Séance du
jeudi 8 juin 2000 à
17h
54e
législature -
3e
année -
8e
session -
28e
séance
PL 8252
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1 Modifications
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 57 (nouvelle teneur, sans modification de l'intitulé)
1 Lors d'une votation, l'électeur doit exprimer sa volonté exclusivement en cochant, sur le bulletin de vote, la case « oui » ou la case « non » correspondant à chacune des questions posées.
2 Lors d'un vote sur une initiative et un contre-projet, l'électeur doit au surplus exprimer sa volonté en cochant, sur le bulletin de vote, la case « initiative » ou la case « contre-projet » pour répondre à la question subsidiaire posée.
Art. 66, al. 5 (nouveau)
5 L'article 67 demeure réservé.
Art. 67, al. 3 et 4 (nouveaux)
3 Pour les votations, le dépouillement des votes par correspondance peut se faire de manière anticipée le dimanche du scrutin, en présence d'électeurs désignés par le Conseil d'Etat.
4 Toutes mesures utiles doivent être prises pour garantir le secret du dépouillement anticipé des votes par correspondance jusqu'à la clôture du scrutin.
Article 2 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Vote par correspondance et augmentation de la participation
Le vote par correspondance a été introduit à Genève en 1991. Eprouvé tout d'abord par le biais d'une procédure simplifiée, il a été généralisé en 1995 vu son succès. Lors des derniers scrutins, plus de 90 % des votants ont utilisé ce moyen d'exprimer leur volonté.
Le premier effet de cette extension des moyens de vote a été l'augmentation de la participation dans le canton de Genève. Elle est aujourd'hui supérieure à la moyenne fédérale.
Corollaire de ce qui doit être considéré comme une avancée démocratique, le nombre de bulletins à traiter s'est également accru.
La durée des opérations de dépouillement a ainsi logiquement augmenté.
Au surplus, Genève est le canton qui compte le plus d'électeurs inscrits par local de vote. La plupart des locaux doivent ainsi dépouiller quatre à cinq fois plus de bulletins que ceux des autres cantons. C'est ainsi que, lors de la votation du 7 juin 1998, les deux plus grands arrondissements électoraux genevois (Carouge et Onex) ont eu, à eux deux, plus de bulletins à traiter que Uri et Obwald.
2. Dépouillement anticipé du vote par correspondance
Aujourd'hui, en matière de votations, le gain de temps induit par le vote par correspondance n'est pas répercuté sur les opérations de dépouillement qui ne sont pas effectuées de façon centralisée (contrairement aux élections). En effet, à leur arrivée, les bulletins des votes anticipés sont stockés au service des votations et élections (ci-après : SVE). Ils sont ensuite renvoyés dans les locaux de vote correspondants où le dépouillement ne débute qu'après la clôture du scrutin. Cette procédure et la grandeur des arrondissements électoraux ont notamment pour conséquence le fait que Genève est régulièrement parmi les derniers cantons à annoncer ses résultats de votations à la Chancellerie fédérale.
Par ailleurs, la gestion des locaux de vote peut être problématique. Elle est confiée à des miliciens qui, souvent, n'officient qu'une à deux fois dans leur existence en qualité de président ou vice-président d'arrondissement électoral. Des problèmes de fiabilité et des lenteurs s'ensuivent. Dans bien des cas, ils ont affecté la qualité des prestations des locaux de vote concernés.
Si ces dysfonctionnements influencent également la rapidité avec laquelle le canton peut annoncer des résultats définitifs, ils peuvent surtout porter atteinte à la crédibilité d'une opération électorale et avoir des conséquences politiques plus graves.
Forts de ces constats, le SVE et le Département de justice et police et des transports, auquel il est actuellement rattaché, ont procédé à une étude visant à l'amélioration du dépouillement des votations à Genève, tant du point de vue de la qualité que de la vitesse d'exécution.
Les conclusions de cette étude préconisent la centralisation du dépouillement du vote par correspondance, comme cela existe déjà en matière d'élections, pour éviter l'influence déterminante des locaux de vote sur la durée et la fiabilité du dépouillement. Elles recommandent également sa réalisation anticipée, comme cela se fait dans 14 cantons suisses, pour bénéficier du gain de temps induit par le vote par correspondance.
A ce sujet, le Conseil d'Etat avait conclu, en 1997, qu'un dépouillement dès le samedi matin n'était pas concevable, compte tenu des risques de fuite. Toutefois, il pouvait être envisagé le dimanche matin, soit avant la clôture du scrutin, pour autant que le personnel commis au comptage des votes soit mis à l'isolement, afin de préserver toute influence sur les personnes encore susceptibles de voter.
Un dépouillement anticipé des votes n'est concevable que dans le cadre d'un dépouillement centralisé, dont l'art. 67 LEDP permet déjà l'organisation.
3. Contrôle démocratique du dépouillement
Alors que les opérations de dépouillement des votes déposés directement dans les urnes des locaux de vote doivent continuer à être publiques, comme le prévoit l'art. 66, al. 2 LEDP, il s'impose en revanche que le dépouillement anticipé des votes par correspondance soit effectué par des jurés réunis en quelque sorte en conclave, mais, en contrepartie, en présence d'électeurs chargés d'en garantir le bon déroulement. Il sied de le préciser dans la loi elle-même, à charge pour le Conseil d'Etat de désigner ces électeurs.
Il serait sans doute même nécessaire que les personnes chargées d'un tel dépouillement aient pour partie des compétences professionnelles, afin d'améliorer la fiabilité et la rapidité des opérations. Ce pourrait être, par exemple, pour partie des collaborateurs du SVE ou d'autres services appropriés, comme c'est le cas pour le dépouillement centralisé des élections.
4. Lecture optique des bulletins de vote
Les simulations effectuées ont démontré que seule une lecture optique des bulletins de vote par machine permettrait un dépouillement anticipé des votes par correspondance concentré sur une seule demi-journée.
Cette procédure aurait également l'avantage de diminuer sensiblement le nombre de jurés électoraux à convoquer lors des différents scrutins.
Or, en règle générale, les citoyens n'accueillent guère avec plaisir les citations à officier en qualité de juré électoral. Le nombre d'excuses et de défaillances n'a cessé de croître au fil des ans. Ce sont ainsi plus de 60 % des jurés convoqués qui ne se présentaient pas dans certains locaux de vote de la ville et des communes suburbaines. Pour tenter de remédier à cet absentéisme, le SVE a notamment augmenté le montant des amendes infligées aux jurés défaillants. Cette mesure incitative efficace n'a toutefois pas accru la popularité de cette fonction ponctuelle, pas plus d'ailleurs qu'elle n'a contribué à améliorer la qualité du travail fourni.
5. Modification du bulletin de vote
Pour permettre son traitement mécanique, le bulletin de vote actuel devrait être remplacé par un bulletin lisible optiquement. Les machines que le SVE envisage d'acquérir assureraient une lecture de 10 000 bulletins de vote à l'heure. L'utilisation simultanée de 5 machines permettrait de dépouiller le vote par correspondance en une demi-journée.
Le seul inconvénient de ce système, identifié à ce jour, est le retour au dépouillement à la coche dans les locaux de vote. Mais comme cela a été précisé plus haut, les bulletins déposés dans l'urne représentent actuellement moins de 10 % du vote total et ce pourcentage va en diminuant.
L'hypothèse consistant à émettre deux types de bulletins de vote, l'un pour le vote dans les locaux, l'autre pour le vote par correspondance, a été écartée pour des questions pratiques.
6. Traitement des bulletins litigieux
Par définition, une machine à lecture optique ne peut prendre en compte que les inscriptions figurant dans son champ d'exploration qui correspond, en l'occurrence, à chaque case « oui » et « non », ou « initiative » et « contre-projet », par question posée.
Cela dit, la machine peut être programmée pour soumettre au contrôle manuel, et donc sortir de son circuit et de sa comptabilité, tout bulletin qui contiendrait une coche dans le « oui » et le « non » pour une question posée, voire les bulletins où les deux cases correspondant à une même question ne sont pas cochées (encore que l'on puisse considérer dans le cas d'espèce qu'il s'agit d'une abstention, sans qu'il soit nécessaire d'aller plus loin dans l'investigation, en cherchant un signe qui aurait éventuellement été apposé en-dehors du champ d'exploration de la machine).
7. Modifications légales
La mise en place d'une procédure permettant le dépouillement anticipé du vote par correspondance requiert la réalisation préalable de deux conditions :
une modification de la loi cantonale sur l'exercice des droits politiques ;
l'acquisition des machines correspondantes.
A ce dernier usage, un crédit de 250 000 F a déjà été voté par le Grand Conseil en 1999. La somme est inscrite au budget 2000 du SVE.
S'agissant des modifications légales, la disposition qui concerne la manière d'exprimer la volonté de l'électeur doit être adaptée à l'utilisation de bulletins de vote permettant la lecture optique. Par ailleurs, l'article sur le dépouillement centralisé doit être complété pour servir de base légale au dépouillement anticipé du vote par correspondance.
La proposition de permettre le dépouillement anticipé des votes par correspondance n'est présentée que pour les votations. Ainsi, le cas échéant, l'aval du législatif serait nécessaire pour étendre la possibilité d'un dépouillement anticipé pour des élections.
Ces modifications font l'objet du présent projet de loi.
8. Commentaires article par article
Art. 57 Manière d'exprimer sa volonté (nouvelle teneur)
Le premier alinéa de cette disposition doit être modifié. La lecture optique du bulletin de vote entraîne pour l'électeur un changement dans sa manière d'exprimer sa volonté. Il convient dès lors de préciser que, pour chaque question posée, la case « oui » ou la case « non » doit être cochée sur le bulletin de vote.
Le second alinéa de cet article doit également être adapté. Par symétrie, la question subsidiaire permettant à l'électeur de manifester sa préférence entre une initiative et un contre-projet doit aussi faire l'objet d'un marquage de la case correspondante. L'emploi de cases « oui » et « non » en face de la mention « initiative » ou « contre-projet » reviendrait en effet à répéter les questions relatives à l'acceptation ou au rejet de l'initiative et du contre-projet, sans permettre de déterminer le choix de l'électeur s'ils étaient tous deux acceptés.
L'on remarquera à ce sujet que le vote à la coche n'est pas une nouveauté à Genève, puisqu'il existe déjà actuellement pour exprimer sa préférence entre une initiative et un contre-projet, dans l'hypothèse où ils sont tous deux acceptés.
Art. 66, al. 5 Opérations de dépouillement (nouveau)
Dans la règle, le dépouillement débute après la clôture du scrutin. L'exception liée au dépouillement anticipé du vote par correspondance pour les votations doit être réservée, en ce qu'elle prévoit, un dépouillement avant la clôture du scrutin et en ce que l'opération n'est pas publique, pour des raisons afférentes au secret du dépouillement.
Un renvoi à l'article 67 doit ainsi être fait.
Art. 67, al. 3 et 4 (nouveaux) Dépouillement anticipé des votes par correspondance
La procédure liée au dépouillement du vote par correspondance pour les votations doit faire l'objet d'une disposition spéciale dans le cadre de l'article consacré au dépouillement centralisé, car elle est la seule à permettre le traitement anticipé des bulletins de vote.
La disposition indique que le dépouillement centralisé des votes par correspondance s'effectue de manière anticipée et précise qu'il a lieu le dimanche du scrutin, en présence d'électeurs désignés par le Conseil d'Etat.
Il sied de stipuler explicitement que le secret du dépouillement anticipé des votes par correspondance doit être garanti jusqu'à la clôture du scrutin, étant rappelé que des électeurs désignés par le Conseil d'Etat assisteraient au dépouillement pour en garantir un contrôle démocratique.
9. Approbation fédérale
L'article 91, alinéa 2 de la loi fédérale sur les droits politiques, du 17 décembre 1976 (RS 161.1), stipule que les dispositions cantonales d'exécution doivent être approuvées par la Confédération pour être valables.
C'est ainsi que les modifications de la loi cantonale sur l'exercice des droits politiques devront être soumises à l'approbation fédérale une fois votées par le Grand Conseil, avant leur entrée en vigueur.
C'est animés de la volonté d'offrir aux électeurs une procédure de dépouillement pour les votations qui contribue à garantir la qualité et la confidentialité des scrutins que nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil au présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil sans débat de préconsultation.