Séance du
vendredi 23 juin 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
9e
session -
37e
séance
Points initiaux
No 37/VI
vendredi 23 juin 2000,
soir
La séance est ouverte à 17 h 5.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Janine Berberat, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Gilles Desplanches, Jean-Claude Dessuet, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol, Luc Gilly, Philippe Glatz, Alexandra Gobet, Claude Haegi, Janine Hagmann, David Hiler, René Koechlin, Armand Lombard, Alain-Dominique Mauris, Jean-Louis Mory, Chaïm Nissim, Christine Sayegh et Louis Serex, députés.
3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
M. Dominique Hausser (S). Monsieur le président, lors d'une précédente séance de ce Grand Conseil, nous avons débattu en deux débats du projet de loi 8014-A. Nous souhaitons inscrire le troisième débat à cette séance, comme le propose le règlement de notre Grand Conseil. Je vous en remercie.
M. Michel Halpérin(L). Moi, je ne lis pas le règlement de la même manière que M. Hausser ! «Le troisième débat est porté à l'ordre du jour d'une séance ultérieure», dit l'article 134. Mais sommes-nous dans une séance ultérieure ? c'est la question qui se pose, puisque nous avons voté le deuxième débat tout à l'heure, à notre séance de 14 h !
En ce qui me concerne, je considère que le sens du texte, tel que nous l'avons appliqué de manière absolument permanente toutes ces dernières années, à la seule exception du débat de cet après-midi - mais comme je l'ai dit tout à l'heure, l'appétit vous vient en mangeant, naturellement... - c'est que le troisième débat a lieu à une séance effectivement ultérieure, c'est-à-dire pas un quart d'heure après la précédente, ni une heure après, mais dans un délai suffisant pour que les esprits aient eu le temps d'approfondir la question et que nous puissions effectivement considérer qu'il s'agit bien d'une séance ultérieure.
A part le fait que l'abus de lecture du règlement auquel il est procédé revient de facto à modifier la portée même de ce texte, qui, je vous le rappelle, permet en principe que le troisième débat ait lieu tout de suite, c'est-à-dire dans la foulée du deuxième, uniquement si la commission unanime, le Conseil d'Etat ou le Bureau unanime, le souhaite, ici, on a réussi à trouver une astuce de lecture pour donner le sentiment que la majorité du Grand Conseil pourrait faire autre chose que ce qui exige une majorité qualifiée, mieux une unanimité du Bureau ou de la commission.
J'estime en conséquence que l'ouverture d'un troisième débat contrevient au règlement de ce Conseil; que nous n'avons aucune raison de prêter la main à cette contravention; que même si cette contravention était votée par la majorité automatique qui sévit désormais sur nos bancs, cela n'empêchera pas le fait que cette loi sera dépourvue de toute valeur, parce qu'elle aura été votée contrairement au règlement. Je considère donc que la votation à laquelle vous vous serez livrés sera nulle; que, par conséquent, le texte ne pourra pas entrer en force; que, s'il est promulgué, il aura été promulgué en violation du droit, de sorte que des recours seront dirigés contre ce texte !
Je sais bien que cela vous est égal et je sais bien que désormais rien d'autre ne vous intéresse que d'embêter la population et la République, mais permettez-moi de le souligner, de faire en sorte qu'il soit transcrit dans le Mémorial que nous sommes quelques-uns - pas très nombreux, il est vrai - dans cette salle à ne pas être dupes de vos manoeuvres, de vos abus de pouvoir, de vos actes de tyrannie, dont on avait un peu perdu l'habitude depuis l'ère du regretté Joseph Djougachvili Staline... Mais il semble que vous aimiez beaucoup désormais vous conduire en tyrans, cela vous plaît ! Je vois assez le couple Pagani/Hausser régner tout entier sur le Conseil d'Etat à la prochaine législature ! Je me réjouis déjà : nous aurons Vanek comme chancelier et puis nous vivrons ainsi dans la joyeuseté du terrorisme intellectuel qui est devenu votre spécialité depuis le début de vos sévices au sein de cette assemblée !
En ce qui me concerne, Monsieur le président, je regrette que nous soyons appelés à voter sur ce sujet. Je demande au Bureau de se réunir pour déterminer si la nouvelle interprétation qui nous est proposée par le Grand Conseil dans sa partie majoritaire est acceptable au regard de nos pratiques constantes, qui ont une valeur législative - elle aussi au sens de la coutume selon les bases légales qui nous régissent. Je demande au besoin que, conformément à l'article 231 de notre règlement, vous saisissiez la commission législative. J'estime que ce Conseil n'est pas en mesure de statuer dans l'instant sur ce sujet, et je vous demande par conséquent de ne pas le soumettre au vote.
Le président. Avant de donner la parole à M. Lescaze, j'aimerais vous donner la position du Bureau, étant donné que nous avions déjà envisagé ce type de situation.
Le Bureau à l'unanimité regrette également une telle demande et pense que la formule : «Il est porté à l'ordre du jour d'une séance ultérieure...» signifie à une séance qui a lieu après, dans le futur, comme le stipule le dictionnaire. A moins d'une urgence exceptionnelle, la déontologie du Bureau est de ne pas entrer en matière, mais nous sommes soumis à la souveraineté de cette assemblée. Alors, malgré les recours que cela peut entraîner, je mettrai au vote la demande qui a été faite.
Je vous donne la parole, Monsieur Lescaze.
M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, puisqu'il y a urgence sur certains points, je demande que les projets de lois 8195 et 8196 concernant les crédits en faveur de la journée genevoise de l'Exposition nationale soient traités durant cette session. S'ils ne le sont pas, il sera très difficile, à partir de septembre, de trouver des sponsors privés pourtant nécessaires. Il s'agit des points 32 et 33 qui n'ont pas été traités lors de la précédente session de notre Conseil au début juin. Je vous remercie.
Le président. Nous traiterons les objets dans l'ordre prévu. Monsieur Grobet, je vous donne la parole.
M. Christian Grobet(AdG). J'aimerais tout d'abord dire à M. Lescaze que bien que nous ne soyons pas favorables à l'un des deux crédits, nous n'avons pas d'objection à ce que ces projets soient ajoutés aux points à traiter en urgence, ce qui démontrera que nous n'agissons pas comme M. Halpérin le prétend !
Je reviens maintenant à la question purement juridique pour relever d'abord qu'à l'article 7 du règlement il est indiqué : «Les convocations adressées à chaque député pour une ou plusieurs séances doivent contenir : a) l'indication du lieu, des jours et des heures des séances prévues...» Nous recevons effectivement une convocation bleue où figurent les heures des différentes séances qui sont prévues, parce que la notion de session, qui a parfois été utilisée par tel ou tel député, est inexistante dans notre règlement. Il n'y a effectivement que des séances qui se succèdent. Et, du reste, nous bénéficions de jetons de présence pour chaque séance.
Ensuite, je rappelle - M. le président du Grand Conseil vient de le faire il y a quelques minutes - qu'en vertu de l'article 13, «le président ouvre la séance en prononçant l'exhortation que les députés et le public écoutent debout». Donc, s'il n'y avait qu'une séance, comme vous le soutenez, pour deux jours - nous sommes tout de même rentrés chez nous entre la séance de nuit d'hier et aujourd'hui - l'exhortation ne serait pas prononcée à chaque séance.
Enfin, l'article relatif au troisième débat est particulièrement clair : le troisième débat a lieu lors de la même séance, dans l'hypothèse où une demande est faite par le Conseil d'Etat, ou à l'unanimité du Bureau, ou à l'unanimité de la commission. Autrement, il a lieu lors d'une séance ultérieure. Nous sommes bel et bien dans le cas d'une séance ultérieure. Cela me semble indiscutable par rapport aux articles que j'ai rappelés.
M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, l'argumentaire de M. Grobet est grammaticalement juste, mais il est complètement faux par rapport au mode de vie de notre parlement. Il est parfaitement exact de dire que l'article 7 définit les séances. C'est vrai que notre cahier bleu prévoit des convocations à 17 h, 19 h, etc., et, techniquement, chacune de ces convocations doit être considérée comme une séance, de sorte que du point de vue grammatical on peut considérer que la séance de maintenant - de 17 h - est ultérieure à celle que nous avons tenue à 14 h, par exemple : il s'agit d'une autre séance.
Seulement voilà, Monsieur Grobet, vous ne pouvez pas me démentir lorsque je vous dis que, peut-être pas depuis que le monde est monde mais depuis que le Grand Conseil est le Grand Conseil et qu'il siège en application de ce règlement, nous considérons que le troisième débat a lieu à une séance ultérieure où le futur a véritablement un sens de futur. Vous proposez une nouvelle interprétation de nos pratiques constantes et immuables, qui, parce qu'elles sont constantes et immuables, ont également force de loi, du moins dans l'interprétation de nos propres textes.
J'ajoute à l'appui de cela, Monsieur le député, que les textes auxquels vous faisiez référence, notamment les premiers articles de notre règlement, prévoient que les conditions de délais de convocation doivent être remplies pour qu'une séance puisse siéger. Par exemple, nous devons être convoqués assez longtemps à l'avance en sachant ce que prévoit notre ordre du jour. Et nous devons aussi recevoir un certain nombre de jours ou de semaines à l'avance la documentation qui nous sera utile pour les travaux de notre séance. Or, nous n'avons pas reçu, pour notre séance d'aujourd'hui 17 h, dans le délai de seize jours qui est prévu à l'article 8, les documents dont nous avons besoin pour voter.
Par conséquent, en faisant une lecture grammaticale attentive de ce texte - en droit, on commence généralement par l'interprétation grammaticale, parce qu'on imagine que le législateur n'est pas complètement analphabète... - nous nous apercevons que le texte suppose que nous ne travaillons pas, lors d'une séance, sur des objets qui n'ont pas été portés en temps utile à l'ordre du jour, avec la documentation adéquate. Vous êtes donc en train de commettre une violence contre ce parlement. Une de plus ! Je vois que le coup d'Etat est une habitude pour vous ! Cela vous paraît probablement plaisant...
Depuis que M. Grobet est de retour aux affaires exécutives, grâce à la Fondation de défaisance, il croit qu'il peut se livrer à n'importe quel coup de force sous les applaudissements de la foule ! Eh bien, le petit morceau de foule que nous représentons ne vous applaudit pas et vous demande de marquer un peu de respect à l'institution parlementaire et de ne pas nous faire ce que vous n'aimeriez pas que nous vous fassions dans un an et que nous ne vous avons pas fait il y a quatre ans, il y a six ans et il y a douze ans, lorsque vous étiez aux affaires !
Mais, si vous continuez à jouer à ce petit jeu, je vous informe, Monsieur le président, que la députation libérale, qui enjoint au Bureau de respecter le texte tel qu'il a été appliqué jusqu'à maintenant et qui le défie d'adopter sous la pression des événements une nouvelle version de ce texte, quittera cette salle pour ne pas participer à cette baguenauderie...
J'ajoute que, comme nous avons le sens de la courtoisie, nous n'en profiterons pas pour regagner nos demeures : nous reviendrons à 18 h 30 accueillir nos hôtes de la députation internationale du Sommet social. Mais nous n'accepterons pas de participer à des débats d'une telle tenue ! Nous demandons au Bureau de se faire, lui aussi, le porte-parole de ce point de vue. Si vous êtes un Bureau pluriel, ce n'est pas pour endosser systématiquement les abus de pouvoir de la majorité ! Je vous rappelle à vos devoirs ! (Applaudissements.)
M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Il a effectivement été constant, dans ce parlement, que le troisième débat, relatif à des lois vivement controversées, ait lieu à une séance ultérieure, entendant par là, dans le langage populaire, à une séance séparée de la séance au cours de laquelle a eu lieu le deuxième débat par au moins une nuit, en vertu de l'adage populaire : «La nuit porte conseil.» !
De manière générale, le troisième débat a toujours eu lieu à la session suivante - même si cette notion n'existe pas - soit trois semaines plus tard. Il est arrivé parfois, dans quelques rares cas, qu'une loi votée le jeudi fasse l'objet d'un troisième débat le vendredi, mais vouloir passer à un troisième débat le même jour, deux heures après le vote en deuxième débat, est clairement contraire à l'esprit de la loi portant règlement du Grand Conseil.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, compte tenu du problème qui est posé, le Bureau se réfère à l'article 231 : «Difficultés d'application : Les difficultés auxquelles peut donner lieu l'application du présent règlement sont tranchées par le Bureau qui, s'il le juge opportun, consulte la commission législative.» Je convoque donc la commission législative pour 17 h 45, à la salle Nicolas-Bogueret.
La séance est suspendue à 17 h 30.
La séance est reprise à 18 h 10.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle que conformément à l'article 231 l'appréciation de notre règlement a été portée devant la commission législative qui nous rapporte maintenant, avec un rapport de majorité de M. Christian Grobet et un rapport de minorité de M. Michel Halpérin. Il s'agit de savoir si le troisième débat relatif au projet de loi 8014, renvoyé à une séance ultérieure, doit avoir lieu durant cette séance ou à celle de 20 h 30, ou lors de la session du 21 septembre 2000. Je vous informe également que je devrai stopper ce débat impérativement à 18 h 30 pour recevoir nos hôtes du Sommet social.
Monsieur Grobet, vous avez la parole.
M. Christian Grobet(AdG), rapporteur de majorité. La commission législative s'est réunie au complet pour interpréter plus particulièrement l'article 134 de notre règlement relatif au troisième débat. Mais l'article 97 du règlement relatif à la modification de l'ordre du jour a également été évoqué ainsi que les articles 5 à 7 du règlement relatifs aux séances du Grand Conseil.
Nous sommes - les députés de la commission - au moins d'accord sur un point : c'est qu'au sens littéral du terme le Grand Conseil se réunit en séances successives dont le jour et l'heure sont fixés sur la convocation. Nous avons effectivement été convoqués pour deux séances hier soir et plusieurs séances aujourd'hui. Il est arrivé que nous ayons été convoqués, en début d'année, pour une seule séance extraordinaire au sujet de la Poste. Au sens littéral du terme, nous sommes tous d'accord pour dire que nous sommes présentement dans une séance ultérieure à la séance au cours de laquelle le projet de loi 8014 a été traité. La minorité de la commission - je laisserai M. Halpérin l'évoquer - considère que l'esprit de la loi implique que le renvoi à une séance ultérieure du troisième débat, sauf s'il est expressément demandé par le Conseil d'Etat, ou par une commission unanime, ou par le Bureau unanime, en vertu de l'alinéa 3 de l'article 134, devrait faire l'objet d'une nouvelle convocation. C'est également la thèse défendue par le président du Conseil d'Etat.
Il me semble nécessaire de revenir un petit peu en arrière. M. Halpérin a retrouvé les débats portant sur le règlement de 1969 à un moment - du reste, je m'en souviens - où le troisième débat avait lieu un mois plus tard. Mais le règlement a été changé, car cette règle qui impliquait de différer systématiquement le troisième débat était non seulement absurde mais retardait considérablement l'entrée en vigueur des lois. Avec le règlement tel que nous le connaissons maintenant et contrairement à ce que le président du Conseil d'Etat a déclaré tout à l'heure, le troisième débat a lieu la plupart du temps, de fait, dans la même séance que le deuxième débat. J'ai dit modestement qu'il avait lieu dans 90% des cas lors de la même séance que le deuxième débat, mais M. Blanc qui suit très attentivement nos débats et qui a présidé le Grand Conseil considère qu'il s'agit même de 98% des cas.
En fait, que doit-il se passer pour que le troisième débat n'ait pas lieu à la même séance que le deuxième débat ? De fait et de mémoire, une commission unanime ne l'a jamais proposé. M. Blanc s'est toutefois souvenu que le Bureau unanime l'avait demandé une fois durant sa présidence. Toujours est-il que ce sont des cas tout à fait exceptionnels. Notre règlement donne donc un très large pouvoir au Conseil d'Etat pour demander le troisième débat immédiatement. Et, évidemment, celui-ci en use à sa guise.
Dans les précédentes législatures, le troisième débat avait lieu presque systématiquement au cours de la même séance, sauf si, pour une raison très précise, il fallait différer le troisième débat. Il est arrivé parfois qu'un texte méritait d'être modifié, qu'il n'avait peut-être pas la couverture financière ou qu'on différait le troisième débat sur une loi en attendant qu'un article constitutionnel modifié soit approuvé par le peuple. De fait, Monsieur Segond - et vous le savez fort bien - le report du troisième débat pour des raisons politiques était quasiment inexistant jusqu'à la présente législature parce que la majorité politique du Conseil d'Etat et celle du Grand Conseil était la même ! Et, par voie de conséquence, le Conseil d'Etat n'avait pas besoin de refuser de demander le troisième débat.
Depuis la présente législature, on se trouve dans un cas de figure nouveau, à savoir que la majorité parlementaire ne correspond pas à la majorité du Conseil d'Etat. On a donc pu constater que le Conseil d'Etat s'abstenait de demander le troisième débat ou que le Bureau s'abstenait de le demander, et que, en fait, la majorité parlementaire ne pouvait pas obtenir que des projets de lois qui avaient été adoptés en deuxième débat soient adoptés rapidement. Et il est vrai que le règlement offre à la majorité de faire usage de ses droits.
Alors, je ne crois pas que l'on puisse parler de coutume dans un système où la majorité politique du Grand Conseil correspondait à celle du Conseil d'Etat !
Aujourd'hui, la situation est différente, et la nouvelle majorité du parlement fait usage de l'article 97. Je concède toutefois un point au rapporteur de minorité et à M. le président : peut-être que l'article 97 a été utilisé d'une manière excessive... Plus le temps a passé, plus le Grand Conseil a pris l'habitude de rajouter à l'ordre du jour un objet au dernier moment - une motion, une interpellation, voire un projet de loi - considéré comme urgent, bien que le règlement ne le dise pas expressément. Personnellement, je pense que l'article 97 mériterait d'être précisé, et nous devrions en discuter à nouveau en commission législative.
J'aimerais tout de même faire remarquer que le projet 8014 dont nous débattons aujourd'hui n'a pas fait l'objet d'une demande de traitement en urgence, comme cela a été le cas hier soir pour un projet de loi complètement nouveau modifiant la loi pénitentiaire qui a été renvoyé directement à la commission judiciaire. Le projet de loi qui nous occupe ce soir figurait à l'ordre du jour, et les députés ont reçu les documents y relatifs. Mais le Conseil d'Etat, pour des raisons politiques - pas pour des questions de texte - n'a pas voulu demander le troisième débat. Il est évident que le Conseil d'Etat est dans son droit en renonçant à demander le troisième débat pour des raisons politiques, mais alors, Monsieur Segond, ne vous étonnez pas que la majorité du parlement, dans ce cas, demande l'application de l'article 97 du règlement tel qu'il a été appliqué très généreusement ces derniers temps !
Je tiens à dire une dernière chose. Mme la sautière a retrouvé le rapport de la séance du 13 septembre 1985 au cours de laquelle l'article 134, dans sa teneur actuelle, c'est-à-dire portant sur le troisième débat, a été adopté. Je vous lis le commentaire, même s'il n'est pas décisif - c'est la lecture du texte qui est décisive - je cite : «Le troisième débat aura lieu non pas nécessairement lors de la séance suivante mais lors d'une séance ultérieure, ce qui laisse au Grand Conseil une certaine souplesse dans l'organisation de ses ordres du jour.» En d'autres termes, le Grand Conseil a, avec l'adjectif «ultérieur», la possibilité de fixer le troisième débat, lorsqu'il n'a pas lieu lors de la même séance, soit à la séance suivante - on ne parle pas ici de l'exception qui consiste à voter le troisième débat lors du même débat, parce que, M. Halpérin le rappellera tout à l'heure, l'alinéa 3 qui est appliqué systématiquement est en fait une exception : c'est un peu le paradoxe de la situation - soit à une séance ultérieure.
Mesdames et Messieurs les députés, je crois que le texte du règlement est clair, nous sommes en droit de demander que le troisième débat ait lieu lors de la présente séance ! C'est la conclusion à laquelle la majorité de la commission est arrivée.
M. Michel Halpérin(L), rapporteur de minorité. Je voudrais commencer ma brève intervention en rappelant que l'activité du législateur n'est ni dépourvue de risques ni dépourvue de responsabilités. Lorsque nous adoptons un texte, parce que nous sommes le législateur, il déploie des effets normatifs qui s'imposent à nos compatriotes et qui constituent par conséquent des textes avec une charge particulière. C'est ce qui explique que nous avons un règlement, depuis des décennies.
Nous n'avons pas réussi, dans nos courts travaux de commission de tout à l'heure, à remonter tout le cours du temps et à séparer les débats. Mais si vous relisez attentivement le septième chapitre du règlement du Grand Conseil, vous verrez que les débats sont décrits d'une manière minutieuse : la préconsultation, le premier débat, le deuxième débat et le troisième débat. Le troisième débat est prévu sur le texte résultant du deuxième. Il est donc un débat conclusif et il est en principe porté à l'ordre du jour d'une séance ultérieure.
M. Grobet a rappelé à l'instant le très court commentaire à propos de cet article figurant dans nos débats de 1985, au moment de l'adoption de cette loi-ci, qui précise qu'il s'agit bien en principe non pas de la séance suivante mais d'une séance ultérieure - ce qui n'exclut pas la séance suivante. Ce texte - de nos débats de 1985 - ne dit rien d'autre, mais le texte de l'article 134 rappelle l'exception - qui chez nous est la règle - selon laquelle l'assemblée peut, sur proposition d'une commission unanime, du Conseil d'Etat, ou du Bureau unanime, décider par vote d'ouvrir immédiatement le troisième débat.
J'ai retrouvé dans les travaux de nos ancêtres de 1969, qui avaient adopté le texte précédent, une partie du rapport qui portait sur l'article relatif au troisième débat, article qui portait alors le numéro 88. On y expliquait qu'en effet, déjà il y a trente ans, l'exception était la règle et que le texte devait être soumis à une discussion ultérieure, sauf si la commission unanime demandait le débat immédiat. Et le commentaire était - parce qu'il fallait interpréter les textes, déjà à l'époque - qu'il n'était pas nécessaire que la commission soit unanime sur le projet de loi, mais qu'elle devait l'être sur la nécessité d'en débattre immédiatement en troisième débat. Ainsi, il incombait au rapporteur du projet de loi de préciser au Grand Conseil si la commission unanime souhaitait ou non le troisième débat, ce qui donne une raison assez compréhensible à l'existence même de ce troisième débat différé, c'est-à-dire que le deuxième débat est la dernière étape avant l'aboutissement et que la portée de nos textes justifie que nous nous donnions un peu de réflexion avant de faire peser sur nos concitoyens leur férule.
Je réponds à ce que disait à l'instant M. Grobet sur la pratique. C'est vrai que le Conseil d'Etat, dans la pratique, est celui qui décide si oui ou non nous aurons un troisième débat, et il est vrai également que l'usage qu'il fait de la faculté de ne pas demander le troisième débat a très souvent un caractère politique. Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à mettre cette faculté réservée à l'exécutif en rapport avec l'article 94 de la constitution qui permet au même Conseil d'Etat de ne pas promulguer une loi que nous avons votée, de la retenir pendant six mois et de nous la renvoyer avant de la promulguer. C'est un de ces textes par lesquels, dans notre système constitutionnel, l'exécutif a un privilège par rapport au législatif. On peut aimer ou ne pas aimer cela, mais c'est la norme !
J'ajoute encore que, de fait, le troisième débat n'est pas demandé lorsqu'il y a un conflit entre le Conseil d'Etat et le parlement. Je m'inscris en faux contre ce que vous a dit M. Grobet tout à l'heure : il n'y avait pas d'accord unanime ni même largement majoritaire dans les précédentes législatures, quand bien même il y avait une certaine convergence ! Je rappelle que nous ne sommes pas dans un système binôme, mais que nos gouvernements sont des gouvernements d'union nationale - pour utiliser le vocabulaire consacré ailleurs - de sorte qu'il n'a pas été rare dans des législatures précédentes de voir des troisièmes débats renvoyés.
Et, donc, c'est le choix du Conseil d'Etat qui peut être fait pour des motifs politiques. Aujourd'hui, nous voulons l'en priver pour d'autres motifs politiques, et je réitère ce que je vous ai dit tout à l'heure : c'est une violence faite à nos habitudes parlementaires ! Nous ne fonctionnions pas ainsi autrefois !
J'ajoute, et je terminerai par cette considération : la constitution, comme notre règlement, prévoit que nos séances soient publiques, que nos ordres du jour soient publiés avant nos séances et que nous recevions nos textes et les documents qui les accompagnent seize jours à l'avance. C'est la raison pour laquelle M. Grobet, qui, sur ce point, s'est rapproché de mon point de vue, admet que la pratique en cours et en vogue depuis trois ans dans ce parlement, qui consiste à modifier les ordres du jour un peu à la bonne franquette en fonction du sentiment que la majorité du moment a de l'urgence du jour, est une dérive. Et cette dérive a atteint son paroxysme aujourd'hui, parce qu'aujourd'hui nous avons franchi une étape supplémentaire : nous ne nous contentons pas d'une modification de l'ordre du jour, nous essayons de violenter cette invitation que comporte le règlement à réfléchir à nos textes avant de les adopter, parce que ce que nous faisons entraîne des conséquences pas seulement pour nous mais pour les autres !
C'est l'ensemble des raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission, très ferme, invite le Bureau - ce rapport, je le précise, est adressé au Bureau qui tranche en dernière analyse : ce n'est pas ce Conseil qui vote - à respecter notre coutume parlementaire, à appliquer le texte comme il l'a été jusqu'ici d'une façon ininterrompue et à ne pas - à l'occasion d'une saute d'humeur passagère, due probablement à la température excessive qui règne à l'extérieur et qui règne à l'intérieur même de nos débats - perdre de vue la sérénité qui devrait être de rigueur chez des magistrats !
Je vous invite, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres du Bureau, à adopter le rapport de minorité de la commission législative, qui a le mérite de s'inscrire dans la continuité de nos travaux et d'être infiniment moins passionnel que le point de vue de la majorité si pressée d'écraser ses adversaires !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande de ne pas ouvrir un débat à ce sujet. Monsieur Pagani, vous demandez la parole ?
Des voix. Non !
Le président. Bien, Monsieur Blanc, vous avez la parole !
M. Claude Blanc(PDC). Il me semble que ce qui n'a pas été suffisamment dit ici par les deux rapporteurs, c'est l'esprit qui a présidé à la volonté de différer le troisième débat. Il est incontestable que l'esprit de la loi est que, dans certains cas, si le Conseil d'Etat ne demande pas le troisième débat, c'est qu'il demande au Grand Conseil de réfléchir encore, après les débats, pour savoir si la loi qu'il est en train de voter est bien conforme, à tous les points de vue, à ce que le Grand Conseil a véritablement voulu.
Aujourd'hui, la majorité tente d'interpréter le règlement en disant qu'une «séance ultérieure» peut être la séance suivante, le même jour. Le texte est à mon avis suffisamment flou pour que vous puissiez en tirer cette conclusion, mais si vous vouliez avoir une certaine honnêteté intellectuelle, vous admettriez que l'esprit de la loi, ce n'est pas cela ! Et vous devriez accepter que ce projet de loi soit renvoyé à une séance ultérieure pour donner le temps de la réflexion ! Entre la lettre de la loi qui est floue et l'esprit de la loi qui ne l'est pas, je pense que nous devons nous plier à l'esprit de la loi !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous suspendons nos travaux cinq minutes, le temps que le Bureau délibère pour trancher.
La séance est suspendue à 18 h 30.
La séance est reprise à 18 h 35.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux. Suite au différend qui nous a opposés au sujet de l'application de l'article 134, alinéa 2, le Bureau a consulté la commission législative qui vient de rapporter. Le Bureau a ensuite délibéré : il est partagé entre l'aspect strictement juridique de la loi et l'esprit de cette loi. Toutefois, la grande majorité du Bureau est favorable au respect de l'esprit de la loi et a donc tranché dans ce sens : ce point sera mis à l'ordre du jour de notre séance du 21 septembre 2000 ! (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons nos travaux.
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'avoir maintenant un peu de dignité ! Nous allons vivre un moment important, puisque nous allons traiter le point 5a de notre ordre du jour, soit la résolution 425 pour présenter les enjeux du «Sommet social». C'est un événement extrêmement important pour notre cité, car deux délégués, un de l'ONU et l'autre des ONG, vont intervenir.
Je demande à ce que nos deux hôtes entrent dans la salle ! (L'assemblée se lève pour accueillir M. François Houtart et M. Juan Somavia tout en les applaudissant.)