Séance du jeudi 22 juin 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 9e session - 32e séance

PL 8264
38. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la procédure administrative (E 5 10) (coordination des procédures). ( )PL8264

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1 Modifications

La loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, est modifiée comme suit :

Art. 12, al. 3, phrase 2 (nouvelle)

L'article 12A est réservé.

Art. 12A Coordination (nouveau)

1 La compétence de statuer en application de législations ayant entre elles un lien matériel étroit est confiée en principe à une seule autorité, dans le cadre d'une procédure directrice aboutissant à une décision globale sujette à recours auprès d'une même juridiction.

2 Le Conseil d'Etat définit par voie réglementaire :

3 La décision globale est sujette à recours auprès de la juridiction compétente dans le cadre de la procédure désignée comme procédure directrice.

4 Lorsqu'une coordination par concentration n'est pas nécessaire, les autorités compétentes veillent à harmoniser leurs décisions d'un point de vue chronologique et matériel.

Art. 60, al. 2 (nouveau, l'alinéa unique devenant l'alinéa 1)

2 La qualité pour recourir contre une décision globale au sens de l'article 12A suppose la qualité pour recourir contre l'une des mesures individuelles et concrètes intégrées dans la décision globale.

Article 2 Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Introduction

Dans le projet de loi 7485 d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, rédigé par le Conseil d'Etat, figurait un chapitre III (art. 6 à 12), relatif à la coordination des procédures.

Ce projet de loi fut accepté par la Commission de l'environnement et de l'agriculture du Grand Conseil, mais ce dernier, lors de sa séance du 2 octobre 1997, décida de ne pas adopter ledit chapitre.

La loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement est donc entrée en vigueur le 1er janvier 1998, amputée des dispositions sur la coordination.

Il convient cependant de rappeler que de nombreux projets requièrent l'application de législations diverses, et la prise de différents types de décisions. Ainsi, par exemple, certains projets de construction nécessitent des autorisations délivrées en application de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 et - sans que l'énumération ne soit exhaustive - des législations et réglementations sur la pêche, les eaux, les forêts ou la végétation arborée.

L'objectif d'une procédure de coordination consiste, - selon une jurisprudence développée par le Tribunal fédéral et reprise dans la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures de décision, du 18 juin 1999 -, à éviter des décisions contradictoires et à permettre au minimum à une autorité de recours de première instance d'envisager tous les aspects d'un problème, dans le cadre d'une pesée globale des intérêts en présence, ceci dans les cas où les lois applicables à un projet donné ont entre elles un lien matériel étroit (voir notamment l'arrêt de principe Chrüzlen ATF 116 Ib 50).

Les maîtres-mots de la coordination sont ainsi simplification des procédures et harmonisation matérielle et chronologique des décisions.

La pratique administrative s'est d'ores et déjà largement conformée à ces exigences, certaines lois récemment votées, comme celle sur les déchets, ayant intégré cette approche.

La coordination implique l'introduction de nouveaux principes procéduraux, en particulier en matière de compétences, raison pour laquelle il s'est avéré nécessaire de modifier quelque peu la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985.

Il sied également de relever que la jurisprudence en matière de coordination a essentiellement trait aux législations sur la protection de l'environnement et sur l'aménagement du territoire, y compris la police des constructions.

C'est donc dans un premier temps et à titre expérimental dans ces domaines qu'il conviendra de généraliser la prise en compte des principes de coordination. Ceux-ci pourront par la suite s'appliquer, lorsque cela s'impose, à l'ensemble de la législation cantonale, une fois testées l'ensemble des implications pratiques de cette procédure.

2.  Commentaires article par article

L'article 12, alinéa 3, phrase 2

Cet alinéa stipule que l'autorité administrative hiérarchiquement supérieure ne peut évoquer une affaire traitée par une autorité subordonnée si cela a pour effet de priver les parties d'une possibilité de recours à une juridiction administrative.

Une coordination par concentration peut avoir pour effet, sur l'une ou l'autre des questions accessoires à intégrer à la décision globale, d'une part de conférer la compétence décisionnaire précisément à l'autorité hiérarchiquement supérieure à l'autorité normalement compétente, et, d'autre part, d'attribuer le contentieux à une autre juridiction qu'à l'autorité de recours normalement compétente, en dérogation au principe énoncé à l'article 12, alinéa 3 LPA. Aussi convient-il, dans cette disposition, de réserver cette hypothèse.

L'article 12 A institue à l'alinéa 1 les principes de la coordination. Par définition, la nécessité de recourir à cette dernière ne peut survenir que si la réalisation d'un projet donné requiert l'application de législations différentes, ayant entre elles un lien matériel étroit, et dont l'application est, en principe, du ressort de plusieurs autorités appelées à rendre des décisions.

Les cas qui se présentent le plus fréquemment sont ceux liés à un projet faisant l'objet d'une requête en autorisation de construire. Suivant la nature de l'objet, il pourra s'avérer nécessaire de délivrer des autorisations en application de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, du règlement sur la conservation de la végétation arborée, du 27 octobre 1999 (abattage d'arbres), de la loi sur les forêts, du 20 mai 1999 (constatation de la nature forestière, défrichement), de la loi sur les eaux, du 5 juillet 1961 (autorisations concernant les corrections de cours d'eau, la création de protections ou l'utilisation des eaux publiques), de la loi sur le domaine public, du 24 juin 1961 (en particulier pour les permissions ou concessions), de la loi sur les routes, du 28 avril 1967, sur la pêche, du 20 octobre 1994, sur la faune, du 7 octobre 1993, ou sur l'énergie, du 18 septembre 1986.

Grâce à la coordination, une seule décision dite globale sera rendue, par une seule autorité, dans le cadre d'une procédure directrice à définir. La décision globale comprendra donc les diverses mesures individuelles et concrètes nécessitées par le projet et sera sujette à recours auprès d'une même juridiction.

L'alinéa 2 de l'article 12A prévoit une délégation de compétences à l'égard du Conseil d'Etat à qui il appartiendra de définir, par voie réglementaire, les cas dans lesquels la coordination par concentration ci-dessus décrite sera nécessaire, les procédures directrices applicables, ainsi que les modalités de la coordination, soit notamment les tâches de l'autorité directrice, les délais et autres règles de procédures à respecter.

L'alinéa 3 rappelle que l'autorité de recours sera exclusivement celle désignée par la loi en application de laquelle est conduite la procédure directrice.

Dans l'exemple précité des autorisations de construire, la décision globale sera d'abord portée devant la commission de recours en matière de constructions, puis le cas échéant, devant le Tribunal administratif.

Enfin, l'alinéa 4 vise à attirer l'attention des autorités sur la nécessité d'harmoniser leurs diverses décisions chronologiquement et matériellement, même lorsqu'une coordination par concentration n'est pas nécessaire, en particulier pour des cas de peu d'importance n'impliquant que deux procédures.

L'article 60, alinéa 2 nouveau vise à compléter l'actuelle disposition relative à la qualité pour recourir, en apportant une précision en relation avec la coordination. En effet, pourront recourir à l'encontre d'une décision globale au sens de l'article 12A les personnes ou entités ayant la qualité pour recourir contre l'une des mesures individuelles et concrètes intégrée dans cette décision globale.

Ainsi, par exemple, une association de protection de l'environnement ayant des griefs à faire valoir à l'encontre d'autorisations d'abattage d'arbres, sera habilitée à recourir contre la décision globale en autorisation de construire ou en approbation d'un plan d'affectation.

Vu les explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.

Ce projet est renvoyé à la commission législative sans débat de préconsultation. 

La séance publique est levée à 18 h 45.

Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos