 20 janvier 1999, 3 février 1999, 10 mars 1999, 14 avril 1999, 28 avril 1999, 12 mai 1999, 2 juin 1999, 29 septembre 1999, 16 juin 1999, 27 octobre 1999 et le 14 juin 2000, soit 17 séances, pour traiter du projet de loi 7913 déposé par le Conseil d'Etat en date du 5 octobre 1998. Les travaux se sont déroulés sous la présidence bienveillante de M. Pierre Vanek. M. Robert Cramer, conseiller d'Etat chargé du Département de l'intérieur, agriculture, environnement et énergie (DIAE) a participé à presque toutes ces séances. Dans leurs travaux, les commissaires ont été assistés par MM. Patrick Ascheri, chef du Service des votations et élections, et René Kronstein, directeur de l'Administration des communes, qu'ils soient remerciés pour leurs précieux conseils. Mes remerciements vont également à notre procès-verbaliste, Sandrine Baume, qui, en plus d'embellir notre austère salle de commission, a pris d'excellents procès-verbaux.

Table des matières

Préambule

I. La citoyenneté, l'intégration, l'étranger et ses droits

II. Le contexte politique

En Suisse

En Europe

L'Union européenne

Les nations d'Europe

3.  Dans le monde

b) Historique du débat à Genève

III. Travaux et débats de la commission

a) Les auditions

1. Les auditions d'information

Office cantonal de la population, 9 décembre 1998

Service des naturalisations, 16 décembre 1998

La déléguée aux affaires européennes, 6 janvier 1999

La Mission suisse auprès des organisations internationales, 13 janvier 1999

2. Les auditions d'opinion

MondialContact, Culture et Citoyenneté, 13 janvier 1999

Le Centre de contact Suisses-immigrés, 20 janvier 1999

L'Association J'y vis, J'y vote !, 3 février 1999

La Fondation pour l'intégration des immigrés (FINIM), 10 mars 1999

Compte-rendu du débat au Conseil municipal de Lancy, 20 mars 1997

La Communauté genevoise d'action syndicale, 28 avril 1999

L'Union des associations patronales genevoises, 12 mai 1999

b) Les débats politiques

Le débat de préconsultation

L'entrée en matière

La faculté accordée aux communes

Le droit d'éligibilité

Le critère de délai de séjour

Les droits des fonctionnaires internationaux

L'automaticité des droits

Le principe de réciprocité

Conditions précisées dans la Constitution

c) Quelques craintes… et leurs réponses !

« Ils n'ont qu'à se naturaliser… »

« Le vote des étrangers va profiter à la Gauche… »

« De toute façon, les étrangers ne veulent pas de droits politiques… »

d) Vote de la Commission

IV. Conclusion

V. Projet de loi

VI. Annexes

Préambule

S'il est un acte de l'actuel Conseil d'Etat qui fut courageux et original, mais dont on ne releva pas suffisamment l'importance, c'est bien le dépôt de ce projet de loi constitutionnelle permettant indirectement aux étrangers d'obtenir des droits politiques en matière communale. En effet, le gouvernement fut unanime à décider de cette démarche et pas moins de trois de ses membres (MM. Ramseyer, Lamprecht et Cramer) prirent la peine de l'exposer au public par le biais d'une conférence de presse. Répondant ainsi à la demande des parlements des jeunes et des résolutions communales, relayées par le Grand Conseil, le Conseil d'Etat démontra sa capacité d'écoute des entités municipales et, surtout, sa conviction que Genève se doit d'être une République ouverte sur l'Europe et le monde qui assume pleinement sa multiculturalité.

L'acte fut courageux, car le gouvernement n'ignore pas que l'acceptation d'une telle proposition par le peuple n'est pas gagnée d'avance. Nombreux furent les refus, parfois très catégoriques, que subit ce type de propositions dans notre canton ou ailleurs en Suisse. De plus, comme l'ont démontré les dernières élections fédérales, il est vrai que le contexte politique résultant de la situation économique et sociale tendue de ces dernières années n'est certainement pas le plus propice à accueillir une telle modification constitutionnelle. Malgré cela, considérant la demande de neuf communes

Vernier, Meyrin, Onex, Plan-les-Ouates, Bardonnex, Genève, Chancy, Versoix et Carouge.

Résultats au questionnaire soumis aux élus communaux et partis politiques, Service des votations et élections, 23.10.97, annexe 2.

Mesdames et Messieurs les députés, l'élargissement des droits politiques est un enjeu fondamental dans toute société démocratique, car ils sont un des ciments de celle-ci. Au fil des siècles, les Genevois ont refusé successivement, puis fini par accepter les droits politiques des catholiques, des pauvres et, enfin, des femmes. A chaque fois, les opposants avaient toutes sortes de bons arguments à faire valoir, mais finalement, une seule vérité s'est imposée : le droit de tout être humain à participer pleinement à la construction de la société dans laquelle il réside.

Le niveau d'élargissement des droits politiques de la population résidente est l'une des mesures du niveau de modernité des sociétés actuelles. Aujourd'hui, à l'aube d'un millénaire où les frontières nationales seront certainement appelées à s'effacer, nous sommes saisis de la possibilité de franchir une étape de plus. Ne la manquons pas.

I. La citoyenneté, l'intégration, l'étranger et ses droits

Une définition moderne de la notion de citoyenneté

Dans le nouvel ouvrage Pratiques citoyennes, distribué à tous les élèves du Cycle d'orientation en remplacement du traditionnel Mémento civique, la notion de citoyenneté est ainsi définie : « ensemble des moyens par lesquels chaque être humain, quel que soit son statut social et juridique, peut agir dans le sens qui lui convient, et avec les moyens de son choix, au sein de la société, pour la défendre ou la transformer, pour la soutenir telle qu'elle est ou pour la contester »

Pratiques citoyennes, De Cuolon P., Heimberg C., Thion F., Tschudi P.-A., Etat de Genève - DIP, Genève, 1999, p. 13.

La citoyenneté cesse d'être un état purement passif avec des droits potentiels (une qualité telle que la nationalité ou le droit de vote) mais devient un état actif (une activité telle que la participation à la vie publique). En ce sens, la citoyenneté n'existe que si on l'exerce. Dès lors, la pratique de la citoyenneté ne peut se réduire à l'exercice des droits politiques, même si ceux-ci en sont un élément important. Elle englobe toute une série d'activités beaucoup plus larges, comme l'engagement dans les domaines associatifs, le sport, la solidarité, la religion ou la culture.

L'étranger

Bien que dans le cadre du projet de loi qui nous occupe, l'étranger désigne clairement le résident non-possesseur d'un passeport suisse, il est intéressant d'élargir la réflexion du sens de ce mot au-delà du simple critère juridique.

La notion d'étranger fait appel à la notion d'altérité. Est étranger ce qui n'est pas nous, dans ce cas, Suisse. Au niveau communal, devrait être étranger celui qui n'est pas de la commune. Reste à définir celui qui est de la commune, lui appartenant, et celui qui ne l'est pas, l'étranger à la commune. Au niveau des droits politiques, les lois actuelles sont ainsi faites que ce n'est pas des critères de niveau communal qui déterminent ce seuil d'appartenance, mais un critère national : la nationalité. Ceux qui ont la nationalité suisse appartiennent politiquement à la commune et les autres pas. Dès lors, le cas suivant peut se produire (il se produit du reste souvent) : un ‘vrai étranger' à la commune, avec un passeport suisse, qui est installé depuis peu, fait partie de la vie politique de la municipalité, alors qu'un ‘vrai habitant' de la commune, sans passeport suisse, mais qui y est installé depuis plusieurs décennies, reste exclu des activités politiques locales. Cet état de fait, où le cercle de ceux qui font vivre la commune ne correspond pas à celui des bénéficiaires des droits politiques, crée à l'évidence un certain déficit démocratique.

La notion d'altérité nous pousse à nous interroger sur ce qu'est l'Autre, mais elle nous oblige aussi à définir le ‘nous', les Suisses. Toujours si l'on va plus loin qu'une simple réponse juridique qui définit le Suisse comme la personne qui en possède la nationalité, une série de questions peuvent être posées : peut-on réellement définir la culture suisse ? « Celle-ci n'est-elle pas un agglomérat de cultures partielles qui se combinent, se confrontent, et se négocient dans l'espace social, tout comme au sein même des individus ? »

Etrangers et droits politiques - L'exercice des droits politiques des étrangers dans les cantons de Neuchâtel et du Jura, Cueni A., Fleury S., Commission nationale suisse pour l'UNESCO, Berne, 1994, pp. 33-34.

Finalement, au niveau communal, ce n'est pas le fait d'être étranger ou non à la municipalité qui permet de bénéficier de droits politiques. Ce n'est non plus pas le fait d'être très différent ou pas des habitants de la commune qui définit ces droits. En réalité, « c'est moins le fait d'être différent qui crée l'exclusion que la nature de cette différence. Les différentes sortes de différences sont organisées et hiérarchisées au sein d'une échelle d'acceptabilité et de légitimité des altérités »

Ibid. , p. 36.

L'intégration, un processus d'apprentissage partagé

Tous les partis s'entendent pour dire qu'il faut favoriser l'intégration et considèrent donc celle-ci comme un processus positif. Cependant, la définition du terme diffère sensiblement selon les opinions.

Avant tout, il convient de différencier l'intégration de l'assimilation. Cette dernière, longtemps appliquée en matière de naturalisation, implique, pour l'étranger, un rejet de ses racines et de son identité culturelle. Une telle politique entraîne une frustration certaine de la part de l'intéressé, mais, surtout, une perte pour la diversité de notre société. Pour sa part, dans le même sens mais d'une manière plus nuancée, l'intégration est souvent considérée comme un « effort raisonnable » que doit faire l'étranger pour s'insérer dans la communauté locale. De notre avis, une telle définition est incomplète, car un réel processus d'intégration implique un effort des deux parties : celle qui est accueillie (les étrangers) et celle qui accueille (les Suisses). L'intégration est donc « un processus d'apprentissage permanent qui engage et associe les ‘Etrangers' et la société de résidence »

Rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève, MondialContact, CCSI, Genève, août 2000, p. 5.

Les droits politiques des étrangers comme instrument d'intégration

Les étrangers de Genève, privés actuellement de tout droit politique au sens strict, bénéficient d'une série d'autres droits fondamentaux qui leur permettent, quand ils s'en servent, de prétendre être des citoyens, selon la définition exposée ci-dessus. En effet, les étrangers possèdent la liberté d'expression complète (depuis peu, puisque le Parlement fédéral a abrogé une loi la limitant l'année passée), la liberté de réunion et d'association, la possibilité de faire des pétitions et d'être reçus par les autorités, de former des partis politiques d'étrangers, d'adhérer à un parti politique suisse et à un syndicat, ainsi que de prendre des charges ecclésiastiques. L'octroi par les Suisses des droits politiques aux étrangers est non seulement un moyen d'enrichir par la diversité la démocratie de leur pays, mais aussi un moyen d'intégration sociale, processus indispensable à la stabilité d'une société composée d'une immigration étrangère importante. Même si cette intégration peut être considérée dans une certaine mesure comme assez bonne en regard d'autres exemples en Europe, elle est loin d'être parfaite et des problèmes sociaux liés à cet état des choses existent. De fait, comme démontré plus haut, accorder des droits politiques aux étrangers est un instrument supplémentaire qui permet d'approfondir et de développer considérablement une meilleure entente entre les nationaux et les résidants étrangers.

Cette analyse est d'ailleurs la principale conclusion d'un travail de recherche édité par la Commission nationale suisse pour l'UNESCO sur les expériences existantes en matière de droits politiques des étrangers dans notre pays : « … le droit de vote communal des étrangers […], ainsi que son élargissement, peut jouer le rôle de détonateur dans l'émergence d'une meilleure entente réciproque entre Suisses et étrangers. Ces derniers, se sentant davantage respectés pour leur contribution à la cité, sont encouragés à s'y engager davantage, à plus s'identifier et à augmenter leur fidélité à la société suisse. Face aux comportements favorables des étrangers vis-à-vis de la société suisse, témoignant de leurs efforts d'intégration, les Suisses peuvent, en réponse, améliorer leurs perceptions et leurs interactions avec les étrangers. Ces derniers deviennent alors de moins en moins identifiés comme étrangers »

Ibid. , p. 102.

II. Le contexte politique

a) Les droits politiques des étrangers

1. En Suisse

Comme pour tout élargissement de droits politiques, la Suisse abrite un cimetière de tentatives d'octroi de droits politiques aux étrangers refusées, soit par le peuple, soit par le parlement. Néanmoins, quelques progrès significatifs et encourageants, notamment à Genève, sont à relever. Une annexe

Etat de la question des droits politiques des étrangers, Service des votations et élections, 23.05.97, annexe 3.

La population du canton de Neuchâtel a refusé d'accorder le droit d'éligibilité au niveau communal en 1990. Dans le canton de Vaud, une initiative populaire visant à accorder droit de vote et d'éligibilité a été rejetée en 1992 par 71,6 % de votants. A Genève, deux initiatives populaires de ce type (l'une donnant des droits complets au niveau cantonal et l'autre ne demandant que le droit de vote à ce même niveau) ont été refusées par 71,3 % des votants en 1993. Même chose pour le canton de Fribourg où 76,17 % des votants ont refusé l'initiative en 1997.

A Zurich, une initiative populaire permettant aux communes d'accorder des droits politiques sur leurs territoires a été largement (74,5 %) refusée en 1993 et une initiative parlementaire visant à accorder des droits politiques aux étrangers en matière scolaire a été rejetée en 1995. A Bâle-Ville, 73,75 % des votants ont refusé une initiative populaire demandant uniquement le droit de vote (et non l'éligibilité) en matière communale et cantonale. Le peuple d'Uri en fit de même (84 %) avec une initiative populaire demandant des droits complets communaux et cantonaux. Le canton de Berne a rejeté en 1994 une initiative populaire demandant des droits complets pour les étrangers au niveau cantonal (77,6 % de non) et son contre-projet du parlement demandant que les communes puissent accorder ces droits à leur niveau (60,5 % de non).

Dans le canton d'Argovie, en 1996, les citoyens ont rejeté à 84,55 % une initiative populaire demandant le droit de vote et d'éligibilité en matière communale. En Appenzell Rhodes-Extérieures, entre 1996 et 1998, deux communes ont refusé d'accorder des droits politiques aux étrangers établis sur leurs territoires. Dans le canton du Jura, une extension des droits politiques des étrangers (éligibilité dans les conseils généraux et exécutifs) votée par le parlement se fit attaquer en référendum. Elle fut finalement rejetée par 52,6 % des votants en 1996. Le canton de Soleure a refusé une initiative populaire visant à donner des droits politiques cantonaux aux étrangers en 1997.

Les parlements des cantons de Nidwald, Zoug, Bâle-Campagne, Saint-Gall, Argovie et Valais ont rejeté des motions demandant d'accorder des droits politiques aux étrangers.

Malgré ces échecs, trois cantons suisses offrent, directement ou indirectement, des droits politiques aux étrangers. Le cas le plus frappant est celui de Neuchâtel, puisque ce canton permet aux étrangers de voter en matière communale depuis 1849 ! Jusqu'en 1988, ils pouvaient même être élus à ce niveau. Le canton du Jura offre, depuis sa constitution, le droit de vote aux étrangers aux niveaux communal et cantonal, sauf en ce qui concerne la matière constitutionnelle. Il y a plus d'un an, le Parlement cantonal a donné la possibilité aux parlements municipaux d'introduire le droit d'éligibilité. Cette option a largement été plébiscitée par les populations de Delémont et de Porrentruy puisqu'en mars de cette année, elles ont accepté cette modification du règlement de leurs conseils généraux. Le dernier cas est celui d'Appenzell Rhodes-Extérieures qui, en 1995, par une révision totale de sa Constitution, a introduit la possibilité pour les communes d'accorder le droit de vote aux étrangers. Deux communes ont tenté sans succès d'introduire ces droits, mais tout récemment, la petite commune de Wald l'a accepté par 71 % de vote favorable. Cette commune entre ainsi dans l'histoire suisse puisqu'elle est la première entité administrative du pays à introduire des droits politiques pour les étrangers dans le cadre d'une votation populaire concernant uniquement ce sujet. De plus, il est aussi important de rappeler que plusieurs cantons offrent aux étrangers des droits politiques en matière ecclésiastique ou paroissiale et la possibilité d'être élus dans les tribunaux des prud'hommes, comme Genève récemment.

Le nombre d'échecs de ce type de proposition en votation populaire est souvent un argument de la minorité pour refuser le présent projet de loi. Certes, nous ne prétendons pas que c'est une proposition évidente pour le souverain genevois, mais plusieurs signes politiques positifs existent :

Après des refus tout le long du siècle, les Genevois ont fini il y a peu par accepter l'éligibilité des fonctionnaires.

Plus récemment, ils ont encore largement plébiscité une réforme de la loi concernant les juges prud'hommes permettant aux étrangers d'y être élus, alors qu'ils avaient refusé cette proposition six ans auparavant.

La série de résolutions envoyées au Conseil d'Etat par les communes, la plupart ayant une majorité de droite, est également un élément qui montre qu'une certaine maturité en la matière a été acquise par un grand nombre de Genevois.

Un peu partout en Suisse romande, malgré les échecs populaires, les autorités cantonales réfléchissent à octroyer ou élargir les droits politiques des étrangers. Dans le cadre de la révision complète de leurs constitutions, les cantons de Vaud et de Fribourg pensent introduire des droits politiques pour les étrangers au niveau communal. Dans le canton de Neuchâtel, des débats sont en cours afin que les étrangers puissent obtenir le droit de vote au niveau cantonal.

2. En Europe

L'Union européenne

Les commissaires ont pu bénéficier d'un exposé très complet en ce qui concerne les droits politiques pour les citoyens de l'Union européenne résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas la nationalité par Mme Marie-Hélène Dubouloz, déléguée aux affaires européennes. Une note retraçant l'essentiel de cet exposé a été rédigée à cet effet

Point de la situation des droits politiques des résidents communautaires au sein de l'Union européenne, note de la Direction des affaires extérieures, 6.1.98, DEEE, annexe 4.

Avant d'entamer cette présentation, il convient de souligner que l'Europe est engagée dans un processus d'intégration approfondi et l'émergence d'une citoyenneté européenne complète est, à terme, l'objectif final. Dès lors, on ne parle pas de droits politiques des étrangers, car un pays membre ne considère plus les ressortissants d'un autre pays membre comme ‘étrangers', mais bien comme citoyens européens. Genève se trouve dans une autre approche : elle ne désire pas accorder des droits politiques aux étrangers par réciprocité de droits entre Etats dans le cadre de la construction d'une citoyenneté commune, mais pour répondre à une réalité migratoire qui lui est toute particulière et qu'elle doit gérer au mieux. Cependant, il est évident que l'exemple européen représente un intérêt évident pour nos travaux, car comme le projet genevois, il vise une meilleure intégration des résidants non-nationaux.

Le Traité de l'Union européenne prévoit à son article 8 B le droit pour les ressortissants d'un pays de l'Union de pouvoir, s'il réside dans un autre pays de l'Union, bénéficier des droits politiques complets au niveau communal. Les modalités d'application de cette loi sont transcrites dans la directive 94/80/CE du Conseil.

La directive ne cherche pas à harmoniser les systèmes électoraux des Etats membres, mais à introduire des règles de base afin que tous les ressortissants de l'Union aient les mêmes droits que les nationaux en matière de politique communale dans tous les pays membres. Chaque Etat membre garde néanmoins ses dispositions propres quant au système régissant cette politique. Le critère de durée de résidence pour obtenir des droits politiques est lié à la durée des mandats électoraux. Celle-ci ne peut dépasser la durée d'un mandat pour le droit de vote et le double pour le droit d'éligibilité. Comme pour les nationaux, les communautaires doivent s'inscrire sur le rôle électoral. Les Etats membres peuvent restreindre ces droits en ce qui concerne les exécutifs communaux (ce qui est le cas de la France), ainsi que dans l'éventualité que les ressortissants communautaires sur une commune forment plus de 20 % de sa population. La Belgique connaît un régime particulier, elle peut imposer une période minimale supplémentaire. Il faut encore noter que le double vote (dans sa commune d'origine et dans sa commune de résidence) n'est pas proscrit par la directive.

Actuellement, tous les Etats membres, sauf la Belgique, ont transposé la directive dans leurs droits nationaux. Les cas recensés depuis 1995 (Allemagne, Italie, Finlande, Royaume-Uni et Autriche), date de la première élection sur la base de la directive, montre que la participation des non-nationaux est bonne mais néanmoins en dessous des nationaux.

Il est évident que lorsque la Suisse adhérera à l'Union européenne, elle devra intégrer cette directive dans sa législation interne. C'est également pour cela que les députés de la majorité proposent une modalité de droits politiques pour les étrangers à Genève qui est compatible avec ces obligations futures.

Les nations d'Europe

En dehors de la disposition européenne précitée, plusieurs pays européens accordent, de manière nationale et hors du cadre de l'Union européenne, des droits politiques aux étrangers. Ici également, il est fait référence à la note du service des votations et élections

Etat de la question des droits politiques des étrangers, op. cit. , annexe 3.

http://www.europa.eu.int. Voir annexe 5 pour le tableau.

http://users.skynet.be/suffrage-universel/

La Suède, l'Italie, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande, l'Irlande et Malte accordent de manière générale le droit de vote en matière communale aux étrangers établis depuis un certain temps, de six mois à cinq ans. L'Islande et la Grande-Bretagne (pour le Commonwealth) et le Portugal (pour ses anciennes colonies) le font également, mais seulement aux ressortissants de certains Etats. L'Espagne accorde des droits politiques aux ressortissants étrangers dont les Etats font de même (la réciprocité). La Slovénie accorde aux étrangers la possibilité de voter, mais pas d'être élu, pour le Conseil national représentant les catégories professionnelles. L'Assemblée nationale française est saisie d'une proposition de la majorité permettant aux étrangers non communautaires de participer politiquement aux élections municipales de 2001. La Belgique, l'Allemagne et le Luxembourg débattent également de ce sujet au niveau national.

Depuis une décennie, la Suisse débat très fréquemment des droits politiques des étrangers. Son système politique décentralisé a pour conséquence de laisser aux cantons la responsabilité de cette problématique ce qui entraîne une multiplication des débats à l'intérieur du pays. Avec le présent projet de loi, Genève a aujourd'hui l'opportunité de montrer qu'elle est réellement prête à rentrer dans l'Europe en rendant sa Constitution euro-compatible et qu'elle ne reste pas en marge de l'évolution des sociétés qui, de plus en plus, tendent à élargir les droits politiques en fonction du critère de résidence. L'ouverture d'esprit de Genève à cet égard peut montrer à l'Europe et au monde que la politique suisse n'est pas uniquement dominée par le repli et la peur de l'étranger et ainsi tenter d'effacer l'image d'un pays arriéré et conservateur dans lequel, il y a à peine dix ans, certaines Suissesses n'avaient pas de droits politiques complets.

3. Dans le monde

Sans rentrer dans le détail, et de manière non exhaustive, nous pouvons également évoquer plusieurs pays en dehors d'Europe qui offrent des droits politiques communaux aux étrangers résidants sur leur territoire ou qui débattent de la question.

Aux Etats-Unis, certaines municipalités ont permis aux étrangers résidant sur leur territoire de participer à la vie politique de la commune, mais aux niveaux des Etats, le débat n'avance pas encore. Au Japon, le Tribunal suprême a récemment relancé le débat en publiant une interprétation de la Constitution qui permet, si l'autorité politique le décide, d'accorder des droits politiques aux étrangers. Il existe environ mille municipalités à travers l'île qui ont adopté une résolution pour que les étrangers puissent voter. Le Canada permet aux sujets britanniques de voter après un an de résidence et facilite la naturalisation pour les membres du Commonwealth.

En Afrique, le Gabon accorde des droits politiques aux étrangers sous certaines conditions depuis 1986 et la Guinée également sous condition de réciprocité.

Un élément qu'il est important de garder à l'esprit lorsque l'on compare la politique à l'égard des étrangers d'autres pays à celle de la Suisse est celui de la naturalisation. La nationalité suisse reste l'une des plus difficiles à obtenir tant au niveau du délai (12 ans) que de la procédure (beaucoup de frais et d'enquêtes). Ceci a pour conséquence directe d'augmenter, de manière relative, le pourcentage d'étrangers dans notre pays.

b) Historique du débat à Genève

En mars 1996, le Parlement des Jeunes de Meyrin, sur la proposition d'un de ses membres d'origine espagnole

Les Parlements des Jeunes accueillent les membres uniquement en fonction des critères de tranche d'âge et de résidence. Les jeunes étrangers peuvent donc y participer pleinement avec droit de vote et d'éligibilité.

En avril 1996, des conseillers municipaux meyrinois déposent une résolution demandant au Grand Conseil de permettre aux communes d'octroyer le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers résidants depuis plus de 10 ans. Une commission ad hoc, composée de presque tous les membres du Conseil, est formée pour discuter de la question.

Parallèlement, durant une période allant du mois d'avril 1996 au mois de mars 1997, les Parlements des Jeunes de Vernier, Onex, Carouge, Versoix et de la Ville de Genève adoptent tous à l'unanimité une résolution demandant à leur conseils municipaux respectifs de réaliser la même démarche qu'à Meyrin.

Le 18 juin 1996, le Conseil municipal de Vernier adopte ladite résolution sur les droits politiques des étrangers. Le 14 janvier 1997, le Conseil municipal de Meyrin adopte également cette résolution.

Le 4 février 1997, la députée Fabienne Bugnon dépose une motion demandant au Conseil d'Etat quelle suite il entend donner aux résolutions communales.

La commune d'Onex adopte elle aussi la résolution le 4 février 1997, la commune de Plan-les-Ouates le 24 février 1997, Bardonnex le 15 avril 1997, la Ville de Genève le 7 mai 1997, Versoix le 12 mai 1997, Chancy le 23 septembre 1997 et Carouge le 5 février 1998.

Les communes de Troinex, Bernex et Lancy ont refusé la résolution.

Dès septembre 1997, un comité informel se constitue pour discuter de la meilleure façon de donner suite à ce projet pour Genève. Ce comité informel est constitué des représentants des Parlements des Jeunes, des jeunesses de parti, de députés, de conseillers municipaux et d'associations actives dans le domaine des étrangers (notamment le Centre de contact Suisses-immigrés et MondialContact). Ce groupe donnera naissance à l'association J'y vis, J'y vote !, dont le double objectif est de promouvoir les droits politiques des étrangers ainsi que la pratique citoyenne auprès des jeunes.

Le 1er octobre 1998, le Conseil d'Etat dépose un projet de loi (PL 7913) donnant la faculté aux communes d'octroyer le droit de vote aux étrangers. La Commission des droits politiques s'en est saisi le 25 novembre 1998 et a fini ses travaux le 27 octobre 1999.

La genèse du débat ayant mené le Grand Conseil à devoir se prononcer aujourd'hui sur une modification de la Constitution afin d'accorder des droits politiques communaux aux étrangers est intéressante à plusieurs égards.

Premièrement, elle montre que l'intérêt pour ce sujet est clairement issu de la base, c'est-à-dire du niveau communal, et que celui-ci n'a ni été parachuté par les instances politiques cantonales, ni initié par les forces politiques et associatives qui défendent traditionnellement les étrangers.

Deuxièmement, le consensus de la classe politique dans une majorité des communes qui ont voté la résolution montre que - même si le Grand Conseil est actuellement dans cette situation - le débat sur le sujet ne se réduit pas simplement en termes Gauche/Droite

Par exemple, dans la commune d'Onex, c'est le groupe libéral qui a fait la proposition de la résolution. A Lancy, cette même résolution n'a pas obtenu une majorité à cause du vote négatif d'un élu socialiste.

Troisièmement, l'aboutissement en votation populaire d'une idée lancée par les Parlements des Jeunes montre que, par effet boule de neige, les mécanismes de notre démocratie fonctionnent parfois très bien. Ceci pourrait certainement inciter les jeunes, qui verraient ainsi leurs demandes prisent en considération, à davantage d'engagement citoyen.

En votant ce projet de loi constitutionnelle, la majorité parlementaire est persuadée qu'elle répond non seulement à ses principes mais également à une très large volonté d'aller de l'avant en matière de droits politiques des étrangers, exprimée notamment par les jeunes, les communes et le gouvernement.

III. Travaux et débats de la commission

La Commission des droits politiques a tenu à faire un travail de fond sur un sujet qui ne pose pourtant aucune difficulté technique. C'est pourquoi elle y a consacré 17 séances de commission qui sont ici synthétisées à votre attention.

a) Les auditions

1. Les auditions d'information

MM. Claude Albrecht et Yves Rausis, directeurs adjoints de l'Office cantonal de la population, 9 décembre 1998

Le projet de loi du Conseil d'Etat établi comme critère d'obtention du droit de vote par les étrangers qu'ils soient au bénéfice d'un permis d'établissement, autrement dit un permis C. Sur les 151 236 étrangers qui résident à Genève, 101 701 (67 %) ont ce type de permis

Annuaire statistique du canton de Genève, Office cantonale de la statistique, 1999.

D'emblée, les auditionnés remarquent qu'aucune disposition légale n'indique après combien d'années et sous quelles conditions on octroie un permis d'établissement. D'ailleurs, la loi fédérale laisse une grande autonomie en la matière aux autorités cantonales. C'est un règlement d'application qui contient les dispositions de nature quantitative : un étranger doit résider au moins dix années de manière régulière et ininterrompue pour obtenir le permis C. Ce délai est raccourci à cinq ans pour les ressortissants d'Etats qui ont établi un accord d'établissement avec la Suisse

Il s'agit des Etats suivants : Allemagne, Andorre, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Monaco, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Saint-Marin, Suède et Vatican.

En règle générale, les années comptent dès l'entrée en Suisse et même si elles ont été passées sans permis B (saisonnier, réfugiés, etc.). Néanmoins, dans plusieurs cas, le décompte commence après l'obtention du permis B ce qui peut pousser l'obtention du permis C à quinze, voire vingt ans de résidence en Suisse (étudiants étrangers, requérants d'asile, enfants des fonctionnaires internationaux, etc.).

Genève emploie une certaine souplesse dans l'application de ce règlement. Par exemple, le canton donne automatiquement l'autorisation d'établissement à l'étranger dès qu'il remplit les critères de résidence alors dans d'autres cantons, l'administration réalise une enquête. Néanmoins, la possibilité d'une exclusion administrative existe en cas de comportement inadéquat - comme un étranger qui subit une expulsion judiciaire -, mal intégré, à la charge de l'assistance publique ou malade mental. Il est en outre important de souligner qu'il n'existe pas de directive d'application précisant ces critères et que leur appréciation est laissée au jugement des fonctionnaires de l'Office fédéral des étrangers. Néanmoins, à la connaissance de M. Rausis, aucun refus d'octroi d'un permis C n'a été formulé pour défaut d'intégration.

Plusieurs commissaires ont eu de vent d'étrangers qui remplissaient les conditions d'acquisition d'un permis d'établissement, notamment au niveau du délai de résidence, mais qui ne l'avaient pas reçu. A ce sujet, MM. Albrecht et Rausis estiment qu'il doit s'agir d'une infime proportion d'étrangers qui sont dans ce cas.

M. .

Plusieurs députés, notamment de l'Entente, lient le débat des droits politiques des étrangers à celui de la naturalisation. C'est pourquoi la commission a tenu à s'informer sur les procédures et les conditions que doivent suivrent et remplir les étrangers pour l'obtenir.

M. .

Plus précisément, l'étranger doit justifier de douze années de séjour en Suisse dont trois ans au cours des cinq années qui précèdent la date du dépôt de la demande.

M. Schoeni précise que les étrangers âgés de moins de vingt-cinq ans ne font l'objet que d'une décision administrative et ne sont pas soumis à la taxe de naturalisation. En outre, à Genève, les années passées en Suisse entre dix et vingt ans comptent double. En ce qui concerne les couples dont un conjoint est Suisse et l'autre étranger, ce dernier peut obtenir la nationalité après cinq ans de résidence en Suisse, dont trois ans de vie commune. Les enfants nés d'un des deux parents suisses obtiennent automatiquement la nationalité.

Si le critère d'obtention des droits politiques par l'étranger était lié à une durée de résidence, certains commissaires ont émis la préoccupation que celle-ci soit difficile à déterminer dans certains cas. A ce sujet, M. Schoeni mentionne que différents documents inscrivent la durée de résidence. Pour tous les étrangers, les certificats de séjour sont à l'Office cantonal de la population. De plus, il est possible d'additionner ces durées à celles réalisées dans d'autres cantons. M. Schoeni ne voit donc aucun problème technique au contrôle de la date d'entrée en Suisse des étrangers.

Au moment de l'audition, le service comptait avec 5500 à 6000 demandes de naturalisation en tout. En 1997, 1560 personnes ont été naturalisées et en 1998, environ 2700. En chiffres purs, Genève est le canton qui naturalise le plus, après Zurich. Les frais actuels liés à la naturalisation sont composés d'un émolument de 550 F et d'une taxe d'admission qui est calculée en fonction du revenu et de la fortune avec un plafond à 100 000 F

Exemples : Avec un revenu net de 69 000 F, la taxe est de 5435 F. Avec 226 000 F, la taxe est de 33 000 F. Avec 1 000 000 F, la taxe devrait être de 172 000 F, mais elle est plafonnée à 100 000 F.

M. Cramer, conseiller d'Etat, fait remarquer que la procédure utilisée à Genève concernant la naturalisation est exceptionnelle, comparativement aux autres cantons suisses. Dans notre république, l'interprétation de la loi fédérale est tirée au maximum. Par exemple, dans le canton de Vaud, les dossiers de naturalisation sont traités par le Grand Conseil avec 20 % à 30 % de refus. A Genève, les motifs de refus sont : ne pas parler le français, chercher à frauder au sujet de sa situation financière, avoir un passé délictuel récent, pratiquer une religion sectaire ou encore manifester des signes de non-intégration évidents. Le taux de refus à Genève ne se monte pas au-dessus de 1 %.

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Les forces politiques de notre République sont quasi unanimes à soutenir l'entrée de la Suisse à l'Union européenne. Cette éventuelle adhésion impliquerait, entre autres, que les ressortissants des pays membres obtiennent des droits politiques chez nous. Afin de mieux cerner le cas européen, les commissaires ont souhaité connaître la façon dont les pays européens ont traité le problème et quelle a été la procédure dans l'adoption de la législation. L'exposé de Mme Dubouloz a intégralement été repris antérieurement dans ce rapport (point II.a.2). Je vous invite à vous y référer.

M. .

En liant le droit de vote au critère du permis C, le projet de loi du Conseil d'Etat empêche définitivement les fonctionnaires internationaux d'obtenir ces droits. Les commissaires ont jugé important de mieux comprendre les différentes catégories des personnes travaillant dans les organisations internationales et missions diplomatiques.

M. Perez entame son exposé en expliquant que vingt-deux organisations internationales ont passé un accord avec la Suisse. Les personnes travaillant dans ces organisations, ainsi que leurs familles, sont couvertes par une carte de légitimation. C'est également le cas des personnes travaillant dans les missions permanentes. Les divers statuts de ces employés sont représentés par les diverses couleurs que peut prendre la carte. Genève compte 27 000 personnes travaillant pour les organisations internationales et 5000 pour les missions, soit un total de 33 000. Néanmoins, M. Perez estime que la moitié de ceux-ci résident en France voisine.

M. Perez pense que des obstacles juridiques se poseraient si les fonctionnaires internationaux entraient dans la vie politique, notamment en raison du statut diplomatique qui impose certaines limitations. Néanmoins, il est important de faire la distinction entre les représentants des Etats dans les missions permanentes et les employés des organisations internationales. Les premiers restent en Suisse en moyenne quatre ou cinq ans et s'intègrent peu à la vie locale. Les seconds restent en Suisse beaucoup plus longtemps, s'intègrent à leur commune et aimeraient y participer d'avantage. Cependant, cela lui paraîtrait malvenu d'accorder des droits politiques aux uns et pas aux autres.

En ce qui concerne les enfants des fonctionnaires internationaux, tant qu'ils sont en étude, ils bénéficient d'une carte de légitimation. Dès qu'ils rentrent sur le marché du travail, ils obtiennent normalement un permis.

2. Les auditions d'opinion

Mme Sarah Khalfallah, MM. Boris Drahusak et Patricio Daza, MondialContact, Cultures et Citoyenneté, 13 janvier 1999

Les auditionnés eux-mêmes sont d'origine étrangère et Suisses. Ils ont fondé en 1990 l'association MondialContact, Cultures et Citoyenneté (MC) dont les objectifs sont de favoriser l'insertion des personnes d'origine étrangère par la participation citoyenne à l'espace public, de fournir toute une série d'outils permettant tant aux Suisses de mieux comprendre la diversité genevoise ainsi qu'aux étrangers de mieux comprendre leur environnement social, politique, culturel genevois, d'identifier les ressources, les atouts, les obstacles liés aux migrations et au multiculturalisme genevois en général. MondialContact parle davantage d'insertion que d'intégration. Ses activités sont :

MondialContact est convaincue que moins l'étranger a des outils et des signes clairs l'invitant à participer, à proposer, à se former, plus le risque de son repli et de non-insertion, avec toutes les conséquences psychosociales et sociales que cela implique à long terme, augmente.

Les auditionnés sont favorables au projet de loi, mais précisent d'emblée qu'un projet de cette nature isolé d'une politique d'intégration plus vaste et néanmoins structurée, intégrant les enjeux fondamentaux du multiculturalisme genevois n'a pas de portée réelle.

Cela dit, le droit de vote demeure un instrument important pour développer à partir de la possibilité de voter, même à un si petit niveau (communal et avec autonomie des communes), des actions plus approfondies, car plus palpables. MC demeure cependant totalement favorable sur le principe de droits politiques beaucoup plus larges et étendus mais les échecs du passé, une fois analysés, n'autorisent pas d'espérer une acceptation du peuple. Le projet est minimaliste, certes, mais a peut-être plus de chances de passer.

Pour MC, présenter l'éligibilité sans un travail en profondeur, sans une préparation adéquate, sans la participation des étrangers eux-mêmes à la campagne, serait une erreur. Après les résultats de 1993, un ‘non' aussi percutant aurait un effet désastreux sur les étrangers, dans la mesure où il constituerait de nouveau un signe de non acceptation. De plus, ce projet minimaliste peut se communiquer en disant : c'est si peu de choses, n'allez pas en plus le refuser. Si c'est un ‘non' qui sort des urnes, on pourra au moins en déduire que ce n'est pas seulement l'éligibilité (prise de pouvoir) qui pose un problème, mais que celui-ci est plus profond.

Le permis C est un mauvais critère et MondialContact privilégie la durée du séjour, en dehors de toute considération statutaire. MC propose un délai entre 5 et 10 ans de résidence en Suisse. MC est contre l'autonomie des communes en la matière. Ces deux critères suggèrent des discriminations statutaires et géographiques.

Quant à la naturalisation, le droit de vote est un outil de préparationà la citoyenneté « officielle ». Nombre de personnes naturalisées sontdésorientées quant à leurs aptitudes à participer : les problèmesrestent identiques. La participation des étrangers est un processus enlui-même, le droit de vote un outil parmi beaucoup d'autres à mettre enplace.

Mme Salerno Sandrine et M. William Borel, Centre de Contact Suisses-Immigrés, 20 janvier 1999

Le Centre de Contact Suisses-Immigrés (CCSI) a vingt-cinq ans. L'association travaille sur les enjeux liés à la migration avec comme objectif de participer au développement d'une société plurielle et démocratique. Il défend, d'une part, les droits de la collectivité immigrée et favorise, d'autre part, le dialogue et la compréhension entre les personnes d'origine suisse et migrante. Le Centre est également un espace d'observation de l'immigration, c'est à la fois un lieu de réflexion et un lieu d'accueil et d'écoute. L'association compte trois permanences : une juridique, une sociale et une sur l'école et la formation professionnelle. Il est important de souligner que l'association a été constituée par des associations de migrants. L'optique principale est d'atteindre l'égalité des droits pour tous et de parvenir à une meilleure intégration.

Le CCSI remarque qu'il a effectué plusieurs actions concernant les droits politiques des étrangers. A la fin des années quatre-vingt, il a lancé une pétition sur ce sujet et, par la suite, l'association a été partie prenante dans l'initiative « Toutes citoyennes, Tous citoyens » de 1993.

Au sujet du projet de loi, le Centre estime qu'il ne faut pas séparer le droit de vote du droit d'éligibilité. Les votations de 1993 ont montré que le fait de ne donner que le droit de vote changeait peu le résultat. Concernant le critère du permis C, l'association estime que celui-ci implique une discrimination grave entre les étrangers et qu'elle verrait plutôt un délai de résidence de cinq ans en Suisse pour tous. Le CCSI est également contre l'autonomie des communes en matière de droits politiques qui pourrait créer une disparité intra-cantonale.

Le CCSI insiste sur le fait qu'il faut donner aux étrangers la possibilité de devenir des citoyens à part entière et ne pas octroyer des droits au rabais. Selon lui, si les autorités tiennent un langage clair et précis, le projet aura plus de chance de passer devant le peuple. De plus, les étrangers risquent de se mobiliser d'avantage. Le CCSI est conscient de tenir une position maximaliste, mais, pour lui, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil doivent affirmer un principe.

L'association précise que pour elle l'enjeu véritable en matière de droits politiques réside au niveau cantonal. Néanmoins elle est consciente de la nécessité d'une politique des petits pas c'est pourquoi elle soutiendra ce projet en votation.

MM. Jérôme Savary, Philippe Cottet, Pierre-Antoine Gobet, Association J'y vis, J'y vote !

Tract de l'association, annexe 6.

Les auditionnées exposent l'origine de l'association J'y vis, J'y vote ! : suite aux votes des parlements des jeunes et des conseils municipaux des résolutions concernant les droits politiques des étrangers, un groupe informel composé de membres des parlements des jeunes, des jeunesses de parti, d'association de jeunes, de conseillers municipaux et de députés s'est constitué pour réfléchir à la suite à donner à ce débat. En novembre 1998, le groupe informel a fondé l'association J'y vis, J'y vote !, dont le comité est composé d'une palette de jeunes émanant de toutes tendances politiques et associatives. Environ 200 personnes sont membres de l'association et celle-ci compte jouer un rôle important dans le cadre de la votation populaire relative au présent projet de loi. Un autre objectif qu'elle poursuit, simultanément à celui-ci des droits politiques pour les étrangers, est celui d'intéresser les jeunes à la vie publique, à exercer une citoyenneté plus active au sein de leurs cités.

Concernant les points soulevés par la proposition du Conseil d'Etat, l'association relève qu'elle est défavorable à l'autonomie communale. En effet, les neuf communes qui ont voté la résolution contiennent 86 % des étrangers du canton. Avec l'autonomie des communes on laisserait une petite partie des étrangers sans droits et cela n'a pas beaucoup de sens. Une telle discrimination, pour une seule question de résidence, lui semble peu souhaitable. En ce qui concerne le permis C, J'y vis, J'y vote ! estime que ce critère entraîne une discrimination entre les étrangers et qu'une durée de résidence serait plus adéquate. L'association propose 5 ans. La séparation du droit de vote et du droit d'éligibilité ne paraît pas une bonne chose pour les auditionnés. En effet, ces derniers estiment que les électeurs doivent avoir la liberté de choisir leurs représentants et qu'ils gardent donc toute leur capacité à ne pas élire des étrangers s'ils ne le souhaitent pas. Cependant, l'association a déclaré qu'elle s'engagerait quelque soit la forme finale du projet de loi votée par le parlement : un petit pas vaut mieux que rien du tout.

Les jeunes de J'y vis, J'y vote ! tiennent à expliquer les raisons pour lesquelles ils se sont engagés. Ils ont grandi avec des étrangers, ils ont vécu l'expérience de l'intégration dès leur plus jeune âge et pour eux l'exclusion de la vie politique de ceux qui n'ont pas de passeport suisse n'a pas de sens, notamment au niveau communal. Se poser la question des droits politiques de personnes qui en sont privées, c'est aussi se poser la question de l'opportunité de les utiliser quand on les possède. En effet, d'une manière générale, les jeunes forment la tranche d'âge qui votent le moins et cette situation préoccupe l'association. C'est pour cela qu'elle s'engage aussi sur le terrain de la participation citoyenne des jeunes.

Au sujet de la campagne lors de la votation populaire du projet de loi, J'y vis, J'y vote ! insiste sur le fait qu'il faut impliquer un maximum de vecteurs de la population genevoise. On doit prendre le temps d'expliquer aux citoyens suisses tous les enjeux du débat et essayer d'enlever la peur irrationnelle qui entoure souvent les débats sur les étrangers. La classe politique doit aussi s'impliquer d'avantage que par le simple vote d'une loi : elle doit descendre dans la rue, rencontrer les gens et tenter de faire changer les mentalités. J'y vis, J'y vote ! attend beaucoup du gouvernement pour qu'il défende son projet de loi et espère que ce dernier va largement s'impliquer dans la campagne.

MM. Guy Fontanet, Cyril Ritche et Mme Marina Lamm, Fondation pour l'intégration des immigrés, 10 mars 1999

La Fondation pour l'intégration des immigrés (FINIM) a été créée en mars 1997 par le Conseil d'Etat pour renforcer le dialogue entre immigrés d'une part, et entre immigrés et Suisses, de l'autre. Elle se compose de trois organes : le Bureau, le Conseil et le Forum qui comprend une réunion d'associations d'étrangers ou qui travaillent avec les étrangers. La FINIM contient quatre commissions de travail : une juridique, une culturelle, une relative aux problèmes sociaux et une sur la culture et communication.

Le Conseil de la FINIM approuve le projet de loi, même s'il estime que cette question est délicate, car elle a plusieurs fois été refusée par le peuple. Il propose néanmoins quelques remarques. La première concerne la séparation qui est faite entre droit de vote et éligibilité. Selon M. Fontanet, sur un plan éthique, cette solution n'est pas souhaitable : il propose donc que les étrangers disposent de droits complets. La deuxième est relative au critère du permis C. Le Conseil de la fondation estime que c'est une bonne mesure. En effet, les ressortissants des pays européens étant plus proches dans leur culture politique de nous, il est normal qu'ils bénéficient des droits politiques avant les autres. Troisièmement, au sujet de l'autonomie communale, la FINIM est contre dans la mesure où cette disposition crée des distinctions sans justifications formelles dans le cadre de droits fondamentaux, comme les droits politiques. En outre, la fondation estime que les fonctionnaires internationaux devraient être traités comme les autres étrangers.

M. Guy Fontanet, ancien conseiller d'Etat et ancien conseiller national, estime que ces dernières années les mentalités ont évolué. Les jeunes générations notamment ont l'habitude de côtoyer les étrangers et la question de l'ouverture à l'Europe nous oblige à nous ouvrir vers les étrangers qui résident avec nous.

Au sujet de l'argument de la réciprocité, la réponse de la FINIM a été très claire : on doit dépasser ce niveau de débat. Si la réciprocité est envisageable dans les conventions internationales, elle ne l'est pas pour ce qui est des droits fondamentaux. Si l'on veut prétendre à une démocratie exemplaire, il faut aller plus loin que la règle du « oeil pour oeil, dent pour dent ».

Hors audition, il est informé aux commissaires que le Conseil de la FINIM représentait son propre avis alors qu'un autre organe de la fondation, le Forum, qui lui est composé par une multitude d'associations d'étrangers, était clairement opposé au critère du permis C et favorisait le délai de résidence.

Compte-rendu du débat au Conseil municipal de Lancy, 20 mars 1997

Ne trouvant pas d'opposition de fond au sein des groupes politiques représentés à la commission, les commissaires ont tenu à entendre un avis négatif sur le projet de loi. Il a été décidé de se procurer le mémorial d'une commune ayant refusé la résolution pour les droits politiques des étrangers. C'est la commune de Lancy qui a été choisie. En effet, celle-ci a refusé la résolution le 20 mars 1997 par 14 non, 13 oui et 1 abstention.

Parmi les arguments des opposants, il a notamment été soulevé que les mentalités n'ont pas changé depuis 1993, date du dernier échec en la matière, notamment à cause de la crise économique qui rend les gens plus fermés à l'égard des étrangers. Certains ont estimé que les étrangers ont déjà le droit de faire de la politique et que c'est suffisant. D'autres pensent que la voie de la naturalisation est le meilleur moyen d'obtenir des droits politiques et qu'il faudrait réduire le temps de résidence obligatoire pour l'obtenir.

Mme Anne-Marie Bisetti, MM. Mehin Turker, Georges Tissot et Jacques Robert, Communauté genevoise d'action syndicale, 28 avril 1999

D'emblée, les représentants de la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) rappellent qu'ils sont en faveur du droit de vote et d'éligibilité des étrangers au niveau communal, cantonal et fédéral. Le droit de vote et d'éligibilité existe dans les organisations syndicales et plusieurs membres des comités sont étrangers. Ils indiquent que 50 % de la main-d'oeuvre est étrangère et qu'il faudrait lui élargir ces droits afin de sauvegarder la démocratie. En effet, si l'on considère que 65 % des habitants du canton sont Suisses et que 30 %-35 % seulement vont voter, c'est seulement 20 % des résidants genevois qui s'expriment. Donner des droits politiques aux étrangers permettra d'élargir le nombre de personnes qui votent. Pour la CGAS, il est paradoxal de donner de grandes responsabilités aux étrangers (patrons, dirigeants, s'occuper de l'éducation d'enfants suisses et étrangers, etc.) et de les priver des droits politiques.

Au sujet du projet de loi, les auditionnées estiment qu'il faudrait éviter un patchwork en permettant aux communes de choisir si elles veulent donner des droits politiques. Ils estiment que par ce fait, les étrangers habitant dans les communes plus fortunées auraient des droits alors que ceux des communes plus modestes n'y auraient pas accès. La CGAS pense aussi qu'il ne faut pas dissocier le droit d'éligibilité du droit de vote et qu'il faut un critère de durée de résidence identique pour tous les étrangers, soit cinq ans.

Un membre de la Communauté évoque l'importance de ces droits politiques pour la formation civique dans les écoles. En effet, actuellement près de la moitié des élèves n'auront pas de droits politiques à leur majorité, l'enseignement d'éducation civique se fait donc seulement pour l'autre moitié des élèves et cela engendre une certaine frustration.

La Communauté indique que les organisations syndicales sont composées par près de 60 % d'étrangers. Ces dernières, prenant de plus en plus souvent position sur les sujets de votation, sont faiseuses d'opinion. Cependant la majorité de leurs membres ne peuvent l'exprimer par les urnes. Les auditionnées estiment qu'il y a un véritable intérêt chez les étrangers pour les questions publiques. Au sujet de la crainte que le vote des étrangers se reporte à la gauche politique, la CGAS estime que cela ne sera pas le cas, comme le montre l'exemple des cantons du Jura et Neuchâtel.

En conclusion, les syndicalistes précisent que leur soutien au projet de loi sera d'autant plus fort que le projet sera enthousiasmant. Ils sont plus confiant que pour les tentatives de 1993, car le consensus de la classe politique est plus fort.

MM. Michel Barde, Blaise Matthey et Jean-Louis Mévaux, Union des associations patronales genevoises

Prise de position écrite, annexe 7.

Les membres de l'Union des associations patronales genevoises (UAPG) estiment que l'opinion populaire au sujet des droits des étrangers n'a pas radicalement changé depuis le dernier refus en la matière il y a six ans, c'est pourquoi ils se posent la question de l'opportunité d'un tel projet de loi. Cela étant dit, le résultat à la votation populaire sur le projet de loi relatif à la réforme du mode d'élection de la juridiction des prud'hommes permettra de déterminer de manière relativement claire si les électeurs et électrices du canton ont changé d'avis depuis 1993.

Quoi qu'il en soit, l'UAPG n'est, sur le fond, pas favorable au projet de loi 7913. Elle estime que la question des droits politiques peut se résoudre par l'acquisition de la nationalité suisse, d'autant plus que depuis 1990, il n'est plus demandé aux étrangers de renoncer à leur nationalité d'origine. La naturalisation doit néanmoins, dans la mesure du possible, être simplifiée. « La nationalité est un lien particulier que le droit public d'un Etat établit entre ce dernier et une personne physique. […] Conférer un droit de vote, même au seul niveau communal, aux étrangers, reviendrait à vider la nationalité et le droit de cité d'une partie importante de leur substance » développent les auditionnés.

En outre, l'UAPG remarque que le projet de loi du Conseil d'Etat n'est pas soumis à l'importante question de la réciprocité. A ses yeux, une ouverture des droits politiques aux étrangers ne peut être envisagée que sous cet angle. Les accords bilatéraux que la Suisse a conclu avec l'Union européenne ne contiennent pas la question de la capacité civique, il ne faut donc pas mélanger les objectifs et laisser ceux-ci à une date ultérieure. Une adhésion complète de la Suisse à l'Union règlerait le problème de la réciprocité.

M. Barde précise qu'il est très attaché au maintien des identités et remarque que la société est en train de perdre ses repères. Il est important que les intéressés manifestent la volonté d'acquérir des nouveaux droits. Si l'on octroi le droit de vote automatiquement, celui-ci n'a pas la même valeur pour l'intéressé que s'il a fait une démarche (naturalisation) pour l'obtenir. M. Mévaux a fait partie plusieurs années de la FINIM, ce qui montre l'intérêt de l'UAPG pour le domaine des immigrés, et remarque que certains étrangers pensent que le droit de vote n'est pas forcément un bon moyen pour parvenir à une bonne intégration. Pour l'ensemble des représentants de l'Union, des droits impliquent des obligations, ce qui est seulement le cas avec la naturalisation.

Sur le projet de loi, l'UAPG pense que l'autonomie communale entraînera un méli-mélo sur le canton qui n'est pas souhaitable. Le permis C pourrait être un bon critère, mais il va disparaître pour les citoyens européens dès l'introduction des bilatérales. Sur le droit de vote et d'éligibilité, l'UAPG est contre sur le fond.

b) Les débats politiques

Le débat de préconsultation

En débat de préconsultation, les Verts ont tenu à saluer l'initiative du Conseil d'Etat en réponse à la motion de la députée Fabienne Bugnon. Ils émettent certains doutes au sujet de l'absence du droit d'éligibilité et du critère du permis C. En outre, ils relèvent également l'importance d'établir un consensus dans la classe politique, car la tâche la plus difficile sera de convaincre le peuple. Un refus pour un si petit pas serait une gifle pour les étrangers de notre canton. Les Socialistes, également satisfaits de la démarche du gouvernement, émettent les mêmes doutes des points soulevés par les Verts et ajoutent qu'une autonomie des communes en la matière n'irait pas sans poser quelques problèmes. Dans la même ligne, l'Alliance de Gauche précise que la politique des petits pas n'est pas forcément celle qui s'avérera la plus payante, au vu des exemples de 1993.

Les Radicaux saluent avec intérêt le dépôt de ce projet de loi et considèrent que c'est une avancée significative dans la modernité de notre société. De plus, cette mesure va dans le sens d'un rapprochement avec l'Europe. Néanmoins, ils mettent en garde les députés trop gourmant qu'un projet alourdi perdra ses chances face à la population. Les Libéraux, quant à eux, estiment que c'est un projet original et qui rentre tout à fait dans l'esprit de Genève. Ils évoquent néanmoins la notion de réciprocité qui devrait accompagner cette mesure et rappellent les échecs passés en la matière. Les Démocrates-Chrétiens tiennent également à saluer l'ouverture du Conseil d'Etat qui, pour la première fois, propose lui-même un projet de loi constitutionnelle donnant la possibilité d'élargir les droits des étrangers. Ils soulignent que l'insertion des étrangers est particulièrement manifeste au niveau communal et que, par conséquent, le gouvernement entre par la bonne porte. Ils précisent néanmoins qu'ils ne chercheront pas à alourdir le projet, car cela impliquerait certainement un échec face à la population.

Par la voix de M. Robert Cramer, le Conseil d'Etat précise d'emblée qu'il faut éviter un échec populaire sur ce projet de loi. « Chacun des membres du Conseil d'Etat est totalement déterminé à ce que ce projet de loi aboutisse en votation populaire »

Mémorial du Grand Conseil, séance du 20 novembre 1998 (soir), p. 6523.

L'entrée en matière

Dans le cadre du débat d'entrée en matière, les commissaires ont repris en substance les propos évoqués lors du débat de préconsultation. Les Libéraux émettent le voeu que les procédures de naturalisation soient accélérées, mais sont ouverts aux droits politiques des étrangers sous certaines conditions, notamment de réciprocité. Les groupes radical et démocrate-chrétien soutiennent la politique des petits pas en la matière : il ne faut pas surcharger le projet de loi du Conseil d'Etat.

Les Socialistes analysent que les échecs passés ont été tout aussi massif sur ce type de propositions, qu'elles soient modérées ou non. Il y a un souci de rapprocher le pays légal au pays réel. Les Verts pensent que le plus difficile sera de convaincre le peuple. Il faut donc éviter un texte trop maximaliste, mais néanmoins répondre aux principes de la majorité parlementaire qui, il y a quatre ans, avait soutenu les initiatives pour les droits cantonaux. L'Alliance de Gauche remarque que la participation des étrangers enrichirait la vie politique suisse. Elle peut même avoir une influence sur le taux de participation des Suisses.

D'une manière générale, tous les partis représentés au parlement soutiennent une politique d'intégration de la communauté étrangère. Il en va de même en ce qui concerne les procédures de naturalisation que l'unanimité des forces politiques considère comme trop restrictives.

Le Conseil d'Etat a relevé que ce projet de loi est d'importance. Il s'agit de la première fois que l'exécutif présente un projet de ce type. Il justifie cette démarche par trois raisons :

Elle est une réponse à une demande très forte. Engagée d'abord par les parlements des jeunes, c'est neuf communes qui ont voté la résolution. Si l'on additionne les habitants de celles-ci, c'est les représentants de 300 000 personnes qui ont fait savoir au gouvernement le désir d'aller de l'avant sur cette question.

Il y a une forte nécessité d'intégration de la communauté étrangère qui représente 40 % des habitants et 48 % des personnes actives dans le canton. Il s'agit de préserver une culture politique qui, si une grande minorité de la population en est exclue, risque de s'estomper avec le temps.

Cette proposition correspond à une volonté d'intégration des étrangers, exprimée unanimement par le parlement. Ceux qui font partie de la vie économique doivent aussi faire partie de la vie civique.

Malgré quelques différences sur les aspects pratiques du projet de loi, tous les partis s'entendent pour aller de l'avant sur la proposition du Conseil d'Etat et le vote d'entrée en matière obtient : l'unanimité des membres présents : (2 L, 2 S, 3 AG, 2 R, 2 DC, 2 Ve).

La faculté accordée aux communes

L'autonomie des communes en matière des droits politiques des étrangers est le noyau dur du projet de loi pour le Conseil d'Etat. Sans renoncer au débat de fond, il pose la question au peuple de la manière suivante : « Voulez-vous que les communes puissent accorder le droit de vote aux étrangers ? ». De la sorte, le peuple n'est pas invité à se prononcer sur les droits politiques des étrangers, mais sur une répartition différente des compétences au sein de la République.

Le Conseil d'Etat défend cet argument à deux niveaux. Premièrement, la demande étant venue des communes, il souhaite y répondre sans imposer à celles qui ne le voudraient pas de tels droits pour leurs résidants étrangers. Deuxièmement, le projet de loi ainsi proposé à plus de chance de réaliser un consensus politique et d'être accepté en votation populaire.

Lors du débat d'entrée en matière, les partis de l'Entente ont été unanimes à soutenir cette mesure, pour les mêmes raisons que le Conseil d'Etat, alors que l'Alliance de Gauche s'y est opposée. Les Verts et les Socialistes étaient mitigés. Après des débats internes, ces derniers ont finalement rejoint la position de l'Alliance de Gauche pour plusieurs raisons :

Les droits politiques sont des droits fondamentaux et il est difficile de déléguer une compétence de ce type aux organes communaux.

Dans un canton unitaire comme Genève, il en résulterait une situation de patchwork, ou de « territoire en peau de léopard » comme aime le souligner notre collègue Rodrik, qui pourrait être néfaste à la cohésion du canton. De plus, les gens ne comprendraient pas pourquoi deux ressortissants étrangers habitant la même rue, à quelques allées de différence, n'auraient pas les mêmes droits.

Certains groupes voulaient ajouter un délai de résidence supplémentaire, qui serait de la compétence du Conseil municipal, au délai général. Cette situation introduirait à Genève dans 45 systèmes différents, ce qui n'est pas concevable en matière de droits civiques.

Pour toutes ces raisons, la majorité (AG, S, Ve) de la commission renonce au principe de la faculté donnée aux communes en matière de droits politiques communaux.

Le droit d'éligibilité

On entend par droit d'éligibilité, le droit d'être élu. En la matière, le Conseil d'Etat, contrairement à ce qui avait été demandé par huit communes sur neuf, a tenu à exclure cette possibilité pour des raisons de prudence face à la votation populaire et au regard de ce qui existe dans le reste de la Suisse.

Une partie de la minorité (DC) s'est ralliée à cette position par souci stratégique, alors que l'autre (Radicaux et Libéraux) l'a fait pour des motifs de principe. En effet, pour ces derniers, le fait de siéger dans un Conseil municipal doit impliquer pour l'étranger qu'il ait fait une procédure d'adhésion complète à la nation helvétique, soit qu'il se soit naturalisé.

Pour la majorité, on ne pouvait dissocier le droit d'éligibilité du droit de vote pour les raisons suivantes :

Les deux droits sont, par principe, considérés indissociables.

Donner aux étrangers le droit de vote et les priver du droit d'éligibilité reviendrait à leur permettre de voter pour les Suisses, mais pas pour eux-mêmes.

Une situation d'instabilité politique pourrait en résulter dans certaines communes, car les étrangers, face à un Conseil municipal qui ne tient pas assez compte de leurs intérêts, pourraient lancer des initiatives ou referendums et les voter. Dans le cadre de communes composées à 50 % d'étrangers, ce phénomène pourrait être d'une assez grande ampleur.

Face à l'argument stratégique qui prétend que sans le droit d'éligibilité, le projet de loi aura plus de chance de passer, une référence aux votations populaires de 1993 montre le contraire. Malgré le fait que l'une contenait le droit d'éligibilité alors que l'autre non, les deux été refusées par le même taux de ‘non'. Supprimer le droit d'éligibilité n'a eu aucune conséquence sur le résultat du vote.

En conséquence, la majorité de la commission propose de réintroduire le droit d'éligibilité au côté du droit de vote.

Le critère de délai de séjour

Les commissaires ont longuement débattu de la question du critère de délai de séjour. Dans son projet de loi initial, le Conseil d'Etat avait opté pour le permis d'établissement (permis C) en fonction de l'avis des partis exprimé dans la consultation organisée par DIAE

En réalité, seulement deux partis avaient retenu le critère du permis C : les Verts et les Radicaux. Voir annexe 2.

En réalité, seulement le canton de Neuchâtel lie les droits politiques des étrangers au permis C ; pour les deux autres cantons, il s'agit d'un délai de résidence uniforme pour tous les étrangers.

Dans un premier temps, le critère du permis d'établissement avait été soutenu par les Démocrates-Chrétiens et les Radicaux. En effet, pour eux, l'obtention d'un permis C est un signe d'intégration, condition indispensable si l'on veut donner un droit politique à un étranger. De plus, les étrangers qui bénéficient de ce permis après cinq ans, soit les occidentaux, sont plus proches de nous dans leur culture politique.

Pour la majorité parlementaire, les étrangers doivent être traité de manière homogène sur ce sujet. Les partis du centre-droit se sont finalement ralliés sur cette position et les libéraux, qui au début du débat étaient contre le permis C, ont finalement opté pour cette option. La commission n'a donc pas retenu le critère du permis C essentiellement pour les deux raisons suivantes :

Au niveau du principe, et s'agissant d'un débat concernant des droits fondamentaux, il semble inadéquat de donner plus d'avantages à certains groupes d'étrangers plutôt qu'à d'autres. Cela revient à créer en la matière deux catégories d'étrangers, ce qui semble injustifiable. Certaines communes possèdent jusqu'à 120 nationalités différentes, pourquoi seulement une vingtaine d'entre elles auraient des privilèges en matière de droits politiques ?

Les auditions ont montré que l'acquisition du permis d'établissement dépendait d'une décision administrative des autorités cantonales et que les critères d'obtention souffrent de beaucoup d'exceptions

Voir audition de MM. Claude Albrecht et Yves Rausis, directeurs adjoints de l'Office cantonale de la population, le 9 décembre 1998 sous point III.a.1. du présent rapport.

Le critère du permis C exclurait de fait les fonctionnaires internationaux, ce qui n'est pas le souhait de la majorité des commissaires.

La commission s'est tournée vers un délai de résidence unique de 8 ans pour les raisons suivantes :

Il correspond à deux législatures dans notre système politique et donc à ce qui est pratiqué dans l'Union européenne. Notre Constitution deviendrait donc euro-compatible.

Dans les faits, les communes ayant très peu d'objets de votation, les étrangers éliraient ou seraient élus en moyenne après dix ans de résidence

En effet, l'étranger qui fête ses huit ans de résidence juste avant une élection pourra voter après huit ans de vie en Suisse, mais celui qui les fête juste après l'élection devra attendre la prochaine élection encore quatre ans pour s'exprimer, soit après douze ans de résidence. En moyenne, si l'on exclu les votations municipales, cela fait une durée de dix ans de résidence.

Il n'y a aucun problème technique ou administratif à calculer les années de résidence en Suisses des étrangers.

Sur la question d'un délai de résidence supplémentaire sur le canton ou sur la commune, la majorité parlementaire estime que cela complexifierait considérablement le décompte des années de résidence et qu'il faut être cohérent avec ce qui se pratique pour les Confédérés qui emménagent dans une municipalité. Puisque ces derniers obtiennent des droits politiques communaux après trois mois de résidence, il devrait aller de même avec les étrangers qui s'installent dans une commune alors qu'ils ont déjà vécu de nombreuses années ailleurs en Suisse. La connaissance de la vie locale de leur nouvelle commune étant identique aux Suisses.

La commission a également évoqué l'idée d'introduire le système des « années comptent double » pour les jeunes entre 10 et 20 ans, comme pour la naturalisation, mais elle y a finalement renoncé en raison de la complexité dans la mise en application de ce principe.

Au vue de ces arguments, la grande majorité de la commission (S, AG, R, DC, Ve) estime qu'il faut renoncer au critère du permis C au profit d'un délai de résidence en Suisse de huit ans pour tous les étrangers. De plus, la règle des trois mois de résidence dans une commune avant d'obtenir des droits civiques s'applique bien évidemment aux ressortissants étrangers.

Les droits des fonctionnaires internationaux

Le débat des droits des fonctionnaires internationaux est directement lié à celui du critère d'obtention de ces droits. En effet, si le permis C est retenu comme critère, cette catégorie d'étrangers ne pourra jamais obtenir des droits politiques.

Pour le Conseil d'Etat, favorable au critère du permis C, cette conséquence lui paraît adéquate dans la mesure où les fonctionnaires internationaux ne s'intègrent généralement pas à notre pays puisqu'ils sont le plus souvent appelés par leurs fonctions à le quitter et que, de plus, ils sont dispensés de payer des impôts. En outre, se pose le problème diplomatique des représentants d'Etats étrangers qui auraient le droit de s'immiscer dans la vie politique locale de notre pays, ce qui est contraire aux usages diplomatiques.

En adoptant un délai de résidence unique à huit ans pour tous les étrangers, la commission est consciente que les fonctionnaires internationaux bénéficieront également des droits politiques. Cela lui paraît souhaitable pour divers motifs :

L'audition de M. Amadeo Perez de la Mission suisse auprès des organisations internationales

Voir point III.a.1 du présent rapport.

Les premiers, employés directement par l'organisation, ne représentent pas leur pays et, pour la plupart, passent leur vie à Genève, ou en France voisine, où leur intégration est souvent très prononcée. Leurs enfants côtoient les nôtres à l'école, ils participent à la vie sportive, culturelle, de quartier, etc., et certains d'entre eux demandent et obtiennent la nationalité suisse. Il est donc normal que ces personnes soient traitées, dans le cadre des droits politiques, de la même manière que les autres étrangers.

Les seconds, rattachés directement à la mission d'un Etat, ne restent que peu d'années sur notre territoire et ne s'intègrent que très peu. Ils ne pourront pas obtenir des droits politiques, d'une part car notre Constitution cantonale le prévoit

Article 43 alinéa c : « Ne peuvent exercer des droits politiques dans le canton : […] c) ceux qui sont au service d'une puissance étrangère. »

La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, signée par presque tous les pays du monde y compris la Suisse, prévoit à son article 41 alinéa 1 :  « Sans préjudice de leurs privilèges et immunités, toutes les personnes qui bénéficient de ces privilèges et immunités ont le devoir de respecter les lois et règlements de l'Etat accréditaire. Elles ont également le devoir de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures de cet Etat. » (italiques du rapporteur).

L'argument, avancé par la droite centriste au début des débats en commission, selon lequel il ne faudrait pas donner des droits politiques aux fonctionnaires internationaux parce qu'ils ne payent pas d'impôts paraît pour le moins contradictoire avec celui, défendu essentiellement par les mêmes, de l'importance pour l'Etat de chérir ses organisations internationales en raison de tout ce qu'elles apportent à Genève. En effet, notre République bénéficie grandement, au niveau de l'image mais aussi au niveau économique, de la présence de ces organisations. Par conséquent, même si cela n'est fait par l'impôt, les fonctionnaires internationaux apportent bel et bien des bénéfices à Genève. De plus, depuis l'abandon du suffrage censitaire, on peut difficilement justifier l'octroi de droits politiques à un individu sur l'unique base de sa contribution financière à la collectivité.

En conséquence du critère de huit de résidence pour tous les étrangers, mais en accord avec sa volonté politique, la majorité de la commission accepte que les fonctionnaires internationaux bénéficient des mêmes droits sous les mêmes conditions que les autres étrangers.

L'automaticité des droits

Le Conseil d'Etat a posé la question si l'automaticité du droit, telle qu'elle est appliquée aux Suisses qui obtiennent leur majorité, doit également être appliquée aux étrangers. Le gouvernement répond par l'affirmative à cette interrogation, comme la majorité parlementaire ainsi que les Démocrates-Chrétiens et les Radicaux, pour les raisons suivantes :

Par le biais de ce projet de loi, le gouvernement, tout comme la majorité du parlement, veut marquer qu'il fait un pas vers l'intégration de l'étranger à la vie de notre pays. Ce pas étant proposé par les autorités genevoises, il est normal que l'étranger bénéficie automatiquement de ses droits. Plus tard, si le ressortissant étranger le souhaite, il pourra faire lui-même le pas suivant vers les Suisses en entamant une procédure de naturalisation. Dans ce cas, il est logique de lui laisser l'initiative.

Par cohérence administrative, il n'y a pas de raison de traiter les électeurs de manière différente. Une telle mesure obligerait le Service des votations et élections à ouvrir un rôle électoral uniquement pour les étrangers et à organiser toute une procédure d'inscription à ce rôle.

Il est vrai qu'une telle procédure s'applique au sein de l'Union européenne, mais cela s'explique par le fait que la plupart de ces pays connaissent l'inscription sur les registres électoraux pour leurs propres ressortissants.

Par ces motifs, la majorité des commissaires (AG, S, Ve, DC, R) suivent l'avis du Conseil d'Etat et proposent que les étrangers obtiennent automatiquement leurs droits politiques une fois qu'ils remplissent les conditions.

Le principe de réciprocité

Le principe de réciprocité avancé par le Parti libéral s'entend ainsi : « les ressortissants étrangers obtiennent des droits politiques sous certaines conditions pour autant qu'ils soient ressortissants d'Etats dans lesquels un droit équivalent est reconnu à des citoyens suisses ». Le reste des partis politiques est contre cette proposition pour les motifs qui suivent :

Par le biais d'un tel projet de loi, les autorités genevoises tentent de renforcer un processus d'intégration de sa population étrangère afin qu'une meilleure cohésion sociale s'établisse entre les nationaux et les non-nationaux résidant sur le territoire. Elles s'occupent donc d'un problème local qui lui est tout particulier en regard de sa démographie. En établissant un principe de réciprocité sur ces droits, le Parti libéral ignore cette réalité pourtant évidente, et pose le débat en terme de relations inter-étatiques, caractérisées par le principe de réciprocité, qui sont de ressort fédéral et qui sortent totalement de cette discussion. La majorité parlementaire seraient bien évidemment favorable à un élargissement des droits sur leur territoire de résidence des ressortissants suisses vivant à l'étranger, mais il lui semble mal placé de lier ce développement à la gestion d'une problématique locale.

L'argument selon lequel l'Union européenne applique ce principe de réciprocité est cité hors de contexte. En premier lieu, les droits politiques de l'Union européenne s'inscrivent dans une démarche de construction d'une citoyenneté commune, supranationale, et non dans le cadre de relations interétatiques, sur lesquelles les libéraux fondent leur argumentation. En deuxième lieu, dans les faits, l'Union européenne ne demande pas à ses Etats membres d'intégrer le principe de réciprocité tel que l'entend le Parti libéral, car cela reviendrait à demander aux quinze gouvernements européens de donner des droits politiques communaux aux ressortissants de tous les pays du monde qui octroient des droits politiques aux communautaires. En dernier lieu, la plupart des pays européens qui octroient réellement des droits politiques aux étrangers (et non seulement aux ressortissants des pays membres), le font à tous les étrangers (ex : Pays-Bas) ou s'ils les limitent à certains pays, c'est en fonction de critères historiques (ex : Commonwealth pour la Grande-Bretagne, anciennes colonies pour le Portugal) et non de réciprocité (sauf pour l'Espagne).

La grande diversité de systèmes politiques à travers le monde rendrait la tâche presque impossible au service de l'Etat chargé de l'application de cette loi qui devrait juger si tel Etat attribue des droits équivalents aux Suisses sur son territoire. En effet, comment comparer le niveau communal, et ses compétences qui lui sont propres en Suisse, à d'autres systèmes qui ne le connaisse pas.

Le groupe libéral justifie son idée par un raisonnement selon lequel cette mesure impulserait le développement des droits des Suisses expatriés par le biais des résidents étrangers de notre pays qui feraient pression sur leur gouvernement d'origine afin d'obtenir des droits en Suisse. Cette hypothèse est pour le moins peu vraisemblable et peu réaliste. De plus, il serait malvenu de la part des autorités genevoises de dire à certaines personnes, qui viennent se réfugier chez nous parce qu'elles ont été persécutées dans leur Etat d'origine, qu'elles ne peuvent pas bénéficier de droits politiques comme d'autres étrangers parce que leur pays n'en donne pas aux Suisses, alors que ce dernier de donne même pas de droits à ses propres nationaux !

Il semble à la majorité parlementaire que le groupe libéral essaye, par des moyens tortueux, de trouver un prétexte pour refuser le projet de loi du Conseil d'Etat dont il a pourtant voté l'entrée en matière. Si ce parti estime sur le fond qu'il est contre le principe de droits politiques des étrangers, il devrait l'exprimer ouvertement ; le débat politique gagnerait en clarté.

En conséquence de ces arguments, les commissaires des groupes Alliance de Gauche, Socialistes, Verts, Démocrates-Chrétiens et Radicaux refusent d'introduire le principe de réciprocité dans ce projet de loi.

Conditions précisées dans la Constitution

Le gouvernement a également posé la question du niveau de précision de ces droits qui devrait figurer dans la Constitution. Par exemple, la Constitution du Jura reste très large et toutes les modalités sont précisées dans la loi sur l'exercice des droits politiques. De cette manière, le Parlement a la compétence pour changer ces modalités mais il est bien entendu que la voie d'un référendum facultatif reste ouverte.

L'unanimité des commissaires estiment que pour un tel sujet, il est important d'être clair dans le texte qui sera soumis au souverain. C'est pourquoi le projet de loi devra au moins contenir les trois éléments essentiels : le niveau des droits (communal dans toute les communes du canton), l'étendue des droits (droit de vote et d'éligibilité) et les critères d'obtention des droits (8 ans de résidence en Suisse). Le surplus pourra être établi par une loi d'application.

c) Quelques craintes… et leurs réponses !

Au-delà du débat de fond sur l'intégration qui guide le présent rapport, il est intéressant, en quelques lignes, de répondre à certains doutes - plus que de réels arguments - souvent exprimés par la population, et même certains élus, sur le fait d'octroyer des droits politiques aux étrangers.

« Ils n'ont qu'à se naturaliser… »

L'argument de la naturalisation est souvent évoqué comme solution pour que les étrangers puissent obtenir des droits politiques. Il est certain que cette option doit être encouragée pour l'étranger qui se sent parfaitement intégré et désire définitivement lier son avenir à la Suisse.

Cependant - et le discours du Conseil d'Etat lors des cérémonies de naturalisation le mentionne - dans un processus de « naturalisation », il y a un processus de « changement de nature » avec, au-delà des droits civiques, tout ce que cela implique. Car c'est bien l'adhésion complète à une nation et à un canton qui est demandée aux candidats. L'octroi aux étrangers de droits politiques communaux ne va pas aussi loin. Ceux-ci représentent une forme de reconnaissance de leur implantation locale et surtout une invitation à approfondir cette implantation. La naturalisation représente l'insertion d'un élément nouveau au groupe alors que l'octroi de droits politiques représente un moyen pour différents groupes de mieux vivre ensemble, chacun gardant ses particularités. Bien que traitant de la même problématique, il s'agit donc de deux débats distincts et il nous semble erroné de vouloir répondre à l'un par l'autre.

Par ailleurs, dans le cadre d'un processus d'intégration, les droits politiques des étrangers ne sont pas une solution alternative à la naturalisation, ils sont plutôt une préparation à celle-ci.

« Le vote des étrangers va profiter à la Gauche… »

L'hypothèse que le vote étranger profite à la Gauche ne repose sur aucun fait tangible. En effet, les expériences en Suisse (Jura et Neuchâtel) montrent que la nouvelle population votante ne bouleverse en général pas les équilibres politiques

Etrangers et droits politiques - L'exercice des droits politiques des étrangers dans les cantons de Neuchâtel et du Jura, op. cit., pp. 205-206.

« De toute façon, les étrangers ne veulent pas de droits politiques… »

Le soi-disant désintérêt de la population étrangère pour les affaires politiques est un argument fréquent des sceptiques au présent projet de loi. Bien qu'il soit légèrement fallacieux - car comment demander à une communauté de s'intéresser à la politique si elle ne possède pas les outils pour le faire - il est intéressant d'y répondre.

Il convient d'être réalistes : il ne faut pas attendre des résidents étrangers une plus grande participation politique que des citoyens suisses. Dès lors, il est certain qu'une grande partie des immigrés n'utilisera pas ses droits civiques comme le fait régulièrement une grande partie de nos compatriotes. Une étude du taux de participation aux élections entre 1964 et 1992 dans la commune de la Chaux-de-Fonds

Ibid. , pp. 130-132.

Ibid. , p. 131.

En outre, « l'institution du droit de vote communal pour les étrangers, bien que ne représentant objectivement que très peu de chose, est susceptible de stimuler l'émergence d'une meilleure entente réciproque entre Suisses et étrangers. Ce processus est alors davantage dû à l'existence de ce droit, plutôt qu'à son utilisation »

Ibid. , p. 211.

d) Vote de la Commission

Dans sa rédaction du texte constitutionnel, la majorité parlementaire a tenu à être la plus claire possible. C'est pourquoi, elle a retenu une formulation qui précise simplement que les étrangers obtiennent, au niveau communal et après 8 ans de résidence en Suisse, les mêmes droits politiques que les Suisses.

En outre, bien que l'article 42 de la Constitution genevoise soit libre, la commission a délibérément choisi créer un article 41A, car les articles abrogés permettent de reconstituer l'histoire d'un texte de loi.

Au vote, les commissaires se sont exprimés de la façon suivante :

Art. 41A Droits politiques communaux des étrangers

Cet alinéa a été accepté par 7 voix (3 AG, 2 S, 2 Ve) et 6 abstentions (3 L, 2 DC et 1 R).

Cet alinéa a été accepté par 7 voix (3 AG, 2 S et 2 Ve) contre 6 (3 L, 2 DC et 1 R).

C'est sous cette forme que la majorité de la commission a décidé de soumettre le projet de loi 7913 à l'assemblée du Grand Conseil.

Conclusion

Mesdames et Messieurs les députés, nous le savons tous, Genève serait une petite ville de province si elle n'avait pas bénéficié, depuis des siècles, de l'apport des étrangers. Cet apport, qu'il soit économique, culturel ou intellectuel, fonde « l'esprit de Genève » et forme aujourd'hui le noyau dur de notre identité. Pour réussir, notre République a toujours su combiner ses forces à celles des immigrés. Pourquoi en serait-il autrement en politique ? En adoptant le projet de loi 7913, la majorité parlementaire affirme que l'entrée des résidents étrangers dans la sphère politique est un enrichissement pour celle-ci et permet un renforcement de notre démocratie.

Un des grands défis que nous lance le présent projet de loi est de le faire adopter par le peuple genevois. Car si la « Genève internationale et multiculturelle » est une formule facile dans les discours, elle l'est moins sur le terrain. Il faudra en effet expliquer à nos compatriotes qu'un processus d'intégration ne se décrète pas, mais qu'il se construit. Et que si l'octroi de droits politiques aux immigrés est une pierre posée par les Suisses à cette construction commune, elle permettra aux étrangers de poser la leur. Nous nous engagerions ainsi sur une voie de nouvelles perspectives en matière d'échange culturel et intellectuel, voire même de paix sociale, autant d'éléments qui ne demeurent réalité que dans une société ouverte et en mouvement. « Expliquer » sera donc, plus que jamais, le maître-mot pour mener une campagne efficace sur le sujet, car les peurs de la population à l'égard des immigrés, souvent irrationnelles mais toutefois bien réelles, sont encore nombreuses. C'est dans cette optique que l'Etat, les partis politiques et les associations concernées devront se faire entendre au moment de la votation.

En guise de conclusion, il semble important de réaffirmer que le projet de loi qui vous est soumis résulte d'une double nécessité. La première relève du principe et la seconde de la réalité. Le principe nous dit qu'il est injuste d'exclure de la vie politique communale une catégorie de résidents en fonction de leur nationalité alors qu'ils remplissent leurs devoirs comme les autres. La réalité nous dit qu'un processus d'intégration - dont les droits politiques sont un outil essentiel - est indispensable pour gérer au mieux les relations entre les différentes communautés qui composent Genève. Car « une démocratie qui fonctionne sans le 40 % de sa population est porteuse d'un dysfonctionnement, qui peut s'avérer dangereux sur le long terme »

Rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève, op. cit. p. 9.

Au vue de ces arguments, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la Commission des droits politiques vous recommande d'adopter le projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat tel qu'il a été amendé.

Prise de position écrite de l'UAPG sur le projet de loi 7913.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 41A  Droits politiques communaux des étrangers (nouveau)

1 Les ressortissants étrangers, ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins, exercent les droits politiques en matière communale à leur lieu de domicile.

2 Pour le surplus, les législations tant fédérale que cantonale en la matière s'appliquent.

ANNEXE 1

4445464748495051ANNEXE 2

52535455ANNEXE 3

56575859ANNEXE 4

6061626364ANNEXE 5

65ANNEXE 6

66676869ANNEXE 7

70

71

RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ

Rapporteur: M. Jacques Béné

La durée des débats en commission et les reports successifs de décision finale démontrent, si besoin est, l'importance du sujet et l'incertitude de l'aboutissement de la votation qui déterminera si le peuple souverain souhaite donner plus de droits aux étrangers.

Mais de quels droits parlons-nous ? Droit de vote ? Droit d'éligibilité ? Droit de signer des initiatives et des référendums ? Droits automatiques ou sur demande ? Droits réciproques ? Autant de questions sur lesquelles la commission s'est penchée.

Indissociables pour certains, les droits politiques des étrangers doivent être mis en perspective avec leur intégration ou leur insertion.

Dans le cadre de l'intégration on ne peut faire abstraction de la volonté de ceux qui sont directement concernés. Ceux-là même qui ne voteront pas sur cet objet mais qui devront mener campagne pour le faire aboutir. Nombre d'organisations se sont clairement positionnées et défendent toute initiative en faveur des étrangers. Mais ces associations sont-elles suffisamment représentatives, et surtout, arriveront-elles à mobiliser la population pour faire de cette votation une grande victoire face à l'extrémisme grandissant ?

Cette question m'est apparue suite à un débat organisé par « J'y vis, j'y vote » auquel j'ai eu le plaisir de participer. Durant ce débat je me suis permis de demander aux personnes présentes de lever la main s'ils étaient étrangers. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que seul 1/3 de l'assemblée n'avait pas encore de droits politiques dans notre canton ! Et ce malgré une publicité abondante pour cette soirée-débat. Voudrait-on donner quelque chose qui n'est pas souhaité ? L'identité n'est-ce pas de vouloir quelque chose et non pas de le donner toujours ?

Ces réflexions ne doivent pas occulter notre position favorable par rapport au fond de ce projet de loi, mais nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'à vouloir trop on a rien ! Les étrangers souhaitent des droits politiques, c'est certain. La population a montré à réitérées reprises sa réticence à les accorder. Toutes les spéculations quant aux mentalités actuelles sont futiles. Personne ne sait réellement ce que le peuple est prêt à accepter. Preuve en est le sondage effectué auprès des élus communaux à fin 1997 et qui figure en annexe du projet de loi original du Conseil d'Etat. Si tous les élus sont pour accorder des droits, seuls les représentants des législatifs communaux dégagent une majorité en faveur du droit de vote uniquement. Pourquoi dès lors vouloir aller encore plus loin que le projet initial ?

Le risque d'un échec nous apparaît de plus en plus présent au fur et à mesure que les positions se figent, certains voulant faire de l'électoralisme mal placé en défendant avec force un projet maximaliste. Nous ne pouvons partager cette détermination et ne saurions cautionner un nouvel échec populaire, raison pour laquelle nous ne sommes pas en faveur de ce projet, tout en étant favorable à faciliter toute démarche permettant une meilleure intégration-insertion des résidents étrangers dans notre canton, comme nous l'avons démontré lors des débats sur la naturalisation.

Notre préoccupation d'éviter un échec s'est exprimé à maintes occasions sans avoir été véritablement entendue. Plusieurs points essentiels vont focaliser autant de positions antagonistes, augmentant ainsi les risques d'échec :

Le droit de vote lié au droit d'éligibilité générera immanquablement un plus grand nombre d'avis opposés que si seul le droit de vote était proposé.

L'obligation au lieu de la possibilité octroyée aux communes d'accorder ces droits va aboutir à autant de débats contradictoires que le canton comprend de communes, alors qu'il aurait été plus heureux de laisser chaque commune se prononcer après la votation. L'autonomie communale aurait ainsi été préservée, voire améliorée. Les avis opposés se seraient exprimés au niveau communal et leur impact aurait été consigné localement, en fonction des spécificités communales. Dans le cas présent toutes les communes qui sont contre ce projet vont se mobiliser pour tenter de le faire échouer.

L'absence de réciprocité va aussi créer des divergences bien inutiles. Quoi de plus fort que ce principe pour pousser la Confédération à engager des discussions et favoriser ainsi les réflexions des autres cantons. Là nous serions vraiment précurseurs ! Ces démarches devraient être facilitées par les traités d'établissement existants déjà avec bon nombre de pays. Ne serait-ce pas plus facile d'accorder des droits à ceux qui nous les accordent aussi ?

En conclusion, sans retour au projet de loi initial, agrémenté d'une clause fixant le principe d'une réciprocité, nous nous opposerons avec regrets à ce projet de loi pour les raisons évoquées et vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire autant.

RAPPORT DE LA SECONDE MINORITÉ

Rapporteur: M. Pierre Marti

Soyons très clairs, un nouveau refus du peuple sera autant catastrophique pour les étrangers que pour Genève.

L'Alternative, en voulant aller trop loin avec leur proposition de ce projet de loi, sont soit inconscients soit irresponsables, car ils nous acheminent vers un refus sec et net du peuple.

N'oublions pas qu'en 1993 une telle proposition a été balayée par 71 % de non.

Pour de nombreuses années, nous devrons enterrer toute nouvelle proposition voire même la plus minimaliste mais réaliste proposée par le Conseil d'Etat en octobre 1998.

En réponse aux diverses demandes d'associations d'étrangers ou s'occupant du problème de leur meilleure intégration et surtout de résolutions de 9 conseils municipaux dont ceux des communes de Meyrin, Vernier et Onex, ainsi que d'un certain nombre de parlements des jeunes, le texte du projet de loi 7913 du Conseil d'Etat est le seul qui actuellement puisse obtenir l'accord d'une majorité en votation populaire.

En alpinisme, lorsque l'on veut atteindre un sommet, on étudie le parcours, on prévoit les divers bivouacs, on prépare son matériel, on s'entraîne puis lorsque tout est prêt, que l'on se sent bien entraîné, on peut se lancer à l'assaut de la cime, sauf ... si les prévisions météorologiques ne le permettent pas !

Cela doit être un peu médité dans notre travail de responsables politiques, députés ou autres, pour que nous arrivions à la plus grande intégration des étrangers

Naturalisation.

Peut-être que pour escalader ce sommet, un autre itinéraire serait plus judicieux, la naturalisation en est un, surtout avec les divers efforts entrepris tant sur le plan fédéral que cantonal pour la faciliter au maximum.

Il faut souligner que parallèlement à l'étude de ce projet concernant le droit de vote, la Commission des droits politiques a étudié le projet de loi 8066, concernant l'abrogation de toute taxe payée par les étrangers qui acquièrent la nationalité suisse à Genève, les émoluments couvrant les frais de procédure étant conservés.

L'obstacle financier, trop souvent évoqué et souvent à tort a été levé par notre vote du 31 août 2000. D'autre part, il n'est plus exigé la renonciation à son pays d'origine.

Ainsi tout étranger, sans renier ses racines familiales, désirant véritablement sa totale intégration et voulant participer totalement à la vie politique active tant sur le plan du vote que de l'éligibilité, pourra le faire très aisément.

Sans polémiquer, l'obligation du service militaire pour les jeunes restera un obstacle.

Il faut également relever qu'en commission le droit à la naturalisation a même été très largement discuté et pourrait faire l'objet d'un projet de loi.

Discussion en commission:

Il faut souligner que tous les commissaires de la minorité étaient d'accord avec la proposition du Conseil d'Etat, à savoir l'article 42 (nouveau) « Les communes peuvent accorder l'exercice du droit de vote communal aux étrangers âgés de 18 ans révolus, titulaires du permis d'établissement.

Par le droit de vote, on entend le droit de voter, le droit d'élire et le droit de signer une initiative ou un référendum ».

Cependant, quelques députés de gauche, idéalistes peut-être mais « jusque boutistes », certainement peu en prise avec la réalité ont durci le ton et réclamé le droit de vote et d'éligibilité en matière communale ainsi que l'obligation d'application de cette loi à toutes les communes.

La belle unanimité a ainsi éclaté, la possibilité d'une ouverture politique aux étrangers est disparue ; ce premier pas, certes petit, mais qui pouvait être accepté par une majorité ne devient qu'un chausse-trappe. Je ne sais si cette majorité de gauche est prête à prendre la responsabilité d'un nouvel échec devant le peuple, car il s'agit bien de cela.

Un peu d'histoire :

Pourtant, dans la prise en considération, les députés s'inquiétaient des résultats tous négatifs en la matière en Suisse entre 1990 et 1996 et promouvaient la politique des petits pas. L'un a été franchi dernièrement et je m'en réjouis beaucoup, car j'étais de ceux qui, avec les députés Milleret et Gillet, l'ont initié voici plus de vingt ans, l'ouverture aux étrangers des juges prud'hommes. Cependant, une petite analyse permet de constater que d'une part, dans certains secteurs, il était quasiment impossible de trouver suffisamment de candidats suisses et que d'autre part la votation intervenait le même jour que pour des sujets très importants, tels que la diminution des impôts et qu'ainsi aucun parti, voire même l'UDC, n'avait fait campagne pour ou contre cette première reconnaissance publique des étrangers dans notre vie économique et politique, et ainsi faire le premier petit pas vers leur intégration.

Je me réjouis beaucoup d'enregistrer ce premier résultat positif comme je serais extrêmement heureux de fêter également, après deux décennies, l'aboutissement des projets de lois PL 5196 et PL 5197 proposés le 2 septembre 1980 par un député socialiste qui a consacré sa vie aux étrangers. Il s'agit de M. Berthier Perregaux. Que préconisait-il ?

Après l'exposé des motifs qui restent toujours d'actualité, à savoir :

Depuis plus d'un siècle, de nombreux étrangers travaillent chez nous. Actuellement un grand nombre d'entre eux est établi ici depuis plus de dix ans.

Les statistiques nous montrent qu'à fin 1978, sur un total de 97 428 étrangers résidant dans notre canton, 72 882, soit les trois-quarts, possédaient un permis d'établissement.

Ces étrangers viennent principalement des pays suivants :

Italie 29 673 = 40,71 %

France 16 105 = 22,10 %

Espagne 13 723 = 18,80 %

Il nous semble donc que cette population, à la stabilité certaine, devrait être mieux intégrée dans notre vie politique et en particulier dans celle de leur commune de résidence. Ces étrangers devraient pouvoir participer aux prises de décisions et aux élections.

Les étrangers titulaires d'un permis d'établissement devraient pouvoir être totalement intégrés dans la commune où ils résident. Ce serait de notre part le signe que nous les considérons comme des hommes et des femmes à part entière, tout en respectant leur origine et leur culture, comme nous respectons celles d'un Confédéré, par exemple, qui vient s'établir à Genève.

D'autre part, un nombre important d'enfants d'immigrés, qui ont grandi chez nous, ou même y sont nés, atteignent leur majorité. Il serait juste qu'ils se sentent acceptés totalement, donc aussi au niveau politique, dans leur commune de résidence et soient amenés à participer à sa vie publique sans être obligés de renoncer à leur origine.

Cependant, nous pensons qu'il ne serait pas judicieux d'imposer ce droit de vote aux communes. Il nous paraît beaucoup plus souhaitable de leur en laisser l'initiative et que ce soient les ressortissants suisses qui en débattent à ce niveau et l'accordent aux étrangers. Nous respectons en cela l'autonomie communale.

Lieu d'origine et droit de vote

Chaque Suisse est originaire d'une commune. Cependant, il exerce ses droits politiques dans sa commune de résidence. Pourquoi n'admettrions-nous pas qu'il en soit de même avec les étrangers, d'autant plus que nous ne prenons ici en considération que les étrangers au bénéfice d'un permis d'établissement, donc les étrangers qui ont une connaissance certaine de nos us et coutumes.

Si l'on impose à un Confédéré qui vient s'établir à Genève un délai de trois mois avant de pouvoir voter au niveau communal et cantonal, le délai nécessaire pour l'obtention d'un permis d'établissement nous paraît plus que suffisant pour un étranger.

Enfin, et cela nous paraît important, en accordant le droit de vote aux étrangers, Genève ne ferait par preuve de pionnier en la matière.

En effet, dans le canton de Neuchâtel, les étrangers titulaires d'un permis d'établissement depuis cinq ans ont le droit de vote au niveau communal. Ce droit fut inscrit lors de la rédaction de la Constitution cantonale en 1849.

Dans le canton du Jura, depuis le 1er janvier de cette année, les étrangers domiciliés depuis dix ans sans discontinuer dans le canton, sont électeurs pour les scrutins du canton, du district et de la commune.

Notre proposition n'est donc pas nouvelle pour notre pays. Elle nous semble réaliste et réalisable. En l'acceptant, Genève montrerait son souci de mieux intégrer les étrangers qui vivent chez nous depuis longtemps et ferait honneur à sa réputation de terre d'accueil.

Les deux projets de loi datant du 2 septembre 1980 sont les suivants :

PROJET DE LOI

5196

modifiant la Constitution de la République et canton de Genève

(droit de vote aux étrangers) (A 2 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article unique

La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 41, al. 2 (nouveau)

Les communes peuvent accorder le droit de vote aux étrangers conformément aux conditions prévues par la loi

PROJET DE LOI

5197

modifiant diverses lois

(droit de vote aux étrangers)

(A 5 1 - B 6 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur les votations et élections, du 23 juin 1961, est modifiée comme suit:

Art. 3, al. 3 (nouveau)

Les communes peuvent également accorder le droit de vote aux étrangers titulaires d'un permis d'établissement et domiciliés dans la commune depuis un an au moins.

Art. 2

La loi sur l'administration des communes, du 3 juillet 1954, est modifiée comme suit :

Art. 27, lettre s (nouvelle)

s) L'octroi du droit de vote aux étrangers conformément aux conditions prévues par la loi sur les votations et élections, du 23 juin 1961.

Art. 67, lettre p (nouvelle)

L'octroi du droit de vote aux étrangers conformément aux conditions prévues par la loi sur les votations et élections, du 23 juin 1961.

Y a-t-il vraiment une différence avec le projet de loi que le Conseil d'Etat nous a proposé en octobre 1998 et celui de M. Perregaux qui préconisait la sagesse et la patience des petits pas voici vingt ans. Le climat politique et les sensibilités des citoyens se sont-ils à ce point modifiés que l'on peut présenter le projet de loi que la majorité de l'Alternative vous propose ?

Encore une fois, la Gauche et les Verts font une très mauvaise analyse politique et seront responsables de la nouvelle claque donnée aux étrangers en maintenant le droit d'éligibilité et l'obligation faite à toutes les communes.

Dans leur argumentation, ils se réfèrent aux trois cantons qui ont octroyé le droit de vote aux étrangers, soit Neuchâtel, le Jura et Appenzell (AR), en spécifiant dans la presse que même la petite commune de Wald (environ 850 habitants) a accordé des droits politiques aux étrangers résidant depuis plus de dix ans en Suisse dont cinq ans dans le canton en passant sous silence qu'il ne s'agit que du droit de vote et que c'est sur demande !

Autonomie

Alors que l'ensemble du Grand Conseil demande une plus grande autonomie des communes, il est aberrant que pour cet objet l'Alternative en fasse fi, quoique ces derniers temps elle ait pris l'habitude d'agir comme une girouette suivant l'objet proposé.

La très large consultation qu'a effectuée le Conseil d'Etat et les diverses expériences et votes dans d'autres cantons démontrent qu'il est actuellement plus productif de permettre aux communes de donner aux étrangers ayant 8 ans au moins de domicile légal en Suisse le droit de voter, d'élire et de signer au niveau communal.

Cette façon de pratiquer par petits pas est la seule solution pour réaliser une percée définitive. Il en a été de même pour l'introduction progressive du droit de vote des femmes.

Ainsi, les communes pourraient en toute autonomie décider si, quand et comment elles souhaitent accorder aux étrangers la possibilité d'une participation plus active à la vie politique de leur lieu de résidence.

Délais

Après discussions et consultations, il apparaît plus juste et « eurocompatible » de modifier la proposition du Conseil d'Etat exigeant des étrangers d'être « titulaires du permis d'établissement » en l'exigence « ayant leur domicile légale en Suisse depuis 8 ans au moins ».

Ceci permet de ne pas reprendre les critères différents pour l'obtention du permis d'établissement.

Conclusion

La minorité de la Commission des droits politiques désire aboutir à une évolution positive dans une meilleure intégration des étrangers et elle l'a prouvé en votant la nouvelle loi facilitant la naturalisation.

Elle est absolument persuadée que la politique des petits pas en la matière est la seule solution et que sa proposition, bien que minimaliste pour certains, est un premier pas qui peut seul avoir une chance de succès devant le peuple.

Auparavant, elle doit déjà être soutenue par une très forte majorité voire l'unanimité des membres de notre Grand Conseil.

Nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter l'amendement tel que formulé ci-dessous.

Art. 42, al. 1

1 Les communes peuvent accorder l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus et ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins.

Premier débat

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de majorité. Nous allons discuter d'un projet de loi constitutionnelle important, surtout si l'on considère le scrutin à venir du 24 septembre. Comme vous êtes des députés disciplinés, vous avez sans doute tous lu mon long rapport et je ne vous ferai pas l'affront de vous en faire un résumé. Je n'en relèverai que certains points qui me paraissent importants.

Le débat que nous avons ce soir est issu d'un double processus, l'un interne à notre République, l'autre plus global, au niveau du continent européen en tout cas. Notre République a entamé le débat sur cette question il y a maintenant six ans, au sein des parlements des jeunes de diverses communes. Ces débats ont été relayés par différents conseillers municipaux au sein de leurs communes, dont neuf au total ont adopté une résolution renvoyée au Conseil d'Etat. Par la suite, le parlement cantonal, par le biais de la motion de ma collègue Bugnon, a demandé au Conseil d'Etat de réagir. Enfin, le Conseil d'Etat a proposé une modification constitutionnelle à notre Grand Conseil qui, après une année et demie de travaux en commission, se retrouve ici ce soir pour défendre trois positions distinctes. C'est le premier processus.

Le deuxième processus est un processus un peu plus large, qui depuis quelques siècles concerne l'élargissement des droits politiques au sein de la population résidente. Cet élargissement est passé d'abord par les droits politiques donnés à des minorités religieuses, ensuite par les droits politiques donnés aux moins favorisés du canton, puisqu'à une époque seuls les riches s'attribuaient le droit de décider pour la République. Dans l'histoire plus récente, ces droits politiques ont été accordés aux femmes. Aujourd'hui, c'est une étape historique que nous vous proposons de franchir, en accordant des droits politiques aux étrangers, droits politiques communaux dans le cas qui nous concerne.

Ce double processus est aussi le fruit d'une modernisation de notre société qui aujourd'hui, comme je l'ai dit dans l'introduction de mon rapport, nous amène de plus en plus à considérer que la citoyenneté et la nationalité sont deux choses distinctes. Quant à nous, c'est dans ce sens-là que nous voulons aller.

Je le disais tout à l'heure, Genève est saisie aujourd'hui de plusieurs débats concernant sa population étrangère. Le premier est lié à l'initiative des 18%, sur laquelle le peuple suisse est appelé à s'exprimer dimanche. Un autre débat est celui de ce soir, concernant les droits politiques communaux. Enfin, un autre est celui que notre Grand Conseil a eu sur la naturalisation et sur les taxes de naturalisation plus particulièrement. Ici, je tiens à souligner l'importance du travail qui a été réalisé par deux associations importantes de la place genevoise, MondialContact et le Centre de contact Suisses-immigrés, qui ont récemment déposé un rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève, que tous les députés peuvent trouver à la salle des Pas Perdus.

Pour la majorité parlementaire, ces débats sont tous liés. En effet, si l'unanimité des forces présentes dans ce parlement appelle à refuser l'initiative des 18% le week-end prochain, il nous semble important que ces mêmes forces proposent une alternative aux citoyens et citoyennes de notre canton. En politique, on ne peut pas simplement se contenter de dire non ; il faut proposer quelque chose à la place. La majorité parlementaire de l'Alternative estime qu'il faut aller dans le sens d'une meilleure intégration des étrangers dans le canton et proposer une réelle politique pour atteindre cet objectif, qui doit passer par une loi sur l'intégration et bien sûr par des droits politiques accordés aux étrangers.

Dans cette introduction au débat, je voudrais revenir sur ce qui nous divise ce soir, puisque, bien que tous les partis disent être pour les droits politiques des étrangers, nous sommes trois rapporteurs à cette table. Je regrette les positions prises par la minorité, à commencer bien évidemment par celle défendue par M. Béné pour le groupe libéral, qui veut introduire un principe de réciprocité dans cet article constitutionnel. A mon avis, le groupe libéral n'a pas vraiment suivi nos trente-quatre heures de travaux en commission. Durant ces trente-quatre heures, nous avons discuté des étrangers, de ce qu'ils apportent à notre ville, à notre canton, des relations entre les Suisses et les étrangers, et finalement M. Béné rédige un rapport défendant la logique de la réciprocité, qui est une logique que pratiquent les Etats-nations entre eux, dans le cadre des relations internationales entre Etats. Les libéraux oublient en fait que, quelle que soit l'origine des étrangers dans notre République, ceux-ci n'en sont pas moins des résidents, qu'ils viennent d'un pays qui accorde des droits politiques communaux aux Suisses ou non. Le principe de la réciprocité est donc à rejeter absolument, il est vraiment hors débat ici.

Le second rapport de minorité, défendu par les démocrates-chrétiens et les radicaux, fait preuve d'un esprit qui, à mon sens, n'est pas très sain. En 1993, quand l'Alternative, par le biais d'initiatives populaires, soutenait l'introduction des droits politiques cantonaux pour les étrangers, vous nous disiez que nous allions trop loin, que vous étiez d'accord pour les droits politiques communaux, mais non cantonaux. M. Marti cite abondamment dans son rapport la proposition défendue en son temps par le député socialiste Perregaux, mais il oublie de préciser que, si cette proposition n'a pas été mise en oeuvre dans notre République, c'est bien parce qu'elle a été combattue par vos partis à l'époque. Il me paraît donc un peu facile de dire aujourd'hui que les gens de gauche de l'époque avaient raison et que nous avons tort, alors qu'en son temps vous aviez refusé cette proposition de M. Perregaux.

En lisant vos rapports de minorité, je constate que vous n'êtes pas contre les droits politiques des étrangers, mais que vous ne trouvez pas judicieux de les proposer au peuple, parce que vous pensez qu'ils vont être refusés. C'est là une tautologie évidente : finalement, vous ne soutenez que les projets dont vous pensez qu'ils ont une chance de passer devant le peuple ! Mais que mettrez-vous sur vos affiches ? «Mesdames et Messieurs les citoyennes et citoyens de cette République, nous vous proposons de voter non, parce que nous pensons que vous allez voter non...» ?

C'est là toute l'argumentation que vous développez, je le regrette, et je ne saurai que vous inviter encore une fois à vous rallier au rapport de majorité et à son projet de loi qui, en incluant des droits politiques complets au niveau communal pour les étrangers habitant depuis plus de huit ans sur le territoire suisse, a le mérite d'être clair et simple. (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (L), rapporteur de première minorité ad interim. Le débat que nous avons ce soir est effectivement un débat important et, sur le fond, je dirai tout de suite que le groupe libéral est favorable à une meilleure intégration, à une meilleure participation des étrangers à la vie politique de ce canton, qu'il est favorable à l'amélioration des droits politiques des étrangers. Dans certaines communes, ce sont même les conseillers municipaux libéraux qui ont rédigé les résolutions dans ce sens. J'aimerais donc le répéter haut et fort : nous sommes favorables à l'amélioration des droits politiques des étrangers, contrairement à ce que j'ai pu entendre ces dernières semaines.

Cela dit, en commission, il y avait certes des petits points de tension, il y avait également le problème de la réciprocité, mais les prises de position n'étaient pas définitives et si le consensus finalement a été brisé, c'est qu'un commissaire a indiqué très clairement - c'était sauf erreur M. Rodrik - que, pour lui, il était absolument inimaginable de dissocier le droit d'éligibilité et le droit de vote. C'est là où malheureusement nous n'étions plus du tout d'accord. De même, il y avait également un problème d'autonomie communale, s'agissant de l'obligation qui était faite aux communes d'octroyer ces droits politiques, alors que le projet de loi initial prévoyait uniquement de leur en accorder la faculté.

Au-delà de cela, j'aimerais revenir sur le vrai problème : on a parlé, lors de cette session et lors de la précédente, des personnes qu'il fallait consulter au sujet de tel ou tel projet de loi ; on a parlé des élèves du cycle d'orientation à propos des classes de 7e hétérogènes ; on a proposé tout à l'heure de consulter les gens directement concernés à propos de l'éducation civique. Dans le cas présent, les gens directement concernés, ceux qui sont aujourd'hui le plus proches de ces préoccupations, sont ceux qui ont rédigé le rapport que vous avez trouvé sur la table de la salle des Pas Perdus, le rapport pour une politique d'intégration dans le canton de Genève, établi par MondialContact et le Centre de contact Suisses-immigrés. Or, dans ledit rapport, il n'y a aucune invitation à donner des droits politiques aux étrangers, tels qu'ils sont prévus dans ce projet de loi. Ce rapport mentionne que des débats ont lieu sur certaines améliorations, mais MondialContact ou le Centre de contact Suisses-immigrés n'ont en aucune manière pris position en faveur des droits politiques, en disant clairement : «Oui, c'est exactement ce qu'il faut faire !».

J'en veux pour preuve, et je suis très satisfait que M. Hodgers l'ait mentionnée dans son rapport, l'audition, à la page 21, de MondialContact sur le projet de loi initial - il n'était pas encore question d'éligibilité - qui résume, il me semble, l'essentiel du débat de ce soir. Je cite la fin du deuxième paragraphe : «Si c'est un non qui sort des urnes, on pourra au moins en déduire que ce n'est pas seulement l'éligibilité (prise de pouvoir) qui pose un problème, mais que celui-ci est plus profond.» En dessous, la dernière phrase du dernier paragraphe : «La participation des étrangers est un processus en lui-même, le droit de vote un outil parmi beaucoup d'autres...» C'est dire que MondialContact aurait préféré un petit pas, plutôt que le pas qu'on veut faire aujourd'hui en donnant unilatéralement tous les droits politiques d'un coup. Le groupe libéral, quant à lui, n'est pas d'accord d'assumer le rejet par le peuple de la solution maximaliste telle qu'elle est proposée, alors que la solution minimaliste proposée par le Conseil d'Etat aurait certainement eu beaucoup plus de chances de passer.

Le droit de vote lié au droit d'éligibilité va générer immanquablement un plus grand nombre d'avis opposés que si seul le droit de vote était proposé, je crois que là personne ne peut me contredire. L'obligation faite aux communes - au lieu de la faculté - d'accorder ces droits va également aboutir à autant de débats contradictoires que le canton compte de communes. Il aurait été bien plus heureux de laisser chaque commune se prononcer après la votation ; l'autonomie communale aurait ainsi été préservée, voire améliorée. Les avis opposés se seraient exprimés au niveau communal et leur impact aurait été circonscrit localement ; ceci aurait permis de prendre en considération les spécificités communales. En l'occurrence, beaucoup de communes risquent simplement d'être contre et de faire campagne contre ce projet de loi.

Je termine en évoquant le problème de la réciprocité. Je pense que si ce problème n'est pas intégré, il va inévitablement créer des divergences bien inutiles. Si le principe de réciprocité était introduit, il pousserait la Confédération à engager des discussions et à favoriser ainsi toutes les réflexions qui peuvent être faites avec les autres cantons. Il s'agirait là d'un processus précurseur qui montrerait quelle image Genève souhaite donner, non seulement de notre petit canton, mais également de notre Confédération. Il serait facile de consulter les Etats qui nous côtoient et même ceux qui sont plus éloignés : il existe beaucoup de traités d'établissement et il serait facile de les amender pour faire bénéficier de la réciprocité les Suisses de l'étranger, qui seraient certainement ravis d'avoir les mêmes droits que ceux que nous voulons accorder aujourd'hui aux étrangers.

Monsieur Hodgers, vous dites que nous ne faisons aucune proposition, mais notre proposition est claire : elle est de revenir au projet du Conseil d'Etat tel qu'il était formulé initialement. Je tiens d'ailleurs à relever que même ce projet n'avait pas l'aval de tous les organes des différentes communes : les conseillers municipaux et les membres de l'exécutif n'avaient pas forcément la même vision du problème. Certains étaient pour le droit de vote et pour le droit d'éligibilité, mais il n'y avait aucune majorité dans les exécutifs ou les législatifs communaux pour une simultanéité de ces droits. Nous souhaitons donc revenir au projet de loi initial, en y intégrant éventuellement la problématique du permis C et des huit ans de résidence, qui nous paraît être un point annexe, mais en y insérant surtout la notion de réciprocité. Nous proposons donc d'ajouter à l'alinéa 1 : «...pour autant qu'ils soient ressortissants d'Etats dans lesquels un droit équivalent est reconnu à des citoyens suisses.»

Nous pensons que ceci ferait avancer la démocratie et l'intégration volontaire des étrangers. (Applaudissements.)

M. Pierre Marti (PDC), rapporteur. C'est avec une certaine émotion que je m'adresse ce soir au Grand Conseil, car voilà vingt-cinq ans j'étais un de ceux qui créèrent le Centre de contact Suisses-immigrés, qui s'était réuni pour l'occasion dans la salle paroissiale de la Jonction et dont l'un des buts était d'obtenir le droit de vote pour les étrangers. Je remercie les divers groupes qui depuis ont donné encore plus de dynamisme à cette recherche, surtout le groupe J'y vis, J'y vote ! et MondialContact. Cela démontre combien ce problème touche les jeunes et je me félicite que nous puissions en débattre. Cependant, il faut être très clair : un nouveau refus du peuple sera aussi catastrophique pour les étrangers que pour Genève. N'oublions pas qu'en 1993 une proposition identique avait été balayée par 71% de non.

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de m'adresser à vous en ayant en vue l'efficacité et le pragmatisme, mais surtout en laissant parler mon coeur, afin de trouver la solution la meilleure pour l'intégration la plus large possible des étrangers, qui partagent notre vie sociale, économique, culturelle, mais malheureusement pas politique. Cet objectif, j'en suis certain, est partagé par vous tous et c'est bien la raison pour laquelle je vous présente un amendement qui reprend, quasiment dans sa totalité, la proposition du Conseil d'Etat. Nous voulons absolument aller de l'avant, mais pas à pas, afin d'arriver à moyen terme à une véritable intégration et au droit de vote et d'éligibilité. Il faut souligner que d'autres pistes pour l'intégration des étrangers ont été discutées en commission et qu'elles ont toutes été aplanies ces derniers jours, par exemple la naturalisation. L'obstacle financier, trop souvent évoqué et souvent à tort, a été levé par notre vote du 31 août 2000. D'autre part, la renonciation à son pays d'origine n'est plus exigée. Ainsi, tout étranger, sans renier ses racines familiales et d'origine, désirant véritablement son intégration totale et voulant participer activement à la vie politique, tant sur le plan du vote que de l'éligibilité, pourra le faire très aisément.

Pour revenir aux travaux de la commission, le projet du Conseil d'Etat, tel qu'il était présenté, avait quasiment réuni l'unanimité de la commission après la première lecture. Malheureusement, un certain nombre de députés de gauche ont voulu être jusqu'au-boutistes et aller beaucoup plus loin, en réclamant le droit de vote et d'éligibilité. Je le regrette, car nous aurions pu commencer par un premier pas, pour lequel je suis absolument certain que nous aurions obtenu l'assentiment du peuple.

Faire des petits pas n'est pas une chose complètement farfelue. Sachez qu'il y a une vingtaine d'années j'avais présenté, avec M. Milleret et Mme Gillet, un projet de loi pour ouvrir aux étrangers les fonctions de juges prud'hommes. On vient de voter cette modification de la loi : il a donc fallu vingt ans ! S'agissant du vote des étrangers, j'aurais aimé que, juste vingt ans après la proposition de M. Berthier Perregaux - dont M. Hodgers a souligné dans son rapport tout ce qu'il a fait pour l'intégration des étrangers - on puisse fêter le 20e anniversaire de cette proposition, qui était quasiment la même que celle présentée par le Conseil d'Etat, en gagnant devant le peuple.

Si nous continuons à préconiser le pas à pas, c'est parce que la très large consultation entreprise par le Conseil d'Etat et les diverses expériences faites dans d'autres cantons démontrent combien il faut être attentif. Commencer par permettre aux communes de donner aux étrangers ayant huit ans au moins de domicile légal en Suisse le droit de voter, d'élire et de signer au niveau communal, est la seule solution pour réaliser une percée définitive. Rappelez-vous qu'il en a été exactement de même pour l'introduction progressive du droit de vote des femmes.

En ce qui concerne les délais, nous proposons une modification par rapport au projet initial du Conseil d'Etat. Il est préférable et plus eurocompatible d'exiger que les étrangers, au lieu d'être titulaires du permis d'établissement, aient leur domicile légal en Suisse depuis huit ans au moins.

En conclusion, je vous demande vraiment, Mesdames et Messieurs, si vous voulez aller de l'avant, si vous voulez véritablement faire un premier pas dans l'intégration des étrangers, de voter à l'unanimité l'amendement qui vous a été distribué. Celui-ci remplace l'amendement de la page 82 du rapport, dont le numéro n'est pas le bon et dans lequel j'ai omis de reprendre l'alinéa 2 compris dans le projet du Conseil d'Etat. Je vous demande donc de voter cet amendement dans son ensemble.

M. Jean Spielmann (AdG). Il s'agit effectivement d'un projet extraordinairement important. Si on peut se féliciter que le Conseil d'Etat ait suivi les propositions qui ont été formulées et ait présenté ce projet de loi à l'unanimité, il convient quand même de rappeler, avec le rapporteur de majorité, que les droits politiques, qu'il ne faut pas confondre avec l'intégration, sont un droit. Dans une société comme la nôtre, où 53% des personnes actives sont d'origine étrangère, il n'est pas normal, il n'est pas acceptable au niveau démocratique qu'une majorité d'entre elles ne puissent pas s'exprimer sur les problèmes qui les concernent directement, sur l'organisation de la société dans laquelle elles vivent. C'est donc un acte de justice que nous devons faire, nous devons corriger une situation qui n'est en rien comparable avec celle qui a été décrite à l'appui de la réciprocité, mais je reviendrai tout à l'heure sur ce problème.

Pour nous, les droits politiques bien sûr ne sont pas qu'une question de principe. Il faut aussi dire haut et fort que les droits politiques, c'est le droit de vote et d'éligibilité et que l'un ne va pas sans l'autre. Mesdames et Messieurs les députés, comment allez-vous expliquer à la population qu'on donne le droit de vote aux étrangers, mais qu'on ne leur donne pas le droit de choisir, ou qu'on leur donne uniquement le droit de choisir d'autres qu'eux-mêmes, et que 53% de la population active sera exclue de ce droit d'éligibilité ? J'ai entendu les arguments qui ont été développés et je dois malheureusement constater qu'une grande partie de ce Grand Conseil, je pense plus particulièrement aux démocrates-chrétiens et aux radicaux, défend la politique des petits pas. Je le regrette, car si nous tous, dans ce parlement, voulions montrer un réel courage politique, nous devrions accepter le rapport de majorité et donner les droits politiques sans les dissocier. Vous avez refusé de le faire, nous ne pouvons que le regretter, car vous nous mettez dans une situation difficile au niveau de la votation populaire.

J'en viens au problème de la réciprocité, à l'image de Genève dans le monde et à la vision un peu idyllique de M. Béné concernant la réciprocité. Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup d'endroits au monde où les Suisses de l'étranger représentent 53% de la population active, sans droits démocratiques et sans droits politiques ! Ce manque de droits est l'élément essentiel qui nécessite cette correction de notre part. Quant à la réciprocité, on pourrait la demander sur d'autres terrains et nous y serions à ce moment-là favorables. Je pense par exemple au secret bancaire, à différentes activités dont dépend l'image de la Suisse à l'extérieur. Si on veut parler de réciprocité, prenons des problèmes qui touchent directement à l'image du pays. L'image d'une Genève ouverte sur le monde, donnant le droit de vote ou d'éligibilité à une majorité de sa population qui est aujourd'hui privée de droits serait une belle image pour l'ensemble du monde et le plus bel exemple pour la réciprocité que pourraient nous accorder certains pays, s'ils ne nous ont pas déjà précédés.

Au niveau politique, nous nous trouvons maintenant dans une situation où chacun est appelé à faire un pas. Les bancs libéraux ont dit qu'ils n'étaient pas opposés au principe. Les radicaux et les démocrates-chrétiens sont de l'avis qu'il faut faire un pas, mais ils s'arrêtent malheureusement au milieu du gué, ce qui pose un problème politique de fond. Les jeunes de MondialContact et d'autres organisations l'ont dit : un vote négatif de la population genevoise serait catastrophique. Nous ne pouvons nous permettre de nous présenter divisés devant la population genevoise, avec un clivage classique gauche-droite, alors qu'il s'agit d'un problème qui nous interpelle tous. En l'occurrence, pour rallier l'unanimité de ce parlement, il suffirait que les libéraux renoncent au principe de réciprocité, s'engagent sur le projet présenté par le Conseil d'Etat, et que nous votions l'amendement de la minorité. Ce parlement pourrait ainsi proposer à l'unanimité au peuple genevois de donner le droit de vote à 53% de la population qui en est aujourd'hui privée ; à nous, ensuite, de passer à l'étape suivante et de compléter l'ensemble du dossier en donnant le droit d'éligibilité. Cela nous éviterait une défaite politique qui pourrait être grave, puisqu'on a vu, s'agissant notamment des prud'hommes, qu'il a fallu plus de vingt ans pour rectifier le tir.

En ce qui nous concerne, nous ne voulons pas faire la politique du pire. Notre parti votera donc, compte tenu de la situation, la proposition d'accorder le droit de vote, en espérant que la plus grande majorité de ce Grand Conseil nous suivra et que nous pourrons gagner en votation populaire, car notre objectif est de faire avancer la cause de ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas de droits politiques.

M. Pierre Vanek (AdG). Il l'a dit et vous l'aurez bien compris, Mesdames et Messieurs les députés, Jean Spielmann s'exprimait à l'instant au nom des trois députés du parti du Travail présents dans cette enceinte, et non pas au nom de la majorité des députés de l'Alliance de gauche et encore moins au nom du groupe AdG lui-même.

Comme il l'a relevé justement, la différence qui nous sépare ce soir est une appréciation tactique. L'Alliance de gauche est en faveur des droits politiques pour les résidents étrangers tant à l'échelle communale qu'à l'échelle cantonale, et nous l'avons inscrit dans notre programme électoral en 1997, celui-là même sur la base duquel nous avons été élus. Donc, aujourd'hui, quand la droite - parce qu'elle ne veut pas entrer en matière sur la proposition de la majorité de la commission consistant à accorder les droits politiques à l'échelle communale - nous présente comme des maximalistes, des jusqu'au-boutistes, des extrémistes qui voudraient tout et tout en même temps, elle peint une image absolument fausse. Au contraire, on m'a précisément reproché, du côté de gens qui me sont politiquement proches... (Commentaires.) Il y a pas mal de monde politiquement proche de moi en la matière, Monsieur Balestra, ne serait-ce que le Centre de contact Suisses-immigrés par exemple. On lit dans le rapport de majorité que la position que je défends est celle du CCSI, que M. Marti se vante d'avoir fondé il y a vingt-cinq ans et que cite M. Béné dans son rapport : le CSSI est d'avis qu'il faut accorder des droits politiques complets aux étrangers.

Accorder ces droits politiques à l'échelle communale est déjà une position ultra-minimaliste. En effet, il n'y a aucune raison, du point de vue de ces droits de l'homme - que nous avons tous eus à la bouche hier, Monsieur Halpérin, quand nous avons créé la nouvelle commission des droits humains - que les parents d'élèves étrangers ne puissent pas, par exemple, signer votre référendum concernant la 7e hétérogène au cycle d'orientation et voter sur cette question, qui les concerne évidemment très directement. Quel que soit le respect que j'ai pour la démocratie communale, je dois dire que réduire le débat à ce qui se passe à l'échelon des communes revient à n'octroyer qu'une toute petite portion des droits politiques aux résidents étrangers, qui pourtant font la vie de ce canton avec nous.

Maintenant, qu'avons-nous fait en commission ? je pense qu'il est utile de le rappeler. D'abord, si nous sommes effectivement entrés en matière, il n'y a pas eu unanimité au départ sur le projet de loi du Conseil d'Etat. D'ailleurs, le Conseil d'Etat lui-même posait, dans son exposé des motifs, toute une série de questions à la commission, au parlement, et nous demandait d'y travailler et d'y répondre. Le parti libéral quant à lui était très hésitant sur l'entrée en matière et j'ai dû, comme président de la commission, vigoureusement plaider le fait que l'entrée en matière ne représentait qu'une acceptation de la discussion sur cet objet pour qu'il s'y rallie. Nous sommes donc entrés en matière sur ce projet, qui représentait déjà une réduction considérable de ce qui est l'objectif de ce côté-ci de l'assemblée, à savoir les droits politiques à l'échelle cantonale aussi.

Nous avons ensuite travaillé autour du critère proposé par le Conseil d'Etat pour l'octroi de ce droit, qui était le permis C. Nous l'avons écarté, mais là non plus il n'y avait pas unanimité dans la commission, Monsieur Marti : nous étions très divisés, selon des lignes de clivage d'ailleurs un peu surprenantes. Quoi qu'il en soit, nous avons écarté ce critère du permis C et je suis heureux que personne ne s'y réfère aujourd'hui, parce qu'il est parfaitement injuste et renvoie à quelque chose comme la politique fédérale raciste dite des «trois cercles». Des gens peuvent avoir un permis C immédiatement dans certains cas exceptionnels, au bout de cinq ans pour les résidents d'un certain nombre de pays avec lesquels nous avons des accords bilatéraux, ou au bout de bien plus longtemps voire jamais pour d'autres. Nous avons donc accepté un critère de pure résidence, indépendant du statut ou de l'absence de statut, critère qui n'est pas celui que demandaient certaines associations, notamment le CCSI, soit cinq ans, mais nous avons estimé qu'on pouvait accepter l'équivalent de deux législature, c'est-à-dire huit ans de résidence.

Deuxième modification que nous avons effectuée en commission : nous avons estimé que le projet de loi du Conseil d'Etat qui introduisait la simple faculté pour les communes d'octroyer les droits politiques revenait à se cacher derrière son petit doigt. M. Cramer, pour qui j'ai beaucoup d'amitié, nous disait en quelque sorte que c'était une «bonne combine» et qu'ainsi on ne discuterait pas du droit des étrangers, mais d'un droit supplémentaire pour les communes. Nous lui avons répondu que le débat porterait évidemment, qu'il le veuille ou non, sur le droit de vote pour les étrangers et que cet octroi commune par commune conduirait à un patchwork communal de droits différents selon le côté de la rue, à un méli-mélo inacceptable du point de vue des conditions générales de l'exercice de la démocratie communale. C'est un avis que les personnes auditionnées partageaient largement, je fais référence notamment au représentant des associations patronales, Michel Barde, cité dans le rapport de notre ami Hodgers : l'UAPG pense que l'autonomie communale entraînera un méli-mélo sur le canton qui n'est pas souhaitable. Nous avons donc écarté cette disposition, partageant, sur ce point, l'avis des patrons.

Il faut dire cependant que, pour nous, ce point-là n'était pas une question de principe ; nous estimions peu opportun et peu raisonnable d'introduire cette clause, mais nous étions prêts, le cas échéant, à le faire. Dans un esprit de consensus, les partis dits de l'Alternative se sont donc adressés aux partis de l'Entente, officiellement et par un courrier ad hoc. Ceux-ci ont refusé de soutenir, même un projet de loi qui aurait comporté cette concession. Antonio Hodgers a signé la lettre de nos partis à ce sujet, il s'en rappelle ; il vaut peut-être, pour mémoire et pour le Mémorial, la peine de le rappeler ici.

Maintenant, j'en viens à la question dont vous faites grand cas politiquement et M. Béné notamment, à savoir que maintenir l'éligibilité, ce serait «maximaliste», ce serait «impossible». Je citerai à cet égard, parmi les gens que nous avons auditionnés, le président de feu la FINIM, l'ex-conseiller d'Etat démocrate-chrétien Guy Fontanet, qui a dit à notre commission que, sur le plan «éthique» - je cite ses propres mots - il était inadmissible de scinder droit de vote et droit d'éligibilité.

Mais il y a encore autre chose, Mesdames et Messieurs : il n'y a aucune raison que cette logique du pas à pas, des petits pas, des pas les plus petits possibles s'arrête là, et vous le savez. Le parti libéral, avec sa proposition de réciprocité qui ne peut pas fonctionner, cherche un prétexte, n'importe lequel, pour ne pas avoir à dire ouvertement non. D'autres aussi cherchent un prétexte pour se distancer de l'octroi des droits politiques aux étrangers. Or, si on s'engage dans cette voie a minima, pourquoi alors accepter le projet du Conseil d'Etat lui-même ? Je pourrais aussi l'attaquer «en démontrant» qu'il est extrémiste. Pourquoi ne pas commencer, par exemple, par le droit de signer des référendums et des initiatives seulement ? Pourquoi ne pas donner aux étrangers uniquement le droit d'élire les conseils municipaux, et pas celui d'élire les exécutifs ? Je pourrais décliner les tranches de saucisson de manière extrêmement fine pour démontrer qu'on pourrait aller beaucoup, mais beaucoup moins loin que ce que propose le Conseil d'Etat, et affirmer que c'est là seulement la voie «réaliste», celle du bon sens !

En l'occurrence, il faut mettre la barre quelque part et dans le projet tel qu'il ressort des travaux de la commission, nous proposons que les étrangers ayant leur domicile en Suisse depuis huit ans exercent les droits politiques, sans saucissonnage de ces droits, qu'ils les exercent en matière communale à leur lieu de domicile ; pour le surplus, les législations fédérales et cantonales s'appliqueront.

C'est une position d'une modération extrême, une position parfaitement raisonnable, à laquelle nous nous tiendrons ce soir. Nous avons déjà abondamment discuté dans cette enceinte du principe de la non-séparation, sauf motif grave, du droit de vote et d'être élu, ceci au moment où nous avons supprimé les incompatibilités pour les travailleurs de la fonction publique, leur permettant ainsi de siéger dans cette enceinte. Décision confirmée en votation populaire ! Il y avait eu un consensus sur le fait qu'il fallait un motif extrêmement grave pour scinder ces droits. Aujourd'hui, le motif grave que vous invoquez, c'est de pouvoir présenter un projet qui, d'après ce que vous prétendez, passerait plus facilement. Mais, Mesdames et Messieurs, on ne peut pas faire de la politique de cette façon ! Antonio Hodgers a eu parfaitement raison de le dire tout à l'heure : ceux qui seront responsables d'un échec hypothétique, ce ne sont pas ceux qui auront voté la proposition de la majorité de la commission ; ceux qui seront responsables d'un tel échec seront ceux qui auront appelé à voter non. Si vous êtes de ce côté-là, vous prendrez vous-mêmes sur vous la responsabilité éventuelle d'un échec...

Le président. Vous atteignez la fin de votre temps de parole, Monsieur Vanek !

M. Pierre Vanek. Un dernier mot, Monsieur le président ! J'aimerais qu'on utilise à propos de cette question une grille de lecture qui se réfère à la dernière grande catégorie de citoyen-ne-s à laquelle on a octroyé le droit de voter, d'élire et d'être élu : les femmes. Nous avons tous un peu honte aujourd'hui que notre pays ait mis si longtemps à aller de l'avant sur cet sujet. Imaginez que le même type de proposition ait été faite à l'époque ! A-t-on proposé à Genève d'octroyer d'abord le droit de vote aux femmes, mais pas celui d'être élues ? Non ! A-t-on proposé de l'introduire dans les différentes communes qui l'accepteraient seulement ? Non ! Cette grille de lecture là montre bien le caractère dérisoire et honteux des objections qui nous sont faites.

Un dernier mot sur l'amendement libéral, qui propose une soi-disant réciprocité. Vous invoquez, pour octroyer ce droit à des ressortissants étrangers, la nécessité que les Etats étrangers aient octroyé un droit équivalent. Cela signifie concrètement que si une commune, dans un pays étranger, adoptait le même type de législation, les citoyens des communes genevoises qui, par hypothèse, auraient eu ce droit dans cette commune-là, ne l'auraient simplement pas, parce que l'Etat «réciproque», la Suisse n'aurait pas accordé cette réciprocité. Cette proposition, c'est donc du bouillon pour les morts, c'est une tentative de vous cacher derrière votre petit doigt, parce que vous n'osez pas dire franchement face à l'opinion publique que vous êtes contre le projet.

Mais, en l'occurrence, je salue le fait que vous n'osiez pas le dire ! En effet, cela signifie qu'il y a eu un progrès, un changement des mentalités. Le fait qu'aucun parti dans cette salle n'ose se lever pour défendre la position de droite classique consistant à dire que les étrangers n'ont qu'à se naturaliser, que la naturalisation suffit comme voie d'accès à la citoyenneté, est une indication du progrès accompli ; cela indique que cette votation se présente peut-être sous des auspices moins défavorables que nous ne les peignent certains ! (Applaudissements.)

M. Jean-François Courvoisier (S). Il y a chez nous, malgré la facilité du droit de vote par correspondance, un nombre considérable de compatriotes qui ne votent pas et qui se désintéressent complètement de la vie politique. Puisque tant de Suisses ne vont pas voter et se désintéressent de la chose publique, laissons voter les étrangers qui le désirent et qui se comportent comme de bons citoyens. Ce droit accordé aux étrangers stimulera sûrement le sens civique de nos concitoyens, qui ne voudront pas laisser les étrangers gérer seuls leur commune et qui recommenceront à utiliser leur droit de vote, pour le plus grand bien de tous. Pour nous, le droit de vote est indissociable du droit d'éligibilité, car si l'on va voter il faut pouvoir aussi choisir ses candidats.

M. Albert Rodrik (S). Je me présente : extrémiste sexagénaire jusqu'au-boutiste !

Une voix. Ça se voit !

M. Albert Rodrik. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de remercier l'ancien conseiller d'Etat Haegi, qui a fait démarrer ce processus, l'actuel conseiller d'Etat Cramer...

Une voix. Robert !

M. Albert Rodrik. M. le conseiller d'Etat et cher ami, Robert Cramer... (Rires et exclamations. L'orateur est interpellé par M. John Dupraz.) On peut terminer ? Ton tour viendra, mais boucle-la, maintenant !

...qui a accompagné nos travaux et qui nous a aidés, et, enfin, les parlements des jeunes.

Mesdames et Messieurs les députés, je suis arrivé dans ce pays il y a quarante-cinq ans, et il y a trente-deux ans les gens d'Onex et ce parlement - à l'époque, le Grand Conseil le faisait - ont fait de moi un citoyen. Moi, j'ai choisi la voie de cette forme d'intégration. Les modes d'intégration des étrangers sont différents et personnels : certains se naturalisent, d'autres vivent ici avec un permis C depuis trois générations, avec toujours leur passeport étranger. Trouver des prétextes pour dire que la naturalisation est simplifiée et qu'on n'a plus besoin de renoncer à sa nationalité d'origine depuis 1995, selon le droit fédéral, n'est donc pas en rapport avec le débat que nous tenons. On s'intègre comme on le peut, comme on le sent, comme on le veut, comme on s'adapte et comme se fait la vie de l'étranger ici !

Mesdames et Messieurs les députés, depuis que le rapport de notre ami Hodgers - Monsieur Hodgers - est sorti...

M. John Dupraz. Camarade Hodgers ! (Rires.)

M. Albert Rodrik. ...les prudents, les raisonnables, les parcimonieux et les calculateurs nous ont fait la leçon : nous serions extrémistes !

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons dit depuis le début que nous nous occuperions du plan communal, et nous n'avons pas arrêté de nous en tenir au plan communal ! Pourquoi dis-je cela ? Parce qu'on nous cite abondamment l'exemple de 1993 et des deux scrutins : le maximaliste et le minimaliste, où nous avons pris une claque à plus de 70% ! Qu'avaient donc de commun ces deux scrutins ? Ils avaient bien quelque chose en commun : ils débordaient sur le plan cantonal ! J'ai personnellement passé les deux années préparatoires de ces deux initiatives à dire qu'il ne fallait pas commencer comme cela dans ce pays et qu'il fallait commencer par la commune ! C'est cela la politique des petits pas ! Et une fois que le plan communal est traité, on peut passer à l'étape suivante. Eh bien, les jusqu'au-boutistes de l'Alternative ont eu cette discipline, cette fois !

Deuxième chose. Au cours des débats, de cette place, j'ai déjà évoqué les trois problèmes à propos desquels nous ne pouvions pas souscrire au projet de loi du Conseil d'Etat ; trois, et trois seulement, dès la séance de prise en considération :

- le permis C à géométrie variable ;

- le fait de soumettre aux quarante-cinq communes de ce canton, sur une si petite superficie, la faculté de donner ou de ne pas donner l'exercice d'un droit politique, mettant en péril la cohésion du tissu social et permettant qu'à un kilomètre de distance une personne y ait droit ou non. Cela créerait des «poches» dans ce canton qui auraient des ressortissants étrangers avec droits politiques et d'autres pas ! Réfléchissez à ce que cela signifierait si les communes où les droits politiques étaient donnés aux étrangers étaient les mêmes que celles où le revenu fiscal par tête d'habitant est le plus bas du canton ! Réfléchissez aux conséquences que cela aurait sur le tissu social de ce canton !

- et, enfin, le droit et la jurisprudence et les lois disent dans quelles conditions, depuis les conquêtes de l'Etat libéral du XIXe, on dissocie le droit de vote et d'éligibilité. Il y a, Mesdames et Messieurs, des raisons très particulières pour lesquelles des citoyens qui ont la jouissance de leurs droits politiques n'en ont pas l'exercice. Nous ne pouvons pas collectivement dire que tous les ressortissants étrangers qui vivent et travaillent avec nous ici, globalement, sont soumis à des conditions qui font que dans ce pays certains ont la jouissance mais pas l'exercice des droits politiques. C'est un amalgame sur lequel, pour nous, il y a ce que j'appelle un non possumus absolu !

Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas dans la République des oracles et des pythonisses ! Moi, je ne sais pas ce que le peuple est prêt à accepter ou pas, aujourd'hui ! Ce que je sais, c'est que depuis trente ans, depuis les initiatives Schwarzenbach, le trend, la tendance, est de dire qu'il faut faire attention et avancer à petits pas ; qu'il faut apaiser le Moloch, le Moloch de la xénophobie, le Moloch du racisme ! Non, les démocrates n'apaiseront pas ce Moloch parce qu'il est insatiable : c'est bien ce 1er août au Grütli qu'un conseiller fédéral a été conspué - et pas n'importe quel conseiller fédéral !

Une voix. Radical !

M. Albert Rodrik. Un radical, celui qui, président de la Confédération en 1995, a présenté les excuses de la Suisse pour les péripéties de la Deuxième guerre mondiale ! C'est lui que les skinheads ont conspué, mais il n'a pas réagi !

Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes des adeptes de la politique des petits pas, c'est pourquoi nous n'avons jamais quitté le plan communal. Nous voulons mener cette politique des petits pas, mais pas en dissociant des éléments aussi fondamentaux - et qui portent des jugements de valeur sur les gens - que le droit de vote et d'éligibilité ! Non, je ne sais pas ce que le peuple est capable d'accepter, mais ce que je sais, moi en tant qu'élu du peuple, c'est ce qu'en conscience je puis lui apporter, c'est-à-dire ceci : les ressortissants étrangers ayant leur domicile légal dans ce pays depuis huit ans au moins doivent pouvoir exercer les droits politiques en matière communale à leur lieu de domicile ! C'est un droit qui les met sur le même plan que les Suisses, pour ce qui est du plan communal, et toute autre solution ne me paraît pas compatible avec la dignité de ceux qui vivent ici, travaillent ici et qui sont nos compagnons de route !

Mesdames et Messieurs les députés, l'extrémiste va se taire, mais ce qu'il a dit ici est un devoir d'honneur. Vive Piogre et vive la fraternité universelle des êtres humains, qui ne s'arrête pas à un passeport ! Mesdames et Messieurs, merci ! (Applaudissements et contestations.) 

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Vaste débat ce soir ! Monsieur le rapporteur de majorité, j'ai beaucoup aimé votre rapport, la justesse de vos propos, la sensibilité qui s'en dégage et surtout l'approche que vous avez de ce problème que vous connaissez si bien, notamment lorsque vous dites, à la page 42, qu'une «démocratie qui fonctionne sans le 40% de sa population est porteuse d'un dysfonctionnement...» C'est tout à fait vrai. Ces 40% de la population, ce sont ces étrangers qui ont contribué au développement économique, culturel, et au rayonnement de notre canton, ces étrangers qui ont souvent été décriés dans ce pays et auxquels il est juste et normal d'accorder ces droits. Et le parti du Travail, comme l'a dit Jean Spielmann, a, dans ses programmes, toujours réclamé le droit de vote et d'éligibilité pour tous les étrangers.

Cela dit, et je parle aussi en tant qu'étrangère, puisque je vis dans ce pays depuis trente ans et que pendant quelques années j'ai fait partie de ces étrangers qui n'avaient pas de droits politiques, c'est justement parce que j'ai peur du verdict populaire que je ne peux pas vous suivre, Monsieur le rapporteur de majorité, lorsque vous demandez le droit de vote et d'éligibilité. En effet, qu'allons-nous dire aux étrangers si le peuple nous dit non ? Comment assumerons-nous nos responsabilités si encore une fois, comme en 1993, nous enregistrons un refus ?

Personnellement, même si cela me fait très mal au coeur de prendre cette décision, je dis qu'il est préférable, comme l'a expliqué Pierre Marti, de mener une politique des petits pas, de proposer le droit de vote, puis de revenir très rapidement sur le droit d'éligibilité. Je rappellerai ici que dans le canton de Neuchâtel, qui va se prononcer ce week-end sur le droit de vote des étrangers au niveau cantonal, il y avait un large consensus politique et que la décision a justement été prise de ne demander que le droit de vote. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de M. Marti, tout comme les représentants du parti du Travail et certains Indépendants.

M. René Koechlin (L). Mesdames et Messieurs, contrairement à certains préopinants, je ne chercherai pas à vous arracher des larmes par mes propos, à faire vibrer chez vous le côté émotionnel, mais je tenterai plutôt de faire appel à votre raison. En d'autres termes, je vais essayer de recentrer le débat.

Ce dernier nous démontre une fois de plus que sur des sujets fondamentaux - car je considère que ce sujet est fondamental - nous nous entendons et nous trouvons un consensus à propos de l'objectif suprême. Nous sommes d'accord sur les finalités. En l'occurrence, et je crois que M. Rodrik lui-même, tout extrémiste qu'il soit, ne me contredira pas, la finalité pour nous, c'est qu'en Europe, car nous sommes en Europe, tous les citoyens, où qu'ils habitent, aient le droit de vote et le droit d'éligibilité à l'endroit où ils vivent, comme c'est le cas dans notre pays entre tous les cantons, quel que soit le canton dont on soit ressortissant. J'étais Zurichois à l'origine : je suis élu ici et je vous parle ! Je suis un estranger de l'intérieur ! Et je rêve - je rêve car je sais que je ne la verrai pas de mon vivant - d'une Europe où il en serait ainsi, où tout citoyen européen aurait le droit de vote et d'éligibilité à l'endroit où il habite.

Cela, c'est l'objectif suprême, Mesdames et Messieurs, mais nous sommes tous réalistes et nous nous rendons compte que cet objectif idéal, nous ne pouvons pas l'atteindre dans un délai suffisamment court. Or, comme nous sommes un peu pressés et que nous avons envie d'aller dans ce sens, de nous diriger vers cet objectif suprême, nous adoptons ce que l'on appelle la politique des petits pas. Sur ce point aussi, nous sommes tous d'accord : nous sommes tous d'accord d'adopter une politique des petits pas, car nous pensons que, du point de vue stratégique, c'est probablement le meilleur moyen d'atteindre un jour l'objectif final. Là où nous divergeons, c'est sur la dimension des pas. Certains voudraient franchir tout de suite un pas un peu plus grand, d'autres rétorquent qu'il est trop grand, qu'il ne passera pas devant le peuple - s'agissant d'une loi constitutionnelle, nous sommes obligés de la soumettre au souverain. Evidemment, nous avons peur d'un refus et, là aussi, nous sommes d'accord : un refus du peuple serait catastrophique, car il risquerait d'envoyer ce type de projet aux oubliettes pendant des années, ce que nous ne voulons pas non plus.

Quant à nous, nous nous demandons donc quel petit pas franchir pour commencer. Si nous parlons de politique des petits pas, cela veut dire qu'il y en aura plusieurs, mais il faut les concevoir aussi petits que possible, de manière qu'ils aient le maximum de chances d'être acceptés par le souverain, de manière à nous encourager à franchir le suivant immédiatement après, et ainsi de suite.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je fais appel à votre raison : franchissons un petit pas, un pas auquel le souverain ne s'opposera pas, qu'il acceptera. Ensuite, une fois que le peuple se sera prononcé positivement, nous viendrons avec un nouveau projet de loi constitutionnelle et ainsi de suite. Je vous propose cette stratégie, parce que c'est une stratégie réaliste dans notre démocratie où le souverain a toujours le dernier mot. Et je me rallie à la proposition faite par M : Spielmann tout à l'heure, à savoir laisser le choix aux communes et nous limiter au droit de vote. Commençons par ce premier pas, ensuite nous franchirons le suivant. En ce qui me concerne, je suis prêt à renoncer à la réciprocité, parce que la réciprocité revient à ne rien faire. J'encouragerai donc mes collègues et M. Béné à retirer cet amendement, si nous nous mettons d'accord sur la proposition faite par M. Marti. C'est un petit pas raisonnable, qui pourrait peut-être emporter l'adhésion de la totalité de ce Grand Conseil, de façon à donner le maximum de chances à ce projet de loi de passer devant le souverain. Car c'est cela que nous voulons : nous voulons que le souverain approuve ce projet de loi, approuve ce premier pas. Alors, mettons-nous d'accord, mais montrons-nous tacticiens plutôt qu'adversaires politiques, parce qu'ici le problème est plus tactique que purement politique.

Mesdames et Messieurs, je vous invite à suivre l'amendement de M. Marti : il me paraît être le plus raisonnable et celui qui donne le plus de chances à ce projet de loi d'aboutir devant le souverain.

M. John Dupraz (R). Pour bien comprendre ce projet de loi, il faut faire un peu d'histoire et rappeler quel a été le processus qui a amené le Conseil d'Etat à déposer ce projet. Tout est parti des démarches de parlements des jeunes, qui ont été relayées par des Conseils communaux, par des résolutions communales demandant de trouver une possibilité d'octroyer le droit de vote aux étrangers résidant dans lesdites communes. Mme Fabienne Bugnon a relayé ces résolutions communales par une motion et le Conseil d'Etat, courageusement, a fait une proposition pour répondre aux préoccupations des communes.

En l'état, le projet de loi du Conseil d'Etat n'est pas un projet minimaliste. Monsieur Etienne, vous avez beau hocher la tête comme un âne : c'est un conseiller d'Etat de la majorité qui a proposé ce projet de loi, ce n'est pas moi, et il l'a proposé conformément aux voeux exprimés par les communes ! Le Conseil d'Etat a fait une appréciation politique et a expliqué - cela nous a été dit en commission - qu'il était difficile d'aller plus loin, si on voulait avoir une chance de progresser en la matière, notamment après l'échec de 1993. Il vaut mieux commencer par un projet de loi, qui peut paraître minimaliste mais qui est réalisable et politiquement acceptable.

M. Courvoisier propose de donner le droit de vote aux étrangers qui habitent notre canton sous prétexte que beaucoup de Suisses ne vont pas voter. Mais, Monsieur Courvoisier, Mesdames et Messieurs les députés, croyez-vous que les étrangers iront voter plus que les Suisses ? Moi, je n'en sais rien mais j'en doute... Du reste, je n'ai jamais vu les étrangers manifester dans la rue de l'Hôtel-de-Ville avec des pancartes : «Donnez-nous le droit de vote !». Je les ai vus manifester pour avoir une augmentation de salaire, ce qui me paraît tout à fait logique et légitime.

En fait, par notre démarche ce soir, nous voulons donner un signal aux étrangers : nous les accueillons, ils participent à la vie économique et à la prospérité de ce pays par leur travail et, après un certain nombre d'années, nous estimons donc qu'ils ont le droit, au niveau local, de participer aux décisions communales, dans un premier temps. C'est un geste d'ouverture, mais ce n'est qu'un des éléments de l'intégration des étrangers dans notre pays, dans notre canton, dans notre société. En effet, je crois que c'est bien plus par la vie associative, qu'elle soit sportive, artistique, religieuse, que les gens s'intègrent. Dans des petits villages comme le mien, il y a de bons Suisses qui s'établissent pour des raisons x ou y, et qu'on ne voit jamais, qui ne s'intègrent pas. Et il y a des étrangers qui sont là depuis deux ou trois ans et qui participent à la vie du village. L'intégration est donc avant tout un acte, je dirais bilatéral, entre ceux qui accueillent et ceux qui sont accueillis, une rencontre entre les uns et les autres. Dans le cadre de notre activité professionnelle, mon épouse et moi avons eu un collaborateur étranger pendant dix-sept ans qui, pendant dix-sept ans, matin, midi et soir, partageait nos repas en famille : c'est aussi cela l'intégration, à côté du droit de vote qui est un signal positif que nous donnons.

En l'état, j'estime que le projet de loi proposé par le Conseil d'Etat est raisonnable et répond aux préoccupations des communes. C'est pourquoi le groupe radical suivra la proposition faite par M. Marti. Quant à la réciprocité que souhaite M. Béné, je ne vois pas comment nous pourrions l'obtenir. Genève est un canton, l'équivalent d'un département en France, ce n'est pas un Etat, et je ne vois pas comment notre ministre des affaires étrangères irait négocier la réciprocité avec d'autres pays parce que nous accorderions le droit de vote aux étrangers en matière communale. Cela me paraît difficile. Ce qui est proposé par M. Béné représente plutôt un blocage dans cette volonté d'intégration.

Encore une fois, je vous invite à voter le projet proposé par M. Pierre Marti, qui reprend l'essentiel du projet du Conseil d'Etat. Nous souhaitons vivement que le Grand Conseil se rallie à ce projet-là, qui est praticable, qui est raisonnable, qui va dans le bon sens et qui a une chance d'être accepté.

Mme Esther Alder (Ve). Les Verts ont depuis toujours fermement milité en faveur du droit de vote des étrangers. Je ne reviendrai pas sur ce que M. Antonio Hodgers a fort bien dit et qui traduit parfaitement l'opinion de la majorité de la commission. En acceptant le rapport de majorité, Mesdames et Messieurs, notre parlement fera un grand pas en faveur de toute une population exclue de la vie politique communale, du simple fait qu'elle n'est pas suisse. En acceptant le rapport de majorité, on ne créera pas une citoyenneté à deux vitesses. Tout au contraire, on accordera les mêmes droits aux uns et aux autres, car comment pourrait-on accepter que l'on puisse voter mais ne pas pouvoir être élu ? Comment pourrait-on accepter que, sur un petit territoire comme Genève, une commune pourra ou non accorder l'exercice des droits politiques aux étrangers ? Non, pour nous, l'exercice des droits politiques ne doit pas être découpé, mis en quartier ; c'est un tout et c'est ce tout que nous aimerions voir voter ce soir.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Non seulement les Verts tiennent ce discours depuis longtemps, mais ils sont pour les droits politiques des étrangers entiers et complets, par analogie à ceux dont les Suisses disposent. Comme nous respectons la volonté populaire, nous avions décidé de ne pas revenir devant le peuple avec une nouvelle initiative et il a fallu l'initiative des parlements des jeunes pour que le débat reprenne ce soir. Ici, je dois m'inscrire en faux contre ce qui est écrit dans le rapport de M. Marti, lorsqu'il dit : «N'oublions pas qu'en 1993 une telle proposition a été balayée par 71% de non.» C'est totalement faux : la proposition sur le droit de vote et d'éligibilité sur le plan communal n'avait pas été présentée en 1993.

Nous restons quant à nous convaincus que pour une personne intégrée - et huit ans de résidence nous paraissent être l'un des critères - les droits civiques complets sont indissociables. Un nouveau débat s'ouvre aujourd'hui grâce à MondialContact et au Centre de contact Suisses-immigrés : les droits politiques des étrangers comme instrument d'intégration, comme élément du processus de cette intégration et comme outil essentiel de ce processus. C'est un débat intéressant, c'est un intérêt nouveau d'intégrer les droits politiques dans une intégration globale, d'où la volonté de déposer un projet de loi sur l'intégration, avec les associations qui ont une connaissance et une expérience des milieux d'étrangers. Le projet est imminent, il sera déposé lors de la prochaine séance et il aurait été intéressant d'inclure le droit de vote dans ce même débat.

Aujourd'hui, pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, on dissocie, puisque l'on commence par un des éléments de ce processus, soit les droits politiques. Dans ces droits politiques, on choisit le niveau le plus faible, puisque, même si les décisions sur le plan communal sont d'une grande importance - notamment sur le plan de la politique de proximité et donc de la politique d'intégration - il faut reconnaître que la population est rarement sollicitée sur des objets communaux, sauf au moment des élections. Enfin, on souhaiterait encore amputer les droits politiques, en accordant généreusement le droit de vote aux citoyens étrangers répondant aux critères, mais en leur déniant le droit de décision, en les empêchant d'entrer dans un exécutif ou un législatif. Cette proposition est totalement inacceptable. Non seulement on nous demande de trier les droits civiques et de mettre de côté les droits au niveau fédéral et cantonal, mais en plus on nous demande de couper en deux le dernier niveau et de sortir du jeu politique, une fois encore, des milliers de personnes parfaitement intégrées.

Cette fois-ci, nous ne vous suivrons pas. Nous avons, au nom des compromis, avalé suffisamment de couleuvres et il en va cette fois-ci du respect de l'étranger. Ce respect, vous le foulez aux pieds. Je me sens honteuse de cette nouvelle humiliation que vous voulez leur infliger ce soir. Ceux qui défendent ce point de vue, au nom du petit pas qui vaut mieux que rien du tout, n'ont aucun crédit, car vous savez fort bien que cela ne changera rien du tout au vote du peuple. Ou les électrices et électeurs genevois sont prêts aujourd'hui - comme ils nous l'ont prouvé en acceptant des juges prud'hommes étrangers - à octroyer des droits civiques, et ils seront alors assez adultes pour les accorder dans leur entier. Ou alors ils ne sont pas encore prêts, ni au droit de vote ni au droit d'éligibilité, et nous ferions mieux de réfléchir avant de le leur proposer. Je vous demande donc fermement et avec conviction de refuser l'amendement de M. Marti.

Quant aux propositions de réciprocité chères aux libéraux, alors qu'elles n'ont même pas été imaginées par le Conseil d'Etat, ou au choix laissé aux communes d'accorder ou non ce droit de vote, ces propositions relèvent de l'anecdote ; le rapport de mon collègue Hodgers est suffisamment clair pour que je n'y revienne pas.

En ce qui nous concerne, nous n'accepterons donc aucun nouveau marchandage et j'espère que du côté de l'Alliance de gauche non plus. Nous refuserons les deux amendements et nous vous proposons d'en faire de même. (Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de majorité. Je souhaite une très longue vie à M. Koechlin après son intervention, mais j'aimerais quand même l'informer que l'Europe communautaire donne déjà aux ressortissants étrangers communautaires des droits politiques complets, droit de vote et d'élibigilité, après un certain temps de résidence. Cette utopie dont vous parliez est donc toute proche autour de nous, d'autant plus proche que les quinze pays européens - voyez l'annexe 5 de mon rapport, page 65 - non seulement donnent, sur directive européenne, des droits politiques complets aux ressortissants communautaires, mais que neuf d'entre eux en donnent également aux ressortissants non communautaires et que trois pays - la France, la Belgique et l'Allemagne - sont en train de débattre d'un projet allant dans ce sens. C'est dire qu'une fois encore la Suisse, en matière de démocratie, est en retard par rapport à ses voisins, alors que la participation des citoyens est justement l'un des éléments principaux qui fondent notre démocratie. Nous nous targuons souvent de notre belle histoire démocratique, de l'ancienneté de nos institutions, mais, comme pour le droit de vote des femmes, nous sommes en train de prendre un retard important en la matière.

Je ne reviendrai pas sur l'argument de la réciprocité, puisque les libéraux semblent vouloir retirer leur amendement... (Commentaires.) En tout cas, vous ne semblez pas l'appuyer, votre argumentation politique ne va pas dans ce sens. On l'a dit plusieurs fois, cet argument est un non-sens. Aujourd'hui, nous parlons de droits fondamentaux, nous parlons d'intégration dans notre canton et votre amendement revient à dire : oui, d'accord pour des droits, mais les autres d'abord ! M. Vanek a très bien démontré que votre proposition serait inapplicable dans les faits et qu'elle conduirait tout simplement à ce qu'aucun étranger ne puisse voter dans notre canton.

J'aimerais que l'Entente soit cohérente. Mesdames et Messieurs, vous avez tous argumenté ce soir en faveur des droits politiques des étrangers. Même en ce qui concerne l'éligibilité, je n'ai entendu aucune intervention contre le principe qu'un étranger soit élu. Vous vous contentez d'appeler à la prudence, en critiquant notre soi-disant extrémisme. Alors, je vous en prie, soyez cohérents avec vos positions politiques et assumez-les ! Admettons que nous soyons extrémistes en la matière : ce n'est pas parce que la majorité parlementaire défend une position qui va au-delà de ce que vous souhaitez que vous devez la combattre et mener campagne devant le peuple contre ce projet. Nous allons, c'est vrai, un peu plus loin que vous ce soir, la démocratie fait que c'est la majorité parlementaire qui décide, mais si vous tenez réellement à ce que les étrangers aient des droits politiques, je ne vois pas comment vous pourriez faire campagne contre notre projet.

Alors, encore une fois, nous refuserons les deux amendements proposés et nous invitons les députés de l'Entente, qui font preuve d'un esprit clairvoyant dans leur discours général, mais qui ne l'assument pas dans les actes, à nous rejoindre et à voter avec nous le projet de loi de la majorité !

M. Jacques Béné (L), rapporteur de première minorité ad interim. Je trouve quant à moi que le débat dérape un peu. Le risque d'échec que j'ai mentionné ne semble pas être un motif grave pour M. Vanek, il semble être anecdotique pour Mme Bugnon, je le regrette. Je comprends que pour M. Vanek, avec ses grands pieds... (Exclamations.) la politique des grands pas est préférable, mais je regrette alors, Monsieur Vanek, que conformément à cette politique qui est la vôtre, nous n'ayez pas proposé un amendement visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers aussi au niveau cantonal. Pour les communes, vous êtes d'accord, mais, à partir du moment où cela nous touche directement, vous n'êtes plus d'accord... (Brouhaha.) D'accord pour les autres, mais pas pour nous !

Si je reprends le sondage sur lequel le Conseil d'Etat s'est basé pour élaborer son projet de loi, je constate qu'à la question : d'une manière générale faut-il accorder des droits politiques aux étrangères et aux étrangers ? à fin 1997, 62% des conseillers municipaux ayant retourné le questionnaire répondaient oui. En ce qui concerne le droit de vote uniquement, la majorité des conseillers municipaux répondait également oui. En revanche, en ce qui concerne le droit de vote et le droit de signer des initiatives et des référendums, la majorité répondait d'ores et déjà non. Enfin, en ce qui concerne le droit d'élire et d'être élu, la majorité, par 365 contre 218, répondait très clairement non. C'est le premier élément.

Deuxième élément : au niveau des conseillers administratifs, des maires et des adjoints, c'est exactement l'inverse, Monsieur Vanek ! A la question : d'une manière générale, faut-il accorder des droits politiques aux étrangères et aux étrangers ? les conseillers administratifs, maires et adjoints, répondaient non à 62% ! C'est dire que vous occultez complètement la position des personnes qui seraient directement concernées par les décisions que pourraient prendre les étrangers lors des votations ou élections dans les communes. Je trouve navrant, Monsieur Vanek, que vous n'en teniez pas compte. Nous avions proposé, en commission, de refaire un sondage pour voir si les mentalités avaient évolué, sachant qu'entre-temps des élections communales ont eu lieu. Malheureusement, vous avez refusé et je le regrette.

La réciprocité a été, quant à elle, le dernier point sur lequel nous nous sommes prononcés. Les principes de base sur lesquels nous avions pris position étaient ceux proposés par le Conseil d'Etat dans son projet de loi, avec lequel nous étions d'accord ; la question de la réciprocité est venue bien après. Je ne dis pas qu'elle a fait l'unanimité dans notre groupe - certains de nous peuvent effectivement avoir une position différente - mais c'est un principe sur lequel nous sommes majoritairement d'accord. Les prises de position de votre groupe, Monsieur Vanek, ne semblent pas non plus faire l'unanimité chez vous : laissez-nous donc aussi proposer des amendements qui ne font pas l'unanimité dans notre groupe !

Cela dit, Mesdames et Messieurs, j'aimerais vous faire une proposition à ce stade du débat. Sachant que nous pourrions effectivement trouver un consensus et au regard du rapport établi par MondialContact et le CCSI - que nous venons de recevoir et que j'aurais beaucoup aimé recevoir il y a quelques semaines - je vous propose de renvoyer ce projet de loi en commission... (Exclamations.) Je vous explique pourquoi. Certains membres de l'Alliance de gauche proposent d'accepter l'amendement de M. Marti et de revenir, dans un deuxième temps, avec un projet de loi sur l'éligibilité. Quant à moi, il me semble que ce ne serait pas jouer la transparence vis-à-vis de la population que de proposer, tout de suite après le droit de vote, une deuxième votation sur le droit d'éligibilité. Par ailleurs, je suis convaincu que notre canton a besoin d'une politique claire concernant l'intégration et la participation des étrangers à la vie politique, mais, pour ce faire, nous avons obligatoirement besoin de nous associer avec les représentants de ces milieux. Il me semble qu'ils ne sont pas nombreux dans cette salle, à part peut-être M. Hodgers qui, lui, milite activement dans une association qui veut absolument ces droits politiques. Mais, au-delà, MondialContact, que nous subventionnons, comme le Centre de contact Suisses-immigrés, sont des associations qui me semblent représentatives des étrangers et de leurs préoccupations dans notre canton.

Je propose donc que nous renvoyions ce projet de loi en commission, que celle-ci établisse deux projets de lois distincts - ce qui permettrait à la population de se prononcer séparément sur le droit d'éligibilité et sur le droit de vote - et qu'en même temps, avec MondialContact, avec le Centre de contact Suisses-immigrés et avec tous ceux qui souhaiteront se joindre à la réflexion, elle élabore une politique claire, sur la base d'un projet de loi, pour l'intégration et la participation des étrangers à la vie de notre canton. Cette alternative permettrait, à mon avis, d'arriver à un réel consensus. Ce soir, nous allons peut-être faire un grand, un petit ou un demi-pas, mais il me paraîtrait beaucoup plus opportun d'en faire un tous ensemble, permettant à la population de se prononcer, à terme, sur ce qu'elle désire effectivement.

Le président. Mesdames et Messieurs, pour la clarté du débat, je souhaiterais que l'on puisse immédiatement mettre aux voix la proposition du rapporteur de première majorité, M. Béné, à savoir le renvoi de ce projet à la commission des droits politiques.

Mis aux voix, le renvoi du projet à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté.

M. Christian Brunier (S). Lorsque j'entends M. Marti prendre des positions minimalistes pour accroître, dit-il, les chances de succès, je peux, tout en étant en désaccord avec lui, éprouver un certain respect, étant donné qu'il se bat, on l'a dit tout à l'heure, depuis des années pour les droits politiques des étrangers. Par contre, quand j'entends certains libéraux - je dis certains libéraux, car je sais qu'une partie du groupe libéral est beaucoup plus ouverte, elle l'a prouvé lors du débat sur la nationalité - quand j'entends certains libéraux comme M. Béné parler de réciprocité, je prétends que ce n'est qu'un alibi, qu'une excuse hypocrite pour refuser tous droits nouveaux pour les étrangers.

En les entendant, je me dis que, pour certains, la campagne des élections cantonales a déjà débuté et qu'ils ont décidé de ne pas déplaire à un triste électorat, malheureusement en progression dans plusieurs pays européens. Et en entendant M. Spielmann, je suis sûr que la course au Conseil d'Etat est déjà ouverte ! (Exclamations et brouhaha.)

Jean Spielmann, tu as dit tout à l'heure... (Manifestations dans la salle.) ...que le droit de vote et le droit d'éligibilité étaient indissociables. Tu as raison ! Mais alors pourquoi céder sur les principes, dans l'espoir, un espoir franchement vain, d'une soi-disant victoire ? Je rappellerai qu'à Zurich, depuis plusieurs années, la gauche et la droite modérée se taisent, cherchent des consensus, décident de ne pas trop parler des étrangers, de ne pas trop parler du droit d'asile, sous prétexte de ne pas faire progresser les idées de haine. Or, plus ils se taisent, plus ils font des compromis et plus Blocher et l'UDC progressent !

Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'aujourd'hui nous ne devons pas nous taire, nous ne devons pas faire de compromis sur les droits des étrangers ; ces droits sont trop importants, surtout dans le climat politique que nous vivons aujourd'hui en Suisse, mais aussi en Europe. Nous devons donc défendre nos idées jusqu'au bout, n'en déplaise à certains. Et puisque ce soir la chasse aux voix de l'UDC semble ouverte... (Protestations.) ...je demande d'ores et déjà le vote nominal sur l'amendement de M. Marti !

M. Pierre Marti (PDC), rapporteur. M. Hodgers dit que nous faisons de bonnes déclarations, mais que nos actes ne suivent pas. Je regrette, Monsieur Hodgers, mais c'est bien le PDC qui, en matière de naturalisation, s'est battu pendant de très nombreuses années et qui a fait un travail énorme, soit sur le plan fédéral, soit sur le plan cantonal. Le dernier vote prouve combien nous nous sommes engagés dans ce domaine.

Maintenant, quant à parler de réalisme, il est vrai qu'on peut avoir un réalisme à la Winkelried, Monsieur Rodrik : on va dans le mur, mais allons-y gaiement : au moins, on n'aura cédé sur rien ! Je regrette, ce n'est en tout cas pas ma façon d'agir. Si je veux aller à un endroit et qu'à un certain moment je dois marquer un temps de pause ou contourner l'obstacle pour arriver là où je veux aller, eh bien je le fais ! Je ne fonce pas contre le mur, parce que j'aurais toutes les chances de me casser la gueule !

M. Pierre Vanek (AdG). Je croyais avoir retenu que le sacrifice de Winkelried n'avait pas été absolument inutile, mais c'est un détail de l'histoire suisse que nous débattrons une autre fois !

M. Béné a tenu toutes sortes de propos à mon sujet, notamment en parlant de mes grands pieds... Quant à moi, je n'évoquerai pas, comme je pourrais le faire, telle ou telle partie de l'anatomie de M. Béné... (Exclamations et rires.) ... mais je dirai que certaines choses qu'il a laissé filtrer dans son propos tout à l'heure me dérangent beaucoup. Ainsi, il a récité des chiffres qu'on trouve dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, à propos des conseillers municipaux qui se sont prononcés pour ceci ou pour cela, mais il faut quand même rappeler que c'est ce Grand Conseil qui a été élu pour se prononcer en la matière, qui est compétent pour le faire et qui représente effectivement et légitimement tout le canton - tout le canton sauf, évidemment, la partie de la population constituée par les résidents étrangers. En outre, ce qui me déplaît souverainement dans le débat que nous sommes contraints d'avoir ce soir, c'est qu'on parle de ces gens qui sont nos concitoyens - j'emploie ce terme volontairement - comme des objets... (Exclamations.) ...objets de décisions que nous allons prendre alors qu'ils n'ont pas droit à la parole dans cette enceinte et qu'ils n'y sont pas représentés. De même, ce qui est très déplaisant dans la votation de ce week-end, indépendamment du contenu même de l'initiative xénophobe que nous allons refuser, c'est qu'elle transforme des gens, qui sont des êtres humains et nos concitoyens, en objets de décisions, prises de l'extérieur alors qu'elles les concernent.

Tout cela est très désagréable et il faut rapidement couper court à de tels débats en accordant effectivement, Monsieur Béné, le droit de vote cantonal. M. Béné a reproché à notre groupe de ne pas avoir avancé tout de suite dans ce sens : cela figure effectivement dans le programme qui a servi à nous faire élire ici, c'est un point de vue que nous défendons et nous ne vous cachons donc pas du tout que nous reviendrons sur cette question. En l'occurrence, le droit de vote communal n'est qu'une étape, car nous acceptons précisément, peut-être à tort, une politique des petits pas, une politique des étapes.

Une chose encore, Monsieur Béné. Vous m'avez reproché tout à l'heure, quand vous faisiez la liste de ce que pensaient les conseillers municipaux - je cite, car j'ai relevé vos propos - «de ne pas tenir compte de ceux qui seraient directement concernés par les décisions que prendraient les étrangers» ! Monsieur Béné... (Commentaires.) M. Béné ne s'intéresse apparemment pas aux réponses qu'on lui apporte - il bavarde avec son chef M. Halpérin - mais M. Dupraz a raison de me rappeler que je dois m'adresser au président ou à l'assemblée, je continue donc dans cet esprit ! D'après M. Béné, ceux qui seraient directement concernés par les décisions que prendraient les étrangers, c'est cette petite couche de conseillers municipaux et de membres d'exécutifs communaux, et on devrait tenir compte de leur avis qui serait, par hypothèse, «menacé» par les décisions que prendraient les étrangers ! Franchement, tous ceux qui réfléchissent un tant soit peu et qui ont vu comment cela se passe dans les cantons ou les communes qui ont accordé ces droits, savent très bien que cela ne changera rien de décisif aux équilibres politiques, parce que, précisément, ces communautés étrangères, aujourd'hui, sont bien intégrées.

Je suis persuadé que la composition politique d'un Grand Conseil élu, demain, avec la participation des résidents étrangers installés depuis huit ans serait grosso modo ce qu'elle est aujourd'hui. Je vois M. Balestra opiner du chef. C'est dire que mettre en avant ce problème des décisions que prendraient - quelle horreur ! - les étrangers, c'est agiter un drapeau xénophobe, c'est essayer d'insuffler des craintes parfaitement infondées à nos concitoyens ou aux membres de cette assemblée dont la position ne serait pas ferme sur cette question, des craintes qui n'ont aucune base, et ce procédé est extrêmement discutable.

Maintenant, j'en viens à la proposition de M. Béné, mise aux voix au pas de charge par M. le président, et consistant à renvoyer le projet en commission... (Protestations.) ...pour ficeler un nouveau projet à options en quelque sorte, avec éligibilité et droit de vote seulement, et possibilité d'opter pour une solution ou l'autre au niveau du vote populaire. Monsieur Béné, cette proposition est intéressante, mais, durant les travaux de la commission, qui ont duré presqu'une année, vous ne l'avez pas formulée. A ce stade, nous sommes saisis d'un amendement de votre part qui n'a rien à voir avec cette proposition nouvelle. Je n'ai, pour ma part, pas compris si votre proposition consistait à retirer votre amendement et à le remplacer par un autre. En l'occurrence, je vous suggère, si vous voulez que nous débattions sérieusement, de retirer cet amendement et, cas échéant, d'en rédiger un nouveau conforme celui-là à la proposition que vous avez évoquée. En effet, les écrits sont un peu plus clairs que des paroles articulées au coin d'une table, fût-elle celle des rapporteurs !

Mme Myriam Sormanni (S). Je vais parler en mon nom propre, ce qui m'évitera éventuellement des ennuis !

Tout à l'heure, j'allais dire que j'étais pour le droit de vote, mais contre l'éligibilité. En entendant mes collègues de gauche, j'ai révisé ma position. Cela dit, je voudrais faire quelques petites remarques. D'abord, je ne pense pas que le fait que les étrangers puissent voter modifiera le taux de participation. On arrivera exactement aux mêmes résultats, au même taux d'absentéisme malheureusement, parce que le niveau d'instruction civique, dans le canton de Genève, n'est probablement pas assez élevé. Il n'y a pas assez d'éducation citoyenne.

Ensuite, M. Rodrik a fait un brillant plaidoyer, mais je voudrais dire que la solidarité, il ne faut pas seulement en parler, il faut aussi la vivre ! Je n'ai plus rien à ajouter, vous aurez tous compris !

M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Je partage totalement les avis de M. Rodrik et de Mme Bugnon, mais ce que vous ne voulez pas comprendre, c'est que la question posée ici n'est pas de savoir si on est pour ou contre le droit d'éligibilité. Nous voulons aller plus loin, nous voulons accorder ces droits au niveau cantonal, nous l'avons dit dans notre programme. Mais le vote de ce soir déterminera la campagne que nous ferons sur le thème des droits politiques des immigrés.

A cet égard, il ne m'est pas indifférent de savoir que, lors de la votation populaire, nos trois partis se retrouveront contre tous les autres, qui se réfugieront derrière la séparation du projet en deux. J'ai dit que je n'étais pas d'accord avec la position de l'Entente, toujours est-il que, si ce soir nous votons le droit de vote et le droit d'éligibilité, nous nous retrouverons avec une majorité étriquée dans ce parlement et lors de la campagne, où les partis radical, démocrate-chrétien et libéral se battront contre le projet. Nous avons une responsabilité par rapport à notre volonté de faire avancer les droits des étrangers, j'ai une responsabilité vis-à-vis des étrangers et vis-à-vis du déni de justice qu'on leur fait. Encore une fois, 53% des travailleurs de ce canton sont sans droit de vote et sans possibilité de s'exprimer politiquement. Quant à moi, je voudrais qu'ils puissent s'exprimer au niveau communal et cantonal, qu'ils aient le droit de vote et d'éligibilité, mais vous allez nous faire perdre, et nous faire perdre pour je ne sais combien d'années ! C'est un choix politique que vous faites ; moi, j'ai lancé un appel en face, qui semble n'être entendu qu'en partie.

Imaginez une votation, l'année prochaine, sur le droit de vote pour les étrangers soutenu par l'unanimité des partis, et une votation pour le droit de vote et le droit d'éligibilité combattu par les partis de l'Entente et soutenu seulement par nous. Dans le deuxième cas, je vous laisse imaginer, non seulement le résultat, mais aussi la campagne et les prétextes qu'elle fournira aux rangs de ceux qui suivent - car il y en a encore ! - les partis radical, démocrate-chrétien et libéral dans ce canton, pour argumenter contre l'octroi des droits politiques aux étrangers.

Voilà ce que je veux éviter politiquement. C'est une responsabilité que je prends, qui n'a rien à voir avec des ambitions politiques ! Monsieur Brunier, je ne veux pas revenir sur toutes les compromissions politiques que vous avez faites ces dernières années pour avancer ! Quant à moi, j'ai suffisamment d'expérience pour vous dire que cela n'a jamais été mon cas. Si je prends cette position aujourd'hui, c'est par lucidité politique et pour faire avancer la cause des droits politiques des étrangers.

Enfin, j'ai déposé un amendement sur le bureau du Grand Conseil, parce qu'il me paraît totalement ridicule de faire voter chacune des communes pour savoir si oui ou non elles donneraient le droit de vote, d'instaurer des différences entre les communes. Lors d'une votation populaire, il faut être clair. On ne peut pas faire voter les gens sur l'octroi du droit de vote aux étrangers au niveau communal et dire en même temps que seules les communes qui l'accepteront l'appliqueront. Cela ne me semble pas une solution raisonnable. Je vous propose donc d'accepter cet amendement. J'espère encore que nous trouverons une très large majorité pour faire un pas dans la bonne direction, sans quoi nous ferons peut-être un grand pas, mais nous ne serons pas assez pour le franchir ! En l'occurrence, il s'agit de responsabilité politique, Mesdames et Messieurs. Au-delà des grandes déclarations, il y a le résultat à la sortie : pour ma part, j'en tiens compte dans mon appréciation et dans mon vote de tout à l'heure.

M. David Hiler (Ve). J'aimerais revenir sur quelques points, dont certains ont malheureusement été traités de façon polémique, notamment par mon collègue Brunier. Je le regrette, parce qu'on ne règle pas ce genre de problème par des accusations du type de celles qu'il a proférées à l'égard de M. Spielmann.

Cela dit, sur le fond, je ne suis pas d'accord avec M. Spielmann. On peut, et cela s'est fait pour le droit de vote des femmes, choisir des niveaux pour progresser, pour habituer les gens à une idée nouvelle, en particulier dans un système de démocratie semi-directe comme le nôtre, où ce type de révolution des mentalités nécessite un large assentiment. Le problème, c'est que votre proposition a l'inconvénient de faire la différence entre les citoyens suisses et les étrangers à qui on ne donnerait que le droit de vote, ce qui revient à dire : «Je vous donne le droit de vote et votez pour moi !». Séparer le droit de vote et le droit d'éligibilité n'est, historiquement, pas innocent. Lors du premier débat dans ce parlement à propos des droits politiques des femmes, il y a à peu près quatre-vingts ans, on a effectivement proposé de séparer le droit de vote et le droit d'éligibilité. Je vous laisse deviner de quel parti cette proposition émanait... C'était le parti qui s'appelait Indépendant à l'époque, soit le parti démocrate-chrétien ! Mais quel regard a-t-on aujourd'hui sur une telle proposition ?

Une voix. On pourrait la reprendre, cette proposition !

M. David Hiler. C'est vrai qu'on peut rester un vieux con longtemps... (Exclamations et rires.) En l'occurrence, c'est une question de principe. Le fait que certains cantons, par le biais d'une constitution ancienne, connaissent le droit de vote sans le droit d'éligibilité est une chose. Une autre est d'accepter, aujourd'hui, avec ce qui se passe en Europe, de couper ce droit en deux, sans avoir la moindre certitude, c'est le moins qu'on puisse dire, que cette concession permette de gagner devant le peuple. Vous auriez parfaitement raison s'il s'agissait de convaincre ce parlement, mais c'est le peuple que nous devons convaincre et j'ai l'impression - peut-être suis-je un historien pessimiste - que nous ne sommes qu'au début du processus, comme dans les années 20, quand on parlait du droit de vote des femmes, que ce ce processus va prendre un certain temps, et je n'ai pas envie de couper ce droit en deux.

Le droit de vote et d'éligibilité est un bon héritage du passé. Comme Hodgers l'a bien dit dans son rapport, historiquement on a limité le droit de vote : on ne voulait pas le donner aux pauvres, on ne voulait pas le donner aux femmes... En revanche, l'idée de ne donner qu'un demi-droit à une partie de la population est relativement nouvelle, elle ne fait pas partie du processus d'élargissement des droits tel qu'il s'est déroulé. C'est pourquoi, bien que je sois un fan de la politique des petits pas dans bien des domaines, je ne vous suivrai pas là-dessus, Monsieur Spielmann.

M. Béné a parlé d'un projet de loi sur l'intégration. A mon avis, nous avons effectivement traité ce dossier en posant la pyramide sur sa pointe ; nous aurions d'abord dû nous mettre d'accord sur un projet de loi général sur l'intégration, avant de parler de ce qui nous sépare. Nous ne l'avons pas fait et ce n'est pas maintenant que nous allons effacer trois ans de travail en commission. Cependant, je rassure M. Béné : le projet de loi sur l'intégration, sur la base du travail des deux associations évoquées, est prêt. Il va vous être soumis, Monsieur Béné, il va être discuté entre les partis, afin que, sur ce sujet au moins, nous arrivions à faire une politique des petits pas ensemble.

S'agissant des droits politiques en revanche, je ne crois pas que la politique des petits pas consiste à couper ces droits en deux. A vrai dire, je préfère perdre devant le peuple une xième fois, en attendant de gagner, plutôt que de partir sur une notion que je n'aimerais pas voir se figer dans la constitution genevoise, soit celle de citoyens et de demi-citoyens. Cela ne me paraît pas une perspective d'avenir. (Applaudissements.)

M. Michel Halpérin (L). Nous venons d'entendre deux interventions fort intéressantes à mon sens. La première de M. Spielmann, nous rappelant les règles de la politique réaliste et pragmatique, formulant un pronostic - qui, je crois, n'est pas trop audacieux - sur les chances de succès des textes qui nous sont soumis s'ils sortent de ce Conseil dans la forme que leur a donnée la commission. Et puis, celle de M. Hiler qui, prenant à peu près le même point de vue mais se plaçant dans une perspective que je me hasarderai à qualifier de pédagogique, dit en substance : ce n'est pas grave si nous échouons, l'essentiel est d'essayer ; d'un essai à l'autre, nous finirons par réussir à intégrer les étrangers, comme nous avons - pardonnez-moi le parallélisme des formes excessif - intégré les femmes.

Vous me permettrez d'avoir une troisième opinion sur ce sujet. Je ne suis pas sûr de très bien comprendre ce que nous voulons vraiment ce soir, les uns et les autres. En l'état, il y a plusieurs hypothèses de travail. Une première hypothèse veut que, comme on disait du temps regretté et regrettable de Guy Lux, nous fassions avancer le schmilblik. C'est une option. Une autre, qui correspond à l'opinion exprimée par M. Hodgers et un certain nombre d'entre vous, c'est de faire avancer brillamment, complètement, de manière révolutionnaire, la cause des étrangers. Enfin, une opinion qui est assez répandue ce soir, c'est qu'il faut faire quelque chose dans le sens d'une meilleure intégration des étrangers.

On peut choisir. Ma préférence personnelle va vers ce dernier terme et, si c'est le choix que l'on fait, le destinataire de notre message est en partie nous-mêmes - c'est-à-dire la population de nos compatriotes, à qui nous demandons de réfléchir à cette question d'intégration des étrangers - et en partie la communauté étrangère sur notre sol, à qui nous voulons adresser un certain type de message. Or, je n'ai pas l'impression qu'il soit indifférent à cette portion-ci de la population de recevoir un message qui soit franchement amical ou carrément hostile. Si j'étais encore l'étranger que j'ai été jusqu'il y a une trentaine d'années, je vivrais fort mal le fait que 80%, non pas de mes compatriotes, mais de mes voisins m'éjectent bruyamment comme en 1993. Je le vivrais comme un camouflet, et je n'ai aucune intention ce soir de contribuer à donner un camouflet à cette population étrangère, dont, comme la plupart d'entre vous, je souhaite qu'elle trouve avec nous les meilleures conditions de son intégration.

Et si c'est notre objectif, Mesdames et Messieurs les députés, alors nous devons commencer par faire comme M. Spielmann : être réaliste, puis faire comme M. Hiler : être analyste. Cela signifie que nous ne pouvons pas nous contenter d'une simple opération à caractère pédagogique, dont nous savons que les résultats seront douloureux. En effet, si en 2001 ou en 2002 la population vote à peu près comme elle a voté en 1993, nous n'aurons rien fait avancer du tout, sauf le ressentiment de part et d'autre.

Il y a une deuxième erreur que nous devons éviter, et je m'adresse ici plus particulièrement au groupe des députés socialistes. Je crois que le fait d'avoir bon coeur, ou de penser qu'on a bon coeur, ne devrait pas exclure une réflexion analytique et ne devrait pas mener à couvrir d'une même opprobre tous ceux qui ne sont pas exactement du même avis que les plus extrémistes d'entre vous, pour reprendre votre propre terminologie. Il n'y a pas, dans ce pays, des gens convenables et des extrémistes xénophobes. Il y a nombre de gens qui sont de toutes les tendances et de toutes les nuances et qui, pour la plupart d'entre eux - pardonnez-moi de le rappeler, car c'est une évidence qu'on semble oublier dans cette salle - ont encore à l'esprit le concept de nationalité. On peut penser, beaucoup de vous le pensent, que ce concept est démodé, qu'il est dépassé, qu'il est d'un autre temps ; n'empêche qu'il existe encore, pas seulement en Suisse, mais dans tous les pays qui nous environnent, dans cette Europe qui se fait dans les balbutiements en vertu du principe des nationalités.

On peut décider d'amender ce principe. On peut décider qu'il n'est plus obligatoire d'être naturalisé pour pouvoir voter par exemple - comme il n'est plus obligatoire d'avoir sa maturité pour entrer à l'université - sans qu'avoir le droit de vote signifie automatiquement être éligible, sachant qu'il se trouve dans la population un nombre raisonnable de citoyens qui, sans être xénophobes du tout, pensent qu'entrer dans le club de ceux qui votent ou du moins de ceux qui sont élus suppose un acte d'adhésion. Je crois qu'ils ne sont pas blâmables d'avoir cette opinion-là, parce qu'elle est encore suffisamment commune pour rester respectable aux yeux du plus grand nombre.

C'est la raison pour laquelle je voudrais que vous compreniez que la position libérale sur ce sujet ne se réduit pas aux quelques essais de caricature que j'ai entendus ce soir. Nous sommes pour le message d'intégration, nous sommes pour prendre le risque pédagogique d'une proposition à la population qui soit celle du droit de vote et pas celle de l'éligibilité. Quant au problème de la réciprocité, vous l'avez mal compris. Dans notre esprit, notre assemblée est aussi une assemblée politique : donner les moyens à ceux qui nous représentent dans les instances internationales de provoquer des échanges, comme vous l'a expliqué en début de séance M. Béné, est un acte politique. On peut le trouver regrettable, on pourrait en rediscuter, si vous le souhaitiez, dans une commission ou devant le peuple, mais il n'est pas déraisonnable. La réciprocité, après tout, c'est la reconnaissance mutuelle et, si nous nous proposons de reconnaître des droits à ceux qui sont chez nous - parce qu'ils sont chez nous et que nous pensons qu'ils le méritent - il n'est pas absurde de suggérer que ceux des nôtres qui sont chez eux puissent bénéficier des mêmes droits, à l'occasion d'une de ces négociations bilatérales qui sont devenues très fréquentes.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais que vous repensiez une dernière fois, avant de voter, aux choix que vous faites, à leur portée, à leur signification et aux comptes qui nous seront demandés dans quelques années, lorsque nous aurons provoqué, avec l'échec, un malheur auquel les mieux intentionnés d'entre nous n'avaient pas pensé. C'est une erreur qui est encore, pour quelques minutes, rattrapable !

M. Jean Spielmann (AdG). Je ne crois pas que c'était volontaire, mais M. Hiler, dans son intervention, a dit qu'il ne suivrait pas M. Spielmann dans sa proposition de séparer les choses. Je rappelle quand même que je suis contre cette séparation et que ce n'est pas moi qui la propose ! M. Hiler s'est qualifié tout à l'heure d'historien pessimiste : ce n'est pas grave, parce qu'un pessimiste n'est au fond qu'un optimiste bien informé ! Dans ce sens, pour moi il s'agit de faire l'analyse politique du résultat qui découlera de notre vote ici, au moment de la campagne sur les droits des étrangers.

J'ai dit aussi à plusieurs reprises qu'il ne fallait pas mélanger l'intégration et le droit de vote. On peut discuter des deux sujets et en faire un seul paquet, mais il faut laisser le choix aux gens. L'intégration est un choix que les gens font ; le droit de vote et d'éligibilité est un droit et une justice qu'on doit rendre à des gens qui travaillent et vivent chez nous.

En conclusion, Monsieur Hiler, vous ne pouvez pas parler de la proposition de M. Spielmann : ce n'est pas la mienne. Si je l'appuie, c'est que j'y suis contraint, parce que les bancs d'en face n'ont pas le courage, ou pas la volonté de faire le pas politique et qu'ils font le choix des petits pas. Mais ne me prêtez pas cette intention. Mon analyse, c'est qu'avec la proposition que vous faites, vous allez diviser la population sur le problème des droits des étrangers, avec un débat gauche-droite qui n'est, à mon avis, pas justifié dans cette problématique, et avec toutes les conséquences prévisibles. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que chacun doit prendre ses responsabilités ; en ce qui me concerne je prendrai les miennes !

M. Robert Cramer. Mesdames et Messieurs les députés, l'objet dont vous êtes saisis ce soir, l'octroi de droits politiques aux étrangers, est d'évidence un objet important. Aussi bien la qualité et l'importance du rapport rédigé par le rapporteur de majorité, que la qualité et la tonalité des débats le démontrent.

Il ressort de vos débats, et c'est très réconfortant pour le Conseil d'Etat, qu'il y a, à tout le moins, un consensus : sur tous les bancs, dans toutes les interventions, les voix ont été dans le sens d'un élargissement des droits politiques pour les étrangers. C'est une bonne nouvelle, car je ne suis pas sûr que, dans tous les parlements de ce pays, une telle proposition aurait rencontré un tel accueil. Au terme du débat, l'on se retrouve finalement avec deux propositions principales.

Il y a tout d'abord la proposition d'amendement de la seconde minorité, qui propose d'octroyer des droits politiques au niveau communal, avec un certain nombre de critères. D'une part, il s'agirait d'accorder exclusivement le droit de vote, et pas le droit d'éligibilité. D'autre part, ce droit serait accordé exclusivement par les communes qui le souhaitent, ce serait une faculté laissée aux communes que de l'accorder. Enfin, ces droits politiques seraient accordés aux étrangers qui résident en Suisse depuis huit ans. Cette proposition est en substance celle qu'avait faite le Conseil d'Etat, à la différence que celui-ci avait proposé de prendre comme critère celui du permis C et que la seconde minorité propose de prendre comme critère une durée de résidence de huit ans. En l'état, cette proposition est une proposition à laquelle le Conseil d'Etat peut se rallier, dans la mesure où elle est extrêmement proche de la proposition originelle.

Puis, il y a la proposition faite par la majorité de la commission, celle qui voudrait que l'on aille plus loin et que les droits politiques soient accordés, non pas simplement dans les communes qui le souhaitent, mais dans toutes les communes, et que soient accordés non seulement le droit de vote, mais également le droit d'éligibilité. J'ai entendu certains, sur ces bancs, qualifier cette proposition de maximaliste. Je dois dire qu'à mes yeux cette proposition n'a rien de particulièrement maximaliste. Pour ma part, je faisais partie du comité d'initiative qui a proposé, qui a défendu, qui a fait campagne pour l'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens», visant à accorder le droit de vote et le droit d'éligibilité, non seulement au niveau communal, mais également au niveau cantonal. Vous connaissez le sort de cette initiative : en 1993, 71% des votants l'ont refusée.

Si donc je n'arrive pas à considérer comme maximaliste la proposition qui nous est faite par le rapport de majorité, je dois tout de même dire ici que la proposition faite par le Conseil d'Etat a quelques mérites. Premièrement, même si l'on peut considérer comme étrange - et certains d'entre vous l'ont dit - de séparer le droit de vote et d'éligibilité, cette proposition ne fait, ma foi, que suivre la voie qui a jusqu'ici réussi en Suisse. En effet, s'il est vrai que le canton de Neuchâtel a introduit en 1849, déjà, le droit de vote en matière communale pour les étrangers dans sa constitution, le Jura l'a fait en 1988 et Appenzell Rhodes-Extérieures a prévu, en 1995, que les communes qui le désiraient pouvaient accorder le droit de vote - admettant ainsi cette séparation entre le droit de vote et le droit d'éligibilité. C'est dire que nous avons proposé simplement quelque chose qui s'applique avec succès ailleurs dans notre pays.

Ensuite, le Conseil d'Etat a proposé d'inscrire dans notre constitution que seules les communes qui le souhaitaient pouvaient accorder ce droit. Il y a là évidemment une forme de retenue, mais nous considérons que cette volonté d'accorder des droits politiques aux étrangers émane avant tout, on l'a rappelé tout à l'heure, d'initiatives communales, portées par «J'y vis, J'y vote !», que ce sont des communes qui ont fait cette proposition. Il s'agissait donc de tenir compte de cette démarche et de tenir compte du modèle le plus récent d'octroi de droits politiques aux étrangers dans notre pays, celui d'Appenzell Rhodes-Extérieures, qui a également prévu cette voie-là, à savoir que seules les communes qui le souhaitent peuvent accorder des droits politiques au niveau communal.

Cette proposition a un troisième mérite que M. Spielmann a mis en évidence : c'est une proposition sur laquelle le Conseil d'Etat a pu être unanime. Lorsque nous avons proposé d'élargir ces droits politiques et présenté le texte qui rejoint les conclusions du second rapporteur de minorité, nous l'avons fait avec mes collègues Gérard Ramseyer et Carlo Lamprecht. Nous avons ainsi voulu marquer que le Conseil d'Etat était unanime sur la proposition qu'il faisait au parlement. A cet égard, je tiens à dire avec force que, quoi qu'on ait pu entendre dans la passion qui a pu animer telle ou telle intervention, il va de soi qu'octroyer des droits politiques supplémentaires, c'est faire un pas dans le bon sens. On peut le trouver insuffisant, on peut souhaiter aller plus vite et plus loin, mais cela n'a assurément rien à voir avec cette initiative sur les 18% que le Conseil d'Etat a appelé très fermement à rejeter. Cela n'a strictement rien à voir avec ces attitudes défensives que l'on peut rencontrer dans un certain nombre de cantons suisses alémaniques. C'est une proposition par laquelle le Conseil d'Etat, unanime, demande au Grand Conseil d'abord et à la population ensuite de prendre position en faveur de l'intégration.

Je conclurai sur ce point. Quel que soit le sort que vous réserviez à la proposition du Conseil d'Etat, que vous fassiez le choix qui a été celui de la majorité de la commission ou que vous fassiez le choix qui a été celui des rapports de minorité, ce que montre ce débat, c'est qu'à Genève il y a assurément une question importante que nous devons nous poser et qui est celle de l'intégration. L'intégration passe par les droits politiques, mais ceux-ci ne sont qu'une facette de l'intégration. Je dirais même qu'après huit ans de résidence les personnes établies à Genève sont à un moment de leur existence où leur intégration est déjà très aboutie. Car l'intégration, bien sûr, commence bien avant, dès les premiers moments d'une installation. Nous devons y réfléchir et de plus en plus, parce que cette question de l'intégration lance un grand défi à notre société, en particulier à Genève où la population compte 40% d'étrangers. C'est dire que, quels que soient l'issue des débats et le vote de ce soir, la réflexion ne va pas s'arrêter ici. Le Conseil d'Etat entend, et il l'affirme, porter plus loin et porter devant vous la problématique de l'intégration, ceci notamment par le dépôt d'un projet de loi à ce sujet.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 41 A

Le président. Nous sommes saisis de plusieurs amendements. Je vais faire voter tout d'abord l'amendement le plus éloigné, à savoir celui présenté par M. Béné, qui consiste à compléter l'alinéa 1 par, je cite :

«...pour autant qu'ils soient ressortissants d'Etats dans lesquels un droit équivalent est reconnu à des citoyens suisses.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Nous passons à l'amendement présenté par M. Pierre Marti, que je vous lis :

«1 Les communes peuvent accorder l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus et ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins.

2 Par droit de vote, on entend le droit de voter, le droit d'élire et le droit de signer une initiative ou un référendum.»

A l'alinéa 1 sont présentés deux sous-amendements, un par M. Spielmann, un par M. Koechlin. Nous allons d'abord voter les sous-amendements.

Le sous-amendement de M. Spielmann consiste à remplacer les termes «peuvent accorder» par «accordent».

Mis aux voix, ce sous-amendement est adopté.

Le président. Je mets aux voix le second sous-amendement, présenté par M. Koechlin...

M. René Koechlin. Je le retire, Monsieur le président !

Le président. M. Koechlin retire son sous-amendement. Nous mettons aux voix l'amendement de M. Marti, ainsi amendé...

M. Pierre Vanek. Je demande l'appel nominal ! (Appuyé.)

Le président. Bien. Je vous lis la nouvelle teneur de l'alinéa 1 présenté par M. Marti :

«1 Les communes accordent l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus et ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins.»

Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui... Monsieur Vanek, vous avez la parole.

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, excusez-moi d'interrompre la procédure de vote, mais nous sommes saisis d'un amendement de M. Marti, qui a été sous-amendé par la proposition de Jean Spielmann, dans le sens que l'on sait. Vous vous proposez de faire voter cet amendement en deux tranches, puisque vous nous en lisez l'alinéa 1. Or, l'amendement Marti comporte deux alinéas et doit se voter en un seul bloc.

A l'alinéa 1, cet amendement dit : «Les communes accordent l'exercice du droit de vote communal...», et ce qu'est le droit de vote communal au sens de la proposition Marti est explicité à l'alinéa 2 seulement. C'est donc bien là un bloc, vous me l'accorderez. J'aimerais donc qu'on vote en une fois sur l'ensemble.

Le président. Je suis désolé, je ne peux pas faire voter deux alinéas en même temps ! Je fais donc voter l'alinéa 1 de cet article 41 A ! (Brouhaha.)

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, vous dites que vous ne pouvez pas faire voter l'amendement dans son ensemble. Je crois que vous le pouvez, nous l'avons fait à plusieurs reprises dans ce parlement... (Brouhaha.) Il n'y a aucune raison que nous votions sur un alinéa 1 qui donne un certain sens au droit de vote communal, que nous le votions en blanc en quelque sort, sans connaître le sort de l'alinéa 2 qui explicite ce sens ou alors, pour que chacun puisse se prononcer en étant au clair sur ce qu'il est en train de voter, faites au moins voter les alinéas dans l'ordre inverse ! D'abord l'alinéa 2, de façon à savoir de quoi on parle quand on votera l'alinéa 1 !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, on nous présente un amendement qui comprend un alinéa 1 et un alinéa 2. Nous respectons l'ordre logique : je fais voter l'alinéa 1, que je relis :

«1 Les communes accordent l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus et ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins.»

Madame la secrétaire, veuillez procéder à l'appel nominal. Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui, celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Cet amendement est rejeté par 44 non contre 38 oui.

Ont voté non (44) :

Esther Alder (Ve)

Charles Beer (S)

Janine Berberat (L)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Jeannine de Haller (AG)

Jean-Claude Dessuet (L)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Morgane Gauthier (Ve)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Pierre Meyll (AG)

Louiza Mottaz (Ve)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni-Lonfat (S)

Pierre Vanek (AG)

Ont voté oui (38) :

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Jacques Béné (L)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Gilles Desplanches (L)

Hubert Dethurens (DC)

Erica Deuber Ziegler (AG)

Pierre Ducrest (L)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Christian Grobet (AG)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

René Koechlin (L)

Armand Lombard (L)

Pierre Marti (DC)

Etienne Membrez (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Michel Parrat (DC)

Catherine Passaplan (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Jean Spielmann (AG)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Personne ne s'est abstenu

Etaient excusés à la séance (11) :

Claude Blanc (DC)

Juliette Buffat (L)

Régis de Battista (S)

Hervé Dessimoz (R)

René Ecuyer (AG)

Philippe Glatz (DC)

Alexandra Gobet (S)

Claude Haegi (L)

Yvonne Humbert (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Walter Spinucci (R)

Etaient absents au moment du vote (6) :

Bernard Annen (L)

Roger Beer (R)

Bernard Lescaze (R)

Charles Seydoux (R)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Présidence :

M. Daniel Ducommun, président.

Le président. Cet amendement étant rejeté, l'alinéa 2 que vous présentiez, Monsieur Marti, tombe en fonction de ce vote.

Je mets aux voix l'article constitutionnel tel qu'il ressort du rapport de majorité... Monsieur Vanek ?

M. Pierre Vanek (AdG). Je vous fais observer, Monsieur le président, qu'en tirant, du vote sur l'alinéa 1 rejeté, une conclusion sur l'ensemble de l'amendement de M. Marti, vous avez, dans les faits, admis ce que je disais tout à l'heure... (Protestations.) ...c'est-à-dire que nous avons voté l'amendement dans son ensemble!

Cela dit, je redemande l'appel nominal. (Brouhaha.)

Le président. L'appel nominal est-il soutenu ?... C'est le cas ! Nous votons donc l'article 41A à l'appel nominal...

Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de regagner vos places, s'il vous plaît !

L'article 41A est adopté par 47 oui contre 32 non et 1 abstention.

Ont voté oui (47) :

Esther Alder (Ve)

Charles Beer (S)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber Ziegler (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Morgane Gauthier (Ve)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Christian Grobet (AG)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Pierre Meyll (AG)

Louiza Mottaz (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni-Lonfat (S)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Ont voté non (32) :

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Jacques Béné (L)

Janine Berberat (L)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Gilles Desplanches (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Pierre Ducrest (L)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

René Koechlin (L)

Pierre Marti (DC)

Etienne Membrez (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Catherine Passaplan (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

S'est abstenu (1) :

Armand Lombard (L)

Etaient excusés à la séance (11) :

Claude Blanc (DC)

Juliette Buffat (L)

Régis de Battista (S)

Hervé Dessimoz (R)

René Ecuyer (AG)

Philippe Glatz (DC)

Alexandra Gobet (S)

Claude Haegi (L)

Yvonne Humbert (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Walter Spinucci (R)

Etaient absents au moment du vote (8) :

Bernard Annen (L)

Roger Beer (R)

Bernard Lescaze (R)

Michel Parrat (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Charles Seydoux (R)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Présidence :

M. Daniel Ducommun, président.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

M. Jacques Béné (L), rapporteur de première minorité ad interim. Je voudrais rapidement intervenir en troisième débat, Monsieur le président.

Nous avions fait un pas : la réciprocité a été refusée, l'autonomie communale n'est pas été respectée et malgré cela nous étions prêts à accepter qu'on accorde des droits politiques aux étrangers. Vous vouliez, en début de débat, nous faire porter la responsabilité d'un échec : les personnes qui viennent de voter oui à ce projet de loi devront assumer elles-mêmes l'échec devant la population, que nous étions prêts à éviter !

M. Antonio Hodgers (Ve), rapporteur de majorité. Il est minuit, je prendrai trente secondes pour dire que si échec devant la population il y a, c'est parce que vous appellerez à voter non... (Protestations.) Monsieur Béné, Monsieur Marti, vous avez argumenté ce soir en disant que, pour vous, les droits politiques des étrangers étaient une chose importante. La rédaction de ces rapports - qui, pour M. Béné, fait deux pages et pour M. Marti, si on enlève le copié-collé, fait quatre pages et demie - a été payée 1 700 F... (Huées.) ...Je donne à ces députés deux bulletins de versement de l'association «J'y vis, J'y vote !». Puisque tous les deux soutiennent les droits politiques des étrangers, je pense qu'ils soutiendront cette association dans sa campagne ! (Applaudissements.)

M. Pierre Marti (PDC), rapporteur. Je n'ai pas attendu que M. Hodgers me le demande : je paie mes cotisations à «J'y vis, J'y vote !». (Applaudissements.)

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 41A  Droits politiques communaux des étrangers (nouveau)

1 Les ressortissants étrangers, ayant leur domicile légal en Suisse depuis 8 ans au moins, exercent les droits politiques en matière communale à leur lieu de domicile.

2 Pour le surplus, les législations tant fédérale que cantonale en la matière s'appliquent. 

La séance est levée à 0 h 5.