Séance du
jeudi 21 septembre 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
10e
session -
41e
séance
PL 8293
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Objet
Il est institué une assurance-maternité ayant pour but de verser :
Art. 2 Personnes assujetties et tenues de cotiser
1 Sont assujetties à la présente loi et tenues de verser des cotisations :
2 Les cotisations sont perçues sur le revenu d'une activité lucrative déterminant pour l'AVS. Leur taux est fixé par le Conseil d'Etat.
3 Les salariés et les employeurs cotisent à parts égales.
4 Les cotisations des salariés dont l'employeur n'est pas tenu de payer des cotisations et les cotisations des indépendants sont échelonnées selon un barème dégressif identique à celui des cotisations à l'AVS.
5 Les cotisations sont perçues sous la forme d'un supplément aux cotisations de l'AVS.
Art. 3 Salariés et indépendants
1 Sont réputées salariées toutes les personnes qui perçoivent un salaire déterminant au sens de la législation sur l'AVS.
2 Sont réputées indépendantes toutes les personnes dont le revenu provient d'une activité indépendante au sens de la législation sur l'AVS.
3 Sont assimilées à des personnes salariées ou indépendantes celles qui touchent des indemnités journalières de l'assurance militaire, d'une assurance-accidents, d'une assurance-maladie et de l'assurance-chômage.
4 Est réputé employeur quiconque verse une rémunération à un salarié, conformément à l'alinéa 1.
Art. 4 Bénéficiaires
Peuvent bénéficier des prestations prévues dans la présente loi les personnes qui, au moment de l'accouchement ou du placement en vue d'adoption, ont été assujetties à l'assurance régie par la présente loi pendant une année au moins.
Art. 5 Maternité
En cas de maternité, les prestations sont accordées à la mère :
Art. 6 Adoption
1 En cas de placement d'un enfant en vue de son adoption, les prestations sont accordées aux futurs parents adoptifs si, à la date du placement :
2 En cas d'adoption conjointe ou d'adoption simultanée de plusieurs enfants, les futurs parents adoptifs ne peuvent prétendre qu'une seule fois aux prestations. Celles-ci doivent être versées à la même personne. Les époux choisissent lequel d'entre eux en sera le bénéficiaire.
Art. 7 Durée du droit à l'allocation de maternité
1 La mère qui remplit les conditions prévues par la présente loi au début du congé de maternité a droit à une allocation pendant seize semaines, à compter de la date de l'accouchement. Ce droit n'est pas subordonné à la reprise du travail à l'échéance du congé de maternité.
2 La période de versement des allocations de maternité coïncidera toutefois, le cas échéant, avec celle de versement des indemnités journalières spécifiques de maternité au sens de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal), quel que soit le montant de l'indemnité journalière assurée conformément à cette loi.
3 Sont réservées les prestations plus étendues prévues par le droit cantonal, par les conventions collectives de travail ou le contrat individuel de travail.
Art. 8 Durée du droit à l'allocation d'adoption
1 Lorsqu'un enfant est placé en vue de son adoption, la future mère ou le futur père adoptif a droit à une allocation pendant seize semaines.
2 Sont réservées les prestations plus étendues prévues par le droit cantonal, par les conventions collectives de travail ou le contrat individuel de travail.
Art. 9 Calcul de l'allocation de maternité ou d'adoption
1 L'allocation est égale à 80 % du gain assuré.
2 On entend par gain assuré le revenu de l'activité lucrative déterminant pour le calcul des cotisations à l'AVS ; celui-ci ne peut dépasser le montant maximal déterminant pour l'assurance-accidents obligatoire.
3 Pour les mères visées à l'article 3, alinéa 2, lettre a, de la loi fédérale, qui ne sont pas encore en âge de cotiser à l'AVS, le gain assuré est calculé sur la base du revenu de l'activité lucrative qui serait théoriquement déterminant pour le calcul des cotisations à l'AVS.
4 Si la personne bénéficiaire a une activité lucrative irrégulière ou que le revenu de son activité lucrative fluctue fortement, l'allocation est calculée sur la base du revenu obtenu au cours des douze mois qui précèdent la date à laquelle le droit au congé prend effet.
5 Si la personne bénéficiaire exerce une activité indépendante, l'allocation est calculée sur la base du revenu provenant d'une activité lucrative sur lequel a été perçue la dernière cotisation à l'AVS avant l'accouchement ou le placement de l'enfant en vue de son adoption.
6 Le Conseil d'Etat fixe le mode de calcul de l'allocation.
Art. 10 Primauté des indemnités fédérales et d'autres indemnités sur l'allocation de maternité ou d'adoption
1 L'allocation de maternité ou d'adoption n'est versée, pendant la durée prévue par la présente loi, que dans la mesure où, ajoutée aux prestations énumérées ci-dessous, il n'en résulte pas de surindemnisation.
2 Sont visées les :
3 Est surindemnisée la personne pouvant prétendre à des prestations qui, ensemble, dépasseraient le montant de son salaire ou revenu effectif au moment de l'accouchement ou du placement en vue d'adoption, établi au besoin selon les règles prévues en cas d'absence d'activité lucrative ou de revenu fluctuant.
Art. 11 Paiement des cotisations
1 Dans la mesure où l'allocation de maternité ou d'adoption est, selon le droit fédéral, soumise à cotisations :
celles-ci sont supportées paritairement par le salarié et par l'assurance-maternité.
2 Dans le cas où il n'y a pas d'employeur tenu à cotisations, ces cotisations sont déclarées et payées par l'assurance-maternité.
3 Le Conseil d'Etat fixe les modalités d'application et la procédure relatives au paiement des cotisations ainsi dues aux assurances sociales.
Art. 12 Allocations et cotisations aux assurances sociales
Les allocations prévues par la présente loi et, le cas échéant, les cotisations aux assurances sociales prises en charge par l'assurance-maternité sont financées par :
Art. 13 Couverture des frais d'administration
Les frais d'administration des caisses de compensation liés à l'encaissement des cotisations et au versement des allocations leur sont remboursés par le fonds selon les normes fixées par la législation sur l'assurance-vieillesse et survivants.
Art. 14 Fonds de compensation de l'assurance-maternité
1 Est créé, sous la dénomination de Fonds cantonal de compensation de l'assurance-maternité, un fonds indépendant, qui est crédité ou débité de toutes les ressources et prestations prévues par la présente loi.
2 Le fonds est administré par des organes et géré selon des principes semblables à ceux prévus par la législation fédérale en matière de fonds de compensation de l'assurance-vieillesse et survivants.
3 Les avoirs du fonds ne doivent pas, en règle générale, être inférieurs au tiers des dépenses annuelles de celui-ci.
4 L'article 110 de la loi fédérale est applicable, dans la mesure où il ne s'agit pas d'impôts dus en application du droit fédéral.
Art. 15 Organes
L'assurance-maternité est gérée par les organes institués par la loi fédérale.
Art. 16 Exercice du droit à l'allocation de maternité ou d'adoption
1 La personne assurée doit faire valoir son droit à l'allocation auprès de la caisse de compensation compétente et lui fournir tous les documents requis en vertu du règlement d'exécution. Si cette personne n'exerce pas son droit elle-même, l'employeur a qualité pour agir, s'il lui verse le salaire durant la période de paiement de l'allocation.
2 Le versement de l'allocation est du ressort de la caisse de compensation.
Art. 17 Paiement des prestations
Sous réserve des cas où la salariée ne touche temporairement, pendant la grossesse, ni gain ni salaire et ne bénéficie d'aucun revenu de substitution sous formes d'indemnités journalières d'assurances sociales ou privées, l'allocation est versée en une fois, au plus tard à l'échéance de la seizième semaine, à :
Art. 18 Application de la législation sur l'AVS
A moins que la présente loi n'en dispose autrement, les dispositions de la législation sur l'AVS s'appliquent par analogie à la procédure, à la responsabilité et à l'exécution, en particulier :
Art. 19 Voies de droit
Les décisions prises en vertu de la présente loi par les caisses de compensation peuvent faire l'objet d'un recours devant les autorités de recours compétentes en matière d'AVS conformément aux articles 17 à 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 13 décembre 1947.
Art. 20 Dispositions pénales
Les articles 42 et 43 de la loi sur les allocations familiales, du 1er mars 1996, sont applicables par analogie aux personnes qui violent les dispositions de la présente loi.
Art. 21 Cession, mise en gage et compensation
1 Le droit aux prestations découlant de la présente loi ne peut être ni cédé ni mis en gage. Toute cession ou mise en gage est nulle.
2 Peuvent être compensées avec les allocations échues :
Art. 22 Disposition d'application
Le Conseil d'Etat est chargé de l'application de la loi. Il édicte le règlement d'exécution.
Art. 23 Frais initiaux des caisses de compensation
1 Les frais initiaux des caisses de compensation AVS résultant de l'instauration de l'assurance-maternité sont à la charge du canton. Ils leur sont remboursés.
2 L'Etat accorde un prêt de 20 000 000 F portant intérêts au fonds pour assurer le démarrage de l'assurance-maternité.
3 Le Conseil d'Etat fixe les modalités du remboursement des frais initiaux ainsi que du prêt.
Art. 24 Dispositions transitoires
1 Les mères exerçant une activité lucrative ont droit à l'allocation de maternité si l'enfant est né seize semaines au plus avant l'entrée en vigueur de la présente loi. Les prestations ne sont toutefois versées qu'à partir de la date d'entrée en vigueur et uniquement pour la durée restante du congé de maternité.
2 L'allocation d'adoption n'est due que si l'enfant est placé en vue de son adoption après l'entrée en vigueur de la présente loi.
Art. 25 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Résumé
A la suite du vote populaire du 13 juin 1999, par lequel le peuple suisse a refusé d'introduire une assurance-maternité fédérale, les autorités genevoises, tenant compte du vote positif du peuple genevois, ont étudié la possibilité d'introduire une assurance-maternité cantonale.
Sur la base des débats parlementaires et, en particulier, des 2 projets de loi PL 8204 et PL 8206, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil d'adopter un projet de loi instituant une assurance-maternité cantonale.
Cette assurance-maternité cantonale sera apparentée à l'AVS et au régime APG. Elle sera mise en oeuvre par les caisses de compensation, cantonale et professionnelles, appliquant un taux unique de cotisations, les flux financiers étant contrôlés par un fonds de compensation cantonal.
Cette assurance-maternité accordera aux personnes salariées et aux personnes indépendantes une allocation de maternité (ou une allocation d'adoption), égale à 80 % du gain assuré AVS, durant 16 semaines. Elle sera financée par des cotisations paritaires, dont le taux, fixé par le Conseil d'Etat, sera de 0,4 % du salaire déterminant.
Politiquement, juridiquement et techniquement, cette assurance-maternité cantonale s'inscrit parfaitement dans le système des assurances sociales suisses et, en particulier, dans le droit fil des travaux fédéraux menés actuellement, qui pourraient aboutir dans quelques années à une assurance-maternité fédérale, se substituant à l'assurance-maternité cantonale.
1. INTRODUCTION
La Constitution fédérale, du 18 avril 1999, contient une disposition qui concerne l'assurance-maternité, à l'article 116, dont la teneur est la suivante :
Allocations familiales et assurance-maternité
1 Dans l'accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les besoins de la famille. Elle peut soutenir les mesures destinées à protéger la famille.
2 Elle peut légiférer sur les allocations familiales et gérer une caisse fédérale de compensation en matière d'allocations familiales.
3 Elle institue une assurance-maternité. Elle peut également soumettre à l'obligation de cotiser les personnes qui ne peuvent bénéficier des prestations d'assurance.
4 Elle peut déclarer l'affiliation à une caisse de compensation familiale et l'assurance-maternité obligatoires, de manière générale ou pour certaines catégories de personnes, et faire dépendre ses prestations d'une juste contribution des cantons.
L'ancienne Constitution contenait déjà un article 34quinquies, d'une teneur très proche de celle de la disposition actuelle. Cela permet de se référer aux commentaires de l'ancienne Constitution
Pascal Mahon, art. 34quinquies Cst., Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, éditions Schulthess Polygraphiques SA, Zurich.
1 La Confédération, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés et dans les limites de la constitution, tient compte des besoins de la famille.
On sait que l'assurance-maternité fédérale aurait dû être introduite par la LAMat fédérale. Or, le peuple suisse n'en a pas voulu. Cette situation est d'autant plus regrettable que la Suisse s'est engagée à accorder une protection spéciale aux mères avant et après la naissance de l'enfant en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en vigueur pour notre pays depuis le 18 septembre 1992. C'est pourquoi le Conseil d'Etat et le Grand Conseil, se fondant sur la volonté claire de la population genevoise, ont décidé d'introduire une assurance-maternité cantonale. Tel est le but du présent projet de loi.
Référence sera faite ci-après au commentaire de la partie de la disposition constitutionnelle consacrée aux allocations familiales et à celui de la partie qui concerne l'assurance-maternité. Les deux régimes présentent en effet la même particularité celle de ne pas connaître de régime fédéral exhaustif.
Selon Pascal Mahon
Pascal Mahon, art. 34quinquies Cst. N° 54.
Pierre-Yves Greber, Droit suisse de la sécurité sociale, Réalités sociales, 1982, p. 508.
Bien qu'il existe une loi fédérale en matière d'allocations familiales (LFA), il faut admettre que la Confédération n'a pas épuisé sa compétence dans ce domaine. Le versement des prestations familiales est ainsi demeuré, pour une large part, dans la sphère de compétence des cantons, « qui peuvent légiférer - ils n'y sont pas tenus
ATF 114 Ia 1.
Pascal Mahon, art. 34quinquies Cst. N° 60.
Die Stellung der Kantone im Sozialversicherungsrecht, SZS 1994 pp. 161-177.
Ces réflexions en matière d'allocations familiales pourraient être transposées au domaine de l'assurance-maternité - dans l'hypothèse où l'on voudrait considérer que la Confédération a fait partiellement usage de sa compétence de légiférer en matière d'assurance-maternité en édictant certaines dispositions de la loi fédérale sur l'assurance-maladie. Force serait de constater alors qu'elle n'aurait pas - et de loin - épuisé la question, laissant encore et toujours une large place aux cantons pour légiférer en la matière. On s'accorde donc, en général, à constater que la Confédération n'a pas usé de sa compétence en matière d'assurance-maternité, ou en tout cas ne l'a pas épuisée
Pierre-Yves Greber, Droit suisse de la sécurité sociale, Réalités sociales, 1982, p. 342.
Selon Pascal Mahon
Art. 34quinquies Cst. N° 70.
L'auteur cite de nombreuses références.
Hans Peter Tschudi, Die Verfassungsrechtlichen Grundlagen der Sozialversicherung, SZS 1979 pp. 81 ss ; Jean-Louis Duc, art. 34bis Cst, Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, Editions Schulthess Polygraphiques SA, Zurich.
Hans Peter Tschudi, in Der lange Weg zur Mutterschaftsversicherung (eine Zwischenbilanz), SZS 1989 pp. 1 - 12 ; Entstehung und Entwicklung der schweizerischen Sozialversicherungen, Helbing & Lichtenhahn 1989, pp. 114 ss.
Hans Peter Tschudi admet enfin que même une loi fédérale sur l'assurance-maternité ne priverait pas les cantons de la possibilité de prévoir le versement de prestations complémentaires, sur le modèle des prestations complémentaires à l'AVS/AI
Die Stellung der Kantone im Sozialversicherungsrecht, SZS 1994 pp. 161-177.
L'interpellation Roth-Bernasconi du 14 juin 1999 (No 99.3253) concernant une assurance-maternité pour les cantons latins a donné l'occasion au Conseil fédéral de préciser sa propre position, qui est celle de la doctrine majoritaire.
Dans sa réponse écrite, le Conseil fédéral relève :
que la Constitution fédérale ne donne pas de compétence exclusive à la Confédération, laquelle n'a que partiellement fait usage de sa compétence législative, en matière d'allocations familiales, à savoir dans le domaine de l'agriculture (LFA)
Pascal Mahon, Les allocations familiales, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, F. Schlauri/P. Mahon, Besondere Entschädigungssysteme, Helbing & Lichtenhahn, 1998, p. 122 No 8.
que divers cantons se sont inspirés du régime fédéral des prestations complémentaires pour mettre en place des régimes de prestations dites de besoin en faveur des parents ;
qu'après le rejet de la LAMat, le 13 juin 1999, les cantons pourraient, par analogie, continuer à légiférer en matière d'assurance-maternité et réglementer dans ce cadre le cercle des assurés, les prestations et le financement. Un accord intercantonal créateur de droit serait même concevable pour réaliser une assurance-maternité entre plusieurs cantons ;
s'agissant de l'organisation et de l'application de cette loi, les cantons pourraient s'appuyer - comme ils l'ont fait en matière d'allocations familiales - sur les réglementations et structures existantes des assurances sociales de la Confédération, le Conseil fédéral se déclarant disposé à exercer une fonction de coordination dans ce domaine.
La répartition des compétences dans un Etat fédéral est d'une importance cruciale. Aux termes de l'article 3 Cst., les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la Constitution fédérale
Andreas Auer, Giorgio Malinveni et Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, volume I, Staempfli Editions SA, Berne 2000, pp. 323 ss, 339 ss.
15 Op. cit. No 945.
Op. cit. No 946.
Si le système de l'article 3 Cst. semble prévoir une alternative simple -soit la compétence appartient à la Confédération et les cantons n'ont plus rien à dire, soit la Constitution est muette et la compétence est cantonale -, la « réalité constitutionnelle est infiniment plus complexe »
Op. cit. No 984.
Op. cit. No 985.
Op. cit. No 976.
Ainsi, il est possible d'affirmer sans équivoque que le canton de Genève est aujourd'hui compétent pour légiférer en matière d'assurance-maternité. Le jour où la Confédération aura fait usage de sa compétence en la matière, il faudra seulement réexaminer la loi cantonale.
La suite donnée par le Conseil fédéral à l'interpellation Roth-Bernasconi répond donc de manière positive à la question de savoir si les cantons ont la compétence d'instituer une assurance-maternité. On ne se trouve du reste pas, dans ce domaine, en présence d'un problème fondamentalement différent de celui rencontré en matière d'allocations familiales, où la question a pu être réglée de manière satisfaisante. Mais le Conseil fédéral n'a pas abordé une question qui paraît pourtant importante, soit celle du respect de certaines règles du droit fédéral dans le domaine de la protection de la maternité. En effet, si la LAMat a été rejetée par le peuple, cela ne signifie pas - on l'a déjà vu - que le droit fédéral soit totalement muet sur cette protection
Voir en particulier FF 1997 IV 885, Message du 25 juin 1997 du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur l'assurance-maternité (LAMat).
Ainsi, la LAMal contient des règles en matière de soins en rapport avec une grossesse et un accouchement, règles qui ne réalisent cependant pas le mandat constitutionnel d'introduire l'assurance-maternité. La grossesse pathologique ouvre droit aux mêmes prestations qu'en cas de maladie. Quant à la grossesse normale, qui n'est pas une maladie, elle permet l'octroi de prestations dites spécifiques de maternité qui, normalement, ne seraient pas à la charge de l'assurance. Il n'entre pas dans les intentions du Conseil d'Etat de compléter ce catalogue des prestations spécifiques de maternité par le versement de prestations de droit cantonal. Cette question ne sera donc pas examinée plus avant.
La LAMal contient également un titre consacré à l'assurance facultative d'une indemnité journalière, qui est conçue de manière à accorder aux assurées une protection en cas de maternité, avec un congé de maternité de seize semaines, dont huit au moins après l'accouchement. Dans ce domaine aussi, il faut faire la distinction entre grossesse normale et grossesse pathologique. En effet, si l'on admet communément que la grossesse n'est en soi pas une maladie (grossesse dite normale), une grossesse qui s'accompagne de troubles de santé (grossesse dite pathologique) est habituellement considérée comme une maladie. Cela permettra à certaines travailleuses assurées contre la maladie par une indemnité journalière de bénéficier d'un revenu de substitution du salaire dès avant le début du droit aux prestations spécifiques de maternité de l'assurance-maladie, pour ensuite toucher les prestations spécifiques de maternité de la LAMal, non subordonnées à une incapacité de travail.
Une partie de la doctrine a proposé de ne pas assimiler la grossesse et l'accouchement aux causes énumérées à l'alinéa 1 de l'article 324a CO. Elle n'a cependant pas été suivie, la doctrine majoritaire identifiant la grossesse à une maladie, ce qui a pour conséquence que la travailleuse qui tombe malade au cours de sa première année d'activité, et cela pendant trois semaines, n'aura pas droit à son salaire si elle accouche la même année (son droit aura été épuisé par la maladie). Il en va de même si la grossesse et l'accouchement sont antérieurs à la maladie et ont donné lieu au versement du salaire durant trois semaines. La question est aujourd'hui définitivement tranchée : le Tribunal fédéral a jugé que la mention de la grossesse à l'alinéa 3 de l'article 324a CO élargit le catalogue non exhaustif des motifs d'empêchement de travailler de l'alinéa 1. Selon la Haute Cour, la disposition ne figure dans un alinéa distinct que pour montrer que le droit au salaire en cas de grossesse est indépendant de la condition d'absence de faute prévue à l'alinéa 1 et qu'il existe sans que la grossesse ait besoin d'être qualifiée de maladie. Le salaire n'est ainsi dû, la première année de service, que pendant trois semaines à la femme qui a été malade trois semaines et accouche durant la même année, et vice-versa. La LAMal fédérale aurait modifié cela en partie, dès lors que le congé de maternité n'aurait pas été compté au nombre des causes de l'article 324a alinéa 1 CO (article 329h nouveau CO qui aurait été introduit par la nouvelle loi).
Il n'est dès lors pas exact de dire que la Confédération n'a pas fait usage du tout de sa compétence dans le domaine de la protection de la maternité. Mais, comme précédemment relevé, cela ne devrait pas priver les cantons de la possibilité de prévoir des régimes d'assurance-maternité, à condition de tenir compte des règles du droit fédéral existantes. Les exemples, évoqués par le Conseil fédéral, des régimes de prestations dites de besoin en faveur des parents destinées à compléter ceux des prestations complémentaires et des allocations familiales en sont la preuve.
C'est le lieu de signaler une pratique sur laquelle le Tribunal fédéral des assurances n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer. C'est celle qui consiste, pour un assureur au sens de la LAMal, à partager l'indemnité journalière désirée par un candidat en une indemnité (souvent peu importante) garantie dans le cadre de cette loi d'assurance sociale, et une indemnité (beaucoup plus considérable) assurée conformément aux règles du droit privé (à savoir celles de la LCA, dans le cadre d'une assurance complémentaire). Or, en LCA, il est possible de supprimer la protection garantie par la LAMal en matière de maternité. Il y a incontestablement là une manoeuvre destinée à éluder les règles d'une assurance sociale (celle régie par la LAMal), ce qui ne devrait pas être toléré. Il n'en demeure pas moins qu'une loi cantonale instituant l'assurance-maternité doit tenir compte du régime institué par la LAMal. On n'oubliera pas que la protection résultant de l'application des dispositions de la LAMal n'est donnée que si la personne concernée a souscrit une assurance d'indemnité journalière, et jusqu'à concurrence de l'indemnité convenue seulement.
Enfin, on ne saurait ignorer les problèmes de coordination avec le droit du travail. Il importe en particulier de bien comprendre l'articulation des articles 324a et b CO et de ne pas perdre de vue les conditions d'application de la seconde de ces dispositions. De même, il faut tenir compte de la loi fédérale sur le travail. Ces questions de coordination sont ainsi examinées au point 4 du présent exposé des motifs.
Quant à la question de savoir s'il est possible de recourir à un financement paritaire d'une assurance-maternité instituée par le droit cantonal, elle est facile à résoudre si l'on considère que la règle, dans le domaine des assurances sociales, est de recourir à un tel système de financement, encore qu'il existe des domaines dans lesquels il n'est pas perçu de cotisations du tout, ou seulement des cotisations d'employeur. La compétence dont disposent les cantons d'introduire une assurance-maternité implique certainement celle de prévoir un financement paritaire. En effet, il n'existe aucune norme du droit fédéral qui l'interdise. Une référence à l'ancienne LAMA est à cet égard intéressante. L'article 34bis Cst. n'évoquait pas le problème du financement de l'assurance-maladie qui devait être mise en place. Or, le législateur fédéral avait introduit dans la loi un article 2 dont l'alinéa 1 disposait que les cantons pouvaient déclarer obligatoire l'assurance en cas de maladie, en général ou pour certaines catégories de personnes, et obliger les employeurs à veiller au paiement des contributions de leurs employés obligatoirement assurés à des caisses publiques, mais sans toutefois pouvoir astreindre les employeurs eux-mêmes à des contributions. Bien que l'argument ne soit pas décisif, il est permis de penser que l'ancienne LAMA n'aurait pas contenu une telle disposition si les cantons n'avaient pas eu la compétence d'instituer un régime de cotisations paritaires.
Il faut ajouter que certaines dispositions de la Constitution prescrivent expressément d'adopter un système de cotisations paritaires dans le domaine des assurances sociales (voir les articles 112 alinéa 2, 113 alinéa 3, 114 alinéa 3 Cst.). Mais elle le fait pour imposer un tel régime (règle qui lierait les cantons, le cas échéant). Le silence de l'article 116 Cst. en matière d'assurance-maternité ne peut que signifier liberté d'instituer à l'échelon fédéral ou cantonal n'importe quel régime de financement : par les seuls assurés, par les seuls employeurs, par le seul Etat, par les employeurs et les salariés, avec ou sans apport de deniers publics.
Il serait au demeurant absurde d'interdire aux cantons d'introduire un financement paritaire de l'assurance-maternité alors que la LAMat fédérale l'aurait instauré.
3. ORGANISATION DE L'ASSURANCE-MATERNITÉ CANTONALE
3.1. Les deux organisations possibles
Comme le montrent les deux projets de loi 8204 et 8206, l'assurance-maternité peut être organisée en se fondant soit sur les caisses d'allocations familiales, soit sur les caisses de compensation AVS.
Après avoir pris en compte tous les éléments d'appréciation, le Conseil d'Etat se prononce pour une assurance-maternité cantonale conçue comme un système analogue à l'AVS plutôt que pour une assurance-maternité conçue comme un système analogue aux allocations familiales.
Ainsi, l'assurance-maternité cantonale sera apparentée à l'AVS et au régime APG, mise en oeuvre par les caisses de compensation, cantonale et professionnelles, appliquant un taux unique de cotisations, les flux financiers étant contrôlés par un fonds de compensation cantonal.
Ce choix permettra une administration plus rapide, plus sûre et moins coûteuse, les caisses de compensation disposant d'applicatifs informatiques pour le traitement des APG pouvant facilement être adaptés aux besoins de l'assurance-maternité pour le calcul et le versement des allocations. En outre, l'existence d'un fonds cantonal de compensation - sur le modèle de fonds de compensation de l'AVS - ne permettra pas seulement d'avoir une vue transparente de la situation financière de l'assurance-maternité : il favorisera aussi une politique de placement plus rentable, les intérêts de la fortune du fonds venant consolider les finances de l'assurance.
Par ailleurs, cette solution fondée sur la solidarité constitue la base la plus solide pour défendre le principe du taux unique, appliqué par plusieurs organes, qui découle de l'AVS qui, depuis plus de 50 ans, a démontré la cohérence et l'efficacité du système.
Enfin, politiquement, juridiquement et techniquement, cette solution s'inscrit parfaitement dans le système des assurances sociales suisses et, en particulier, dans le droit fil des travaux fédéraux menés actuellement, qui pourraient aboutir dans quelques années à une assurance-maternité fédérale se substituant à l'assurance-maternité cantonale.
3.2. Considérations juridiques et techniques
Le Conseil fédéral estime que l'organisation et l'application d'une loi cantonale sur l'assurance-maternité peuvent s'appuyer sur les réglementations et structures existantes des assurances sociales de la Confédération.
Ainsi, on peut affirmer que les caisses de compensation AVS peuvent être chargées de gérer une assurance-maternité de droit cantonal. En effet, l'article 63 LAVS énumère les obligations des caisses de compensation. L'alinéa 3 de cette disposition autorise le Conseil fédéral à confier d'autres tâches que celles qu'elle énumère, « dans les limites de la présente loi ». L'alinéa 4 autorise la Confédération à confier aux caisses de compensation des tâches ressortissant à d'autres domaines, en particulier en matière de soutien des militaires et de protection de la famille. Les cantons et les associations fondatrices peuvent faire de même avec l'approbation du Conseil fédéral. Les articles 130 à 133 du Règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS) apportent les précisions nécessaires. Ainsi, l'article 130 RAVS dispose que d'autres tâches ne pourront être confiées aux caisses de compensation par les cantons et associations fondatrices que si celles-ci ressortissent aux assurances sociales, à la prévoyance sociale et professionnelle, ou à la formation et au perfectionnement professionnels, à condition de ne pas nuire à l'application régulière de l'AVS. L'article 131 RAVS prescrit la procédure à suivre, soit l'envoi d'une requête écrite à l'OFAS comportant l'indication des nouvelles tâches et des mesures d'organisation prévues. L'OFAS se prononce sur la requête, avec possibilité de poser certaines conditions. Un retrait de l'autorisation peut intervenir en cas de mise en danger de l'application régulière de l'AVS. L'article 132 RAVS enfin prévoit une indemnisation adéquate à raison des tâches confiées.
Une assurance-maternité est sans nul doute du domaine de la protection de la famille tel que l'entend l'article 63, alinéa 4 LAVS. Il résulte de ce qui précède que la gestion de l'assurance-maternité peut être confiée aux caisses de compensation AVS, en respectant certaines règles du droit fédéral. La prise de position du Conseil fédéral dans sa réponse à l'interpellation Roth-Bernasconi indique que cette voie peut être suivie sans difficultés particulières. Il faut seulement respecter la procédure de l'article 131 RAVS, en déposant une requête à l'OFAS.
Le droit fédéral contient des dispositions de nature à influencer le contenu d'une loi cantonale instituant une assurance-maternité. L'on a déjà évoqué la LAMal. Il faut encore mentionner le Code des obligations et la loi fédérale sur le travail.
Il importe de bien comprendre l'articulation des articles 324a et b CO et de ne pas perdre de vue les conditions d'application de la seconde de ces dispositions. L'article 324a pose le principe, en autorisant une exception à ce principe à son alinéa 4 déjà ; l'article 324b consacre d'autres exceptions au même principe.
L'employeur ne doit le salaire que si l'empêchement de travailler n'est pas dû à une faute du travailleur. Il va de soi qu'une grossesse ne saurait être fautive, même si elle intervient hors mariage.
La mise au monde d'un enfant prématuré, ou mort-né, ou encore le cas de l'avortement légal ou non, etc., devront être réglés le cas échéant à partir des règles définissant les conditions du droit aux prestations en cas de maternité. A défaut de maternité, on aura en principe affaire à une maladie. Cette remarque est importante pour déterminer qui, de l'assurance ou de l'employeur, doit intervenir dans un cas donné.
A noter qu'une grossesse, voire une atteinte à la santé, n'est pas toujours propre à entraîner une incapacité de travail. L'arrêt de travail devra être médicalement justifié, pour que le droit au salaire existe.
La question se présente autrement pour le congé de maternité institué par la LAMal, congé qui pourra être pris, dès avant l'accouchement le cas échéant, sans égard à une incapacité de travail. L'assurée est libre d'arrêter le travail - et de toucher les prestations assurées - du seul fait de la grossesse huit semaines avant l'accouchement (article 74, alinéa 2 LAMal).
Il faut dès lors se demander si la travailleuse qui prend son congé de maternité LAMal viole ses obligations découlant du contrat de travail puisqu'elle serait en mesure de travailler. Tel ne devrait pas être le cas, car l'on voit mal une loi fédérale conférer aux travailleuses un droit dont la jouissance puisse conduire à la résiliation des rapports de service avec effet immédiat (licenciement pour justes motifs). La prise du congé de maternité LAMal ne saurait donc constituer un juste motif au sens des articles 337 ss CO. Il ne devrait pas en être autrement en présence d'un congé de maternité institué par une loi cantonale. Mais le droit cantonal ne saurait aggraver la situation faite à l'employeur par le droit fédéral qui, par le biais de la LAMal, n'impose à celui-ci (indépendamment de la question du droit au salaire) que l'obligation de s'accommoder d'un congé de maternité de seize semaines au maximum. Par ailleurs, une remarque similaire peut être faite à propos de la loi fédérale sur le travail. Cela impose une stricte coordination entre congé de maternité selon le droit fédéral et congé de maternité selon le droit cantonal.
La durée de versement du salaire en cas d'empêchement non fautif du travailleur est proportionnelle au temps passé dans l'entreprise. La loi ne fait que fixer un minimum à l'alinéa 2 : trois semaines durant la première année de service. Ensuite, cette durée doit être augmentée « équitablement ». La pratique a développé des échelles, à valeur indicative si elles ne sont pas incorporées dans un contrat individuel de travail (CIT) ou dans une convention collective de travail (CCT). En présence de circonstances particulières, il est donc possible de s'en écarter. La plus connue est l'échelle bernoise (soit celle du Tribunal des Prudhommes de la Ville de Berne).
Il faut bien retenir que :
Il y a toutefois lieu de prendre garde au fait que le paiement du salaire en application de l'article 324a CO n'est pas prévu par la loi au-delà de la fin du CIT.
La faculté offerte par l'article 324a alinéa 4 CO est très importante et, surtout, elle peut présenter un grand intérêt pour le travailleur. Elle permet de remplacer le salaire dû en cas d'empêchement de travailler pour une raison inhérente à la personne du travailleur par d'autres prestations. Il s'agit du régime qu'avaient institué les CCT sous l'empire de l'ancien droit. L'employeur était tenu de contribuer, à raison de la moitié au moins, au paiement des cotisations d'assurance-maladie/indemnité journalière. Les prestations assurées étaient généralement inférieures au salaire mais versées pendant très longtemps.
Par CCT ou par accord écrit des parties au CIT, il est possible de mettre sur pied un accord dérogeant à la loi, pour autant qu'il assure au travailleur des conditions au moins équivalentes. La formule la plus fréquente est celle de l'assurance dont les prestations vont libérer l'employeur de son obligation, mais à certaines conditions seulement.
La notion d'équivalence est difficile à cerner. On peut apprécier cette équivalence concrètement, ou au contraire abstraitement. Selon la méthode concrète, on se demandera a posteriori, dans chaque cas, si le travailleur a reçu son dû. Tel ne sera pas le cas de celui qui, malade deux fois deux semaines en deux ans et soumis à un délai d'attente de trois jours, aura reçu de l'assurance chaque année onze indemnités représentant le 80 % du salaire, et non quatorze indemnités représentant le plein salaire. Si l'on applique la méthode abstraite, en revanche, on constatera que, de manière générale, il est plus intéressant d'avoir la garantie d'être payé le cas échéant à 80 % pendant 720 jours que d'être assuré de toucher son plein salaire pendant trois semaines lors de la première année de service.
Le Tribunal fédéral, suivant la majorité de la doctrine, a opté pour la méthode abstraite : il a jugé qu'une indemnité journalière de 60 % du salaire payable pendant 360 jours, 50 % des primes étant à la charge de l'employeur, satisfaisait déjà à l'exigence d'équivalence ; il a estimé qu'il en allait de d'une indemnité journalière de 80 % du salaire payable dès le 3e jour pendant 720 jours, deux tiers des primes étant à la charge de l'employeur
SJ 1982 p. 574. On retrouve ces chiffres de 60 à 80 % in Beobachter Ratgeber, Glattbrugg 1989. Jürg Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, Haupt, Berne - Stuttgart - Wien 1996, N° 23 ad 324a ; Adrian Staehelin, Das Obligationenrecht, 3. Auflage Nos 62 et suivants ad 324a.
Un certain nombre de problèmes sont susceptibles de se poser, qui ne seront pas examinés ici (assurance insuffisante, assurance différée, non-respect de l'obligation contractuelle de l'employeur d'assurer les travailleurs, etc.). On rappellera en revanche que les assurances d'indemnité journalière, en tant que moyen à disposition des employeurs pour se libérer de leur obligation de verser le salaire, peuvent être conclues dans le cadre de la LAMal : dans ce cas, une protection de la maternité pendant seize semaines sera donnée au niveau du salaire, jusqu'à concurrence de l'indemnité souscrite. Elles peuvent également être conclues dans le cadre de la LCA : dans ce cas, la maternité pourra être exclue de la couverture, ou n'être assurée que moyennant une surprime. Cette distinction a des incidences sur les obligations de l'employeur selon l'article 324a CO.
1 Si le travailleur est assuré obligatoirement, en vertu d'une disposition légale, contre les conséquences économiques d'un empêchement de travailler qui ne provient pas de sa faute mais est dû à des raisons inhérentes à sa personne, l'employeur ne doit pas le salaire lorsque les prestations d'assurance dues pour le temps limité couvrent les quatre cinquièmes au moins du salaire afférent à cette période.
2 Si les prestations d'assurance sont inférieures, l'employeur doit payer la différence entre celles-ci et les quatre cinquièmes du salaire.
3 Si les prestations d'assurance ne sont versées qu'après un délai d'attente, l'employeur doit verser pendant cette période quatre cinquièmes au moins du salaire.
En principe, l'employeur doit le salaire intégral, en cas d'empêchement de travailler au sens de l'article 324a CO et aux conditions prévues. L'article 324b CO introduit cependant des exceptions à ce principe. Les conditions prévues sont :
une assurance obligatoire ;
résultant d'une disposition légale ;
fournissant au moins le 80 % du salaire, en cas d'empêchement de travailler pour des raisons inhérentes à la personne du travailleur, sans qu'il y ait faute de la part de ce dernier.
Dès lors, une assurance facultative ou même une assurance obligatoire en vertu d'un CTT ou d'une CCT, voire d'un CIT ne libère pas l'employeur de son obligation, sous réserve de la possibilité offerte à l'article 324a alinéa 4 CO, possibilité qu'il ne faut pas confondre avec le régime institué par l'article 324b CO.
Les conséquences économiques visées sont la perte de gain découlant de l'empêchement de travailler.
Les assurances concernées sont, sur le plan fédéral :
Jürg Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, Haupt, Berne - Stuttgart - Wien 1996, No 2 ad 324b; Edwin Schweingruber, Commentaire du Contrat de travail selon le CO (traduction. A. Laissue), Union syndicale suisse, Berne 1975 No 2 ad 324b ; contra Ch. Brunner, J.-M. Bühler, J.-B- Waeber, Commentaire du contrat de travail, 2e édition, Réalités sociales, Lausanne, 1996, No 1 ad 324b; "; Arbeitsgericht " de Zürich (JAR 1988 pp. 217 ss.
Il en eût été de même de la LAMat fédérale, si elle était entrée en vigueur. La question de savoir si une assurance obligatoire sur le plan cantonal - telle l'assurance-maternité projetée - suffit pour que l'employeur soit libéré est controversée. Avant l'entrée en vigueur de la LAA, l'assurance obligatoire des agriculteurs posait problème. L'article 98 nouveau de la loi fédérale sur l'agriculture déclare désormais la législation sur l'assurance-accidents applicable aux exploitations agricoles
Voir Edwin Schweingruber, Commentaire du contrat de travail, Union syndicale suisse, 1975, p. 96 ; Adrian Staehelin, Das Obligationenrecht, 3. Auflage, Nos 7 à 9 ad CO 324b.
Le droit du travailleur au salaire en cas d'empêchement de travailler, thèse de Lausanne, 1976.
C'est également l'opinion défendue par Manfred Rehbinder, Berner Kommentar, Band VI, Das Obligationenrecht, der Arbeitsvertrag 2. Abt., 2. Teilbd. (Art. 319-362 OR,), 1. Abschn. Einleitung und Kommentar zu den Art. 319-330a OR, Staempfli & Cie AG, Bern 1985, p. 357 No 2 ad 324b. Voir aussi Adrian Staehelin, Das Obligationenrecht, 3. Auflage, Nos 7 à 9 ad CO 324b ainsi que Philippe Gnaegi, Le droit du travailleur au salaire en cas de maladie, Schulthess Polygraphischer Verlag, Zurich, 1996, pp.186-187.
La durée de l'obligation de l'employeur de compléter les prestations insuffisantes de l'assurance, à concurrence de 80 % du salaire, est la même que celle prévue à l'article 324a CO
Philippe Gnaegi, Le droit du travailleur au salaire en cas de maladie, thèse 1996, Le droit du travail en pratique, vol. 13, Schulthess Polygraphischer Verlag, Zurich 1997.
La circonstance qu'une assurance obligatoire ne supporte pas elle-même la charge totale de l'indemnité versée au travailleur mais garantisse le minimum fixé à l'article 324b CO en complétant le cas échéant des prestations d'un autre assureur ne devrait pas s'opposer à la libération de l'employeur de payer le salaire.
Il va de soi que la travailleuse dont le salaire dépasse le plafond du gain assuré dans le cadre de la LAMat aura droit, en application de l'article 324b alinéa 2 CO, à la différence entre l'allocation LAMat qu'elle touchera et le 80 % de son salaire
FF 1997 IV 942.
L'on pourrait se demander s'il y a encore place, dans un canton ayant introduit une assurance-maternité, pour l'application de l'article 324a alinéa 4 CO. Certainement, dans la mesure au moins où le versement d'allocations de maternité est complémentaire à celui des prestations de l'assurance conclue dans le cadre de l'article 324a alinéa 4 CO. Dans la mesure où l'employeur est libéré de son obligation de verser le salaire en cas de maladie et de maternité par un accord conforme aux exigences de l'article 324a alinéa 4 CO, l'assurance-maternité sera libérée de ses propres obligations, dans le cadre de l'article 324b CO
Dans le même sens, sans doute, Ullin Streiff et Adrian von Kaenel, Arbeitsvertrag, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, Verlag Organisator, 5ème édition, 1992, p. 175 No 32 ; Manfred Rehbinder, Berner Kommentar, Band VI, Das Obligationenrecht, der Arbeitsvertrag 2. Abt., 2. Teilbd. (Art. 319-362 OR,), 1. Abschn. Einleitung und Kommentar zu den Art. 319-330a OR, Staempfli & Cie AG, Bern 1985, p. 361. Voir également Philippe Gnaegi, Le droit du travailleur au salaire en cas de maladie, Schulthess Polygraphischer Verlag, Zurich, 1996, pp. 186, 195 ss.
Selon l'article 35 LTr, les femmes enceintes ne peuvent être occupées que si elles y consentent et jamais au-delà de l'horaire ordinaire de travail. Sur simple avis, elles peuvent se dispenser d'aller au travail ou le quitter. Les accouchées ne peuvent être occupées pendant les huit semaines qui suivent l'accouchement; à leur demande, l'employeur peut toutefois raccourcir cette période jusqu'à six semaines, à condition que le rétablissement de la capacité de travail soit attesté par un certificat médical. Même après huit semaines dès l'accouchement, les mères qui allaitent leur enfant ne peuvent être occupées que si elles y consentent. L'employeur leur donnera le temps nécessaire pour l'allaitement.
La LTr a subi une modification le 20 mars 1998, entrée en vigueur le 1er août 2000. La modification en question porte en particulier sur la protection des femmes enceintes et des mères qui allaitent (articles 35 ss). Les intéressées doivent être occupées de telle sorte que leur santé et celle de l'enfant ne soient pas compromises. Les conditions de travail devant être aménagées en conséquence, l'ordonnance pouvant même interdire certains travaux. Nouveauté intéressante, les femmes enceintes et les mères qui allaitent qui ne peuvent être occupées à des travaux adaptés à leur état ont droit au 80 % de leur salaire (article 35). Les rapports entre cette règle et celle de l'article 324a CO, qui confère un droit au plein salaire pendant un temps limité, ne seront pas examinés dans le cadre de cet avis. Mais comment coordonner une assurance-maternité de droit cantonal avec l'article 35 LTr ?
Cette disposition ne fait apparemment qu'accorder un droit supplémentaire à la travailleuse, en tout cas lorsque celle-ci n'est pas au bénéfice d'une assurance d'indemnité journalière au sens de la LAMal - dont résulte pour la travailleuse un congé de maternité de seize semaines. L'article 35 LTr lui permettra, dans certaines circonstances, de ne pas travailler tout en conservant un droit à 80 % de son salaire. Si cela est bien exact, une assurance-maternité de droit cantonal versera les prestations prévues et l'employeur sera libéré dans la même mesure qu'en cas d'application de l'article 324b CO. En effet, on verrait mal que l'employeur tenu de verser le salaire selon l'article 35 LTr se trouve dans une situation moins favorable que celle réglée à l'article 324a CO.
5. COÛT ET FINANCEMENT
Sur la base de différents paramètres (nombre de femmes actives, nombre de femmes actives entre 15 et 49 ans, taux de fécondité, nombre de naissances vivantes, volume des salaires du canton, volume des salaires des femmes actives entre 15 et 49 ans estimé sur la base de l'égalité de salaire, etc.), la Caisse cantonale de compensation AVS a estimé que le nombre de demandes de prestations s'élèverait à environ 3000 dossiers par an. L'indemnisation des salaires se monterait à environ 48 millions de francs par année pour une durée de 16 semaines.
Afin d'assurer le financement de l'assurance-maternité cantonale (prestations et frais d'administration), le taux de cotisations paritaires devrait se situer, au plus, à 0,4 % du salaire déterminant, cette charge sociale étant supportée paritairement par les employeurs et par les salariés.
Aucune estimation fiable n'est possible pour les indépendants après 6 mois d'application du nouveau régime des allocations familiales. Toutefois, la Caisse cantonale de compensation est d'avis que les apports des indépendants pourraient vraisemblablement diminuer légèrement le taux des salariés.
Enfin, l'Etat de Genève devrait accorder un prêt de 20 millions de francs portant intérêts au Fonds cantonal de compensation afin d'assurer le démarrage de l'assurance-maternité cantonale (cf. article 23 alinéa 2 du projet de loi).
6. COMMENTAIRE PAR ARTICLE
Article 1
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales sans débat de préconsultation.