Séance du
jeudi 21 septembre 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
10e
session -
41e
séance
GR 262-1 et objet(s) lié(s)
12. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
Le président. J'invite les rapporteurs à se rendre à la table centrale. Vous arrivez tous à vous asseoir ? De grâce, asseyez-vous, Mesdames et Messieurs les rapporteurs ! (Rires.)
M. A. A. , 1946, Algérie, sans profession, recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.
2e recours en grâce
M. Pierre-Louis Portier (PDC), rapporteur. J'ai à vous rapporter au nom de la commission à propos du cas de M. A. A., né le 27 mars 1946 à Alger. Ce monsieur n'est certainement pas inconnu des plus anciens de notre Conseil, puisqu'il avait déjà fait un recours en grâce le 14 septembre 1995.
M. A. A. a été condamné pour brigandage en mars 1993 par la Cour correctionnelle avec jury à vingt-huit mois de réclusion sous déduction d'un an, un mois et vingt-trois jours de détention préventive et, surtout, à l'expulsion à vie du territoire suisse.
Je vous dis tout de suite que la commission a donné un préavis négatif à la demande de grâce de M. A. A. pour les trois raisons suivantes :
- premièrement, il s'est rendu coupable de crimes particulièrement odieux, notamment de brigandage au détriment d'une personne âgée de plus de 90 ans;
- d'autre part, aucun fait nouveau n'est venu compléter ce dossier;
- et, enfin, ce monsieur est multirécidiviste, puisqu'il a déjà été condamné en 1983 pour recel, en 1984 pour vol, en 1989 pour vol, escroqueries et violation d'une obligation d'entretien.
Bref, comme je l'ai déjà dit, chers collègues, notre préavis est négatif à la grande majorité de notre commission.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. B. M. C. , 1956, Algérie, délégué commercial, recourt pour que la durée du délai d'épreuve assortissant la mesure de sursis soit ramenée à quatre ans.
2e recours en grâce
Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. M. B. M. C. est né en Algérie en 1956 et il est connu de la police depuis 1977, pour divers détournements et une tentative d'escroquerie à l'assurance, entre autres.
En 1996, il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis durant cinq ans. Il a ouvert un café-restaurant qu'il exploite en tant qu'associé de son épouse et souhaite ouvrir un deuxième établissement. Pour ce faire, il a introduit une demande de naturalisation qui ne pourra être acceptée qu'à la fin de la période probatoire qui échoit en 2001. Il a déjà fait une demande en grâce sur le même sujet en 1999, qui avait été refusée par la commission, et il renouvelle cette demande aujourd'hui, bien qu'aucun fait nouveau n'ait été signalé, si ce n'est qu'il souhaite ouvrir un deuxième établissement.
La commission a donné un préavis négatif, et vous prie de rejeter ce recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. C. V. , 1959, Italie, aide monteur, recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. M. C. V., Italien, 41 ans, a été condamné en 1992 à dix-huit mois d'emprisonnement avec un sursis de cinq ans et dix ans d'expulsion du territoire de la Confédération pour trafic de drogue.
En 1995, il fait la connaissance d'une Suissesse avec laquelle il vit pendant trois ans en Italie. Cette Suissesse a une fille d'un premier mariage qui est restée en Suisse. Désireux de s'établir en Suisse et d'épouser sa compagne, M. C. V. a demandé un extrait de son casier judiciaire à Berne. Il prétendait ne plus se souvenir de la durée exacte de son expulsion hors du territoire suisse. Une regrettable erreur a donné de fausses illusions à M. C. V.. En effet, il a reçu un extrait de casier judiciaire vierge, mais établi au nom de M. C. V. - le «s» avait donc disparu... En 1999, persuadé de son bon droit, M. C. V. se marie à Vevey et s'établit en Suisse où sa présence a été déclarée, après vérification, illégale.
De retour en Italie sans son épouse, M. C. V. demande la grâce pour l'année et les deux mois qui lui restent à passer hors du territoire. Une majorité de la commission vous recommande d'accorder cette grâce. Apparemment, M. C. V. a vécu d'une façon exemplaire pendant les huit mois où il a quitté notre territoire et, d'autre part, la commission a pensé que sa formation professionnelle lui permettrait d'obtenir un travail en Suisse et de retrouver ainsi son épouse et l'enfant de celle-ci.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion judiciaire) est adopté.
M. D. P. M. , 1968, Pérou, chauffeur, recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.
Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. M. D. P. M. est arrivé en Suisse en 1992. En août de la même année, il épouse une ressortissante française titulaire d'un permis d'établissement et il divorce en 1994. En avril 1993, il est entendu par la police, car il est soupçonné de trafic de cocaïne. En décembre 1994, vu son divorce, l'office cantonal de la population refuse de renouveler l'autorisation de séjour. Il recourt contre ce refus alléguant des projets de mariage successifs.
En novembre 1995, il épouse finalement une ressortissante genevoise et reçoit une nouvelle autorisation de séjour. En juillet 1997, M. D. P. M. est arrêté pour lésions corporelles, dommage à la propriété et chantage suite aux plaintes de son épouse, et condamné en septembre 1998 à six mois d'emprisonnement avec sursis. Un nouveau divorce est prononcé en janvier 1999. Nouvelle condamnation en juin 1999, soixante jours d'emprisonnement, cinq ans de sursis et cinq ans d'expulsion judiciaire.
En novembre 1999, il épouse une ressortissante française, archéologue, employée à Porrentruy par le canton du Jura qui lui a délivré une autorisation de séjour. Un enfant est né en mars 99, que M. D. P. M. a reconnu. Aujourd'hui, M. D. P. M. est établi à Annemasse, et il recourt contre la peine l'expulsion judiciaire dont il fait l'objet, pour éviter que son épouse et son enfant soient dans l'obligation de se déplacer chaque week-end pour venir le voir à Annemasse.
La commission a très majoritairement statué négativement contre ce recours et vous invite à suivre son préavis.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. D. M. , 1979, Bienne/Berne, intérimaire, recourt pour une réduction du délai d'épreuve assortissant la peine d'emprisonnement avec sursis.
M. Pierre-Pascal Visseur (R), rapporteur. M. D. M. a été condamné en mai 1998 à seize mois de prison et cinq ans de sursis pour vol et infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et actes préparatoires délictueux. Plus concrètement, l'intéressé a été reconnu coupable de trafic d'héroïne et de cocaïne ainsi que d'avoir caché un pistolet de 9 mm volé, dans le but avoué d'attaquer une personne âgée afin de lui subtiliser ses économies.
Il est aujourd'hui libre et requiert la grâce contre le sursis de cinq ans en demandant que celui-ci soit limité au 31 décembre de cette année, au lieu du mois de mai 2003. Il motive sa demande par son souci de ne pas entraver ses possibilités d'engagement professionnel par une condamnation pénale. En effet, M. D. M. s'est vu refuser un emploi dans une fabrique horlogère en raison de sa condamnation. Lorsque nous avons rencontré M. D. M., il nous a confirmé qu'un emploi lui avait été refusé en raison de son sursis. Il pense qu'une fois libéré de ce sursis il pourrait trouver plus facilement un travail dans ce genre d'entreprise.
Or, le directeur des ressources humaines de la fabrique horlogère en question nous a confirmé qu'il n'emploierait pas M. D. M. s'il fournissait un casier judiciaire sur lequel figurerait une condamnation, même purgée. Dès lors, nous sommes convaincus qu'il ne pourrait nullement trouver un travail plus facilement, même avec un sursis moins étendu.
Nous constatons par ailleurs qu'aucun élément nouveau n'est intervenu dans la situation de M. D. M..
Par contre, le bénéfice d'un tel délai d'épreuve nous paraît profitable à l'intéressé, même à son corps défendant, afin d'éviter autant que faire se peut toute récidive.
La majorité de la commission vous invite donc à refuser cette demande de grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. M. D. S. L. , 1967, Angola, chauffeur, recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. M. M. D. S. L. a été condamné par arrêt de la Cour de justice du 22 juin 1998, sur appel du jugement du Tribunal de police du 16 mars 98, pour infractions graves à la loi fédérale sur les stupéfiants, à douze mois d'emprisonnement sous déduction de deux mois et sept jours subis en détention préventive, sursis de cinq ans et cinq ans d'expulsion du territoire de la Confédération. Il recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.
M. M. D. S. L. avait déjà été condamné le 10 juillet 1997 à sept jours d'emprisonnement avec sursis durant trois ans, 500 F d'amende, pour violation grave des règles de la circulation et conduite d'un véhicule en état d'ivresse, et en 1994/95, pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants - fait contesté - et trafic de cocaïne.
Lors de sa condamnation du 28 octobre 97, il a été invoqué que M. M. D. S. L. a servi d'intermédiaire pour la vente de 24,1 grammes de cocaïne, qu'il a détenu dans sa cave 14 grammes de cocaïne et reçu 5 grammes pour son service. Par ailleurs, dans le compte rendu de l'arrêt, il lui est reproché d'avoir agi avec la circonstance aggravante de la quantité de stupéfiants pouvant mettre en danger la santé de nombreuses personnes. La drogue qui était passée entre ses mains présentait un degré de pureté de 76%.
Selon le recourant, la Cour n'a pas eu connaissance d'un fait survenu a posteriori. En effet, en novembre 1998, Mme Z. A. et son enfant mineur, B. J. D. S., né le 2 juin 1999, à Luanda, a sollicité l'asile à Genève. Madame exploitait une entreprise avec son père qui travaillait pour l'Unita et a dû s'enfuir d'Angola car sa vie était en danger. A l'heure actuelle, elle vit avec M. M. D. S. L. et des démarches ont été entreprises en vue d'un mariage. Enfin, le Département fédéral de justice et police a levé son admission provisoire le 27 décembre 1998 - j'ai oublié de dire que Monsieur bénéficie d'un permis N d'admission provisoire.
La commission de grâce, après en avoir débattu, a rejeté cette demande à la quasi-unanimité et vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre son préavis.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. R. Q. , 1972, Kosovo, étudiant, recourt contre le solde des peines d'expulsion judiciaire.
M. Bernard Annen (L), rapporteur. M. R. Q. a 28 ans et il a été arrêté et condamné pour vol en bande, dommages à la propriété, violation de domicile, etc., à cinq mois de prison avec sursis.
Son cas est grave, car c'est un récidiviste notoire. En effet, à peine sorti de prison il a recommencé et cela à trois reprises. Rien de nouveau dans son dossier, si ce n'est qu'il s'est marié à Saint-Julien dernièrement. De notre point de vue, nous devons faire en sorte qu'on n'abuse pas de cette voie pour obtenir des grâces contre une expulsion judiciaire.
C'est dire, Mesdames et Messieurs les députés, que la commission a refusé ce recours en grâce à l'unanimité.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. S. M. , 1956, France, sans emploi, recourt contre les peines d'emprisonnement et contre la peine d'expulsion judiciaire.
M. Pierre-Pascal Visseur (R), rapporteur. M. S. M. a 44 ans, il est citoyen français, divorcé, sans emploi et domicilié à Evian.
Il s'est rendu coupable, de 1985 à 1996, de quatorze délits différents. Il a motivé son comportement par le choc subi par l'annonce d'une maladie grave. Pourtant, il avait déjà été condamné auparavant, en 1987, à 500 F d'amende pour voie de fait et injures et en 1990 à trois mois de prison pour vol, escroquerie, faux dans les titres et infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers.
D'autre part, il a utilisé plusieurs pseudonymes à Genève, et on le retrouve sous un autre nom dans les dossiers. Il demande la grâce du Grand Conseil pour la peine d'emprisonnement de trois mois, révocation du sursis comprise, et contre l'expulsion judiciaire de dix ans dont il fait l'objet. Par la voix de son avocat, il motive sa demande par son souci de revoir Genève et les personnes qui lui sont chères.
Aucun élément nouveau n'est intervenu depuis le jugement et à ce jour M. S. M. devrait encore purger le solde de sa peine de trois mois d'emprisonnement. Il n'a aucune attache familiale en Suisse.
Au vu de ce qui précède, la majorité de la commission vous invite à refuser cette demande de grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. T. Z. , 1971, Yougoslavie, plombier, recourt contre la peine d'expulsion judiciaire.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse. M. T. Z. a 29 ans et il est arrivé à Genève le 12 mai 1991. Il est originaire de Serbie, à la frontière de la Croatie et de la Hongrie.
Il a rencontré sa future femme à Genève, qui vient de la même région que la sienne. En 1997, ils ont eu un enfant, mais ils ont divorcé en 1999. C'est la mère qui a la garde de l'enfant.
En décembre 1993, M. T. Z. a été condamné pour tentative de cambriolage d'une boulangerie, dommages à la propriété et violation de domicile en compagnie de deux complices. Sa peine s'est élevée à trois mois d'emprisonnement, avec sursis pendant cinq ans, et cinq ans d'expulsion du territoire. Ce recours porte sur la peine d'expulsion judiciaire.
En 1995, M. T. Z. a de nouveau été condamné pour le recel de quelques bijoux et, cette fois, le sursis précédent a été révoqué. Il faut préciser que M. T. Z. bénéficiait d'une autorisation de séjour provisoire jusqu'au 15 janvier 2000. C'est pourquoi la peine d'exécution n'a pas été effectuée. Cependant, il aurait pu demander à pouvoir bénéficier des nouvelles directives du Conseil fédéral, puisqu'il est arrivé en Suisse avant le 31 décembre 1992, mais la mesure d'expulsion à laquelle il est soumis y fait obstacle. Il convient d'ajouter que M. T. Z. a travaillé de mai 1994 à avril 1999 comme aide de cuisine dans les restaurants EPA, soit pendant cinq ans.
A l'appui de son recours, M. T. Z. invoque essentiellement deux arguments : premièrement, s'il est expulsé de Suisse, il ne pourra plus voir son fils, qui est âgé de 3 ans, du fait que la mère peut rester en Suisse et compte y rester ; deuxièmement, la situation est encore troublée dans sa région d'origine, la Serbie, et il risque d'être emprisonné pour désertion.
J'ajoute que les faits remontent à 1993 et que, depuis lors, il a essayé de prouver sa volonté de s'intégrer. Il a notamment travaillé de façon régulière, il faut le rappeler.
Pourtant, la commission était très partagée sur ce dossier : elle a conclu à l'acceptation du recours par 4 voix pour et 4 voix contre. Je vous engage néanmoins à l'accepter.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion judiciaire) est adopté.