Séance du jeudi 31 août 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 9e session - 40e séance

PL 8196-A
6. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement de 1 284 000 F au titre de subvention cantonale à l'Association Médi@muros pour l'élaboration du projet, l'organisation et la réalisation des manifestations liées à la journée genevoise à l'Expo.02. ( -) PL8196
Mémorial 2000 : Projet, 2141. Renvoi en commission, 2153.
Rapport de M. Claude Blanc (DC), commission des finances

La Commission des finances a étudié le projet de loi 8196 au cours de ses séances des 5 et 19 avril 2000 tenues sous la présidence de M. Bernard Lescaze, avec la participation de Mme Micheline Calmy-Rey et M. Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, M. Denis Duffey, secrétaire général du DAEL, Mme Christine Serdaly du Service des affaires culturelles du DAEL et MM. Gérard Morin et Pierre Olivier de l'Association Médi@muros.

M. Gérard Morin est directeur artistique du projet. Il et producteur de films dont « Amarcord » et « Casanova » de Fellini, « Lady Hawke » de Richard Donner et « Le nom de la Rose », de Jean-Jacques Annaud. Pendant quatre années, il a dirigé le Festival du Film de Genève, de 1995 à 1998 et il est président du Conseil de la culture de l'Etat du Valais.

M. Pierre Olivier est psychologue de formation et dirige l'agence Arpège-communication qui est spécialisée dans le développement durable.

Projet « De quoi GE me mêle »

. .

Le petit groupe interdépartemental dont elle fait partie travaille depuis deux ans sur des propositions de la part du Comité de pilotage d'Expo.02 pour des expositions sur la durée de l'événement et pour les journées cantonales. Il y a répondu favorablement, intéressé par le fil conducteur pour les projets genevois, en particulier la notion de durabilité. Il ne s'agissait donc pas d'une exposition « coup de feu » mais de faire entrer des projets qui transformeraient des choses par la suite ou de créer des objets qui auraient une seconde vie. Ce qui intéressait le groupe était la question de créer de nouveaux partenariats, de sortir des cloisonnements et de trouver de nouvelles façons de travailler qui pourraient ensuite en générer d'autres. C'est l'aspect de multiculturalité qui a gagné la faveur du groupe dans la mesure où en Suisse, il y a un immense potentiel dans le croisement des identités. Le groupe a retenu de l'exposition une façon neuve de traiter les choses, l'opportunité d'empoigner des questions actuelles et de les mouliner différemment sous une approche ludique qui questionne tout en procurant du plaisir.

Le groupe interdépartemental s'est attaqué à la Journée genevoise en associant des partenaires, la Ville de Genève, les communes, des représentants de milieux étrangers et il a fait un premier pas en direction d'un partenaire extérieur, la Banque cantonale. Le fil conducteur étant « mythes et actualité », il a décidé de connecter son projet au projet intercantonal pour pouvoir exploiter certains éléments. Le groupe est donc parti de l'idée de la multiculturalité et du constat qu'à Genève un certain nombre de liens étaient absents entre les communautés. Il a eu envie de travailler les mythes et l'actualité des relations de Genève avec ses communautés étrangères en postulant d'emblée qu'il ne s'agissait pas que de la Genève internationale mais également des immigrés et de tous ceux qui viennent s'installer à Genève au travers d'entreprises. Pour ce faire, il a choisi de considérer non pas seulement la date du 28 septembre 2002, la Journée genevoise, mais d'articuler les préoccupations dans le temps de manière à ce qu'elles donnent un coup d'accélérateur à la réflexion du canton sur ses liens avec les organisations internationales. D'un côté, il y a des savoirs, de l'autre des interrogations au sujet de l'intégration des étrangers, au sens large du terme. Le Musée d'ethnographie pose également des questions dans le même registre. Le groupe a donc décidé d'articuler le projet de manière transversale et durable, avec quelque chose qui commencerait maintenant, qui aurait un temps fort en 2002 et qui continuerait au-delà.

M. .

« De quoi GE me mêle » est un jeu de mot qui reflète l'attitude des Genevois. Il faut rappeler qu'à Marignan, les Suisses étaient des deux côtés des armées en présence et on les mettait sur la partie droite pour qu'ils ne se rencontrent pas. Comme au casino, ils ont joué, et sur le rouge et sur le noir, ils n'ont pas perdu la guerre, ils ne l'ont pas gagnée. C'est le principe du « non-jeu ». Or, Genève a toujours eu son propre apport de réflexion, avant d'entrer dans la Suisse, vis-à-vis des Savoyards et quand elle a affronté les grandes forces internationales. A travers Calvin, elle a eu une autre vision d'un réajournement du christianisme et dans toute la partie humanitaire, elle a dit, à chaque fois, un « GE » très fort. Genève a donc toujours joué le jeu et le « GE ». Dans ce sens, à chaque fois qu'il y a une exposition nationale, elle a représenté un moment très fort : 1883, c'est le percement du tunnel du Gothard, c'est le moment où la partie italienne de la Suisse va rejoindre la Confédération avec un certain nombre d'illusions puisque les Tessinois n'avaient pas le même niveau pour aller travailler en Suisse allemande ; 1896, l'Exposition nationale et à Genève, c'est la peur que les villes prennent le pouvoir sur la campagne et ainsi de suite, en 1914, à Berne, en 1939, à Zurich, en 1964 à Lausanne. En 2002, on se trouve dans un siècle qui vit complètement de la communication mais où disparaît la communion et l'art de transmettre.

Les trois grands axes de « mythes et réalité », c'est de créer des liens entre des gens qui passent leur temps à communiquer, d'aller au-delà de la communication pour passer à la communion - qui peut être le fait de boire ensemble - et de la transmettre. Dans cette optique, on peut avoir l'attitude de dire q u'il y a 403 000 Genevois, 403 000 habitants du canton, tous différents, ou 4300 Genevois. On peut dire aussi que le vrai Genevois est un étranger qui est resté sur place, qui lui-même va absorber l'étranger pour continuer d'être Genevois. L'étranger est quelque chose qui vient de l'extérieur sur lequel on réfléchit avec son vécu. Sur ce plan, Genève a toujours été et reste encore en grande force : c'est en quelque sorte un microcosme, un local universel parce qu'il se vit de l'extérieur et que les « Genevois ne sont valables que s'ils ne rentrent pas dans le virtuel ». Fait étonnant, la base de Genève reste la Vieille Ville puisqu'elle est en hauteur. On évitait à l'époque les marécages et on pourrait dire de la rue des Granges, - qui est à l'heure actuelle, tout sauf une rue des granges - « qu'on perd petit à petit la qualité d'étranger que nous avions en nous pour devenir la différence qu'il y a entre le taureau et le boeuf. A un moment donné, si nous arrêtons de vivre l'étranger dans une partie de nous-mêmes, nous ne sommes plus vraiment nous-mêmes ».

En ce qui concerne le projet, sur la base des trois axes, communiquer, communier et transmettre, le groupe a proposé de créer 50 communautés, de 10 à 12 personnes, chacune de ces communautés étant reliée, soit par un lieu, un thème commun, une préoccupation commune ou par une absence de quelque chose. A titre d'exemple, la musique est un véhicule qui relie les gens, le sport également. S'agissant d'un lieu, à Meyrin par exemple, des propriétaires d'appartements se trouvent être de nationalité et de milieux sociaux différents. En tant que journaliste à la Télévision suisse romande, M. Morin a eu l'occasion de faire un reportage au Lignon. Dans un immeuble de 30 appartements, il n'y avait qu'un seul Suisse, le concierge qui, pour lui prouver qu'il était Suisse, est allé chercher son fusil. Quelque part, il y a aussi le problème du surnombre de l'étranger mais les Genevois n'en sont pas là, avec leur vision de l'extérieur. En faisant l'analyse de leurs noms, ils peuvent constater qu'ils portent tous des noms d'ailleurs qui deviennent genevois avec le temps.

Le premier point dans la communication et la construction des communautés, le second point, ce sont les préoccupations de ces communautés, leurs questionnements, le lien entre le grand public et les communautés, c'est-à-dire à travers la presse écrite, télévisuelle et la radio. Le troisième point est la transmission de ces questionnements et de ces vécus qui se fera le 28 septembre 2002 à Yverdon. Ensuite, sur la durée, c'est la création d'un passeport du troisième millénaire et cette expérience de 1'000 personnes sur la Genève de demain aura une réflexion continue jusqu'en 2003 et bien au-delà. Il ne s'agit donc pas d'un feu d'artifice ou d'un feu de paille, simplement pour une journée. C'est une démarche genevoise et locale.

M. Olivier souligne que la notion de durabilité dans le projet tient au fait qu'il intègre un certain nombre de composantes, fixées notamment dans Agenda 21. Le dénominateur commun de ces composantes s'appelle le civisme ou la notion de citoyenneté. Pratiquement, le projet devrait permettre de produire un ouvrage d'éducation civique, à l'usage de l'école primaire, qui serait, d'une part, une déclinaison de ce qui existe dans le secondaire mais aussi, d'autre part, le fruit d'un travail sur le terrain avec des élèves et des enseignants, de façon à s'identifier comme Genevois, élément du monde, citoyen genevois, citoyen du monde et de s'identifier par rapport à la diversité. L'important dans le projet est le fait de créer des communautés sur des thématiques bien précises mais en réunissant, à chaque fois, des personnes de culture et de milieux sociaux différents. Pour chacune d'elles, il s'agira de reformuler de nouvelles formes identitaires et c'est l'ensemble de ces formes identitaires qui va définir le patchwork genevois. Pour illustrer cette démarche, chaque Genevois aurait des couleurs différentes mais dans chaque couleur, il y aurait un peu des autres couleurs. C'est ce qui est Genève, ce qu'on aimerait que Genève soit et l'image qui devrait ressortir de Genève.

M. Morin fait remarquer que la plupart des autres cantons mettent l'accent et leur budget sur leur journée cantonale. Dans le projet « De quoi GE me mêle », 10 % du budget est consacré à la journée parce que le travail se fait sur le territoire genevois, avant et après. Au niveau des communautés, le but est véritablement une rencontre entre des gens qui se côtoient chaque jour. A titre d'exemple, une opération se déroulera sur la ligne du tram 13, où des photos Polaroïds de ses occupants seront prises pendant 6 semaines, tous les lundis, entre huit heures et demie et neuf heures et demie. Un groupe va travailler ensuite sur les photos, en essayant de voir les gens qui se sont trouvés dans le tram 13, au moins quatre fois, à ces heures-là. Il leur proposera ensuite de se rencontrer régulièrement. Une autre opération consistera à réunir des gens qui occupent le même espace. Toutes ces expériences seront l'objet d'un livre sur le 3e millénaire.

Mme Serdaly confirme que certains thèmes ont démarré pour tester le projet mais l'année 1999 a surtout été consacré à mettre le concept au point. De plus, il n'était pas question d'aller de l'avant sans que politiquement le projet soit retenu. Ensuite, le projet est ambitieux et va beaucoup dépendre de l'enthousiasme qu'on réussira à créer chez les gens, donc de la pertinence des thèmes, de la qualité des animateurs, de tout ce qui va être proposé pour soutenir le travail de ces communautés. Il faut relever également que le projet, en raison de sa transversalité, souffre un peu de manque de paternité. Il est déposé depuis un certain temps mais il est vrai que les conditions d'Expo.02, à la fin de l'année passée, n'étaient pas particulièrement favorables. Il n'est donc plus possible d'aller de l'avant sans un aval très fort de la part des autorités politiques dans la mesure où il est difficile de mobiliser à la fois les gens et les partenaires privés. C'est la raison pour laquelle les 5 ou 6 groupes déjà constitués sont des groupes pilotes de test. En ce qui concerne la constitution des communautés, en général, le groupe a décidé de la méthode de travail suivante : une communauté n'est mise en route que si tout le monde est d'accord sur la pertinence du thème, le groupe ne souhaitant pas un grand projet de sociologie générale.

M. Morin rappelle que tout a été arrêté à la fin de l'année dernière et le travail n'a repris que depuis début mars. Un autre point à signaler est le fait que les partenaires privés, dès le moment où le conseiller fédéral, M. Couchepin a décidé de repartir avec Expo.02, ont fait savoir qu'ils joueraient complètement le jeu, à partir du moment où l'Etat y croirait également. C'est la raison pour laquelle le groupe interdépartemental a déjà démarré à plein sur le projet pour qu'il ait une base à présenter ce jour.

M. Olivier souligne, s'agissant de la présentation du budget, que le budget dit « corps » représente 2 239 000 F dont la moitié, environ, est demandée à l'Etat. Il y a ensuite deux niveaux en fonction des priorités, conçus comme des centres de profit, d'une part, et devant s'intégrer dans une certaine hiérarchie qui va dépendre de l'implication des partenaires privés, d'autre part. Si le projet devait se développer tel que souhaité, la participation de l'Etat devrait osciller entre 26 % et 34 %, compte tenu également de partenariats en nature. Le projet apparaît cohérent et fonctionne dans son budget corps mais il est déjà proposé une animation à Genève, le jour même de la Journée genevoise à Expo.02, tout cela sur des financements privés. Les sponsors sont intégrés en tant que parties prenantes parce qu'elles font partie de la vie sociale économique et culturelle du canton. Dans ce contexte, leur apport pourra être orienté sur tel ou tel aspect du projet, selon leur intérêt, d'où l'appellation « centres de profit ». Un sponsor doit être considéré à la fois comme donateur et comme une entité qui attend quelque chose en retour.

M. Morin explique que le montant porte sur 4 ans et concerne toutes les équipes, à la différence de l'Exposition nationale. D'une part, le projet démarre avec 5 sociétés qui vont gérer des dossiers, pour arriver à un résultat plus rapide, et, d'autre part le montant représente la gestion de 500 personnes sur deux ans et demi.

Mme Serdaly souligne que la particularité du projet réside dans le travail de gestion et d'animation des communautés. Il s'agit moins du produit de scénographie qui va présenter le résultat de tout ce questionnement mais davantage du processus qui est autour.

M. Morin signale qu'une liste de 15 personnes figure au dossier, psychologues, sociologues, gens de télévision, de marketing, de musée qui sont le groupe de contrôle qui réfléchit sur les modalités, sur la manière de gérer les communautés. Ensuite, chaque communauté a un responsable qui établit un protocole sur l'avancement des travaux de questionnements, pour préparer en même temps le passeport du 3e millénaire. A titre d'exemple, une communauté s'interroge sur l'apport de la Bibliothèque nationale à Berne dans sa réflexion sur les différents milieux qui la composent. C'est le groupe de contrôle qui va organiser ce lien pour elle. Ainsi, le travail sur les 500 personnes des communautés est porté par un groupe de 15 personnes, puis de deux groupes réunissant les responsables à l'intérieur des communautés, soit 50 personnes.

M. Olivier rappelle que le projet a subi les événements d'Expo.02 de l'année passée. M. Morin et lui-même avaient démarché une quarantaine d'entreprises et tout se passait fort bien. Les réponses étaient rarement négatives et donnaient espoir d'arriver à combler le 3e rang. Les événements d'Expo.01 ont abouti à ce que la confiance des sponsors soit corrodée et il y a eu une cassure. C'est la raison pour laquelle il faut un mandat clair pour aller de l'avant dans la mesure où rien n'a été entrepris auprès des sponsors depuis juin 1999. L'ampleur de la tâche est importante et comprend un certain nombre d'inconnues.

M. Morin signale que depuis le mois d'août 1999, le groupe a continué d'informer les sponsors qui s'étaient déjà intéressés mais il n'a pas poursuivi plus avant, de peur que certains se désistent. Par ailleurs, d'autres expositions nationales ont été repoussées : celle qui avait été annoncée pour 2001 devait déjà avoir lieu en 1981. Le phénomène de report fait donc partie du jeu dans la mesure où chaque exposition nationale est un prototype. La différence entre le Salon des télécommunications ou la Fête des vignerons avec l'Exposition nationale, c'est la différence entre la grand-mère qui fête ses cent ans et où tout le monde se réunit et le 20e anniversaire d'un mariage. Dans le premier cas, c'est un phénomène récurrent qui est un prétexte pour être bien ensemble, dans le second, c'est la communion pure. La Fête des vignerons réussit dans la mesure où les gens viennent. Au Festival de Cannes ou aux Jeux olympiques, le but unique est le business. Par contre, dans le cadre de l'Exposition nationale, il s'agit non seulement de réflexions sur les chemins à parcourir au plan de la communication mais sur le fait de restructurer ensemble, à l'image d'une retraite ou d'un couple qui fait le point.

Mme Serdaly souligne que le niveau salarial des chefs de projet a été fixé, dans le premier mandat, à 11 000 F, environ, charges comprises. Ensuite, ce qui a importé dans le choix du chef de projet, c'est surtout son engagement. Face aux personnes qui ont répondu à l'appel d'offres, c'est la question de l'image pour la suite du développement des activités qui a prédominé. Dans la nature même du projet, une dimension d'engagement est à la clef et il ne s'agit pas seulement de « faire des sous ». Il lui apparaît donc important que chacun connaisse l'esprit dans lequel a été lancé le projet.

M. Morin tient à dire que sa société ainsi que celle de M. Olivier vivent pour leur propre compte. Elles n'ont pas besoin du projet de l'Exposition nationale pour vivre. D'autre part, il est lui-même président du Conseil de la culture de l'Etat du Valais, un peu par enthousiasme dans la mesure où il touche un remboursement de frais de quelque 2500 F par an, par rapport à 6000 F de frais effectifs. Dans ce cadre, cela devient du travail de milice. S'agissant du projet « De quoi GE me mêle », chacun a fait ses choix en fonction d'un « plus culturel ». Il a quant à lui une formation de philosophie et théologie et chacun a ses dadas. En second lieu, l'an dernier, le projet avait un budget de 234 000 F pour les deux sociétés qui ont travaillé 10 mois. En ce qui concerne sa propre société, il s'agit d'une rentrée de 5500 F par mois, qui peut être considérée comme des « peanuts ». Le but de l'opération est d'être présent comme Journée genevoise et de faire une réflexion là-dessus. Pour M. Olivier, le côté pédagogique de l'opération est une occasion d'arriver à faire des choses qu'il ne serait pas possible de réaliser autrement. En quelque sorte, c'est un luxe que s'offrent les deux sociétés qui ne vont pas tourner avec le projet. En l'an 2000, il participe lui-même à 40 %, M. Olivier à 35 % pour monter ensuite à 100 % en 2001. Le travail se mesure donc en valeur du temps et il aurait été illusoire de participer à 100 % dès le début puisque les communautés vont se monter petit à petit. Enfin, les 500 personnes du projet ne touchent pas toutes un salaire. A l'intérieur des communautés, seuls sont rémunérés les responsables et les animateurs.

Débat et vote

Un député estime que l'idée est très bonne mais en même temps contradictoire. Un montant non négligeable va être voté pour le projet alors que, dans le même temps, on va baisser de 25 % les prestations aux requérants d'asile. A ce propos, il souhaiterait qu'un certain nombre d'organisations d'immigration soient intégrées dans le projet de manière complète et non pas simplement théorique. En examinant les noms des personnes qui participent dans les différents groupes, il n'est pas certain qu'elles soient représentatives des communautés étrangères les plus significatives ou les plus importantes. En ce qui concerne le sponsoring, le groupe ne craint-il pas que la condition de réalisation de tel ou tel aspect, significatif du contenu mais néanmoins intéressant au plan commercial, soit laissé de côté parce qu'il n'y a pas de financement ?

Mme Serdaly répond que c'est aussi une grande leçon de l'Expo.02, soit de comprendre que les intérêts financiers ne se décident pas d'emblée. Il faut créer des conditions favorables pour faire adhérer des partenaires privés. D'un autre côté, il faut aussi apprendre à négocier un partenariat de manière à ne pas être asservi à des demandes qui seraient contraires au projet. L'idée d'un budget corps et de centre de profit est de baliser un projet central dans lequel il y a, d'une part, ce qui peut être négocié facilement et, d'autre part, la marge de manoeuvre qui permettra de composer avec les contraintes du partenariat financier. En second lieu, pour construire un partenariat solide avec le secteur privé, il faut de bonnes conditions, du temps et assez de délai pour le réaliser. Le délai, c'est l'engagement politique qui est demandé pour éviter que les partenaires financiers attendent la position du Conseil fédéral et du canton. Ceci signifie qu'il ne faut pas méconnaître les contraintes décisionnelles de l'entreprise. A titre d'exemple, il était trop tard, l'an passé, d'engager des négociations en septembre avec des entreprises parce que leurs budgets sur l'année 2000 étaient déjà engagés. Dans cette approche du partenariat financier, il en va du respect mutuel et d'apprendre à connaître les contraintes de l'autre. C'est la raison pour laquelle le mot « sponsoring » devrait être banni et il faudrait davantage parler de « mécénat d'entreprise » dans le sens où les Français l'utilisent à juste titre puisqu'il ne s'agit pas d'une attente d'un tiroir caisse de la part du secteur privé mais de l'aide de sociétés pour construire le projet sur la durée.

M. Morin rappelle que Christophe Colomb avait prévu de partir avec cinq bateaux. Un premier « budget corps » prévoyait trois bateaux, puis, une deuxième et troisième possibilité, étendue à 4 et 5 bateaux. C'est dire que la mission de Christophe Colomb, avec trois bateaux était complètement faisable, ce qui a été le cas même s'il a trouvé l'Amérique en cherchant les Indes. Dans ce sens-là, il y a un projet idéal dans « De quoi GE me mêle », avec un 2e et un 3e rang qui tiennent complètement la route et où l'essentiel se situe dans le 1er rang. S'agissant de la composition des groupes, toutes les personnes représentatives des communautés étrangères n'ont pas été contactées par crainte qu'elles se découragent en fonction des événements. Il est difficile de maintenir des gens sur la durée d'un projet s'il n'y a pas de messages clairs qui viennent de l'extérieur. Or, il n'y en avait pas d'Expo.01 mais actuellement la machine reprend. C'est également la raison pour laquelle la recherche de sponsoring a été abandonnée l'an passé. Il sera possible de la réactiver en mai et juin de cette année puisque les budgets des entreprises vont être votés en août et septembre.

Mme Serdaly partage le souci de certains députés s'agissant des milieux d'immigrés et de requérants d'asile. Il est vrai qu'on peut avoir l'impression qu'on joue les uns contre les autres mais se sont des questions que les gens se posent. L'espoir est que le projet va aider quelque peu dans le sens de l'intégration. Il est vrai aussi qu'un montant de 1,2 million est demandé mais il n'est pas destiné à l'organisation d'une journée mais à l'établissement d'un processus. Quant à savoir si les milieux des immigrés sont véritablement intégrés dans le projet, il s'agit d'accorder la confiance au groupe de pilotage qui a pris contact avec des associations telles que Mondial Contact, l'Association suisse immigrés, etc. D'autre part, la composition du groupe de pilotage devrait être la garantie de n'oublier personne, compte tenu du fait que les 50 communautés représenteront un échantillonnage. Il n'a toutefois pas la prétention de traiter l'ensemble de la question. L'important est de ne pas passer à côté de cette population et de la considérer comme faisant partie du concept d'étranger.

M. Morin rappelle que la communauté linguistique la plus ancienne est celle des Italiens, la plus jeune, celle des Albanais. Ces deux points d'ancrage donneront une idée de ce qu'est la base italienne et la base albanaise qui représenteront des communautés à l'intérieur desquelles d'autres expressions linguistiques seront intégrées.

M. Olivier souligne qu'il y aura dans toutes les communautés un mixage de personnes, de nationalité et de culture différentes. Chaque communauté est définie selon des composantes de mixité culturelle, visibilité, viabilité et elles sont incontournables. C'est cet arbre qui va permettre de construire chacune d'entre elles et mener à ce que personne ne va être oublié. D'autre part, ces composantes vont assurer le fonctionnement des communautés pour éviter une construction artificielle qui s'écroule le lendemain du 28 septembre 2002. L'idée repose sur la durée, sur la naissance d'une vague de fond qui va entraîner le tout dans la continuité.

La commission reçoit ce projet mieux que le précédent bien que plusieurs députés continuent à se poser des questions sur l'accessibilité des thèmes choisis par le grand public. Les socialistes annoncent qu'ils s'abstiendront car leur Comité directeur n'a pas pris position et a décidé de confier ce travail à la Commission culturelle du parti. En second lieu, ils n'ont jamais été emballés par l'Exposition nationale et éprouvent quelque peine à voter un crédit.

De plus, certains montants dans l'exposé des motifs du projet, notamment pour la Direction artistique (320 000 F), management (425 000 F) lui paraissent importants et pourraient être utilisés de manière plus rationnelle.

En conclusion, la Commission des finances vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi 8196 tel que présenté par le Conseil d'Etat par 8 voix (2 R, 2 DC, 2 L, 1 AdG, 1 Ve) contre 3 (S).

Premier débat

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Tout d'abord, il s'est glissé une erreur dans la toute dernière ligne de mon rapport, à la page 10. En réalité, les socialistes n'ont pas voté contre, mais se sont abstenus, comme ils l'avaient d'ailleurs dit - je l'ai indiqué avant - parce qu'ils devaient, en premier lieu, consulter la commission culturelle du parti qui semble avoir, chez eux, une grande importance.

Ce projet de loi est semblable au précédent mais plus spécifique à notre canton puisqu'il s'agit d'affirmer la présence de Genève à l'Exposition nationale par des thèmes également liés à la multitude des communautés qui vivent dans notre canton.

A première vue, ce projet n'est pas très précis, mais j'aimerais vous rappeler, comme vous pouvez le lire à la page 9 du rapport, que M. Morin, lors des travaux de la commission, a cité Christophe Colomb. Evidemment, Christophe Colomb est parti sur des bateaux qui ne lui appartenaient pas, sans savoir où il allait, aux frais de la princesse. Certains reconnaîtront ici quelques-uns de mes amis sur le centre droit, mais c'est là une vieille plaisanterie que nous ne répéterons pas ce soir.

Toutefois, Christophe Colomb, contrairement à ce qu'il pensait, a trouvé ce qu'il ne cherchait pas et il n'a pas trouvé ce qu'il cherchait. Par conséquent, on peut espérer que, de la même manière, le thème choisi par le groupe genevois de préparation de la présence genevoise à l'Exposition nationale nous permettra de découvrir peut-être quelque chose que nous ne cherchions pas, alors que nous ne savons pas exactement ce qu'ils cherchent ! C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande, de la même manière, d'accepter ce projet de loi.

Mme Salika Wenger (AdG). Genève étant le dernier canton qui n'ait pas encore participé financièrement à Expo 02, 03 ou 05 - je ne sais plus comment il faut l'appeler - j'ai voté, à la commission des finances, ce projet «à reculons». Pourtant ce soir, je ne me livrerai pas à la même gymnastique que M. Blanc : tenter de vous convaincre d'un projet auquel je ne crois plus.

En effet, si l'octroi de ce crédit de 1 284 000 F dépend de mon vote, ce soir, Genève restera le seul canton à ne pas avoir coulé avec le trop célèbre arteplage, car aujourd'hui il ne fait plus l'ombre d'un doute qu'avec cette exposition la Suisse va se couvrir de ridicule. Je ne suis pas certaine que c'était là le but recherché.

Le ridicule ne tue pas me direz-vous, mais dépenser un demi-milliard de francs pour accoucher d'un comptoir commercial de province, voilà qui aurait de quoi faire pâlir la Ville de Lausanne et son comptoir suisse !

Nous ne sommes plus très loin du désastre de Hanovre qui nous annonce un déficit de 1,5 milliard d'euros pour sa fermeture, alors que nous n'avons pas encore commencé. On peut supposer alors que nous réussirons à faire aussi bien ! Si l'existence d'Expo - je ne sais plus combien, mais je sais combien cela va coûter - a voulu montrer au monde la capacité de la Suisse à «compétir» avec les autres nations, les grandes nations, c'est fait. On peut faire aussi nul, mais beaucoup plus cher ! Mon cher collègue, dans ce type de compétition, Genève n'a rien à gagner et si 1,2 million, ce n'est pas grand-chose, c'est beaucoup trop pour participer à une catastrophe financière annoncée.

Pourquoi je doute si fort ? Si l'affaire était si bonne et indispensable au tissu économique, comme on a voulu nous l'expliquer, pourquoi les entreprises privées, les compagnies d'assurances, les caisses de pension, toujours à l'affût d'une affaire juteuse, ne se sont-elles pas précipitées pour investir dans le sponsoring créatif ? Peut-être les entrepreneurs ont-ils, comme moi, certains doutes, ou plutôt des certitudes.

Dans les deux cas de figure, il est trop facile de tout mettre en oeuvre pour déstructurer l'Etat et faire appel à lui, donc au contribuable, pour payer une manifestation qui ne se justifie plus, car du génie suisse il ne reste que la finance et, dans ce cas particulier, elle ne s'expose jamais au regard du peuple. C'est pourquoi je vous invite à voter non à ce projet.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Je voulais d'abord faire remarquer à ma chère collègue qu'il ne s'agit pas de sponsoring créatif mais de mécénat productif. C'est dans le rapport. Si vous l'aviez lu vous l'auriez su !

Cela étant, moi non plus je ne suis pas enthousiaste, chère Madame, mais je ne me sens pas le droit de dire non à une entreprise qui a ses chances de réussir. Cette entreprise pourrait également être un échec, notamment parce que les concepteurs de l'Expo ont voulu faire la place moindre aux commerces et à l'industrie et accorder une grande place à la culture en général. Ce choix leur est reproché par les capitaines d'industrie qui leur comptent, par conséquent, chichement leur participation.

Je crois que nous devons relever le défi, même si je ne vous garantis pas le succès. Si un canton comme le nôtre se retire, il donne un signe de défaite avant le début de l'exposition. Personnellement, je ne veux pas donner un signe de défaite. Si la défaite a lieu, nous en prendrons acte, mais nous avons, dans l'intervalle, le devoir de faire notre possible pour que la participation de Genève exprime ce que nous souhaitons, c'est-à-dire la multiculturalité de notre canton. C'est de cela qu'il s'agit et ce ne sont pas les capitaines d'industrie qui nous financeront. Nous devons donc le faire nous-mêmes.

M. Bernard Lescaze (R). Mon groupe partage une bonne partie de ce qui a été dit, mais il aimerait quand même expliquer qu'il va voter favorablement ce projet car, en commission, il a été nettement mieux accueilli que le précédent.

Comme M. Blanc l'a bien souligné dans son rapport, ce projet ne se déroule pas seulement sur la journée cantonale. Il s'agit d'un processus durant plusieurs mois et, en réalité, c'est quelque chose de très intéressant, et qui n'est pas directement lié au succès ou non d'Expo 02 ...ou 01 pour reprendre les termes ironiques de Salika Wenger.

Nous avons vu et écouté les promoteurs de ce projet, qui nous paraît finalement plus solide, moins fantasmagorique que le précédent - ou peut-être est-ce notre intellect qui a mieux compris parce que les mots étaient plus simples. Je crois donc que nous pouvons accepter ce projet.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8196)

ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement de 1 284 000 F au titre de subvention cantonale à l'Association Médi@muros pour l'élaboration du projet, l'organisation et la réalisation des manifestations liées à la journée genevoise à l'Expo.02

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Crédit d'investissement

Un crédit d'investissement de 1 284 000 F est ouvert au Conseil d'Etat au titre de subvention cantonale à l'Association Médi@muros.

Art. 2 Budget d'investissement

Ce crédit extraordinaire ne figure pas en tant que tel au budget d'investissement 2000. Il est comptabilisé, par tranches, en 2000, 2001 et 2002 sous la rubrique 53.02.00.561.04.

Art. 3 Financement et couverture des charges financières

Le financement de ce crédit extraordinaire est assuré par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "; nets-nets " fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

Art. 4 Amortissement

1 Compte tenu de la nature de cet investissement, l'amortissement doit être effectué dans l'année de versement de chacune des trois tranches de subvention.

2 L'amortissement est porté au compte de fonctionnement.

Art. 5 But

Cette subvention représente la participation de l'Etat de Genève à l'élaboration du projet, l'organisation et à la réalisation des manifestations liées à la journée genevoise à l'Expo.02, gérées par l'Association Médi@muros.

Art. 6 Durée

Cette subvention doit prendre fin soit par l'utilisation du montant figurant à l'article 1, soit par l'extinction préalable des engagements et obligations du canton.

Art. 7 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.