Séance du jeudi 21 septembre 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 10e session - 42e séance

M 1346
9. Proposition de motion de MM. Thomas Büchi, Hervé Dessimoz et Roger Beer : «Développement durable : Genève doit montrer l'exemple». ( )M1346

EXPOSÉ DES MOTIFS

Dans son arrêté du 15 juin 1998, le Conseil fédéral a exprimé ses idées fortes autour de la thématique du développement durable qu'il entend mettre en évidence lors de la future Expo.02.

Il a notamment dit : « L'Exposition de la Confédération vise à présenter une Suisse ouverte durable, plurielle, solidaire et sûre. Pour garantir son développement durable, la Suisse doit miser sur l'équilibre d'une économie performante couplée à la préservation de l'environnement ainsi que sur une société solidaire. La capacité de développement de la Suisse dépend, dans une large mesure, de notre aptitude à maintenir l'équilibre de ces trois domaines ».

Cette prise de conscience au niveau suisse et ce désir de sensibiliser l'ensemble de notre population autour de ce thème capital au début de ce millénaire, ne sont rien d'autre que le prolongement de la philosophie discutée lors du sommet de Rio en 1992, philosophie consignée dans l'Agenda 21.

Pour que la notion complexe de développement durable soit comprise, il faut mettre en lumière que les liens et les interdépendances entre les trois acteurs doivent être harmonieux et équilibrés. Aucun de ces trois objectifs (économie performante, environnement intact, société solidaire) ne sauraient être atteints si l'on néglige les deux autres.

Or, pour l'instant, l'on a toujours privilégié l'économie, un peu la société et très peu la pérennité de notre environnement.

Le laxisme coupable dont fait preuve la quasi-totalité du monde envers le troisième acteur du développement durable nous mènera irrémédiablement à la catastrophe si nous ne réagissons pas rapidement avec beaucoup de volonté et de conviction

Les motionnaires pensent que Genève, du fait de sa situation privilégiée de ville internationale, a un rôle exemplaire à jouer autour de cette thématique ; cette démarche devrait se faire en accord avec les buts poursuivis par le Conseil fédéral.

Pour que Genève soit crédible et puisse occuper une place de leader face à ce défi important qu'est le développement durable, il est primordial que notre canton intensifie la diffusion et l'application pratique de l'Agenda 21 sur notre territoire et ceci dans plusieurs domaines (construction, énergie renouvelable, etc.).

En regard de ces enjeux très importants pour notre avenir à tous, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un accueil favorable à cette motion.

Débat

M. Thomas Büchi (R). Trois députés, Roger Beer, Hervé Dessimoz et moi-même sommes en croisade ! Et nous le sommes sur un sujet où la responsabilité de chacun est engagée, puisqu'il en va de la survie sur notre planète pour les générations futures.

La problématique de la préservation de notre environnement et la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés ont été identifiées par le monde entier, malheureusement depuis trop peu de temps. Un titre universel a été donné à cette opération de sauvetage : le développement durable.

Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde a entendu parler de «développement durable»... Cette appellation est presque trop vulgarisée ! Chacun a l'air d'être au courant, mais quand on sonde l'opinion des gens lors d'une discussion, on se rend compte que la vision de cet enjeu est perçue d'une façon extrêmement superficielle.

Il n'est donc pas inutile de vous dire à tous en quelques mots ce qu'est le développement durable, quelles sont sa définition et sa philosophie.

La philosophie de cette expression se résume dans une phrase remplie de sagesse : «Nous n'héritons pas de la terre de nos pères, mais nous l'empruntons à nos enfants»... Si on prend la peine de réfléchir un peu à cette phrase, on comprend déjà une grande partie de la problématique du développement durable.

Sa définition est la suivante : un développement est durable s'il garantit que les besoins de la génération actuelle sont satisfaits sans porter préjudice aux facultés des générations futures de satisfaire aussi leurs propres besoins.

L'origine du débat, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le Sommet de Rio 1992 où il a été dit : «Aucune nation ne peut assurer seule son avenir, mais, tous ensemble, dans le cadre d'un partenariat mondial axé sur le partenariat et le développement durable, nous le pouvons.» Notre pays a souscrit aux accords de Rio et a défini une plate-forme d'action en vingt et un points. Genève aussi a suivi, et a édité en 1999 son Agenda 21. Le développement durable exige quoi ? C'est très simple : atteindre un équilibre entre une économie performante, une société solidaire et, surtout, un environnement intact !

A notre avis, Genève, en tant que ville internationale, est un lieu privilégié pour mener une réflexion à grande échelle et en profondeur sur les moyens qu'il convient d'adopter pour que des applications concrètes et dynamiques soient mises en oeuvre. J'entends d'ici certaines critiques pour dire que c'est encore une belle théorie qui va rester lettre morte...

Eh bien, nous n'avons pas voulu tomber dans ce piège ! C'est pourquoi nous avons fait trois motions séparées. S'il est vrai que dans cette trilogie la motion que je vous présente maintenant est la plus politique et celle qui implique une réflexion en grande profondeur de nos instances exécutives, les deux autres motions qui accompagnent celle-ci apportent deux pistes concrètes d'application du développement durable, tant sur les matériaux de construction - je vous rappelle que notre parlement a voté cette motion à l'unanimité au mois de juin dernier - que sur les forêts, avec la motion que M. Dessimoz vous présentera tout à l'heure.

Nous voulons ainsi vous prouver que dans tous les secteurs - pas seulement la construction ou les forêts - l'eau, l'air, les transports, la santé, un équilibre harmonieux entre une économie performante, une société solidaire et un environnement intact peut être trouvé. Or, on s'est jusqu'à présent beaucoup préoccupé d'économie, un peu de société, mais pas beaucoup d'environnement... Pourtant, cet équilibre doit absolument être atteint !

Je reviens à la motion qui nous préoccupe. Je vous rappelle que trois invites fondamentales la constituent : une extérieure et deux intérieures - si je peux m'exprimer ainsi.

Si nous voulons - c'est ce que nous souhaitons - promouvoir l'image de Genève en tant que lieu mondial de convergence, de réflexion et d'action liées à la promotion d'un développement durable et équilibré, il faut également que nous soyons irréprochables par rapport à l'exemple que nous devons donner. C'est pourquoi, en parallèle, nous devons nous assurer que toutes les collectivités de Genève mettent leur énergie au service de l'application de ce fameux Agenda 21 et développent une politique de sensibilisation de l'opinion publique par rapport à Agenda 21 et, plus largement, au service de toute la problématique du développement durable. Pas un Agenda 21 figé, Mesdames et Messieurs les députés, ni théorique, mais une impulsion continue et pratique sur les thèmes que j'ai évoqués précédemment et, particulièrement, les deux pistes que nous avons développées dans les deux autres motions !

En finale, je vous rappelle la phrase suivante d'Alfred de Musset : «Il est deux routes dans la vie : la première est la patience; la seconde est l'ambition.» Il nous faudra ces deux ingrédients pour relever le difficile challenge posé par le développement durable.

Pour préserver notre Terre et la laisser intacte pour nos descendants, militons pour cette juste cause ! Construisons un avenir équilibré !

C'est pour cette raison que je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter notre motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat. 

Mme Anne Briol (Ve). Les Verts sont très heureux de l'initiative que le parti radical a prise en déposant cette motion qui invite Genève à aller dans le sens du développement durable... (Discussions, bruit.) Vous allez arrêter de vous battre ! ...en concrétisant l'Agenda 21 pour Genève. Nous soutenons donc cette motion avec enthousiasme.

Nous aimerions cependant relever un problème important que l'on rencontre depuis le fameux Sommet de Rio, où de nombreux Etats ont pris des engagements : celui de passer des intentions à la concrétisation. M. Büchi a bien relevé ce problème.

Nous craignons que le parti radical souffre de ce mal et peine à franchir cette étape. En effet, j'aimerais rappeler que lors du Sommet de la terre, la Suisse s'est engagée à diminuer à moyen terme ses émissions de CO2. Pour ce faire, la consommation d'énergie doit diminuer et les énergies renouvelables doivent être développées. Or, que constatons-nous aujourd'hui ? Que le même parti qui demande la concrétisation de l'Agenda 21 dit non aux centimes solaires, non à la redevance pour l'encouragement des énergies renouvelables et non à la redevance sur l'énergie en faveur de l'environnement proposé par le Conseil fédéral, qui essaye de concrétiser l'Agenda 21 !

Nous espérons cependant que les signataires de cette motion ont quant à eux agi de manière cohérente sur ces sujets. Nous espérons aussi que le parti radical, ou du moins les signataires de cette motion, ira dans le sens du développement durable en s'opposant à l'initiative pro-voitures sur laquelle le parlement devra prochainement se prononcer.

Dans l'intervalle, nous soutenons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, car elle s'accorde parfaitement à nos priorités politiques. 

M. Alain Etienne (S). «Développement durable» : Genève doit montrer l'exemple. Bien évidemment, le groupe socialiste soutiendra cette motion.

Cela dit, je suis heureux de constater que des députés du parti radical se préoccupent du développement durable et reconnaissent que les trois domaines économie, social et environnement soient traités sur le même pied d'égalité. Il est évident qu'il faut trouver un équilibre entre ces trois composantes, et cela dans plusieurs domaines, comme vous le dites : la construction, les énergies renouvelables... Je rajouterai l'aménagement du territoire.

Il m'aurait plu d'entendre ce même discours à propos d'autres dossiers, par exemple, lors de la votation sur la révision de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, la votation sur la taxation des plus-values foncières ou encore lors des débats concernant l'indemnisation des riverains de l'aéroport. J'aurais apprécié que le parti radical adopte une position plus consensuelle dans le vote du concept cantonal de l'aménagement du territoire.

Je pense pour ma part qu'il faut maintenant donner du temps à ceux qui sont chargés de mettre en place des projets de développement durable, notamment dans le cadre des Agendas 21 locaux.

Par ailleurs, je vous rappelle l'existence de l'Agenda 21 du canton, qui nous a été présenté ici devant ce Grand Conseil récemment et dont nous attendons maintenant, de la part du Conseil d'Etat, le programme d'action genevois pour un développement durable comprenant la stratégie cantonale et le calendrier pour la fin de la législature. Eh bien, le même parti radical qui nous propose aujourd'hui cette motion n'a, sauf erreur, pas pris part à la consultation sur le document présentant les vingt et une actions, alors que l'occasion lui était donnée de faire tous les commentaires possibles !

Alors, bien sûr, on peut encore mettre aujourd'hui la pression, mais je ne suis pas sûr que cela soit très productif. J'ai un peu l'impression que cette motion est là pour faire bonne figure... Pour la symbolique, il aurait certainement été plus intéressant de déposer une motion interpartis : le développement durable n'est-il pas l'art de travailler ensemble ?

Les socialistes soutiendront cette motion dans le but qu'elle participe à la mise en oeuvre de projets concrets et suscite l'action. 

M. Hervé Dessimoz (R). J'ai beaucoup apprécié les propos des députés qui ont accueilli cette motion avec bienveillance, même si j'apprécie un peu moins les remarques perfides qui sous-tendent votre intervention, Monsieur Etienne, par exemple, lorsque vous dites que nous aurions pu être plus consensuels sur le concept de l'aménagement cantonal.

Monsieur Etienne, la différence entre nous réside dans le fait que pour nous le développement durable n'est pas un problème de doctrine... (L'orateur est interpellé par Mme Sayegh.) (Rires.) C'est un problème radical, comme le dit Mme Sayegh, et c'est la raison pour laquelle trois députés radicaux - et non des écologistes - se sont penchés sur le sujet et vous rappellent qu'en matière de développement durable la consensualité passe par une économie performante, une société solidaire et un environnement intact ! Il faut donc ne pas uniquement se préoccuper de l'indemnisation des riverains de l'Aéroport mais aussi du développement de l'Aéroport ! pas seulement de l'initiative sur la taxation des gaz polluants des voitures, mais aussi d'une meilleure gestion des automobilistes !

Nous voulons simplement dire que nous avons la chance à Genève d'avoir une notoriété internationale, que nous l'exploitons dans d'autres domaines - comme pour le débat sur les mines antipersonnel, par exemple - et que nous ne le faisons pas pour le développement durable et que, depuis 1991, au Sommet Rio, rien ne se fait. Nous pensons donc que c'est le moment de relancer le débat, ce d'autant plus que des événements climatiques extrêmement forts se sont produits, comme l'ouragan Lothar, au début de cette année, qui, je crois, a interpellé grandement les gens. Des pollutions très importantes comme celles provoquées par le pétrolier Erika ou dans les rivières roumaines et le Danube ont également frappé la population. Il nous semble donc judicieux d'utiliser un moment fort de la sensibilisation de la société pour rappeler que le développement durable n'est pas seulement un combat doctrinal mais aussi une responsabilité par rapport à la préservation de notre environnement pour le futur de nos enfants.

Cela étant, au moment où nous allions déposer ces trois motions - on parlera de la troisième tout à l'heure, peut-être un peu moins importante mais qui porte sur des aspects concrets du développement durable en matière de forêts - nous ne savions pas - je tiens à vous le dire Madame Briol et Monsieur Etienne - qu'une ville, Curitiba, avait déjà prouvé dans les faits que le développement durable n'était pas seulement un combat de doctrine ou théorique; qu'une ville entière avait réussi ce pari ! Je suis vraiment déçu d'avoir constaté que cette ville, qui a été l'invitée du Sommet social de Genève, n'ait pas été écoutée avec plus d'attention et que son exposition n'ait pas été visitée davantage. (L'orateur est interpellé.) Je ne dis pas que personne ne l'a fait ! Je dis simplement que la Suisse, qui se targue d'avoir un environnement de qualité, n'a pas été à la rencontre de cette ville pour comprendre ce qu'elle pouvait faire de plus pour améliorer les choses.

Ce soir, nous souhaiterions avoir votre appui entier et massif, et non en émettant des réserves sous prétexte que nous ferions un scoop politique... Il faut que ce qui nous rassemble soit une affaire de passion et non pas une affaire de partis. Les trois députés qui présentent cette motion sont passionnés par ce sujet, et vous demandent, avec passion, de penser tous ensemble au développement durable et de saisir l'opportunité de la notoriété de Genève pour que cette action soit désormais bien représentée, qu'elle ait pignon sur rue, qu'elle ait un relais et qu'elle se traduise dans les faits globalement au niveau de la planète et pas seulement par quelques unités dispersées dans le monde. 

M. Carlo Lamprecht. C'est très bien : je constate que tous les avis convergent finalement et que la politique de développement durable du parlement va dans le sens de celle du gouvernement ! Je vous invite, au nom de mon collègue Cramer et du gouvernement, à soutenir cette motion.

Une voix. Merci, Carlo ! Merci, Carlo ! (Rires.) 

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1346)« Développement durable : Genève doit montrer l'exemple »